CONCLUSION GÉNÉRALE

Construire une défense européenne implique l'acceptation d'une certaine interdépendance et donc l'instauration de relations de confiance entre États européens. Tenter de faire passer une vision française « clefs en main » serait voué à l'échec. Il s'agit de commencer par connaître et comprendre les positions de nos partenaires, démarche qui doit bien sûr être réciproque pour instaurer la confiance, laquelle repose non seulement sur une compréhension mutuelle mais aussi sur le respect à long terme des engagements pris.

Nous ne devons jamais tomber dans l'illusion, ni donner l'impression de penser que l'Europe pourrait être une « France en grand », ce qu'elle ne sera jamais puisque nos références et nos façons de penser sont, comme celles de nos partenaires européens, issues de notre histoire et de nos réflexes collectifs.

La France doit jouer un rôle moteur à l'UE : elle le fait à l'évidence depuis longtemps, avec de multiples et fructueuses propositions. Elle doit renforcer encore son rôle à l'OTAN , où elle dispose d'une position centrale pour équilibrer les approches et plaider pour un renforcement de la défense européenne, non pas contre les États-Unis, mais avec eux. Chacun peut comprendre, de part et d'autre de l'Atlantique, que cela implique un processus d'autonomisation stratégique et un rééquilibrage des relations.

« La clause de solidarité de l'Otan est l'article 5, pas l'article F-35 » 80 ( * ) : la défense de l'Europe ne saurait s'acheter avec des contrats d'équipement ; ce serait contraire aux valeurs qui fondent, depuis plus de deux siècles, la solidité des liens transatlantiques. La solidarité euro-américaine doit être inconditionnelle car elle vise à défendre des valeurs, une civilisation.

Enfin, instaurer la confiance passe aussi par l'adhésion des peuples aux objectifs et modalités de la défense européenne. « L'Europe qui protège » doit devenir une réalité. Pour cela, il faut commencer par changer le « narratif » sur la défense européenne, pour mettre en valeur nos intérêts communs et nos actions collectives, sans tomber dans une forme de propagande, bien sûr, mais en s'efforçant de répondre à la désinformation et aux rumeurs, phénomènes anciens aujourd'hui démultipliés par les réseaux numériques.

Il est urgent de créer un choc dans l'opinion européenne , d'expliquer le continuum sécurité-défense, de mettre en valeur les forces de l'Europe plutôt que, toujours, ses faiblesses, et de s'efforcer, en définitive, de faire avancer la défense européenne, avant d'y être contraints par une crise majeure qui nous ferait prendre conscience, trop tardivement, de la gravité des enjeux.


* 80 Expression employée par Mme Florence Parly, ministre des Armées, en mars 2019.