Question de Mme de MARCO Monique (Gironde - GEST) publiée le 28/03/2024

Mme Monique de Marco appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur les conséquences de l'utilisation des dispositifs anti-grêle et leur impact sur les précipitations.

Ces dispositifs anti-grêle se multiplient sur l'ensemble du territoire national, ils peuvent prendre la forme de canons anti-grêle qui envoient des explosions répétitives qui « génèrent de puissantes ondes de choc se propageant jusqu'à la stratosphère » ou, plus récemment, de l'ensemencement des nuages par iodure d'argent comme cela est pratiqué en Gironde via 137 générateurs répartis sur le territoire.

Ces diffuseurs envoient dans l'atmosphère des milliards de particules d'iodure d'argent qui visent à saturer les nuages et sont censés transformer la grêle en pluie ou au moins réduire la taille des grêlons.

La fiche toxicologique de l'iodure d'argent met en évidence que, malgré le manque d'études sur le sujet, « la pulvérisation d'aérosols d'iodure d'argent peut entraîner une contamination des sols et des milieux aquatiques, dont on ignore actuellement l'impact sur l'environnement ». Or, l'iodure d'argent se bioaccumule notamment dans les sols, comme l'a mis en avant une étude du laboratoire EPOC en mars 2023. Le rapport insiste aussi sur le fait qu'il n'y ait pas de réglementation encadrant la pratique.

Le Gouvernement déclarait en octobre 2018 qu'« il n'existe pas de démonstration robuste de l'efficacité de cette technique ». Il n'est donc pas possible d'en évaluer la pertinence économique, car les bénéfices ne sont pas assurés.

Les météorologues sont, dans leur grande majorité, défavorables à ce type d'action. Météo France annonce et répète qu'une évaluation de l'efficacité de tels dispositifs est impossible.

D'autre part, l'appropriation et la modification de la météo locale par un acteur économique privé posent de légitimes questions. Les Émirats arabes unis ont lancé en 2010 un programme doté d'un budget de 11 millions de dollars pour mener des expériences d'ensemencement des nuages à base d'iodure d'argent ; le but affiché était d'augmenter les précipitations annuelles de plus de 15 %.

De même, la Chine tente de provoquer artificiellement des pluies depuis 1958 en lançant dans le ciel des projectiles chargés avec de l'iodure d'argent. Or face aux impacts de plus en plus importants des changements climatiques, de la baisse de la pluviométrie impactant le rétablissement des nappes phréatiques et alors que, d'ici à 2050, les sécheresses exceptionnelles devraient se produire une année sur deux, l'utilisation de ces dispositifs questionne puisque les concentrations seraient plus importantes dans ces conditions.

Aussi, elle souhaiterait s'enquérir de la volonté du Gouvernement d'engager une politique de recherche sur ces dispositifs d'ensemencement d'iodure d'argent dans le but d'éclairer les décideurs et l'ensemble de la population sur les impacts sanitaires et météorologiques de ces dispositifs. Des études qualitatives doivent être menées en plus d'études quantitatives plus larges et plus approfondies que celle déjà menée par le laboratoire EPOC. En effet, un seuil quantitatif n'a pas de pertinence pour mesurer les risques à une époque où on sait que la moindre modification des équilibres peut avoir des impacts sur les micro-organismes et sur la santé humaine.

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Réponse du Ministère auprès du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire publiée le 10/04/2024

Réponse apportée en séance publique le 09/04/2024

M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco, auteure de la question n° 1196, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Mme Monique de Marco. Madame la ministre, des dispositifs antigrêle se multiplient sur l'ensemble du territoire national. Il peut s'agir de canons antigrêle, qui envoient des explosions répétitives générant de puissantes ondes de choc jusqu'à la stratosphère, ou, plus récemment, de l'ensemencement des nuages par l'iodure d'argent, comme cela est pratiqué en Gironde, où l'on compte 137 générateurs. Ces diffuseurs envoient dans l'atmosphère des milliards de particules d'iodure d'argent afin de saturer les nuages et de transformer la grêle en pluie ou de réduire la taille des grêlons.

La fiche toxicologique de l'iodure d'argent met en évidence que, malgré le manque d'études sur ce sujet, « la pulvérisation d'aérosols d'iodure d'argent peut entraîner une contamination des sols et des milieux aquatiques, dont on ignore actuellement l'impact sur l'environnement ».

Or l'iodure d'argent se bioaccumule, notamment dans les sols, comme l'a mis en avant le laboratoire Environnements et paléoenvironnements océaniques et continentaux (Epoc) dans une étude parue en mars 2023. Les auteurs du rapport insistent aussi sur le fait qu'il n'existe pas de réglementation encadrant la pratique.

Le Gouvernement déclarait en octobre 2018 qu'« il n'existe pas de démonstration robuste de l'efficacité de cette technique ». Il n'est donc pas possible d'en évaluer la pertinence économique, car les bénéfices ne sont pas assurés. Les météorologues, dans leur grande majorité, sont quant à eux défavorables à ce type d'action et insistent sur le fait que son efficacité n'est pas avérée. Météo France estime que l'utilité des dispositifs antigrêle n'est à ce stade pas démontrée.

Or, face aux effets de plus en plus importants des changements climatiques et de la baisse de la pluviométrie, qui réduit le niveau des nappes phréatiques, l'utilisation de ces dispositifs suscite des interrogations, car les concentrations d'iodure d'argent dans les sols seraient plus importantes en cas de sécheresse.

Madame la ministre, avez-vous prévu d'engager une politique de recherche sur les dispositifs d'ensemencement par l'iodure d'argent afin de faire la lumière sur leurs effets sanitaires et météorologiques ? Par ailleurs, au nom du principe de précaution, avez-vous prévu d'encadrer cette pratique en attendant les conclusions d'études complémentaires ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire. Madame la sénatrice de Marco, vous m'interrogez sur les dispositifs d'ensemencement de nuages à base d'iodure d'argent. Ces systèmes, utilisés dans d'autres pays, notamment en Chine, font aujourd'hui l'objet d'un examen attentif en Europe avant toute forme d'autorisation. Le procédé étant nouveau, tous ses effets sur les équilibres écosystémiques doivent en effet être analysés.

Ce type de procédé soulève des questions qui nécessitent de conforter les premières évaluations effectuées par l'Organisation météorologique mondiale sur son efficacité et surtout sur son innocuité sur la santé humaine et sur l'environnement, mais également sur la cinétique du dérèglement climatique.

Les organismes européens et nationaux compétents doivent continuer à expertiser ce sujet. C'est dans ce cadre d'action raisonné que le Gouvernement inscrira son action pour accompagner les agriculteurs face au dérèglement climatique.

Dans ce contexte, votre interrogation concernant spécifiquement les dispositifs antigrêle pose la question des moyens mobilisés par le Gouvernement pour accompagner les agriculteurs face au dérèglement climatique.

Cet accompagnement repose sur plusieurs dispositifs, d'abord sur la réforme de l'assurance récolte, qui prévoit un engagement budgétaire massif de l'État ; ensuite, sur le financement de la recherche et de l'innovation pour prévenir les situations de grêle ou de sécheresse, en plus du plan Eau ; enfin, dans le cadre du plan France 2030 et en matière d'innovation, près de 1,8 milliard d'euros sont mobilisés pour accompagner l'agriculture, notamment pour permettre son adaptation au dérèglement climatique.

Vous le voyez, nous choisissons plutôt la voie de l'adaptation et de la résilience plutôt que celle d'une « science sans conscience ».

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