M. JEAN-MARIE DELARUE, DIRECTEUR DES LIBERTÉS PUBLIQUES ET DES AFFAIRES JURIDIQUES
AU MINISTÈRE DE L'INTÉRIEUR
JEUDI 5 FÉVRIER 1998

M. MASSON, président .- Nous allons tout d'abord entendre M. Jean-Marie Delarue qui est directeur des libertés publiques et des affaires juridiques au ministère de l'intérieur.

Nous devons vous entendre sous la foi du serment.

(M. le Président donne lecture des dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 ; M. Jean-Marie Delarue prête serment).

M. LE PRÉSIDENT.- Je vous remercie.

Notre collègue, M. Balarello, qui est le rapporteur de cette commission d'enquête, va si vous le voulez bien "ouvrir le feu", suite à quoi je laisserai la parole aux collègues membres de la commission d'enquête.

M. BALARELLO, rapporteur. - Monsieur le directeur, nous vous remercions d'être présent parmi nous aujourd'hui.

La commission est tout d'abord intéressée par le bilan des régularisations à la date du 31 janvier 1998. A ce niveau, il convient de distinguer deux catégories. Dans le cadre de la circulaire du ministre de l'intérieur tout d'abord, nous souhaiterions avoir connaissance des chiffres globaux avec les répartitions suivant les différents critères posés par la circulaire, également les chiffres par département, avec une répartition suivant les critères. Ensuite, nous souhaiterions connaître les chiffres de régularisation en dehors du cadre de la circulaire, avec bien évidemment le même détail. Vous voudrez bien nous dire, quels enseignements vous tirez de ces statistiques.

M. LE PRÉSIDENT.- Peut-être, Monsieur le directeur, pouvez-vous répondre aux questions les unes après les autres.

M. DELARUE.- Sur les données d'ensemble, je peux vous dire que les demandes de régularisation s'élevaient au 31 janvier 1998 à 179.118. Ce chiffre est d'ailleurs en légère baisse, sauf erreur, par rapport au chiffre que vous avait indiqué le ministre ici même, il y a quelques semaines, arrêté à la date du 31 décembre 1997. On dénombrait alors 179.531 demandes et, si le chiffre est en baisse, c'est pour des raisons qu'il vous avait lui-même indiquées, à savoir qu'un certain nombre de doubles demandes ont été enregistrées, pour diverses raisons, que le décompte effectué par les préfectures a fait apparaître récemment.

En ce qui concerne les autorisations de séjour, le chiffre au 31 janvier 1998 était de 23.439, en augmentation par rapport à celui qui vous a été indiqué précédemment, de 15.897 au 31 décembre 1997. Il est bien entendu normal que ce chiffre augmente au fur et à mesure de l'examen des dossiers.

S'agissant des décisions de rejet, au 31 janvier 1998, pour prendre toujours la même référence, elles étaient de 22.491, et elles s'élevaient à 15.391 au 31 décembre 1997. Là aussi, on a constaté une augmentation.

Voilà ce que je suis en état de vous dire, Monsieur le président, sur ce point.

Vous souhaitez avoir de ma part la répartition des données que je viens de vous indiquer par critère, concernant notamment les autorisations de séjour. Je ne suis pas capable de vous la donner en l'état. Simplement, de l'examen par sondage que nous avons effectué auprès des préfectures, il ressort que les catégories les plus représentées quant aux autorisations de séjour concernent, d'une part les parents d'enfants français, d'autre part les conjoints de français. Cette catégorie à elle seule représente, pour autant que nous puissions le mesurer aujourd'hui, environ la moitié des autorisations accordées, le reste se ventilant entre les autres catégories prévues par la circulaire.

Enfin, sur les autorisations qui seraient intervenues hors de la circulaire, je ne suis pas du tout en état de vous donner quelque chiffre que ce soit, s'agissant de régularisations qui interviennent en permanence et dont on peut supposer, compte tenu de l'intervention de la circulaire, qu'elles sont aujourd'hui en nombre extrêmement restreint. A ma connaissance, même si je ne peux pas vous l'affirmer, peu de préfets régularisent aujourd'hui en dehors de ce qui est prévu par la circulaire. J'ajoute que la connaissance qui est la mienne, de pratiques préfectorales tenant aux titres de séjour, m'incline à penser qu'en temps normal, les régularisations à titre humanitaire, de façon très générale, sont elles-mêmes d'un volume extrêmement faible.

M. LE RAPPORTEUR.- Monsieur le directeur, vous n'avez pas répondu à ma question en ce qui concerne les chiffres par département.

M. DELARUE.- Je n'ai pas ces chiffres, mais il me sera aisé de les communiquer ultérieurement à la commission.

M. LE RAPPORTEUR.- Il s'agissait donc des principales questions que je souhaitais vous poser.

En dehors de cela, quelles initiatives avez-vous prises pour assurer l'harmonisation entre les pratiques des préfectures quant aux méthodes et quant aux décisions, notamment sur ce qu'il est convenu d'appeler dans la circulaire les faisceaux d'indices, dont je ne sais s'ils sont toujours appréciés de la même manière dans l'ensemble des départements ?

M. DELARUE.- Monsieur le président, je me dois d'être complet et je m'aperçois que l'une des questions posées précédemment par le rapporteur portait sur les enseignements que je tirais des chiffres que je vous ai indiqués. Pardonnez-moi de ne pas y avoir sacrifié.

M. LE PRÉSIDENT.- C'est subjectif mais c'est important !

M. DELARUE.- Absolument.

A l'heure actuelle, sans qu'aucune consigne n'ait été donnée en ce sens, le nombre de demandes satisfaites et le nombre de demandes rejetées sont à peu près en équilibre. Si je suis l'évolution au mois le mois depuis le 31 juillet 1997, et je pourrai vous communiquer ces chiffres, d'une part des autorisations, d'autre part des rejets, je constate qu'ils sont parallèles.

Pardonnez-moi d'insister là-dessus mais ce chiffre est bien le résultat du travail des préfectures, il ne doit rien à quelque consigne que nous aurions donnée.

Il est vraisemblable que ce chiffre global laisse apparaître, et j'en viens à votre deuxième série de questions, une disparité suivant les préfectures. Je veux dire par là qu'il se peut qu'au niveau de certaines préfectures, ce 50/50 que je vous indiquais soit plutôt de l'ordre de 40/60, certaines préfectures délivrant 60 % d'autorisations, d'autres 60 % de rejets.

Qu'avons-nous fait pour harmoniser les choses ? Je souhaite tout d'abord dire que si nous observons, aujourd'hui, quelques divergences d'appréciation des préfectures entre elles, je ne crois pas que ce soit un fait nouveau, qui s'expliquerait par la seule régularisation. Je reste convaincu que la régularisation grossit, fait mieux apparaître, caricature si l'on veut, les pratiques des préfectures, et je suis persuadé que dans la pratique courante de celles-ci, qui ne remonte pas au 24 juin 1997, il y a des écarts dans la façon dont on distribue d'une manière générale les titres de séjour, même si ces écarts sont réduits. Ce que nous constatons dans le cadre des opérations de régularisation n'est autre que la confirmation d'un phénomène que je crois permanent.

Nous nous sommes efforcés de suivre d'aussi près que possible l'opération de régularisation pour réduire ces écarts que j'estime pour ma part inacceptables, sous réserve, bien entendu, des conditions particulières à tel ou tel département, en fonction du type d'immigration qui lui est propre car il est bien évident que l'immigration n'est pas la même partout. Certains écarts s'expliquent parfaitement de cette manière.

Comment avons-nous procédé ? Tout en laissant aux préfectures l'autonomie de l'organisation, nous leur avons d'une part donné une méthode d'examen des dossiers garantissant un examen sérieux des demandes. C'est ainsi que nous avons demandé à chaque préfecture, dès la circulaire du 24 juin 1997, d'entendre individuellement l'ensemble des demandeurs. Nous avons parfois eu du mal, pourquoi ne pas le dire devant vous, à faire admettre cette réalité aux préfectures, et il a fallu faire certaines relances. Il me semble en tout cas qu'aujourd'hui, toutes sont venues à cette nécessité.

Nous avons fait en sorte, d'autre part, de suivre les préfectures dans leurs résultats en leur demandant de nous faire connaître aussi régulièrement que possible les suites de l'examen auquel elles se livraient. Nous nous sommes surtout efforcés de donner aux préfectures des consignes aussi claires que possible à savoir qu'à partir de la circulaire, nous leur avons tout d'abord donné des éclaircissements par un certain nombre de circulaires subséquentes. Je les ai recensées et il y a la circulaire du 7 juillet 1997, concernant des étrangers sans domicile fixe, une circulaire du 24 septembre 1997, qui concerne la forme des décisions de rejet à prendre, les motivations de ces rejets, enfin une circulaire du 19 janvier 1998 relative à l'aide au retour et sur laquelle nous aurons peut-être l'occasion de revenir.

Nous nous sommes également efforcés d'éclairer les préfectures sur des points un peu plus ponctuels, par une série de 7 télégrammes que nous avons envoyés après le 24 juin 1997, datés du 3 juillet 1997, du 4 juillet 1997, du 18 juillet 1997, du 29 juillet 1997, du 21 octobre 1997, du 26 novembre 1997, enfin du 25 janvier 1998. Pour vous citer par exemple le télégramme du 18 juillet 1997, il visait à aviser les préfectures sur les mesures à prendre vis-à-vis d'étrangers détenus grâciés, sortant par conséquent d'un établissement pénitenciaire, qui demandaient le réexamen de leur situation au regard de la circulaire du 24 juin 1997.

Nous avons donc veillé à adresser aux préfectures à intervalle régulier une série de fiches que nous avons appelées "questions/réponses", fiches que nous constituions à la fois d'après les questions que les préfectures nous adressaient et qui nous paraissaient d'un intérêt général, de telle sorte que nous puissions les répercuter sur l'ensemble des préfectures, également à partir des questions en provenance des associations que nous rencontrions régulièrement, j'aurai l'occasion d'y revenir.

Sept fiches questions/réponses ont été adressées aux préfectures, encore une fois, sur des points peut-être un peu techniques mais qui nécessitaient, selon nous, des réponses harmonisées. Pour citer un exemple précis, suite à une remarque des associations sur le point de savoir si les préfectures étaient en droit d'exiger la production du carnet de santé des enfants, question ayant trait au secret médical, certaines préfectures, du moins au début, avaient apparemment exigé la production du carnet de santé des enfants, notamment pour attester la durée de présence en France. Nous avons répondu assez fermement qu'il n'était pas question d'exiger la production de cette pièce que certaines familles, spontanément, présentaient.

Voilà donc une série d'instructions ou d'éléments que nous nous sommes efforcés de donner aux préfectures, pour les aider à régler au fond et sur la forme les décisions qu'elles avaient à prendre.

Nous ne nous sommes pas arrêtés là. Vous savez que dans la circulaire est prévue une mission confiée à un président de section du Conseil d'Etat, M. Jean-Michel Galabert, pour suivre cette opération de bout en bout, et M. Galabert se rend très régulièrement dans les préfectures. Il rend compte au directeur du cabinet du ministre tous les 15 jours des conditions d'application de cette circulaire et des difficultés rencontrées. Jean-Michel Galabert était encore mardi à Bordeaux. Il rencontre à la fois le personnel de préfecture et les associations qui le souhaitent.

Enfin, nous avons demandé à deux moments différents à l'inspection générale de l'administration du ministère de l'intérieur, d'une part en septembre, d'autre part en décembre, d'aller enquêter dans un certain nombre de préfectures. La première mission était confiée à M. Melchior, à titre principal, la seconde à M. Limaudin, pour voir comment, au sein de la préfecture, était mise en place cette opération, et si cette mise en place donnait lieu à des observations.

De mémoire de fonctionnaire, un peu ancien déjà, peu d'opérations ont donné lieu à une investigation aussi attentive de la part de l'administration centrale. Cette investigation est-elle suffisante ? L'avenir nous le dira mais je n'ai pas caché, il y a un instant, qu'il y avait encore des différences quant aux résultats des différentes préfectures. Ces différences sont-elles dues au "bon plaisir", et je force volontairement le trait, des employés ou fonctionnaires des préfectures ? A ce stade, bien malin qui saurait le dire. Simplement, je me permets d'insister sur deux choses.

Comme je l'ai déjà dit et je n'y reviens pas, l'immigration peut être différente d'un endroit à un autre. Il est clair que, par nationalités, les premiers à demander leur régularisation auprès de la préfecture de police de Paris, peut-être le ministre vous l'a-t-il déjà indiqué, sont les Chinois, lesquels présentent un certain type de caractère, spécifique, faisant que les décisions penchent plutôt dans un sens que dans un autre. Je ne vais pas dire à votre rapporteur que dans les Alpes-Maritimes ou dans le Var, la situation n'est pas un peu différente.

Il me semble que les différences de méthodes employées par la préfecture entraînent aussi ce genre d'écart. C'est ainsi que la préfecture de police, sauf erreur, a commencé par ouvrir les dossiers qui lui semblaient les plus facilement régularisables. Elle n'a pas pris les dossiers dans leur ordre chronologique d'arrivée, elle a déjà sélectionné, pour aller vite, les conjoints de français et les parents d'enfants français au niveau desquels, comme je vous l'ai indiqué tout à l'heure, on enregistre les plus forts taux de régularisation. Par conséquent, au niveau de la préfecture de police, pendant un certain temps le taux de régularisation a été un peu plus élevé qu'ailleurs. Quand on en arrivera aux dossiers plus difficiles, bien évidemment ce taux baissera et il devrait s'aligner sur celui d'autres préfectures.

Au-delà des deux différences que je viens de vous indiquer, si des errements sont possibles nous essayons de les prévenir. Je ne peux pas vous garantir qu'il n'y en ait pas mais j'espère bien que nous interviendrons à temps pour que ces errements soient corrigés.

M. LE RAPPORTEUR.- Vous nous avez parlé des méthodes et des moyens de l'administration, je souhaiterais que vous nous apportiez quelques détails. Selon quelles modalités ont été recrutés les agents à temps partiel mis en place pour l'opération et quelle est leur formation ? Ont-ils reçu une formation au droit des étrangers ? Quelles instructions spécifiques leur ont été données et quelles fonctions particulières leur sont généralement confiées ?

M. MASSON .- Je souhaiterais également connaître le statut de ces agents qui ont été engagés. Sont-ils temporaires, intégrés... ?

M. DELARUE .- Je souhaite dire d'emblée qu'il ressort de la dernière mission de l'inspection générale de l'administration qu'un des grands motifs de satisfaction -je n'en tire aucune vanité, je le dis simplement pour votre information- des préfectures, est bien que les moyens en personnel et en financement ont été dégagés très tôt par les préfectures et qu'aucune n'a émis de critique à cet égard. Si je le dis, encore une fois, c'est que je suis un vieux fonctionnaire et je sais que les moyens en effectif et en financement ne sont pas forcément les plus rapides parmi ceux que peut dégager l'administration, en général plus prodigue en bonnes paroles !

Quels sont ces effectifs et quels sont ces moyens financiers ? Je n'ai pas les effectifs en tête mais je pourrai vous les communiquer ultérieurement. Ils sont de deux ordres.

Nous avons d'une part demandé aux préfectures d'embaucher des vacataires qui sont là essentiellement pour ouvrir les dossiers, en vérifier le contenu et rechercher sur les fichiers informatiques existants, notamment "AGDREF", s'il y a un apparentement possible entre une demande et des demandes antérieures d'étrangers. Ces vacataires sont recrutés, nous sommes ici soumis aux règles de la fonction publique, pour des durées brèves. En gros, on peut dire que des vacataires ont été recrutés dans un premier temps l'été dernier et dans un deuxième temps au 1er janvier, même s'il y a eu quelques glissements. Dès lors que les vacataires ne sont pas recrutés pour des durées supérieures à trois mois, il a bien fallu les changer.

En ce qui concerne l'origine de ces personnes, tout simplement il s'agit du marché du travail. A cet égard, je vous dis sans faille que les vacataires que nous avons recrutés l'été dernier étaient bien souvent de meilleure qualité que ceux que nous avons pu recruter en janvier, pour la bonne et simple raison qu'on trouve encore sur le marché du travail en fin d'été beaucoup d'étudiants et que nous avons pu recruter de nombreux diplômés pour cet exercice. Les préfets, très globalement, se sont félicités de leur qualité.

Comment les forme-t-on ? Essentiellement à l'aide d'agents du service des étrangers, même s'il y a des variations suivant les préfectures. En gros, ils reçoivent une formation d'une semaine à 10 jours sur des dossiers "in vivo", si je puis m'exprimer ainsi, avant de passer à un exercice effectif de dépouillement des dossiers. Je précise que la formation des vacataires de janvier a été un peu plus longue que la précédente, pour les raisons indiquées il y a un instant.

Ce qui est très souvent pratiqué par les préfectures, pour en revenir aux bonnes traditions de Lazare Carnot, c'est tout simplement l'amalgame à savoir que ces vacataires sont encadrés, entourés et mélangés de et à des fonctionnaires du service des étrangers des préfectures. La décision sur des dossiers ne revient jamais à ces personnels supplémentaires, elle revient toujours au minimum à un chef de section du service des étrangers pour les dossiers les plus faciles, au-dessus au chef de bureau, au-dessus encore, si nécessaire, au directeur de la réglementation, enfin, bien souvent, au secrétaire général. J'ajoute qu'au niveau de certains départements, des préfets ont tenu à voir certains dossiers, éventuellement même, au niveau de départements où les demandes étaient faibles, l'ensemble des dossiers.

Les vacataires constituent la première source de recrutement et je vous ai bien dit qu'il y en avait deux.

La deuxième source est l'aide apportée par l'office des migrations internationales (OMI), bien entendu intéressé par cette opération, ne serait-ce que parce qu'il aura à aider ceux qui ne seront pas régularisés. L'OMI nous a procuré pour les opérations nécessaires, notamment au dépouillement des dossiers, globalement 500 mois/agents, de telle sorte que dans certaines préfectures, ces agents de l'OMI recrutés eux aussi à titre temporaire nous ont largement aidé. Ils ont été formés par l'OMI, dans des conditions à peu près analogues à celles que j'ai indiquées à l'instant pour les personnels de préfecture.

Voilà donc en ce qui concerne les effectifs.

Compte tenu de cette charge de travail supplémentaire, en rémunération de vacataires d'une part, en primes pour les agents des préfectures d'autre part, nous avons estimé qu'il nous fallait des moyens supplémentaires que nous avons négociés auprès du ministère du budget. Celui-ci nous a accordé, pour 1997 et 1998, 32 millions de francs hors office des migrations internationales, à savoir pour les seuls agents permanents des préfectures. Je suppose que les charges des agents de l'OMI représentent à peu près la moitié de cette somme ce qui fait qu'on arriverait à un total d'environ 50 millions de francs pour les moyens financiers dégagés pour le personnel.

J'ajoute qu'il a fallu dégager quelques moyens d'investissement supplémentaires au niveau des préfectures, notamment en matière d'informatique. Nous aurons peut-être l'occasion d'y revenir. Nous avons laissé ces investissements supplémentaires à la charge du budget normal des préfectures.

M. LE RAPPORTEUR.- Avez-vous muté temporairement des agents de certains services ?

M. DELARUE.- Tout à fait, Monsieur le rapporteur. Nous avons fait feu de tout bois ! Nous avons eu la préoccupation d'organiser cette opération avec un strict encadrement des personnes les plus compétentes mais celle-ci nécessitait aussi des petites mains et nous avons en effet "muté" de façon temporaire des agents de préfecture mais d'autres services vers cette opération, avec deux inconvénients que je ne veux pas vous dissimuler.

Le premier est de nature temporaire, qui tient à la formation de ces agents. Je connais une préfecture qui a amené là des agents de services extérieurs déconcentrés, DDA et DDE, 3 agents très exactement, qui n'étaient pas du tout habitués à ces tâches et qu'il a fallu former. D'une façon très générale, ce sont des agents des services de la direction de la réglementation qui ont été affectés à cette opération.

Un deuxième inconvénient lourd que je ne veux pas vous cacher et qui me préoccupe énormément est que le traitement de dossiers "normaux", d'étrangers en situation régulière et qui viennent demander le renouvellement de leur carte de séjour, temporaire ou de résident, est extrêmement ralenti. Il est d'ailleurs clair que le traitement normal des dossiers de la préfecture est ralenti par cette opération, s'agissant en particulier de ceux concernant les étrangers. C'est ainsi que certaines demandes de regroupement familial sur lesquelles la préfecture doit nous donner un avis au bout de 6 mois ne sont parfois pas traitées dans ce délai. Pour dire les choses très simplement, il a fallu faire un choix et le choix prioritaire nous a paru devoir se porter sur cette opération de régularisation que nous souhaitons enfermer dans un temps limité, pour éviter de la prolonger indéfiniment. Il est clair que la limite à ce niveau est fixée au 30 avril et nous nous efforcerons de la respecter.

Nous avons donc choisi de donner la priorité à cette opération plutôt qu'aux opérations plus "banales". Bien entendu, ces ralentissements ne doivent pas avoir de conséquences pour les étrangers en situation régulière. Si des demandes d'examen sont ralenties, par exemple pour un renouvellement de carte de séjour temporaire, cela signifie clairement que l'étranger est mis sous récépissé de demande de titre de séjour et cela n'aura aucune conséquence dommageable pour lui-même et sa famille. Il est néanmoins vrai que cela pose quelques difficultés, que je ne souhaitais pas vous cacher.

M. LE RAPPORTEUR.- Il existe une circulaire du 19 janvier 1998, relative à l'aide à la réinsertion d'étrangers ayant quitté le territoire. Je souhaiterais savoir comment cette circulaire est appliquée et les difficultés rencontrées à ce niveau. Il serait également souhaitable que vous nous éclairiez sur le rôle des associations.

M. DELARUE.- Comme la circulaire l'indique, le traitement des déboutés du droit d'asile nous est soumis. Les cas de déboutés du droit d'asile qui encourent des risques vitaux en cas de retour dans leur pays sont directement soumis à l'administration centrale. Je me suis entouré d'une petite équipe pour le traitement de cette affaire et nous prenons une décision après avis du ministère des affaires étrangères ou d'une commission inter-ministérielle.

M. LE PRÉSIDENT.- Qui avez-vous débouté ?

M. DELARUE.- Ceux qui, à ce jour et en se référant à la partie 1-9 de la circulaire, n'ont pas reçu de carte de réfugié, et qui indiquent être menacés de persécution dans leur pays.

M. LE PRÉSIDENT.- Il ne s'agit pas des 22.491 ?

M. DELARUE.- Non. Nous parlons bien de déboutés du droit d'asile, pas de déboutés de la régularisation. Les déboutés du droit d'asile sont ceux qui, nombreux en France et en situation irrégulière, ont demandé un jour à bénéficier du statut de réfugié et n'ont pas obtenu satisfaction.

M. LE PRÉSIDENT.- Ceux-là se mélangent-ils avec les autres demandes ?

M. DELARUE.- Pour des raisons diverses et variées, un certain nombre sont restés en France, et ont en effet demandé leur régularisation. Il est demandé aux préfectures d'examiner leur situation, d'abord au regard des autres critères, par exemple, le conjoint de français ou les parents de français. Pour ceux qui ne répondent à aucun des critères de la circulaire par ailleurs, il est demandé aux préfectures, dès lors qu'encore une fois ces personnes invoquent des risques de traitements inhumains ou dégradants, portant atteinte au respect des droits de l'homme, de nous faire remonter ces dossiers afin que nous prenions une décision.

Voilà donc ce que j'appelle le droit des déboutés du droit d'asile.

M. LE RAPPORTEUR.- Si vous me permettez, comment les comptabilisez-vous ? Les déboutés du droit d'asile font-ils partie des 179.118 ?

M. DELARUE.- Absolument.

M. LE RAPPORTEUR.- Ensuite, les comptabilisez-vous parmi les rejets, ou pas ?

M. DELARUE.- Si je leur donne une carte de séjour temporaire parce que j'estime qu'ils méritent l'asile territorial, et c'est le cas d'un certain nombre d'Algériens, ils sont comptés dans les autorisations. Par contre, si je rejette leur demande, ils sont comptés dans les rejets.

M. LE RAPPORTEUR.- Ils sont donc comptabilisés dans les 23.439 autorisations et dans les 22.491 rejets.

M. DELARUE.- Il n'y a aucune distinction particulière au niveau de cette catégorie.

M. LE RAPPORTEUR.- Je vous avais également interrogé sur le rôle des associations et sur la circulaire du 19 janvier 1998.

M. DELARUE.- S'agissant du rôle des associations, il est extrêmement simple. Elles interviennent le plus possible auprès des préfectures et je demande régulièrement aux préfets qu'ils reçoivent des associations, même par secrétaire général interposé. Bien entendu, ce sera à elles de nous donner leur point de vue mais j'ai plutôt le sentiment qu'à cet égard, les choses se déroulent à peu près convenablement dans la mesure où, conformément à nos voeux, les associations sont régulièrement reçues par les autorités préfectorales.

Nous faisons la même chose au niveau national et, à l'initiative du cabinet du ministre en particulier, les associations ont été reçues à plusieurs reprises au ministère depuis le début de cette opération.

Leur rôle consiste tout simplement à nous alerter sur des choses qui, à leurs yeux, suivant leurs engagements propres bien entendu, constituent des erreurs d'appréciation de notre part. A ce niveau, chacun son rôle. Dans certains cas, nous sommes conscients des problèmes sur lesquels les associations nous alertent, mais il arrive aussi que nous découvrions des choses qu'elles nous signalent. Je vous ai tout à l'heure parlé du carnet de santé, je peux vous citer un autre exemple, très simple.

Une association nous a fait savoir qu'à Paris, tel étranger interpellé sur la voie publique avait été reconduit à la frontière, ou du moins était sous la menace d'une reconduite à la frontière alors qu'il avait déposé tout à fait dans les formes de la circulaire une demande de régularisation dans une autre préfecture. Nous avons déduit de cette observation, et cela a été l'objet d'un télégramme, qu'un étranger indiquant, ce qui doit bien évidemment être vérifié et attesté, être sous convocation d'une autre préfecture, y ayant déposé une demande mais sans que celle-ci ait encore statué, n'avait pas à être reconduit à la frontière.

Un autre rôle des associations, mais qu'il m'appartient moins de juger, concerne le dépôt des demandes. Un certain nombre de demandes de régularisation sont déposées, comme on le dit un peu familièrement, par des "collectifs". C'est ainsi, me semble-t-il, que la préfecture de police, sur 45.000 ou 47.000 demandes, a vu environ 5.000 demandes être déposées collectivement par des associations.

M. LE PRÉSIDENT.- Cela signifie que ce sont les associations qui ont dressé les listes, qui ont monté des dossiers et qui les ont déposés au nom des individus.

M. DELARUE.- La part que prennent les associations dans ces demandes est variable. Certaines se contentent de transmettre, d'autres font remplir des dossiers, d'autres encore sont là simplement pour tenir la plume. A chacun de voir et à chaque étranger de se déterminer.

M. LE PRÉSIDENT.- Comment cela se passe-t-il au niveau de l'adresse donnée ?

M. DELARUE.- Nous avons indiqué très clairement que certaines demandes pouvaient être présentées avec domiciliation auprès d'une association. Il est clair que certains étrangers craignaient qu'on les interpelle sur le champ et qu'on les reconduise sur le champ à la frontière. Il fallait tout de même en tenir compte. Nous avons donc autorisé cette domiciliation, nous avons donné des consignes aux préfectures en ce sens mais il est clair qu'en cours de procédure, l'étranger doit donner sa propre adresse.

Dans un premier temps, les associations sont effectivement libres de présenter des demandes d'étrangers dès lors que ceux-ci s'associent bien à la demande, et c'est le moins qu'on puisse exiger.

M. LE PRÉSIDENT.- Avez-vous une idée du pourcentage des dossiers préparés avec l'aide d'une association ?

M. DELARUE.- Un sur 9 environ. Nous avons demandé à la préfecture de police de nous donner des indications, et il me semble que c'est du même ordre en Seine-Saint-Denis. Dans les autres préfectures cette proportion est beaucoup plus basse mais cela peut varier d'une préfecture à une autre.

Je dis très simplement qu'il me paraît normal que les associations aient leur rôle à jouer, mais pas sur la décision. Qu'elles ne se méprennent pas, à ce niveau, même si certaines d'entre elles le souhaiteraient. Sur la présentation des dossiers, en tout cas, je ne vois que des avantages à l'aide qu'elles peuvent apporter.

L'aide au retour, le ministre vous l'a indiqué, a été modifiée par une circulaire du 19 janvier 1998. Sachez aussi qu'à notre demande, cette circulaire a été publiée au journal officiel du 24 janvier 1998. Vous l'avez tous et donc je n'insiste pas sur son contenu. Pour ce qui est des résultats qu'elle apporte, cela fait seulement 10 jours qu'elle est entre les mains des préfets et je serais bien en peine d'avoir à me prononcer sur cette question.

Quoi qu'il en soit nous avons demandé aux préfets, et nous allons y veiller, de se rapprocher de l'office des migrations internationales, par le biais de ses délégations régionales, pour étudier de près la mise en oeuvre concrète de cette circulaire dont nous attendons effectivement qu'elle soit une des solutions à l'absence de régularisation. Je pourrai vraisemblement vous en dire plus dans deux ou trois mois.

M. LE PRÉSIDENT.- Monsieur le directeur, si je comprends bien, il y a une part d'aide en France, une part d'aide à l'étranger, et cette part d'aide à l'étranger ne peut se faire que dans le cadre de conventions passées avec les Etats étrangers, la définition même de l'étranger étant qu'il est souverain. Je ne pense pas que seraient acceptées des aides en provenance d'un Etat extérieur, sauf accord, et je vois qu'au niveau de votre circulaire vous citez le Maroc, la Tunisie, le Sénégal, la Turquie, le Mali et la Roumanie. Des conventions sont donc passées avec ces différents Etats ?

M. DELARUE.- Personnellement, je ne vois pas tout à fait le problème de cette façon. Il s'agit d'aides personnelles, pas d'aides aux Etats, premièrement. Deuxièmement, nous nous sommes calés pour établir cette liste sur des Etats dans lesquels l'office des migrations internationales était activement présent. Troisièmement, nous disons qu'à partir du moment où des délégations de crédits sont d'ores et déjà consenties à ces Etats par le biais d'accords de coopération, certains pourront être dévolus à des opérations qu'on appelle de micro-projets, qui iraient à ces étrangers non régularisés.

Par conséquent, je ne pense pas que ces aides à des personnes nécessitent des accords particuliers. Je crois qu'au contraire, elles doivent s'intégrer dans des opérations qui existent déjà, raison pour laquelle nous avons listé ces Etats. Nul accord n'a à subordonner le versement de cette aide et il me semble que la circulaire peut s'appliquer en l'état.

M. LE PRÉSIDENT.- Pour en revenir en France, si j'ai bien compris, il faut que l'intéressé fasse une demande expresse, laquelle demande est ensuite examinée. Il y a un sursis de deux mois durant lesquels aucune mesure n'est prise à son encontre et, pendant cette période, on délivre à l'étranger un récépissé de demande de titre de séjour.

M. DELARUE.- Cette circulaire est un peu compliquée parce qu'elle vient trop tard, pourquoi ne pas le dire. D'après moi, il aurait fallu que cette circulaire fût prise l'été dernier ; pour des raisons qu'il appartiendra peut-être au ministère de l'emploi et de la solidarité d'éclaircir, elle n'a pas été prise assez tôt. Dans ces conditions, que s'est-il passé depuis l'été dernier ? Un certain nombre de personnes ont fait l'objet d'un rejet, par conséquent d'une invitation à quitter le territoire, dans un régime d'aide au retour qui était l'ancien régime, si je puis dire, à savoir celui qui existait avant cette circulaire, et ceux qui ont fait l'objet d'une invitation à quitter le territoire après cette circulaire ont pu bénéficier d'un régime d'aide au retour distinct.

Cette situation ne nous a pas paru normale, méconnaissant de façon grave le principe d'égalité qui doit s'appliquer même dans ce cas-là. Nous avons donc fait cette gymnastique un peu complexe, en quelque sorte pour rattraper les étrangers qui auraient fait l'objet d'une invitation à quitter le territoire antérieure à la circulaire sur l'aide au retour. Nous avons demandé aux préfets de prendre le temps de leur expliquer ce qu'on trouve dans cette circulaire et de rappeler qu'ils peuvent en bénéficier. Nous rétroagissons, en réalité, mais de façon un peu fictive puisque les arrêtés de reconduite des étrangers seront effectivement pris après la circulaire. C'est l'aspect un peu compliqué de la chose.

M. LE PRÉSIDENT.- Et vous nous avez donc rappelé les deux mois de grâce induits par une demande présentée par un étranger frappé par une mesure de reconduite, pour bénéficier de l'aide au retour.

M. DELARUE.- C'est cela.

M. LE PRÉSIDENT.- A ce moment-là, est-ce à l'OMI qu'on doit s'adresser ?

M. DELARUE.- L'OMI et la préfecture seront chargés d'informer, par le biais des associations évidemment, en particulier sur le nouveau régime d'aide au retour susceptible d'intéresser les gens faisant déjà l'objet d'une invitation à quitter le territoire. De deux choses l'une : les étrangers se présenteront ou ils ne se présenteront pas, en tout cas nous n'irons pas les chercher. Là dessus, le rôle des associations peut être primordial. Il en va sur ce point, Monsieur le président, comme de n'importe quelle loi rapportée à n'importe quel citoyen français, ni plus, ni moins !

M. LE RAPPORTEUR.- Pour nous résumer, à l'heure actuelle toutes les mesures d'éloignement sont bloquées dans l'attente d'une mise en route de cette circulaire du 19 janvier 1998. A partir de quelle date prévoyez-vous qu'elle sera effective ?

M. DELARUE.- La circulaire est effective à savoir qu'on fait déjà de l'information, pour parler vulgairement, sur cette circulaire. Ce qui n'est pas effectif, en effet, ce sont les mesures de reconduite, mais les invitations à quitter le territoire sont elles effectives. Cela signifie que les 22.491 dont j'ai parlé au début ont reçu une lettre les invitant à quitter le territoire dans un délai d'un mois. En revanche, ce qui n'est pas encore applicable, ce sont les arrêtés de reconduite notifiés à tous ceux qui font l'objet d'un invitation à quitter le territoire.

M. LE PRÉSIDENT.- Soyons clairs. Il existe une lettre invitant un étranger en situation irrégulière à quitter le territoire, laquelle est parvenue par la Poste.

M. DELARUE.- Non, elle a été notifiée à la préfecture.

M. LE PRÉSIDENT.- Cette lettre stipule donc que l'étranger a un mois pour prendre ses dispositions. Deuxièmement, un arrêté de reconduite à la frontière n'est pas encore pris, qui sera lui exécutable dans un mois. Entre le moment où il sera pris et le moment où il sera exécutoire, l'intéressé pourra demander une aide au retour par l'intermédiaire de l'OMI, qui lui donne deux mois de délai supplémentaire pour l'instruction de ce dossier.

M. DELARUE.- Il est vrai qu'il y a deux mois au départ de l'opération.

M. LE PRÉSIDENT.- Par conséquent, l'arrêté de reconduite à la frontière est suspendu durant ces deux mois.

M. DELARUE.- Jusqu'au 24 avril, en effet, mais à partir du moment où l'aide au retour sera expliquée et répercutée, à partir du 24 avril, on pourra prendre des arrêtés de reconduite à la frontière, essentiellement notifiés par voie postale.

M. LE RAPPORTEUR.- Monsieur le directeur, dans la lettre par laquelle vous faites savoir à la personne que son dossier n'a pas pu être régularisé, lui faites-vous connaître l'existence de la circulaire du 19 janvier 1998 ?

M. DELARUE.- Bien entendu. Nous avons bien dit, au niveau des décisions d'invitation à quitter le territoire, que le régime d'aide au retour était applicable.

M. LE PRÉSIDENT.- Vous venez de fournir à la procédure un élément de contentieux tout à fait exceptionnel. Quelqu'un qui n'aura pas eu cette information jusqu'à il y a 10 jours pourra très bien faire valoir qu'il a été traité différemment, n'ayant pas pu bénéficier de l'information lui donnant la possibilité d'accéder à l'aide au retour !

M. DELARUE.- Je doute malgré tout du succès éventuel de ce contentieux, Monsieur le président. Bien entendu nous prendrons tous les moyens nécessaires, autant que faire ce peut, mais je ne crois pas qu'un tribunal administratif puisse se fonder sur une différence de traitement au regard de l'information donnée pour annuler l'invitation à quitter le territoire.

M. LE RAPPORTEUR.- J'en ai terminé, Monsieur le président.

M. LE PRÉSIDENT.- Mes chers collègues, je vous invite donc à prendre la parole.

M. CALDAGUES - Monsieur le directeur, vous nous avez indiqué que les 22.491 faisant l'objet d'une décision de rejet ont reçu une lettre les invitant à quitter le territoire. Cela signifie que vous aviez 22.491 adresses ou bien une partie de ces lettres a-t-elle été adressée via des associations ? Dans ce cas, je vous pose la question suivante, liée à une observation qui vient d'être faite : Que peut-on penser d'une décision voire d'une information administrative qui serait notifiée par le canal d'une association ? En cas de litige, dans quelle situation juridique va-t-on se trouver ?

M. DELARUE.- Naturellement, on peut en penser beaucoup de mal ! Une décision administrative serait illégale si elle était notifiée à un tiers, s'agissant d'une décision individuelle. C'est la raison pour laquelle la plupart des préfectures notifient la décision aux intéressés sur place, lorsqu'elles les reçoivent, et c'est le cas par exemple à la préfecture de police. Quand ils ne se déplacent pas, j'ai indiqué tout à l'heure qu'au cours de la procédure, l'adresse exacte de la personne était recueillie et, par conséquent, il y a un envoi personnel.

Qu'il n'y ait pas de confusion à propos des associations. Les associations apportent une aide très importante aux étrangers, elles ne sont pas destinées à aider l'administration.

M. DEMUYNCK - Monsieur le président, vous nous avez dit tout à l'heure que des circulaires et des télégrammes complémentaires avaient été envoyés aux préfectures. Ces notifications ont-elles modifié sensiblement la circulaire du 24 juin, par exemple concernant l'appréciation du séjour et des ressources ?

M. DELARUE.- Naturellement, je pourrai fournir toutes ces indications et tous les documents à la commission d'enquête si elle le souhaite mais je peux vous dire que ces documents sont traditionnellement de nature à lever quelques ambiguïtés qui pouvaient exister au niveau de l'interprétation des préfets sur la circulaire. Pour citer un seul exemple, s'agissant du regroupement familial sur place, l'interrogation portait sur les conditions de ressources et de logement et nous avons fourni aux préfets une réponse confirmant le maintien de ces conditions.

Les instructions supplémentaires qui ont été envoyées visaient exclusivement à lever des ambiguïtés qui pouvaient exister au niveau de la circulaire. Je ne sache pas qu'aucune d'entre elles n'ait comporté une remise en question, ni en bien, ni en mal, ni en extension, ni en restriction, de la circulaire du 24 juin 1997.

M. CALDAGUES - Pour revenir sur la question précédente, votre réponse, Monsieur le directeur, n'a pas comblé mon attente. Je ne sais toujours pas si la totalité des 22.491 personnes faisant l'objet d'une décision de rejet a pu être touchée. Vous nous avez dit qu'on leur remettait la notification en préfecture mais j'avoue ne pas très bien comprendre. La décision n'est pas prise sur le champ, elle est prise à l'issue d'un certain délai. Si on remet la notification en préfecture, cela signifie bien qu'on a pu joindre les intéressés et j'en reviens au problème de l'adresse de ceux qui doivent être touchés par cette notification. Je crains ne pas avoir eu cette réponse.

M. DELARUE.- J'ai cru être clair mais sans doute ne l'ai-je pas été suffisamment. Aucune notification ne se fait par le canal d'une association, je dis bien aucune. Ceci étant, si j'ai bien distingué le fait qu'on la donne sur place ou à l'adresse de la personne, c'est du fait qu'au niveau de certaines préfectures l'instruction demande plusieurs semaines voire plusieurs mois. Elles reconvoquent les étrangers à l'issue de la procédure pour leur dire qu'on ne leur remet pas de carte séjour temporaire et on leur notifie, sur pièce et sur place si je puis dire, l'invitation à quitter le territoire. C'est le cas de la préfecture de police mais d'autres notifient par voie postale tout simplement parce qu'elles ne reconvoquent pas une nouvelle fois l'étranger en vue de lui notifier sa décision. Nous avons bien évidemment, dans tous ces cas, les adresses personnelles des intéressés, et nous ne passons jamais par le canal des associations.

Ceci est d'ailleurs si vrai et je l'ai déjà dit, le ministre également, que tous les étrangers sont convoqués pour être entendus à un moment ou à un autre de la procédure, voire à deux ou trois moments de la procédure.

M. LE PRÉSIDENT.- Même ceux pour lesquels l'adresse a été donnée au nom de l'association ?

M. DELARUE.- Absolument, et le ministre vous a bien indiqué l'autre jour qu'un certain nombre d'étrangers ne répondaient pas aux convocations. Nous n'avons pas leur adresse et nous ne les prenons pas en considération, tout simplement. On leur notifie les décisions de rejet selon la même procédure que pour les autres demandeurs, en tout cas il n'y a pas de décision de refus de séjour qui soit envoyée à une association X ou Y pour la remettre à Monsieur Untel.

M. CALDAGUES - Si vous me permettez, Monsieur le président, y a-t-il des lettres et dans quelle proportion, si vous la connaissez, revenant avec la mention "n'habite pas l'adresse indiquée" ?

M. DELARUE.- On tombe là dans un cas classique tel qu'on le vit depuis 20 ans ou 25 ans dans ce pays. Il est vrai que des gens indiquent de fausses adresses mais je ne crois pas que le pourcentage, que je ne peux pas vous indiquer aujourd'hui, soit sur cette opération ni plus grand, ni plus petit que la moyenne. J'ai souvenir, mais je peux me tromper sur ce point-là, qu'en moyenne les préfectures, sur la délivrance de titres de séjour classiques, voient à peu près 10 % des courriers portant cette mention. J'ajoute que ce n'est pas forcément dû à une mauvaise intention des étrangers, beaucoup déménageant extrêmement fréquemment.

Mme POURTAUD - Pour vous poser une question très précise, Monsieur le directeur, vous nous avez dit qu'en fait un certain nombre d'instructions complémentaires ont été données aux préfectures à travers les fiches questions/réponses, entre autres pour éviter l'arbitraire, en quelque sorte, ou des distorsions au niveau du type de décision entre les différents points du territoire. Parmi ces instructions complémentaires, y en a-t-il eu portant sur une durée minimale de séjour régulier qui aurait été exigée à des étrangers demandant leur régularisation après un séjour important sur notre territoire ? Il est revenu à mes oreilles qu'au niveau de la préfecture de police de Paris en particulier, une durée minimale de séjour régulier de 6 mois était demandée, ce qui exclut automatiquement un certain nombre d'étrangers rentrés avec des visas touristiques mais qui, néanmoins, ont séjourné dans notre territoire de très longue date.

M. DELARUE.- Madame le sénateur, nous avons effectivement donné des indications sur les durées de séjour, qui sont de deux ordres. L'une porte sur les déboutés du droit d'asile et c'est la catégorie à laquelle vous faites référence. A ce niveau, il faut en effet 6 mois de séjour régulier et un certain nombre d'entre eux ne justifient pas de ces 6 mois de séjour régulier. A ceux-là, nous ne donnons pas satisfaction.

Nous avons indiqué une deuxième durée de séjour, pour la catégorie des célibataires sans charge de famille attestant d'une certaine durée de séjour en France. A leur niveau, nous avons indiqué qu'une durée de 7 ans minimum de séjours irréguliers en France était nécessaire.

Mme POURTAUD - Monsieur le directeur, j'ai bien entendu votre réponse mais la référence aux 6 mois de séjour régulier ne m'a pas été donnée uniquement dans le cadre des déboutés du droit d'asile.

M. LE RAPPORTEUR.- Ce n'est pas prévu par la circulaire.

Mme POURTAUD - Ma question portait sur les instructions complémentaires qui ont éventuellement été données à travers les questions/réponses.

M. DELARUE.- Je vous remercie d'attirer mon attention sur ce point. Si une durée de 6 mois a été invoquée pour une autre catégorie que celle du débouté du droit d'asile alors qu'elle ne devait pas s'appliquer, l'agent qui vous a renseigné s'est trompé et il faudra lui faire entendre raison sur ce point.

M. DEBARGE - Pour en revenir à des données pratiques, en Seine-Saint-Denis environ 40.000 dossiers ont été déposés en vue d'une régularisation et 32.000 sont maintenus. J'ai eu l'occasion de rencontrer les responsables de la préfecture qui font preuve de la plus grande efficacité et qui ne sont nullement en cause mais, avec 32.000 entretiens personnels, je me demande comment il vont pouvoir s'organiser. Vous n'êtes pas obligé de me répondre aujourd'hui mais avez-vous une idée du pourcentage d'entretiens personnels déjà réalisés sur l'ensemble du territoire ?

Les distorsions que vous avez exprimées tout à l'heure proviennent peut-être de démarches différentes suivant les préfectures mais également de situations différentes, dans les diverses préfectures, dans la mesure où il y a plus ou moins de dossiers à traiter.

Pour en venir à la circulaire de janvier 1998 sur l'aide au retour, je me demande s'il n'y aurait pas une possibilité de la transmettre plus individuellement. Sans cela, peut-être y aura-t-il des contentieux, je ne suis pas suffisamment expert dans ce domaine, en tout cas des associations risquent de se manifester et cela commence déjà un peu, non seulement en direction des préfectures mais également en direction des mairies.

Troisième question, qui n'a rien à voir avec le département de la Seine-Saint-Denis, dans le cadre de votre exposé introductif vous nous avez indiqué que dans certains cas, on demandait le carnet de santé. Je vais peut-être poser une question très naïve mais je m'interrogeais sur le point de savoir si on demandait l'extrait de casier judiciaire. Cette chose-là est-elle prévue ou n'est-elle pas prévue ? Je prends bien soin de dire que je n'ai pas de référence particulière à exprimer au sujet d'une préfecture ou d'une autre, simplement il s'agit d'une question complémentaire que je pose d'une façon neutre, si vous me permettez.

M. DELARUE.- A propos des auditions, je dis simplement que la Seine-Saint-Denis a très bien travaillé et je ne suis pas neutre sur ce point. Il est vrai que 30.000 ou 32.000 personnes ont été entendues. A ma connaissance, ces auditions devaient s'achever au 31 janvier. Je suppose que ce délai a été tenu, en tout cas je sais que l'embauche d'effectifs supplémentaires a été précieuse et je peux révéler que quelqu'un qui m'est très proche a participé à ces entretiens. Grâce aux effectifs présents sur place, 100 personnes par jour ont été reçues, dans des conditions convenables. De nouveaux locaux avaient été créés et on n'a pas fait attendre les gens dans n'importe quelles conditions.

J'ajoute que les gens ont été entendus deux fois, dès lors que leur dossier n'était pas complet, voire éventuellement trois fois, quand on avait des explications complémentaires à leur demander. Je ne suis pas sûr, et je le dis " tout de go " à la commission, que dans toutes les préfectures cela ait fonctionné aussi bien.

Je ne reviens pas sur les divergences d'appréciations mais j'approuve vos propos. Nous sommes si habitués à faire un tableau de l'immigration hexagonale taillé à la hache que nous oublions un peu qu'en fonction des départements, des cités ou des villes, l'immigration peut avoir différents aspects et présenter des configurations différentes.

Sur la transmission de la circulaire, troisième point, je suis tout à fait disposé à vous donner le plus large écho. D'ailleurs, je ne vais pas vous le cacher, c'est à la demande du ministre de l'intérieur et contrairement à l'indication initiale du secrétariat général du gouvernement que cette circulaire a été publiée au journal officiel, de façon à ce que les associations puissent lui donner la plus large répercussion. Faut-il aller au-delà ? Je prends note de votre suggestion. Cela dépend de la nature des entretiens individuels qui ont lieu. Dans le cadre des entretiens qui ne sont pas encore effectués, on pourra faire état de cette circulaire et cela me paraît même normal, mais pour ceux qui sont achevés on peut peut-être envisager une plus large diffusion. Je suis tout à fait ouvert.

Quant à l'extrait de casier judiciaire, je vais être tout à fait clair. La circulaire du 24 juin 1997 conditionne la régularisation à la réserve de l'"ordre public" et vous avez eu sur ce point Monsieur le président, à propos du projet de loi, des débats tout à fait intéressants, raison pour laquelle la production de l'extrait de casier judiciaire B2 est normalement exigée.

M. ALLOUCHE - Je dois dire à mon collègue, M. Galdaguès, que nous nous posions les mêmes questions à propos des adresses des associations. Comme je m'y étais engagé, j'ai remis au président de la commission copie d'une lettre adressée par la préfecture du Nord à un étranger qui était invité à quitter le territoire. Il existe dans le Nord un collectif d'associations et l'adresse indiquée était bien une adresse personnelle. J'ai pris soin de le vérifier et, effectivement, tout le monde donne une adresse lors du premier entretien.

Monsieur le directeur, grâce aux questions pertinentes de notre rapporteur et de notre président, vous avez je crois satisfait une grande curiosité de notre part. J'ai néanmoins un point d'inquiétude, que je vais vous formuler. Si l'on tient compte des dossiers positifs et des dossiers négatifs, on atteint le chiffre de 46.000. Il en resterait donc 133.000 d'ici à trois mois, jusqu'au 30 avril, et vous avez pris soin de nous dire qu'à certains endroits, ce sont les dossiers les plus faciles qui ont été étudiés en premier. Pensez-vous vraiment que d'ici trois mois, au rythme de 45.000 dossiers par mois, l'administration va pouvoir faire face ? N'y aurait-il pas matière à transfert de personnel en tenant compte du nombre de dossiers déposés ici ou là, afin de tenir les délais qui ont été fixés par la circulaire du ministre ?

Personnellement, je ne peux qu'appuyer la remarque de mon collègue Debarge : dans la mesure où un étranger reçoit une lettre l'invitant à quitter le territoire, il serait bon d'adjoindre à cette lettre la circulaire afin de préciser ce à quoi il peut prétendre et ce à quoi il n'a pas droit. Dès lors que vous avez commencé à faire un effort en matière d'information, il faut aller jusqu'au bout.

M. DELARUE.- Pour commencer par la fin, j'ai dit que je retenais la suggestion, à dire vrai je ne serai pas très enclin à envoyer la circulaire, plutôt un document qui en expliquerait le contenu.

Le sénateur Allouche a posé une question tout à fait importante au sujet des délais. Notre préoccupation commune, sur les divergences d'appréciation qui peuvent exister d'une préfecture à l'autre, ne doit pas nous faire oublier cette question plus simple encore des délais de réalisation qui varient d'une préfecture à l'autre et je sais qu'au moins deux préfectures de ce pays sont pour moi une source de préoccupation à cet égard. Pour la quasi totalité des autres préfectures, dans l'ensemble les délais seront je crois tenus.

Je précise qu'il ne faut pas se caler sur le nombre de décisions mais sur deux éléments, dont premièrement le fait que les délais d'instruction ont été longs au début parce qu'il convenait d'entendre les personnes. Je précise que ce que je viens d'indiquer à propos de la Seine-Saint-Denis vaut pour la majorité des préfectures où les personnes ont maintenant été entendues et dont les dossiers ne nécessitaient plus désormais qu'un traitement purement administratif. Désormais, normalement, les choses devraient aller plus vite.

Deuxièmement, les chiffres que je vous ai indiqués ne tiennent pas compte des dossiers traités et qui n'ont pas encore fait l'objet de décisions notifiées. Dans un département que vous connaissez bien, je crois savoir que très peu de décisions de refus ont été notifiées alors que beaucoup de décisions de refus sont d'ores et déjà prises. Je suis obligé d'insister auprès de certains préfets pour leur dire de notifier les décisions de refus au fur et à mesure qu'ils les prennent.

Je ne suis donc pas trop inquiet sur les délais. Il me semble que la délai du 30 avril, dans la grande majorité des cas, sera respecté, sous réserve, toutefois, de quelques préfectures qui n'ont pas bien travaillé, ce que nous ne manquons pas de leur dire, et de quelques préfectures, je pense en particulier à la préfecture de police, où le nombre de demandes est tel qu'il faudra vraisemblablement leur donner un délai supplémentaire. Je vous rappelle que la préfecture de Paris a reçu 47.000 demandes.

M. LE PRÉSIDENT.- Il faudra donc donner un délai supplémentaire, au-delà du 30 avril.

M. DELARUE.- Il ne faudra d'ailleurs pas leur "donner" et mon sens du commandement s'efforce d'être réaliste. Au 30 avril, il y aura encore quelques milliers de dossiers à traiter et nous n'allons pas demandé un arrêt de leur traitement. On ne donnera pas à certaines préfectures un délai supplémentaire, il faudra qu'elles l'aient de toute façon.

M. MAHEAS - Monsieur le directeur, j'ai l'intime conviction que cette commission d'enquête vous interroge un peu prématurément. Pour être pragmatique, concret et efficace, si cette commission dure un peu, c'est plutôt vers la fin avril qu'il faudrait que nous fassions le point.

Ceci dit, vous m'avez complètement rassuré sur les moyens mis en oeuvre. J'ai fait de rapides calculs et je m'aperçois, étant donné la somme et le potentiel humain mis en place pour étudier les dossiers, qu'ils seront particulièrement bien étudiés si effectivement ces moyens sont répartis d'une façon proportionnelle. Vous le savez peut-être, moi aussi je réside en Seine-Saint-Denis et je peux attester que des lieux déconcentrés ont été mis en place, ce qui fait que les étrangers ont été reçus tout à fait convenablement. Je tenais à le signaler à notre commission.

Je souhaite maintenant poser trois questions.

Premièrement, une difficulté fréquente au niveau des étrangers tient aux preuves qu'ils peuvent fournir à propos de leur durée de séjour. Etant donné leur vie quelque peu nomade, leurs attestations se réfèrent souvent au travail et, malheureusement, bien souvent au travail au noir. Comment faire pour que cette durée de travail et de travail au noir soit prise en compte pour la durée de séjour ?

La deuxième difficulté concerne les retours. On a souvent tendance à dire que les étrangers ne fournissent pas leurs adresses, ou qu'ils fournissent de fausses adresses. Pour citer l'exemple de la Seine-Saint-Denis, je sais par exemple que si l'adresse n'est pas excessivement précise, à savoir avec une référence d'appartement, il n'y a pas de distribution de la Poste mais il y a un retour. Je sais aussi que dans certains lieux de mon département, au niveau de certains immeubles, il n'existe pratiquement plus de boîtes aux lettres. Cela complique les choses !

Je vous demande de mettre en place un système où, dans les préfectures, les étrangers puissent effectivement, s'ils n'ont pas été avertis, avoir une possibilité de contact de telle sorte qu'on leur dise, à l'entretien : "Si vous ne recevez pas la lettre en tant de temps, revenez nous voir et interrogez-nous".

Dernier point, j'ai bien compris quel était le rôle de l'OMI dans l'aide au retour mais je ne suis pas intimement persuadé qu'il ne faut pas doubler cela d'un contact d'administration à administration, entre l'administration française et les principaux pays d'où provient l'immigration. Est-ce possible a mettre en place, cette idée a-t-elle déjà commencé à être mise en place et dans quelles conditions ?

M. DELARUE.- Très rapidement, compte tenu du temps qui vous est imparti, puisque vous avez bien voulu indiquer que les dossiers avaient été bien traités, Monsieur le sénateur, je tiens simplement à dire que je tire mon chapeau aux fonctionnaires qui font ce travail. On peut tout à fait penser ce qu'on veut de la circulaire, des bienfaits de l'opération ou pas, je n'aimerai pas, en tout cas, que l'opinion publique estime que les dossiers ont été mal étudiés car ce serait inexact, et je souhaiterais que cette commission d'enquête puisse au moins apporter ce témoignage sur l'administration. Je ne veux pas préjuger du reste, Monsieur le président, c'est vous qui en déciderez !

Sur la durée de séjour, en effet, elle est difficile à évaluer, raison pour laquelle nous avons évoqué dans la circulaire l'idée du faisceau d'indices. Il est vrai aussi que, s'agissant du travail au noir, à mon sens il ne peut pas être pris en considération dès lors que, par définition, il ne peut pas être justifié. Nous avons précisé, au niveau d'une des fiches questions/réponses évoquées tout à l'heure, que bien sûr l'activité régulière implique une déclaration fiscale et une déclaration de cotisations sociales.

Sur ce qui a été dit à propos des adresses, il s'agit effectivement d'un point difficile et que je ne méconnais pas. Beaucoup de problèmes en la matière expliquent des retours de notifications et je vous citais tout à l'heure le pourcentage de 10 %. Un autre cas de figure, me semble-t-il, vous est familier : celui des personnes habitant chez un tiers. Elles sont très nombreuses, parmi cette population, et il suffit qu'on n'habite plus chez Monsieur Untel pour que la lettre s'égare dans la nature.

Il me semble que pour le dialogue avec l'étranger, nous avons exigé une convocation et un entretien pour qu'il puisse nous indiquer une adresse aussi exacte que possible et, s'il n'y a pas de boîte aux lettres, pas de "moyen de", qu'il veuille bien nous l'indiquer. J'en reviens un peu au rôle des associations. Personnellement, je n'interdis pas que dès lors qu'il y aurait notification personnelle, sans rien retirer de ce que j'ai dit précédemment, qu'il puisse éventuellement y avoir des intermédiaires. Il me semble aussi que c'est l'intérêt des convocations pour lesquelles, comme au niveau de la préfecture de police, on remet à l'intéressé la décision en mains propres.

Ensuite, sur l'OMI, son rôle et la nécessité de contacts avec les autres administrations, je crois très clairement que c'était l'un des sens, même si ce n'est pas le seul, du déplacement du Premier ministre en Afrique ces dernières semaines, et j'espère bien que, derrière ce déplacement, les contacts que vous souhaitez seront pris. Je peux vous dire qu'à l'heure actuelle, il n'y en a pas étant donné que la circulaire vient d'être prise et que nous ne voulions pas donner l'impression aux Etats souverains que nous leur forcions la main.

M. LE PRÉSIDENT.- Monsieur le rapporteur a le dernier mot, qui va vous poser ses ultimes questions, à moins qu'il y ait des questions supplémentaires de la part de membres de la commission.

M. CALDAGUES - Pour être très bref, mon collègue a dit tout à l'heure que l'existence de cette commission d'enquête était prématurée, tel n'est pas du tout mon sentiment. Il est bon que la représentation nationale soit informée au fur et à mesure des détails d'une opération comme celle-là. Nous en apprenons beaucoup et notre curiosité a été satisfaite ce matin, y compris sur des points au sujet desquels certains d'entre nous avaient des préjugés, des idées reçues. Il me semble très utile d'avoir conscience, quel que soit le jugement qu'on porte sur cette opération, qu'un travail considérable a été accompli et que la représentation nationale en ait connaissance ; qu'elle ne se contente pas, comme tout le monde, de lire son journal une fois l'opération terminée.

M. LE PRÉSIDENT.- Je dois dire à Monsieur Mahéas que nous avons pris les précautions les plus extrêmes pour commencer nos travaux le plus tard possible. Vous savez que nous sommes tenus par un délai légal de 6 mois et, ainsi, on couvre le délai de la fin de l'application de la circulaire.

M. MAHEAS - A quelle date l'existence de cette commission d'enquête doit-elle prendre fin ?

M. LE PRÉSIDENT.- Le 11 juin. Votre curiosité sera tout à fait satisfaite. Pour le reste, comme l'a indiqué M. Caldaguès, il est vrai que nous en avons appris beaucoup aujourd'hui et je tiens à remercier Monsieur le directeur de sa disponibilité, également de la façon très claire et très transparente avec laquelle il a dit la vérité.

M. LE RAPPORTEUR.- Monsieur le président, pour confirmer ce que vous et vos collègues avez pu indiquer, je tiens à remercier Monsieur le directeur des éclaircissements importants qu'il nous a apportés.

Simple question, Monsieur le directeur, je suis originaire des Alpes-Maritimes et le tribunal administratif de Nice, le 13 janvier 1998, en matière de droit d'asile a rendu une décision dont je me demande si votre ministère va l'accepter ou si vous allez donner l'instruction, pour ce département, d'interjeter appel de cette décision qui pose incontestablement problème, même au regard de l'article 1-9 de la circulaire du 24 juin 1997. Elle considère, en effet, en visant d'ailleurs l'ordonnance de novembre 1945 et non la circulaire, article 27 bis, que peut bénéficier du droit d'asile un Algérien pour la raison simple, et sans doute valable, qu'il est originaire de la région de Rélizane où 400 personnes environ ont été tuées, vraisemblablement par le GIA.

Pour en revenir à ma question, faites-vous appel ? Cette décision, étendue, pourrait être appliquée aux Kurdes dans certains cas, voire à toute l'Algérie. Des massacres sont constatés un peu partout en Algérie et voyez l'effet d'annonce que cette décision peut avoir !

M. DELARUE.- Monsieur le sénateur, aucune décision n'a été prise et il y a deux mois pour faire appel. Sauf erreur, le jugement a été notifié au préfet des Alpes-Maritimes début janvier. Vous l'aviez d'ailleurs évoqué devant le ministre, lorsqu'il a été entendu par votre commission. Je peux simplement vous dire, n'étant pas tout à fait étranger au droit administratif, que cette décision ne présente pas un caractère de grande nouveauté juridique puisque l'article 27 bis de l'ordonnance de 1945, comme vous le savez qui résulte de la loi du 24 août 1993, interdit au gouvernement, aux pouvoirs publics de ce pays, de reconduire un étranger dans un pays où il risquerait des traitements inhumains ou dégradants.

Il me semble que la nouveauté réside davantage dans la publicité qu'a voulu faire le tribunal administratif de Nice, d'un certain nombre de décisions qu'il a prises à une époque, trois en réalité, ce qui ressemble un peu à un tir groupé. Il me semble qu'en matière d'asile, y compris territorial, il n'y a pas d'examen collectif, uniquement des examens individuels. Si le tribunal administratif a voulu nous dire, que de façon systématique, tous les Algériens devaient bénéficier dans ce pays de l'asile territorial, la question mérite en effet d'être examinée et il me semble que cela vaudra appel. Si telle n'était pas l'attention du tribunal administratif, la question vaudra néanmoins la peine d'être reconsidérée. J'attends de lire les conclusions du commissaire du gouvernement que j'ai demandées avant de prendre position sur ce point.

M. LE PRÉSIDENT.- La commission sera je crois unanime pour reconnaître la qualité de l'audition de M. Delarue, sa disponibilité et sa volonté de nous informer d'une façon aussi complète que nous le souhaitions, illustrant tout à fait l'intérêt d'une commission d'enquête. La passion habite chacun, chacun est libre de ses opinions dans une démocratie, mais l'objectivité est un facteur de curiosité intellectuelle dès lors que celle-ci est satisfaite par un exposé aussi clair que celui que nous avons entendu.

Vous devez savoir, M. Delarue, qu'il est dans l'intention du rapporteur de vous entendre de nouveau, précisément quand nous aurons à faire des comptes et je suis sensible à l'observation de M. Allouche, qui se demandait comment nous allions nous y prendre pour ne pas avoir trop de travail dans les dernières semaines d'existence de notre commission. Bien évidemment, nous reviendrons sur les interférences entre la nouvelle circulaire sur l'aide au retour et l'ancienne et notre opinion se formera à la mesure de nos auditions. Soyez en tout cas remercié, Monsieur le directeur. Nous avons été très attentifs à vos propos et nous en ferons notre profit.

M. DELARUE.- Je précise, Monsieur le président, que je demeure à la disposition entière de la commission, du début à la fin.

M. LE RAPPORTEUR.- Pourriez-vous nous adresser les télégrammes et les circulaires ?

M. DELARUE.- Tout à fait.