Question de M. LEFÈVRE Antoine (Aisne - Les Républicains) publiée le 28/03/2024

Question posée en séance publique le 27/03/2024

M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Antoine Lefèvre. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Monsieur le ministre, la rumeur qui bruissait depuis la semaine dernière a donc été confirmée par l'Insee ce mardi, dont les conclusions font froid dans le dos : notre déficit public accuse une dégradation de 0,6 point par rapport à l'objectif que le Gouvernement s'était fixé, atteignant ainsi le creux vertigineux de 5,5 % du PIB pour 2024.

Ces nouvelles prévisions placent la France parmi les pays aux finances publiques les plus dégradées de la zone euro, comme l'a indiqué la Cour des comptes dans son rapport annuel.

Le Sénat avait pourtant tenté de marquer le pas lors de l'examen du projet de loi de finances. Il avait ainsi permis de dégager 7 milliards d'euros d'économies. Hélas ! parmi les nombreuses mesures que nous avions proposées, vous n'en avez retenu aucune !

Comprenez l'agacement qui est le nôtre, monsieur le ministre, lorsque, après cinquante jours à peine d'exécution du budget, vous avez finalement consenti à ôter vos oeillères et avez décidé de sabrer par décret 10 milliards d'euros prévus par la loi de finances, tout en évitant soigneusement de consulter le Parlement !

Le rapporteur général de la commission des finances, Jean-François Husson, qui a procédé à un contrôle sur place et sur pièces à votre ministère la semaine dernière, a fait remarquer que ce niveau de déficit n'a jamais été atteint sous la Ve République, hors périodes de crise et de récession.

Monsieur le ministre, vous qui êtes amateur de littérature, et même auteur à vos heures perdues (Exclamations amusées.), je vous invite à méditer sur ces mots de Montaigne : « L'obstination et ardeur d'opinion est la plus sûre preuve de bêtise. »

Le président du Sénat, le rapporteur général du budget, le président de la commission des finances à l'instant même, l'ensemble des groupes politiques de notre assemblée - de la majorité comme des oppositions -, le Haut Conseil des finances publiques, qui, dans son avis, a dénoncé votre prévision de croissance - contrairement à ce que vous venez d'indiquer -, tous ont donné l'alerte. De votre côté, vous claironnez votre volonté de ne pas augmenter les impôts. Combien de temps vous faudra-t-il pour que vous acceptiez de sortir de ce déni mortifère face à notre situation financière, monsieur le ministre ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

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Réponse du Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique publiée le 28/03/2024

Réponse apportée en séance publique le 27/03/2024

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. « Quand on me contrarie, on éveille mon attention, non pas ma colère », écrivait Montaigne. Vous avez précisément éveillé mon attention, monsieur le sénateur. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Pascal Savoldelli. Il était temps !

M. Bruno Le Maire, ministre. Ce problème national des finances publiques ne remonte pas à un an, mais à des décennies ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) En effet, il y a une propension nationale à la dépense publique, bien partagée sur ces travées.

Le rapporteur général ne cesse de m'adresser des critiques sur les dépenses excessives. Or, au sortir du covid, alors que nous voulions en finir avec les dispositifs exceptionnels, il m'écrivait que telle profession attend du Gouvernement le rétablissement du fonds de solidarité, du chômage partiel et de l'indemnisation des coûts fixes, qui lui avaient permis de résister à la crise.

Des courriers comme celui-là, je n'en reçois pas quelques dizaines, ni des centaines, mais des milliers, et de tous les groupes politiques confondus ! Très peu me proposent des réductions de dépenses. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-François Husson. Nous vous avons suggéré des milliards d'euros d'économies !

M. Olivier Paccaud. Oui, pendant l'examen du budget !

M. Bruno Le Maire, ministre. Au contraire, on m'invite toujours à dépenser davantage pour mieux protéger les Français !

Puisque vous parlez de « déni », monsieur le sénateur, je vous invite à reconnaître la nécessité de sortir de cette addiction à la dépense publique, qui est la marque caractéristique de la France. (Nouvelles exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Il faut être capable de réduire les dépenses inefficaces et inutiles et de faire des choix de politique publique. C'est la raison pour laquelle je vous invite à participer, demain, à la réunion que je tiendrai avec l'ensemble des groupes politiques.

Je rejoins le président Raynal, qui a complètement raison : ce sont des choix de politique publique qu'il faut faire pour définir le type de société que nous voulons. Or les choix que défend le Gouvernement sont clairs : une société du travail, qui suppose de réformer l'indemnisation du chômage ; une société de la responsabilité, qui commande d'en finir avec la politique du tout-gratuit ; une société de l'innovation, qui renforce la croissance dans notre pays. Voilà ce que je vous propose, monsieur le sénateur ! (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, pour la réplique.

M. Antoine Lefèvre. Monsieur le ministre, vous avez annoncé que la réduction du déficit s'opérerait en priorité sur la protection sociale et les dépenses des collectivités. Ce sont donc les élus locaux qui, une fois de plus, seront désignés comme les boucs émissaires de votre mauvaise gestion financière du pays.

Je rappellerai à votre mémoire ces mots de Pierre Mendès France : « Les comptes en désordre sont la marque des nations qui s'abandonnent. » (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

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