Question de M. CHAILLOU Christophe (Loiret - SER) publiée le 21/03/2024

Question posée en séance publique le 20/03/2024

M. le président. La parole est à M. Christophe Chaillou, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Christophe Chaillou. Monsieur le ministre de l'intérieur et des outre-mer, un nouveau centre de rétention administrative (CRA) a ouvert le 5 février dernier à Olivet, dans le département du Loiret, dont je suis élu.

Cette ouverture s'est déroulée dans un contexte difficile, avec le sentiment d'une certaine impréparation, le Loiret étant un département particulièrement sous-doté en policiers, en magistrats, en greffiers et en médecins, tous indispensables dans les processus liés à la rétention administrative, d'où l'inquiétude manifestée devant la montée en puissance très rapide de ce centre.

Monsieur le ministre, je souhaite vous alerter et alerter par la même occasion le reste du Gouvernement sur la nécessité de pourvoir le plus rapidement possible tous les postes - police, justice, préfecture - liés à l'ouverture de ce centre.

Les agents affectés aux CRA - dont de nombreux jeunes policiers sortis de l'école - doivent être soutenus et accompagnés, y compris pour veiller à ce que leurs missions s'exercent dans le respect des droits fondamentaux de la personne humaine, alors même que le profil des individus retenus est de plus en plus difficile - et aussi de plus en plus jeune -, compte tenu des instructions visant à privilégier le placement des profils les plus dangereux pour l'ordre public.

Au-delà du centre d'Olivet, le constat est largement partagé : la mobilisation des moyens financiers et humains pour ces centres est considérable, y compris au regard de l'effectivité réelle des mesures d'éloignement. Les interrogations sont nombreuses : la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté nous alertait l'an dernier sur ce sujet.

Il est temps de nous interroger sur les procédures, sur le fonctionnement et, plus largement, sur le sens que nous devons donner à ces centres de rétention, et ce dans le respect des principes fondamentaux de notre République.

Monsieur le ministre, ma question est la suivante : la trajectoire établie par la loi du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi) - plus de 1 000 places supplémentaires - est-elle réaliste au regard des moyens budgétaires à mobiliser et des mesures d'éloignement réellement exécutées ? Permettra-t-elle d'améliorer les conditions d'exercice pour les policiers et les magistrats et de mieux prendre en charge les personnes retenues dans le respect de leurs droits fondamentaux ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

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Réponse du Ministère de l'intérieur et des outre-mer publiée le 21/03/2024

Réponse apportée en séance publique le 20/03/2024

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer.

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer. Monsieur le sénateur, oui, la Lopmi prévoit - je remercie d'ailleurs le groupe socialiste, auquel vous appartenez, de l'avoir soutenue, et c'était un soutien franc et massif ; le fait que le groupe socialiste vote pour un texte du ministère de l'intérieur est chose assez rare pour que je m'en souvienne...

M. Rachid Temal. Nous sommes exigeants !

M. Gérald Darmanin, ministre. La Lopmi prévoit, disais-je, la création de places dans des centres de rétention administrative, centres qui, d'ailleurs, ont été imaginés et créés par un gouvernement socialiste voilà plus de quarante ans.

Les places en CRA sont importantes et leur nombre doit doubler d'ici à 2027. J'ai annoncé en octobre dernier les sites retenus : Dijon, Oissel, Nantes, Béziers, Aix-en-Provence, Goussainville, Nice, Olivet, Mérignac, Mayotte ainsi que le Dunkerquois. Ces constructions sont en cours, et certaines seront même inaugurées prochainement. Je me rendrai dans quelques jours à Olivet, dans le Loiret, pour inaugurer le nouveau centre de rétention administrative, qui a déjà commencé à fonctionner.

Pourquoi la rétention est-elle très importante ?

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ce n'est pas la question !

M. Gérald Darmanin, ministre. Tout d'abord, parce que nous avons changé de stratégie : nous plaçons désormais dans les centres de rétention administrative uniquement les personnes qui posent des problèmes d'ordre public ou qui constituent une menace de nature terroriste pour le territoire.

Ainsi, nous ne mettons désormais plus dans ces centres les mineurs, conformément à la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration ; celle-ci, vous ne l'avez pas votée en revanche, chacun s'en souvient, et je regrette d'ailleurs que vous n'ayez pas voté pour l'interdiction, proposée pour la première fois par un gouvernement, de placer des mineurs dans des centres de rétention administrative.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Nous avons voté pour cette mesure !

M. Gérald Darmanin, ministre. On n'y trouve donc plus que des personnes poursuivies pour des faits qui touchent à l'ordre public. Aussi, en effet, pour les magistrats comme pour les policiers, le travail y est plus difficile, car il s'agit d'individus dangereux. Pendant le temps de leur placement dans les CRA, ces personnes ne sont donc plus à l'extérieur et attendent, sous l'autorité du juge des libertés et de la détention, leur décision d'éloignement. On expulse trois fois plus de personnes lorsqu'elles sont placées dans des CRA que quand elles ne le sont pas. C'est la raison pour laquelle je vous remercie d'avoir voté pour la Lopmi, qui nous permet d'ouvrir 30 000 places de CRA. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ce n'était pas la question !

M. Gérald Darmanin, ministre. C'est ma réponse !

M. le président. La parole est à M. Christophe Chaillou, pour la réplique.

M. Christophe Chaillou. Monsieur le ministre, vous n'avez pas répondu à ma question, qui portait sur les moyens prévus pour faire fonctionner ces centres. Vous êtes le bienvenu dans le Loiret, où vous avez d'ailleurs annoncé le 1er janvier dernier la création de dix postes de policiers supplémentaires à Montargis ; on les attend encore !

Dans ce domaine, on peut communiquer, on peut inaugurer, mais il faut aller à l'essentiel...

M. le président. Il faut conclure !

M. Christophe Chaillou. ... en donnant des policiers, des gendarmes et des magistrats si l'on veut que cela fonctionne réellement ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER. - M. Martin Lévrier applaudit également.)

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