M. Philippe DALLIER

SYNTHÈSE DES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

I. LE PRÉSENT PROJET DE BUDGET

1. Un budget en forte augmentation

Les crédits proposés pour 2005 sont en augmentation de 78 millions d'euros par rapport à ceux de l'année 2004, avec un montant de 423 millions d'euros , contre 344 millions d'euros en 2004, ce qui représenterait une augmentation de 23 % .

Cette augmentation proviendrait :

- d'un quadruplement des moyens des services (titre III), qui passeraient de 12 millions d'euros à 47 millions d'euros, du fait du transfert de 38 millions d'euros en provenance du titre IV, correspondant à l'expérimentation de trois budgets opérationnels de programme , dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) ;

- d'une diminution de 20 millions d'euros des interventions publiques (titre IV), résultant essentiellement, outre du redéploiement indiqué ci-avant, de l'augmentation nette de 39,70 millions d'euros des crédits destinés à l'éducation , consécutive au projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, actuellement en cours de discussion, en partie compensée par la suppression des crédits, de 20 millions d'euros, destinés aux communes en grand projet de ville (GPV) connaissant des difficultés financières ;

- d'une augmentation de 57 % des crédits destinés aux subventions d'investissement (titre VI), les crédits destinés à l'agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) faisant plus que doubler, passant de 57 millions d'euros en 2004 à 128,1 millions d'euros en 2005, du fait de la montée en puissance des opérations de rénovation urbaine, conformément aux engagements inscrits dans la loi n° 2003-710 du 1 er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine.

2. Un budget ne permettant pas de respecter strictement les obligations de l'Etat vis-à-vis de l'ANRU

Le montant de l'ensemble des subventions de l'Etat à l'ANRU serait cependant inférieur au montant prévu par la loi du 1 er août 2003 précitée.

En effet, selon cette loi, les crédits de l'Etat à l'ANRU inscrits en loi de finances initiale - qui proviennent non seulement du budget de la ville et de la rénovation urbaine, mais aussi de celui du logement - doivent s'élever à au moins 2,5 milliards d'euros sur la période 2004-2008, avec une dotation annuelle au moins égale à 465 millions d'euros .

En 2004, le montant minimal de 465 millions d'euros a été atteint pour les autorisations de programme, mais pas pour les crédits de paiement.

Le présent projet de loi de finances ne propose de respecter cet objectif ni pour les autorisations de programme (de 415 millions d'euros au total), ni pour les crédits de paiement (de 226,6 millions d'euros au total). Le gouvernement justifie cette situation par le fait que l'ANRU a bénéficié, en 2004, du reliquat du fonds de renouvellement urbain (FRU), de 50 millions d'euros, constaté à la fin de l'année 2003.

II. LES PRINCIPAUX ENJEUX

1. La mise en oeuvre de la LOLF

La mise en oeuvre de la LOLF semble se faire dans des conditions satisfaisantes.

L'intégration du budget de la ville et de la rénovation urbaine à la nouvelle architecture du budget de l'Etat est conforme aux préconisations de votre commission des finances.

- Le projet de constituer une vaste mission interministérielle uniquement consacrée à la politique de la ville, qui aurait regroupé la quasi-totalité des crédits du « jaune », soit environ 6 milliards d'euros, a été abandonné, conformément aux préconisations de notre collègue Eric Doligé, alors rapporteur spécial des crédits de la ville et de la rénovation urbaine, du fait de l'impossibilité d'identifier précisément les crédits concernés.

- Après l'abandon du projet de mission interministérielle, le gouvernement a envisagé, dans ses propositions du 21 janvier 2004, la constitution d'une mission ministérielle « Ville », dotée de seulement 650 millions d'euros. Dans leur récent rapport d'information, déposé le 5 mai 2004, relatif à la mise en oeuvre de la LOLF 1 ( * ) , nos collègues Jean Arthuis et Philippe Marini, président et rapporteur général de notre commission des finances, ont jugé ce projet de mission inapproprié, du fait de son faible montant.

Aussi, conformément aux préconisations du rapport d'information précité, le gouvernement propose de mettre en place une mission ministérielle « Ville et logement », dotée d'environ 7 milliards d'euros, qui joindrait aux principaux crédits de la politique de la ville les principaux crédits de celle du logement. Cette mission réunirait quatre programmes :

- un programme « Equité sociale et territoriale et soutien » (660 millions d'euros), correspondant à la quasi-totalité de l'actuel budget « Ville et rénovation urbaine », augmenté des compensations d'exonérations de cotisations sociales patronales en vigueur dans les ZFU ;

- un programme « Rénovation urbaine » (227 millions d'euros), réunissant les subventions de l'Etat à l'ANRU, actuellement éclatées entre le budget de la ville et de la rénovation urbaine et celui du logement ;

- surtout, deux programmes « Aide à l'accès au logement » (5.186 millions d'euros) et « Développement et amélioration de l'offre de logement » (1.378 millions d'euros), correspondant à la quasi-totalité de l'actuel budget du logement, et qui vous ont été présentés par notre collègue Roger Karoutchi, rapporteur spécial des crédits du logement.

Les deux premiers programmes sont globalement satisfaisants, tant en ce qui concerne leur structuration en actions qu'en ce qui concerne les objectifs et indicateurs retenus. On peut cependant s'interroger sur la pertinence de l'objectif « Améliorer la qualité des services rendus aux habitants des ZUS » du programme « Equité sociale et territoriale et soutien » , mesuré par un « indice de satisfaction des habitants à l'égard de la couverture locale de services publics ». En effet, l'évolution de cet indice ne semble pas dépendre du responsable du programme.

Par ailleurs, certaines préconisations de notre collègue Eric Doligé ne sont pas mises en oeuvre. Notre collègue suggérait que les « indicateurs globaux » et l'objectif de « réduction progressive des écarts constatés avec les autres villes ou quartiers, et de « retour au droit commun » », inscrits, à son initiative, dans la loi précitée du 1 er août 2003, soient pris en compte dans le cadre de la mise en oeuvre de la LOLF. Or, les indicateurs concernés ne figurent pas dans l'avant-projet annuel de performances, et, contrairement à ce que suggérait notre collègue, l'objectif précité ne fait l'objet d'aucune « finalité d'intérêt général », au sens de la LOLF. Votre rapporteur spécial estime que la mise en oeuvre de ces préconisations permettrait une plus grande clarté des objectifs poursuivis par la politique de la ville.

2. Le problème du zonage de la politique de la ville

La politique de la ville stricto sensu repose sur deux zonages concurrents :

- celui des zones urbaines sensibles (ZUS), qui comprennent les zones de redynamisation urbaine (ZRU), qui comprennent les zones franches urbaines (ZFU) ;

- celui, plus large, des quartiers prioritaires des contrats de ville.

Dans son rapport public particulier relatif à la politique de la ville (2002), la Cour des comptes estime que cette coexistence de deux zonages « n'améliore pas la lisibilité du dispositif pour les citoyens ».

Cette situation est d'autant plus contestable que le zonage ZFU est déjà ancien. En particulier, il repose sur le recensement de 1990.

Au double zonage de la politique de la ville stricto sensu s'ajoute celui de la dotation de solidarité urbaine (DSU), que le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, actuellement en cours de discussion, prévoit de porter d'environ 600 millions d'euros aujourd'hui à 1,2 milliard d'euros en 2009.

Le zonage de la DSU est trop large. Ainsi, en 2004, sur les 932 communes de plus de 10.000 habitants, 699, soit les trois quarts, ont bénéficié de la DSU.

Votre rapporteur spécial estime que tous ces zonages devaient faire l'objet, dans les années qui viennent, d'une réforme d'ensemble.

3. Quel est le coût réel des zones franches urbaines ?

Votre rapporteur spécial est intéressé à la question du coût réel , pour les finances publiques, des exonérations de cotisations sociales patronales dans les zones franches urbaines (ZFU).

En effet, le coût indiqué dans le « jaune », de l'ordre de 300 millions d'euros par an, correspond à l'ensemble des exonérations spécifiques de cotisations sociales patronales en vigueur dans les ZFU, sans prendre en compte le fait qu'il existe d'ores et déjà une exonération analogue au niveau national, totale au niveau du SMIC.

S'appuyant sur des données fournies par le gouvernement, votre rapporteur spécial évalue à environ 150 millions d'euros le coût annuel des exonérations sociales en ZFU, net du montant des exonérations qui correspondraient à l'application du droit commun. Ce chiffre doit évidemment être considéré comme un simple ordre de grandeur.

L'article 49 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe comme date butoir, pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires, au plus tard huit jours francs à compter du premier mardi d'octobre de l'année qui précède celle de l'exécution du budget.

A cette date, seulement 21 % des réponses étaient parvenues à votre rapporteur spécial.

Au 31 octobre 2004, 83 % des réponses étaient parvenues à votre rapporteur spécial.

* 1 Rapport d'information n° 292 (2003-2004).