Question de M. CHEVALIER Cédric (Marne - Les Indépendants) publiée le 27/02/2025

M. Cédric Chevalier appelle l'attention de M. le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice sur l'urgence d'une réforme en profondeur concernant la gestion des extractions judiciaires et l'amélioration des moyens alloués aux services de l'administration pénitentiaire.
À la suite du drame d'Incarville, un protocole d'accord a été signé entre Force ouvrière Justice et d'autres organisations syndicales pour améliorer l'équipement, l'armement et la prise en charge des détenus lors de ces extractions. Ces mesures, bien que nécessaires, ne sauraient constituer une solution pérenne au problème récurrent du nombre élevé d'extractions judiciaires. Un recours accru à la visioconférence permettrait de limiter ces déplacements souvent risqués et coûteux. Aujourd'hui, les escortes pénitentiaires doivent parcourir parfois plusieurs centaines de kilomètres pour des audiences ne durant que quelques minutes. Cette situation mobilise des effectifs considérables, au détriment d'autres missions essentielles, comme la sécurité intérieure et périmétrique des établissements.
En Italie, les audiences pour les détenus les plus dangereux se déroulent directement dans les établissements pénitentiaires, soit par visioconférence, soit par le déplacement des magistrats sur place. Cette approche a démontré son efficacité depuis plusieurs années en réduisant les risques liés aux transferts de détenus.
Dans ce contexte, les autorités judiciaires et pénitentiaires doivent collaborer pour optimiser les ressources. La visioconférence offre une solution moderne améliorant l'efficacité judiciaire et la sécurité. Face aux contraintes budgétaires et au manque d'effectifs, elle permet de redéployer les forces vers d'autres missions prioritaires.
Considérant qu'il n'est pas possible d'attendre un nouveau drame, il demande au ministre de prendre, avec son homologue à l'intérieur, les mesures nécessaires pour que la visioconférence devienne la norme pour les procédures judiciaires, et que l'extraction physique ne soit plus qu'une exception, demandée et motivée par le juge.

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Réponse du Ministère auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé du travail et de l'emploi publiée le 21/05/2025

Réponse apportée en séance publique le 20/05/2025

M. le président. La parole est à M. Cédric Chevalier, auteur de la question n° 353, adressée à M. le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Cédric Chevalier. Madame la ministre, alors que le Président de la République s'est récemment rendu à Caen pour honorer la mémoire de Fabrice Moello et Arnaud Garcia, tués lors de l'attaque d'Incarville en mai 2024, je souhaite alerter le garde des sceaux sur l'urgence d'une réforme en profondeur concernant la gestion des extractions judiciaires.

En France, plus de 300 000 extractions par an, parfois pour des audiences très brèves, doivent être organisées par l'administration pénitentiaire en collaboration avec les forces de l'ordre, au détriment d'autres missions essentielles, comme la sécurité intérieure et périmétrique des établissements.

Le protocole d'accord signé l'an dernier pour améliorer l'équipement, l'armement et la prise en charge des détenus ne constitue pas une solution pérenne aux problèmes récurrents liés au nombre élevé d'extractions judiciaires.

Pourtant, en Europe, la tendance est clairement à la réduction du nombre d'extractions physiques, grâce à la visioconférence, désormais jugée fiable et juridiquement légitime. Au Royaume-Uni, par exemple, ce dispositif est massivement utilisé depuis 2020 et le gouvernement britannique a investi dans des technologies permettant de tenir des audiences virtuelles depuis les établissements. En Italie, pays de référence en la matière, les audiences des détenus les plus dangereux se déroulent directement dans les établissements pénitentiaires, soit par visioconférence, soit par déplacement des magistrats.

La France reste très en retrait par rapport à ses partenaires européens.

Les annonces récentes du garde des sceaux évoquant une accélération de la numérisation des procédures pénales et un investissement dans les équipements de visioconférence dans les établissements vont toutefois dans le bon sens. Il faut désormais traduire ces engagements en actes rapides et concrets.

Je souhaiterais savoir si M. le garde des sceaux entend prendre, avec son collègue de l'intérieur, les mesures nécessaires pour que la visioconférence devienne la norme pour les procédures judiciaires et que l'extraction physique ne soit plus qu'une exception, demandée et motivée par le juge.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée du travail et de l'emploi. Monsieur le sénateur Cédric Chevalier, je réponds à votre question au lieu et place du garde des sceaux.

Nous venons de rendre hommage à la mémoire de Fabrice Moello et Arnaud Garcia, tragiquement assassinés lors de l'attaque meurtrière survenue au péage d'Incarville en mai 2024. Votre question nous rappelle une nouvelle fois notre devoir impératif de protection des agents de l'administration pénitentiaire.

L'adoption définitive, le 29 avril dernier, de la proposition de loi de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic illustre la détermination collective du Gouvernement et des parlementaires à renforcer la sécurité du personnel pénitentiaire dans l'exercice de ses missions, à l'intérieur comme à l'extérieur des établissements. Votre proposition s'inscrit avec justesse dans le cadre de ce texte, en cours d'examen par le Conseil constitutionnel.

La circulaire du 1er août 2024 relative au recours à la visioconférence en matière pénale, rappelle la nécessité de délocaliser certains actes juridictionnels au sein des établissements pénitentiaires, afin de limiter les extractions judiciaires. Il y est recommandé le recours à la visioconférence pour les détenus particulièrement signalés, qui présentent un risque d'évasion ou de trouble à l'ordre public grave, ou lorsque les enjeux procéduraux sont faibles, après recueil de l'accord du prévenu.

Désormais, grâce à l'adoption de la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic, il sera possible de répondre aux besoins des agents en mettant un terme définitif aux activités criminelles menées par les narcotrafiquants depuis la détention. Ainsi, pour ce qui concerne les personnes détenues dans les quartiers de lutte contre la criminalité organisée, la visioconférence pendant l'instruction deviendra le principe et la comparution physique l'exception. Celle-ci devra se fonder sur une décision motivée des magistrats.

De manière plus générale, ce texte permettra de passer outre l'opposition de la personne détenue à l'utilisation de la visioconférence si elle présente une dangerosité particulière.

Les services du ministère travaillent activement aux modalités d'application de cette proposition de loi et au nécessaire respect des droits de la défense et de l'accès au juge.

M. le président. La parole est à M. Cédric Chevalier, pour la réplique.

M. Cédric Chevalier. Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse. Il faudra également que la mise en oeuvre de la proposition de loi soit suivie d'importants investissements. La visioconférence est une condition de sécurité pour le personnel ainsi qu'une source d'économies et de décarbonation du secteur judiciaire.

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