Rapport n° 432 - Proposition de résolution tendant à créer une commission d'enquête en matière de régularisation des étrangers


M. José BALARELLO


Commission des Lois constitutionnelles, de legislation du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale - Rapport n° 432 - 1996/1997

Table des matières






N° 432

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 1996-1997

Annexe au procès-verbal de la séance du 24 septembre 1997

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de résolution de M. Henri de RAINCOURT, des membres du groupe des Républicains et Indépendants, apparenté et rattachés administrativement tendant à créer une commission d'enquête pour procéder à un examen approfondi des procédures en vigueur en matière de régularisation des étrangers en situation irrégulière sur le territoire français et pour en évaluer les conséquences économiques et financières ,

Par M. José BALARELLO,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jacques Larché, président ; René-Georges Laurin, Germain Authié, Pierre Fauchon, Charles Jolibois, Robert Pagès, vice-présidents ; Michel Rufin, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, Paul Masson, secrétaires ; Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, José Balarello, François Blaizot, André Bohl, Christian Bonnet, Philippe de Bourgoing, Charles Ceccaldi-Raynaud, Marcel Charmant, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Christian Demuynck, Michel Dreyfus-Schmidt, Michel Duffour, Patrice Gélard, Jean-Marie Girault, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Lucien Lanier, Guy Lèguevaques, Daniel Millaud , Georges Othily, Jean-Claude Peyronnet, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Jean-Pierre Schosteck, Alex Türk, Maurice Ulrich, Robert-Paul Vigouroux.

Voir le numéro :

Sénat : 411 (1996-1997).

Etrangers.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est saisi d'une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête pour procéder à un examen approfondi des procédures en vigueur en matière de régularisation des étrangers en situation irrégulière sur le territoire français et pour en évaluer les conséquences économiques et financières, présentée par M. Henri de Raincourt, les membres du groupe des Républicains et Indépendants, apparenté et rattachés administrativement.

La commission des Lois est appelée à examiner la recevabilité juridique et le fond de la proposition de résolution.

I. LA RECEVABILITÉ DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION

A titre liminaire, il n'est pas inutile de rappeler que la loi n° 91-698 du 20 juillet 1991 a modifié sur plusieurs points l'article 6 de l'ordonnance n°58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires en regroupant les commissions d'enquête et les commissions de contrôle sous la dénomination commune de commissions d'enquête.

Pour autant, cette modification d'ordre terminologique n'a pas gommé la dualité entre les commissions d'enquête proprement dites et celles chargées de contrôler le fonctionnement d'une entreprise ou d'un service public, ainsi que le confirme la rédaction prévue par la loi de juillet 1991 pour les deuxième et troisième alinéas de l'article 6 de l'ordonnance de 1958 :

" Les commissions d'enquête sont formées pour recueillir des éléments d'information, soit sur des faits déterminés, soit sur la gestion des services publics ou des entreprises nationales, en vue de soumettre leurs conclusions à l'assemblée qui les a créées.

" Il ne peut être créé de commission d'enquête sur des faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires et aussi longtemps que ces poursuites sont en cours. Si une commission a déjà été créée, sa mission prend fin dès l'ouverture d'une information judiciaire relative aux faits sur lesquels elle est chargée d'enquêter. "


Il en résulte que, dans le premier cas, la pratique traditionnellement suivie pour les commissions d'enquête stricto sensu continue d'être observée, à savoir que le Président de la commission des Lois demande à M. le Président du Sénat de bien vouloir interroger le Garde des Sceaux sur l'existence éventuelle de poursuites judiciaires concernant les faits en cause.

Dans la seconde hypothèse, comme pour les anciennes commissions de contrôle, cette procédure de demande d'information ne s'impose pas en raison de l'objet de la commission d'enquête qui est d'enquêter non pas sur des faits déterminés, mais sur la gestion d'un service public ou d'une entreprise nationale.

Lorsqu'elle est saisie d'une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête, la première tâche de la commission des Lois consiste donc à étudier son contenu afin de déterminer si la consultation du Garde des Sceaux s'impose ou non.

En l'espèce, si l'on se réfère à l'exposé des motifs de la proposition de résolution, nos collègues membres du groupe des Républicains et Indépendants souhaitent la constitution d'une commission d'enquête, afin d'éclairer le Sénat et l'opinion publique sur les questions que suscite la régularisation importante et rapide d'étrangers en situation irrégulière : encouragement à un nouveau flux d'immigration clandestine, conséquences économiques et financières de l'opération, notamment risque d'accroissement des déficits publics ?

La commission d'enquête porterait sur les méthodes que l'administration emploie et les critères qu'elle retient effectivement pour procéder ou non aux régularisations, l'importance du nombre des titres de séjour délivrés et la répartition par catégories d'étrangers et par départements afin d'en évaluer toutes les conséquences.

Il ne s'agirait donc nullement d'enquêter sur des faits déterminés.

Votre Rapporteur croit utile de rappeler que le Sénat a déjà, dans un passé récent, créé des commissions d'enquête ou de contrôle, dont les rapports ont été appréciés (commission de contrôle sur la mise en place et le fonctionnement de la Convention d'application de l'Accord de Schengen ; commission d'enquête sur le fonctionnement du marché laitier, par exemple).

La commission des Lois estime donc que la proposition de résolution n° 411 est conforme aux dispositions de l'ordonnance du 17 novembre 1958, sans qu'il soit nécessaire d'interroger le Gouvernement sur l'existence de procédures judiciaires.

II. L'OPPORTUNITÉ DE LA CRÉATION D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE : LE NÉCESSAIRE CONTRÔLE DES RÉGULARISATIONS

L'exposé des motifs de la proposition de résolution indique que la France met en place les mesures nécessaires pour garantir aux étrangers qui vivent sur notre territoire dans le respect de ses lois la meilleure intégration possible. Il souligne la nécessité de poursuivre cet accueil dans les conditions les plus favorables tout en préservant l'identité nationale de la France, ce qui suppose une législation rigoureuse et clairement appliquée.

Certes, l'immigration fait partie de l'histoire de notre pays et a, en un siècle, provoqué un accroissement bénéfique de la population de la France, de 10 millions d'habitants. A aucun moment, jusqu'à ce jour, ce brassage n'a cependant menacé la cohésion de notre pays, l'intégration des jeunes, en particulier par l'école, s'étant faite rapidement et sans difficulté.

Des raisons historiques et démographiques ont pu expliquer cette immigration, encouragée à plusieurs reprises, qui a permis à des étrangers de venir s'installer dans des conditions régulières en France en respectant nos lois et nos coutumes.

Cependant, depuis 20 ans, les conditions économiques et sociales ainsi que le développement des communications, tant en France que dans le monde, ont changé les données du problème et rendu inéluctable un contrôle des flux migratoires.

Cette évolution conduit à une double préoccupation : l'intégration des étrangers dans le respect des lois françaises et la maîtrise des flux migratoires.

La maîtrise de l'immigration apparaît d'autant plus impérieuse qu'elle s'inscrit également dans le cadre d'une coopération avec nos partenaires européens (Accord de Schengen du 14 juin 1985 et Convention d'application du 19 juin 1990).

Tel est l'esprit dans lequel nous est proposée la constitution d'une commission d'enquête sur les conditions de régularisation d'étrangers en situation irrégulière en France.

Votre commission estime que la commission d'enquête ne devrait pas être constituée dans un esprit polémique et qu'elle correspondrait au pouvoir de contrôle dont le Parlement est investi.

Le problème des régularisations a pris une dimension politique à la suite de l'occupation par une centaine de " sans papiers " de l'église Saint-Bernard. La " loi Debré " a eu précisément pour objet principal de régler des situations difficiles.

Le Gouvernement a souhaité aller plus loin en prenant, le 24 juin 1997, une circulaire relative au réexamen de la situation de certaines catégories d'étrangers en situation irrégulière.

Le nombre des demandes de régularisation sera sans doute supérieur aux prévisions du Gouvernement puisque, selon les informations publiées dans la presse, 90 000 requêtes avaient été déposées deux mois avant la clôture du délai pour le dépôt des demandes, soit le 1er novembre 1997.

Quant au nombre des régularisations, il pourrait, en définitive, s'avérer plus important que celui envisagé par le Gouvernement, ce qui ne constituerait pas une surprise puisque les années 1981-1982 avaient vu la régularisation de 133 000 étrangers.

En tout état de cause, il parait légitime de s'assurer des conditions d'application de la circulaire d'autant que certaines informations laissent percevoir des différences d'interprétation entre les départements.

Il appartiendrait à la commission d'enquête de vérifier si les conditions de régularisation sont bien conformes à la loi ou, le cas échéant, à la circulaire.

Comme l'a indiqué le Président Jacques Larché, la commission d'enquête ne pourrait avoir pour finalité de procéder à une étude d'ensemble sur l'immigration, encore moins sur l'immigration clandestine, par définition difficile à appréhender.

Celle-ci aurait une démarche pragmatique et se trouverait tout naturellement conduite à effectuer des investigations sur place dans les services départementaux pour y recueillir des informations pratiques.

La proposition de résolution initiale prévoyait que la commission d'enquête évaluerait les conséquences économiques et financières des régularisations. Votre commission a estimé que la commission d'enquête aurait bien évidemment cette mission, sans qu'il soit nécessaire de l'indiquer expressément dans le texte de la résolution.

Les investigations porteraient sur les régularisations déjà opérées mais également sur celles qui seront accordées pendant la durée d'existence de cette commission d'enquête. Ces investigations ne se limiteraient pas à l'application de la circulaire du 24 juin 1997, des régularisations pouvant être décidées dans le cadre plus général fixé par l'avis du Conseil d'Etat du 22 août 1996. En outre, une étude de la législation ainsi que de la pratique en la matière dans les pays membres de l'Union européenne pourrait être utilement entreprise par la commission d'enquête.

Au cours des débats, le groupe socialiste et le groupe communiste, républicain et citoyen se sont montrés favorables, d'une manière générale, au principe du contrôle de l'exécutif avec un " droit de tirage " accordé à l'opposition. Toutefois, la tonalité de l'exposé des motifs de la proposition de résolution les ont conduit à voter contre la constitution de la commission d'enquête proposée.

Votre commission a estimé cependant, dans sa majorité, opportune la création de cette commission d'enquête qui entre dans le cadre du pouvoir de contrôle du Sénat.

Telles sont les raisons pour lesquelles la commission des Lois a adopté la proposition de résolution suivante qu'elle soumet au vote du Sénat :

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à créer une commission d'enquête chargée de recueillir des informations sur les régularisations d'étrangers en situation irrégulière, opérées depuis le 1er juillet 1997.

Article unique

En application de l'article 11 du Règlement du Sénat, il est créé une commission d'enquête chargée de recueillir des informations sur les régularisations d' étrangers en situation irrégulière, opérées depuis le 1er juillet 1997.

Cette commission d'enquête est composée de 21 membres.

TABLEAU COMPARATIF

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Texte de la proposition de résolution

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Texte adopté par la commission

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Intitulé de la proposition de résolution :

Proposition de résolution tendant à créer une commission d'enquête pour procéder à un examen approfondi des procédures en vigueur en matière de régularisation des étrangers en situation irrégulière sur le territoire français et pour en évaluer les conséquences économiques et financières .

Intitulé de la proposition de résolution :

Proposition de résolution tendant à créer une commission d'enquête chargée de recueillir des informations sur les régularisations d'étrangers en situation irrégulière, opérées depuis le 1er juillet 1997 .

Article unique.

Conformément à l'article 11 du Règlement du Sénat, il est crée une commission d'enquête de vingt et un membres afin de procéder à un examen approfondi des procédures en vigueur en matière de régularisation des étrangers en situation irrégulière sur le territoire français et pour en évaluer les conséquences économiques et financières.

Article unique

En application de l'article 11 du Règlement du Sénat, il est créé une commission d'enquête chargée de recueillir des informations sur les régularisations d'étrangers en situation irrégulière, opérées depuis le 1er juillet 1997.

Cette commission d'enquête est composée de 21 membres.