Question de Mme ROSSIGNOL Laurence (Val-de-Marne - SER) publiée le 04/04/2024

Mme Laurence Rossignol attire l'attention de M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics au sujet des alertes reçues, depuis quelque temps, de la part des associations départementales sur le financement des séances d'éducation à la sexualité. Plusieurs agences régionales de santé évoquent une instruction interministérielle du 19 août 2022 relative à la stratégie nationale multisectorielle de développement des compétences psychosociales chez les enfants et les jeunes, envisageant un arrêt de financement des séances d'éducation à la sexualité, sans prévoir un autre mode de financement. Cette décision aurait des conséquences désastreuses sur notre jeunesse dans un contexte où les violences sexuelles ont augmenté de 33 % sur la période 2020-2021 et s'accompagnent d'une importante dégradation depuis plusieurs années des connaissances sur le VIH chez les jeunes.

En outre, si cette décision est confirmée, elle mettrait en péril toutes les actions en matière d'éducation à la vie sexuelle et affective, ainsi que les emplois des associations départementales et leur fonctionnement. Elle jetterait à la poubelle la longue expérience de terrain, acquise sur plusieurs décennies, que se sont construite les associations.

De plus, elle entre en contradiction avec la politique du Gouvernement qui, par la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, ajoute aux devoirs de l'État la sensibilisation aux violences sexistes, sexuelles et aux mutilations sexuelles féminines, ou encore qui, par la circulaire du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse du 30 septembre 2022, ordonne un renforcement de l'éducation à la sexualité afin qu'elle devienne effective dès la fin de l'année scolaire 2022-2023. Pour rappel, l'État est tenu par l'article L. 312-16 du code de l'éducation de dispenser dans les écoles, collèges et lycées, à raison d'au moins trois séances par an, une information et une éducation à la sexualité.

Aussi, elle lui demande si cette instruction interministérielle existe et, dans l'affirmative, comment il compte répondre à la mise en oeuvre nécessaire de l'éducation à la sexualité et à la vie affective ainsi qu'à la prévention des violences sexuelles et au respect du consentement.

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Transmise au Ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse


Réponse du Ministère auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, de la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et du garde des sceaux, ministre de la justice, chargé de l'enfance, de la jeunesse et des familles publiée le 10/04/2024

Réponse apportée en séance publique le 09/04/2024

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, auteure de la question n° 1215, transmise à Mme la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Mme Laurence Rossignol. Madame la ministre, je souhaite avoir quelques éclaircissements et explications sur une instruction interministérielle du 19 août 2022 concernant la stratégie de développement des compétences psychosociales chez les enfants et les jeunes.

Les associations chargées de l'éducation à la vie affective et sexuelle se sont vu répondre par un certain nombre d'agences régionales de santé que l'application de cette instruction allait les conduire à réduire ou à supprimer des financements dévolus à leurs interventions.

Pour ma part, je ne vois pas tellement le rapport avec cette instruction, mais les informations qui me remontent sont bien réelles. Pouvez-vous me confirmer qu'en aucun cas il n'y aura de réduction des financements des associations chargées de l'éducation à la vie affective et sexuelle et qu'il s'agit d'une erreur d'interprétation des ARS, que la ministre doit rapidement corriger ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, de la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et du garde des sceaux, chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles. Madame la sénatrice Rossignol, soyons très clairs : la ministre chargée du travail, de la santé et des solidarités n'a transmis aucune consigne aux ARS concernant un éventuel arrêt des financements des programmes en lien avec l'éducation à la sexualité, aucune ! Je ne peux pas être plus claire.

Une instruction du 23 juin 2023 relative au dispositif de soutien par le Fonds de lutte contre les addictions (FLCA) des actions régionales contribuant à la lutte contre les addictions pour 2023 insiste sur l'intérêt de poursuivre le financement des programmes probants et des interventions prometteuses, avec renvoi à l'instruction interministérielle de développement des compétences psychosociales chez les enfants et les jeunes, publiée en août 2022.

Plus globalement, certaines ARS engagent des réflexions afin d'obtenir une montée en compétences des acteurs associatifs.

Je le répète, la circulaire porte d'abord sur les addictions. Au-delà, madame la sénatrice, le développement des compétences psychosociales fait partie intégrante de l'éducation à la sexualité et figurera de manière explicite dans le programme d'éducation à la sexualité, comme cela a été demandé au Conseil supérieur des programmes.

Vous pouvez donc rassurer les associations qui sont inquiètes, madame la sénatrice : à aucun moment, la ministre du travail, de la santé et des solidarités n'a fait une telle demande.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour la réplique.

Mme Laurence Rossignol. En fait, je comprends mieux !

J'entends que la ministre n'a pas formulé une telle demande, mais je comprends aussi qu'une circulaire interministérielle portant sur la lutte contre les addictions a été diffusée. Les ARS, qui sont probablement à la recherche de financements pour la mettre en oeuvre, se demandent donc certainement s'il n'est pas possible de prélever des crédits dévolus à l'éducation à la vie affective et sexuelle afin de financer la lutte contre les addictions.

Que la ministre n'ait pas envoyé d'instructions aux ARS, c'est très bien, mais ce que je demande, pour ma part, c'est qu'elle envoie une instruction aux ARS afin de leur préciser qu'elles ne peuvent en aucun cas supprimer des crédits aux associations qui prennent en charge l'éducation à la vie effective et sexuelle pour financer d'autres missions qui leur sont confiées.

Or vous ne nous avez pas confirmé, madame la ministre, qu'une instruction en ce sens serait bien envoyée aux ARS.

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