B. LES ACCIDENTS ET LA CONGESTION DU TRAFIC

On peut également s'interroger sur les pertes de bien-être suscitées par les autres principales nuisances de l'automobile : les accidents et la congestion du trafic.

Certaines études ne prennent pas en compte les accidents et la congestion, estimant qu'ils concernent les seuls usagers, et ne sont donc pas des externalités. Tel est le cas, en ce qui concerne les accidents, de celle du Conseil général des Ponts et Chaussées (dans sa version aux coûts complets) 39 ( * ) . En effet, lorsque la victime est un tiers, les conducteurs supportent le coût de son indemnisation (assurance obligatoire) et des soins médicaux qui lui sont apportés (surtaxe sur les assurances). De même, la congestion n'est prise en compte ni par cette étude, ni par celle du Comité des constructeurs français d'automobiles.

La Délégation s'interroge sur la validité d'un tel argument. Les accidents suscitent également une souffrance pour les proches de la victime, et constituent donc bien une externalité si l'on prend en compte cette souffrance (que le rapport BOITEUX de 1991 s'efforce de monétariser). Par ailleurs, si la congestion en tant que telle ne constitue pas une externalité pour les non usagers, il s'agit bien d'une nuisance, qui doit faire l'objet de politiques publiques appropriées.

1. Les accidents de la route

De 1976 à l'an 2000, les nombres d'accidents corporels et de tués de la circulation routière en France ont été divisés par deux environ, passant respectivement de 261 300 à 121 200 et de 13 800 à 7 600 , comme l'indique le graphique ci-après.

Sources : 37 e rapport de la Commission des comptes des transports de la Nation, Direction des Transports Terrestres.

Le nombre de tués ayant diminué légèrement moins vite que celui d'accidents corporels, la gravité de ceux-ci augmente.

• L'évaluation du coût des accidents de la circulation pour la société repose, notamment, sur celle de la vie humaine .

Une première approche consiste à attribuer à un décès une valeur monétaire correspondant à son coût économique (c'est-à-dire au manque à produire en résultant). Cette approche a cependant été contestée. Tout d'abord, elle ne prend pas en compte la souffrance des proches. Ensuite, si on poussait sa logique jusqu'au bout, il faudrait évaluer la gravité des accidents en fonction de l'utilité économique potentielle des personnes décédées.

Cette approche était celle retenue par le rapport BOITEUX de 1994 40 ( * ) . Ce choix s'expliquait, notamment, par l'absence d'évaluation du coût de la vie humaine sur la base du consentement à payer.

En revanche, le rapport BOITEUX de 2001 41 ( * ) recommande de retenir, dans le cas des accidents de voitures particulières 42 ( * ) , une valeur de la vie humaine de 1 million d'euros (soit plus de 6,5 millions de francs) pour l'année 2000, soit nettement plus que la recommandation du rapport précédent, sur le fondement d'une approche par le consentement à payer.

Ce chiffre doit être considéré avec prudence 43 ( * ) .

Les estimations du coût externe unitaire des accidents de la route préconisées par les deux rapports BOITEUX sont indiquées dans le tableau ci-après.

Les coûts externes unitaires des accidents de la route

Dommage

Rapport BOITEUX de 1994 (1)

Rapport BOITEUX de 2001 (2)

Etude IFRAS/IWW (3)

Année de référence

1994

2000

1995

En francs

En euros

En francs

En euros

En francs

Vie humaine

3 600 000

1 000 000

6 559 570

1 500 000

9 839 355

Blessé grave

370 000

150 000

983 936

195 000

1 279 116

Blessé léger

80 000

22 000

144 311

15 000

98 394

(1) Groupe présidé par Marcel BOITEUX, Transports : pour un meilleur choix des investissements , Commissariat général du Plan, 1994.

(2) Groupe présidé par Marcel BOITEUX, Transports : choix des investissements et coûts des nuisances , Commissariat général du Plan, 2001.

(3) INFRAS/IWW, External Costs of Transport (accident, environmental and congestion costs) in Western Europe, 2000. L'INFRAS est un organisme suisse d'étude des politiques publiques, l'IWW (Institut für Wirtschaftspolitik und Wirtschaftsforschung) un organisme allemand. Étude réalisée pour l'Union internationale des chemins de fer.

Ces valeurs servent à évaluer le coût brut des accidents, dont on défalque les dépenses prises en charge par les usagers et les assurances afin d'obtenir leur coût net.

Il convient dès lors de distinguer les études selon qu'elles adoptent ou non une valeur de la vie humaine suffisamment élevée. Le tableau ci-après indique les valeurs retenues et les résultats des principales études.

Le coût humain (net) des accidents de la route

En milliards de francs

INRETS (1)

CGPC - coût marginal (2)

CCFA (3)

CNTV (4)

Infras/IWW (5)

Valeurs tutélaires retenues

Rapport BOITEUX de 1994

-

Rapport BOITEUX de 2001

Valeurs plus élevées (cf. tableau précédent)

Année

1997

1997

1989-1999

1998

1995

Résultats

Total

44,8

49,1

24 à 25

-

151,3

Voitures

39,8 (a)

43,4

-

76,7

113,9

(a) Deux-roues et voitures.

(1) Jean-Pierre ORFEUIL, Les coûts externes de la circulation routière , Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité, 1997.

(2) Christian BROSSIER, André LEUXE, Imputation des charges d'infrastructures routières pour l'année 1997 , Conseil général des ponts et chaussées, 1999. Les chiffres indiqués ici sont ceux de l'approche au coût marginal.

(3) Christian MORY, Les coûts externes ou la difficulté d'estimer équitablement ce que représente l'automobile pour la collectivité , Comité des constructeurs français d'automobiles, 2000.

(4) Fabien DUPREZ, Les coûts externes du transport de voyageurs, selon les recommandations du rapport Boiteux de 2001, CERTU, 2001 . Cette étude s'appuie sur les résultats du Compte national du transport de voyageurs 1998 (2001).

(5) INFRAS/IWW, External Costs of Transport (accident, environmental and congestion costs) in Western Europe , 2000. L'INFRAS est un organisme suisse d'étude des politiques publiques, l'IWW (Institut für Wirtschaftspolitik und Wirtschaftsforschung) un organisme allemand. Étude réalisée pour l'Union internationale des chemins de fer.

Il peut sembler opportun de retenir les valeurs recommandées par le rapport BOITEUX de 2001. Sur cette base, les coûts externes des accidents de la route s'élèvent à environ 85 milliards de francs pour le transport par voitures particulières , soit de l'ordre de 95 milliards de francs pour le transport routier total.

* 39 La version aux coûts marginaux a pour objectif de déterminer non la perte de bien-être associée aux différentes nuisances, mais la taxation devant être mise en oeuvre pour que celles-ci soient prises en compte par le marché (cf. page 48 ).

* 40 Commissariat général du Plan, Transports : pour un meilleur choix des investissements , rapport du groupe présidé par Marcel BOITEUX, 1994.

* 41 Commissariat général du Plan, Transports : choix des investissements et coût des nuisances , rapport du groupe présidé par Marcel BOITEUX, 2001.

* 42 Le rapport retient une valeur de la vie humaine de 1,5 million d'euros. Ce chiffre est ramené à 1 million dans le cas des voitures particulières, les auteurs du rapport considérant que les automobilistes sont souvent en partie responsables de leurs accidents.

* 43 Les personnalités auditionnées interrogées à ce sujet ont indiqué que cette nouvelle valeur de la vie humaine découlait en partie d'une volonté de se rapprocher des chiffres retenus par les pays scandinaves.

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