Question de Mme CIUNTU Marie-Carole (Val-de-Marne - Les Républicains) publiée le 28/03/2024

Question posée en séance publique le 27/03/2024

M. le président. La parole est à Mme Marie-Carole Ciuntu, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Marie-Carole Ciuntu. Monsieur le ministre de l'intérieur et des outre-mer, parmi les vingt associations les plus subventionnées par l'État au titre des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » - 1,4 milliard d'euros par an -, Coallia occupe la première place, avec près de 150 millions d'euros perçus en 2022.

Or Coallia vient de faire l'objet d'un rapport édifiant de la Cour des comptes, lequel fait apparaître que cette association, confrontée à toujours plus de sollicitations de l'État pour répondre aux besoins en hébergement d'urgence, eux-mêmes sans cesse croissants en raison de la pression migratoire, est dans une situation très préoccupante.

En 2017, elle a frôlé le dépôt de bilan. Depuis lors, la Cour des comptes observe que Coallia ne maîtrise pas sa croissance due aux sollicitations grandissantes de l'État. Pis encore, l'association avoue ne plus savoir qui elle accueille dans ses centres et, plus précisément, dans quelles conditions : aucune procédure n'existe pour faire remonter d'éventuels événements graves.

La Cour des comptes en conclut qu'il est urgent pour l'État de se préoccuper de l'avenir de Coallia, laquelle doit mettre un terme aux réponses hétéroclites de court terme dont le coût ne semble pas lui poser question.

Monsieur le ministre, le rapport est accablant sur l'absence de contrôle de la part de l'État. Si le cas de Coallia est emblématique, il n'est pas isolé.

Quand comptez-vous exercer votre contrôle sur les différentes associations subventionnées à un niveau exceptionnellement élevé et intervenant dans le domaine de l'immigration ? N'est-il pas temps de mettre un terme à cette fuite en avant dans laquelle l'État, dépassé par une pression migratoire dont il a pourtant l'entière responsabilité, s'en remet par facilité à des associations ?

Celles-ci y répondent en effet tant bien que mal, voire de manière préoccupante, au coup par coup, dans l'indifférence évidente de leur donneur d'ordre et principal bailleur de fonds : l'État.

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Réponse du Ministère de l'intérieur et des outre-mer publiée le 28/03/2024

Réponse apportée en séance publique le 27/03/2024

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer.

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer. Permettez-moi de répondre en lieu et place de Mme Sabrina Agresti-Roubache, absente aujourd'hui, qui a la charge, sous mon autorité, des moyens importants accordés par l'État, mais pas seulement, à des associations chargées de missions de service public pour le compte du ministère chargé du logement et du ministère de l'intérieur. Ce dernier est responsable des demandeurs d'asile, tandis que le premier gère les autres aspects de l'hébergement d'urgence.

Nous avons pris connaissance du rapport de la Cour des comptes et j'ai chargé Mme Agresti-Roubache de recevoir les dirigeants de Coallia à ce sujet. Je tiens à souligner que votre assemblée est pleinement informée de la situation : les rapporteurs de la loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, Philippe Bonnecarrère et Muriel Jourda - cette dernière appartenant même à votre groupe politique - disposaient de ces informations lors du débat sur ladite loi comme lors de la préparation des rapports pour avis sur le projet de loi de finances pour 2024. Il en était de même du sénateur Meurant, qui était également membre de votre groupe politique.

L'État a donc transmis à plusieurs reprises toutes les informations pertinentes au Parlement, a alerté sur cette situation et a contribué aux travaux de la Cour des comptes, afin d'améliorer la structuration de cette association.

Coallia, comme d'autres associations, réalise un travail admirable pour l'accueil des demandeurs d'asile. C'est d'autant plus vrai que nous devons coopérer à la mise en oeuvre du programme Agir - pour Accompagnement global et individualisé des réfugiés -, qui ne se limite pas à l'accueil et à l'hébergement, comme vous semblez trop facilement le suggérer, mais englobe également l'intégration, une mission que Coallia, comme d'autres, remplit très bien.

Nous allons donc aider cette grande association à mieux se structurer, à mettre en oeuvre les recommandations de la Cour des comptes et, au besoin, adapter le conventionnement afin de tenir compte des observations du Parlement et des magistrats.

Je constate avec vous, madame la sénatrice, que la loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration offre justement la possibilité de reprendre en main, parfois directement, certains aspects de l'hébergement d'urgence.

L'une des difficultés réside dans la non-application de la circulaire du 12 décembre 2017 relative à l'examen des situations administratives dans l'hébergement d'urgence, dite Collomb-Denormandie, qui vise à distinguer, parmi les personnes hébergées dans ces centres, les demandeurs d'asile, les personnes faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF), les bénéficiaires de l'asile et les SDF.

Vous n'êtes pas sans savoir qu'une grande confusion règne en raison de la méconnaissance des profils des personnes hébergées dans ces sites. C'est précisément ce que la loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration tend à modifier, et nous nous y attelons. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Carole Ciuntu, pour la réplique.

Mme Marie-Carole Ciuntu. Monsieur le ministre, vous posez une bonne question. À ce niveau de pression migratoire depuis des années, on ne peut faire qu'une chose pour y répondre : prendre appui sur le tissu associatif. Celui-ci peut réaliser, pour partie, un travail admirable, mais cela masque surtout le fait que rien n'est sous contrôle, contrairement à ce que vous indiquez. (M. le ministre le conteste.)

Dès lors, il ne faudra pas s'étonner - la Cour des comptes l'aura dit ! - si l'on entend encore parler de ces associations à propos d'événements tragiques dans notre pays ; la responsabilité en reviendra bien à l'État.

Vous tenez des propos très rassurants, alors que rien n'est sous contrôle. (Marques d'impatience sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

M. le président. Il faut conclure.

Mme Marie-Carole Ciuntu. N'oubliez pas que la Cour des comptes est en train d'auditer le millier d'associations agissant dans les domaines que vous avez évoqués. Nous y reviendrons donc. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

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