N° 45

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999

Annexe au procès verbal de la séance du 29 octobre 1998.

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1),

sur

la situation et les perspectives du secteur des assurances en France .

TOME II

ANNEXES

Par M. Alain LAMBERT,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Alain Lambert, président ; Jacques Oudin, Claude Belot, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Roland du Luart, Bernard Angels, André Vallet, vice-présidents ; Jacques-Richard Delong, Marc Massion, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; Philippe Marini, rapporteur général ; Philippe Adnot, Denis Badré, René Ballayer, Jacques Baudot, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Claude Haut, Alain Joyandet, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Michel Mercier, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Pelletier, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Henri Torre, René Trégouët.

Assurances.

ANNEXE 4

RAPPORT DU COMMISSARIAT GENERAL DU PLAN
SUR LA SITUATION ET LES PERSPECTIVES
DE L'ASSURANCE FRANÇAISE


COMMISSARIAT GENERAL

DU PLAN

RAPPORT SUR

LA SITUATION ET LES PERSPECTIVES

DE L'ASSURANCE FRANCAISE

Rapporteurs :

Bernard Cherlonneix

Annick Guilloux


Assistance technique et secrétariat assurés par :
Muriel Badin, Patricia Germain, Marie-Ange Guimelli,
Sophie Lapize de Salée, Bénédicte Maître, Nicole Rampon, Marie-Françoise Roux

AOÛT 1998 RÉSUMÉ

Chapitre Premier : Points de repère sur l'assurance française

Ce chapitre est consacré à définir l'activité de l'assurance et à confronter à ce stade les différences d'approche entre écoles de pensée et traditions nationales, et s'efforce de clarifier les concepts clés autour desquels tourne l'assurance : association, mutualité, solidarité. On constate, à ce niveau des définitions, qu'il n'y a pas de véritable définition de ce qu'est l'assurance en droit français, ce qui n'est pas sans conséquences sur la qualification juridique et fiscale d'actes d'assurance par nature, lorsqu'ils ne sont pas le fait d'entreprises d'assurance.

Les activités d'assurance sont ensuite classifiées. Un repérage historique synthétique est ensuite présenté, ainsi qu'une chronologie de la réglementation remontant jusqu'à l'édit royal de 1604 visant à assurer des secours spirituels et matériels aux mineurs pour revenir rapidement à la troisième génération de directives européennes. Ce détour historique permet de faire ressortir le rôle important de l'intervention publique dans cette activité depuis l'origine, en France en particulier (mais non exclusivement). La chronologie de la réglementation fait place à l'impact de l'instauration de la Sécurité sociale en 1945 sur les activités de l'assurance et des mutuelle de santé.

Ce chapitre insiste sur l'histoire des cinquante dernières années et s'efforce également de souligner les spécificités " classiques " mais " réelles " de l'assurance française et du marché français de l'assurance. On insiste en particulier sur le rôle des assurances mutuelles sur ce marché. Le monde de l'assurance est ensuite présenté sous ses différentes facettes et notamment d'un point de vue juridique et en rapport avec les autorités de contrôle. On sépare ici nettement les entreprises d'assurance de toute nature relevant du code de l'assurance et les mutuelles relevant du code de la mutualité. Enfin, un rapide cadrage de l'assurance est esquissé, en terme de valeur ajoutée et de capacité d'intermédiation, en rapport avec les contributions parallèles des banques au produit intérieur brut et à l'intermédiation financière.

Chapitre II : Forces et faiblesses relatives sur l'assurance française à la veille du passage à la monnaie unique

On se reportera à la synthèse de ce chapitre aux pages 169 et 170.

Chapitre III : Euro, marché unique et de déréglementations. Quelles influences sur le marché français de l'assurance et sur la frontière assurance publique/assurance privée.

Les diverses causes évoquées dans l'intitulé de ce chapitre exercent des effets distincts mais complémentaires qui vont dans le sens d'une compétition renforcée sur le marché français de l'assurance. Il ressort en effet des leçons paradoxales de l'expérience anglo-saxonne et de la déréglementation nationale liée à un harmonisation réglementaire et fiscale européenne très partielle, que le marché européen de l'assurance va prendre beaucoup de temps à exister réellement. Aux Etats-Unis, malgré une langue et une culture juridique commune, il n'existe pas de véritable marché national de l'assurance, mais une mosaïque de marchés parcellaires soumis à des réglementations disparates et parfois encore à un contrôle a priori ; la structure de l'offre d'un état à un autre est très hétérogène ; en dépit des nombreuses fusions-absorptions, et à cause de l'arrivée permanente de nouveaux compétiteurs, l'offre sur le marché ne se concentre pas ; les petites structures sont les plus performantes.

L'effet de libéralisation globale attachée aux nouvelles règles du jeux sera inversement proportionnel sur chaque marché national à l'ancienneté de la déréglementation et de l'ouverture de ce marché.

Les effets de réallocation des placements financiers de l'assurance française devraient se faire plus volontiers selon le critère géographique que selon la nature des valeurs mobilières. La structure des placements est en effet très déterminée par la réglementation. En ce sens on observe que la structure des placements américains est plus proche de celle des placements européens continentaux que de celle des placements britanniques en raison des effets du " risk based capital " (RBC), qui conduit des entreprises d'assurance à privilégier les placements obligataires.

Malgré une réglementation française des placements généralement jugée comme adaptée et justifiée, certaines étroitesses réglementaires et fiscales sont comparativement handicapantes (3.3.2.). C'est le cas en particulier des limites dans la déductibilité fiscale de certaines provisions de bonne gestion (admise ailleurs), le caractère trop global de la règle de fonctionnement de la réserve de capitalisation (dite de " capi ") et les restrictions excessives à l'heure actuelle dans l'utilisation des produits dérivés. Par ailleurs les perspectives de compétition renforcée entre entreprises d'assurances européennes font ressortir le niveau élevé de la fiscalité des contrats d'assurance en France, alors que la fiscalité des entreprises d'assurance n'apparaît pas comme handicapante. Mais plus encore que le niveau élevé de la fiscalité des contrats, c'est l'instabilité de ces règles fiscales (voir annexe 3 de ce chapitre) notamment en assurance vie dont la fiscalité n'a pas bougé moins de 19 fois depuis 1980 et 12 fois depuis le 1 er janvier 1990 (il serait utile de procéder à des enquêtes comparatives sur ce plan).

Enfin ce chapitre (la partie 5) aborde l'impact des directives et de la monnaie unique, dans le cadre des contraintes actuelles budgétaires et d'endettement des Etats nationaux, sur la frontière entre assurances sociales publiques et assurances sociales privées, en examinant assez en détail l'évolution et l'état du système de santé et de la couverture du risque maladie aux Etats-Unis. Sont ensuite décrits les systèmes d'assurance santé de plusieurs pays européens en s'efforçant de faire ressortir la place respective actuelle de l'assurance publique et de l'assurance privée " substitutive " ainsi que les évolutions en cours, qui vont dans le sens d'un rôle plus important des divers types d'assurances non publiques en général (assurance commerciale privée ou systèmes mutualistes). Enfin sont présentées dans le chapitre ou en annexe de ce chapitre (en fonction de la disponibilité des données) diverses propositions d'expérimentation soumises à la commission Soubie dans le cadre des dispositions des ordonnances d'avril 1996 sur la Sécurité sociale.

Chapitre IV : Distribution de l'assurance en France et en Europe : adaptation plutôt que bouleversement.

Partant de la spécialisation initiale des modes de distribution selon les marchés et les segments de marché, la crise de l'intermédiation classique est examinée ainsi que les voies de la modernisation des rapports entre agents généraux et sociétés d' assurance. Les difficultés du courtage, à rapprocher du recul des sociétés d'assurance sur le marché des risques de l'entreprise, sont mises en rapport avec le décalage des règles fiscales qui a facilité l'absorption des premières sociétés de courtage françaises par les grands courtiers anglo-saxons. La percée des mutuelles sans intermédiaire sur le marché de l'assurance dommages et plus récemment de la bancassurance sur le marché de l'assurance vie est à rapprocher des écarts de coûts d'acquisition et de distribution liés à la désintermédiation de la relation entre assureurs et assurés. Elle explique la faible percée de la vente directe en France. Elle réserve en revanche un certain avenir à la distribution de produits d'assurance par la grande distribution.

Une comparaison européenne des structures de distribution permet de dégager une certaine typologie entre pays à forte tradition de courtage (Royaume-Uni, Pays-Bas, Belgique) qui sont des pays a forte culture internationale où la couverture du risque industriel joue un rôle important, et les pays latins et plus continentaux dominés par les mandataires exclusifs. Nulle part ailleurs qu'en France, la place de la bancassurance n'est aussi poussée, quoiqu'elle joue désormais un rôle non négligeable partout. Une comparaison plus poussée de la place des assurances mutuelles en Europe et aux Etats-Unis est esquissée et l'on sera sans doute surpris d'apprendre le rôle important joué par les mutuelles sans intermédiaire dans la couverture du risque industriel sur le plan national américain, qui montre ainsi que le potentiel du " circuit court " production-distribution n'est pas limité au marché des particuliers.

On trouvera en annexe de ce chapitre une brève présentation sur le développement du commerce électronique dans l'assurance.

Chapitre V : Emploi et relations sociales dans l'assurance française

Ce chapitre montre comment le secteur de l'assurance a réagi, en matière d'emploi, aux évolutions fortes et diversifiées de ces dernières années.

On constate qu'après avoir accru son volume d'emplois directs jusqu'au milieu des années 80, l'assurance a, depuis lors, globalement maintenu ce volume malgré le développement de nouvelles technologies et les gains de productivité importants qui en ont résulté. En parallèle les métiers ont fondamentalement évolué quant à leur nature et aux compétences requises.

La relative stabilité de l'emploi dans les sociétés d'assurances et la progression de l'emploi dans les mutuelles du GEMA (+ 35 % en dix ans) s'expliquent par un effort de formation important, une combinaison réfléchie de la réduction et de l'aménagement du temps de travail, une modération de l'évolution des coûts salariaux, une bonne anticipation des évolutions et, semble-t-il aussi, un écart de dynamisme entre types de sociétés.

Le chapitre consacre ensuite une partie aux relations sociales dans l'assurance. L'évolution de ces dernières est liée à la nouvelle convention collective des partenaires sociaux des sociétés d'assurance et elle est également marquée par l'évolution des rapports entre agents généraux et sociétés d'assurance.

La convention collective nationale a largement décentralisé la négociation sociale et se veut porteuse de modernisation et de dialogue social. Le dialogue social rénové a permis d'aboutir à de nombreux accords d'entreprise.

Le renouvellement du partenariat entre la profession des agents généraux et les sociétés d'assurance est quant à lui justifié par la concurrence avec les nouveaux modes de distribution et a permis une modernisation de ces rapports et une clarification des rôles respectifs.

Chapitre VI : L'avenir de la mutualité en France

Une place importante est réservée à ce sujet dans le rapport du Commissariat général du plan en fonction de son importante actualité et de l'intérêt manifesté par le législateur sur ce thème, qui est par ailleurs l'objet de certaines confrontations entre les divers types d'acteurs du monde de l'assurance au sens large.

Dans un premier temps, ce chapitre s'efforce de cerner l'avenir prévisible des mutuelles de la mutualité en toute probabilité, en repartant d'une description de la mutualité 45, de son régime juridique et de ses objectifs particuliers, en entrant plus dans le détail de ses activités, de sa situation financière et de ses résultats tant financiers que sociaux, ce que la rapide description introductive du premier chapitre n'avait pas permis de faire.

On retiendra qu'en 1995 l'effectif annuel moyen des mutuelles 45 a augmenté de 3 %, que la rentabilité financière de la mutualité en 1995 est de 9 %, soit deux points de plus que les assurances commerciales affiliées à la FFSA en 1997, et que la situation financière de la mutualité et sa solvabilité sont apparemment très bonnes. On retiendra également que le monde de la mutualité est en réalité beaucoup plus concentré (1 280 groupements mutualistes servent 97 % des prestataires, 128 les trois quart, 7 un quart) qu'il n'apparaît, compte tenu du nombre très important des petites mutuelles dans l'ensemble de la mutualité. D'où, peut-être, une certaine surreprésentation des mutuelles de la fonction publique dans la plus grande des fédérations mutualistes françaises, en dépit du nombre de sociétaires plus élevé dans les mutuelles interprofessionnelles.

Les scénarios d'évolution prévisible des mutuelles de la mutualité vont entre :

- l'indépendance préservée, très improbable pour les petites mutuelles puisqu'on s'accorde à situer à environ 100 000 adhérents le seuil de viabilité d'une mutuelle disposant de l'équipement informatique et de l'investissement bureautique adéquats ;

- jusqu'à l'absorption vraisemblable d'un certain nombre de mutuelles par d'autres mutuelles plus grandes, ou par des institutions mutualistes proches comme les mutuelles du GEMA, ou des institutions de prévoyance, plus lointaines, voire, pour un nombre très réduit, par des compagnies classiques ;

- en passant par la délégation de gestion, la constitution de GIE, ou le développement de la réassurance, qui permettrait de concilier le souci de proximité entre l'échelon politique de la mutuelle et ses adhérents et la nécessaire rentabilisation de la gestion par économie des moyens ;

- sans négliger, à partir d'un certain seuil, la mise en réseau des mutuelles et l'animation de ce réseau par un centre de services, ce qui est le choix d'une nouvelle fédération mutualiste, la FNIM, qui veut proposer par là un modèle alternatif au modèle plus pyramidal de la FNMF ;

- ni oublier le simple regroupement en fonction de diverses affinités : région, profession, sensibilité.

La mutualité " 45 " n'échappera de toute façon pas à une forte concentration déjà largement entamée puisque le nombre de (petites) mutuelles est passé de 8 635 en 1973 à 5 780 (-3 155) en 1995. Mais les voies de cette concentration restent largement ouvertes aux affinités diverses.

Cette concentration sera accélérée par la vraisemblable transposition des directives européennes dans le droit de la mutualité ne serait-ce que compte tenu du précédent de transposition de ces directives dans le code des institutions de prévoyance, lesquelles, même si l'on doit saluer la cohérence de la position de la FMF qui considère que la spécificité mutualiste ne peut être maintenue que si la mutualité demeure hors du champ des directives, n'étaient pas incluses a priori dans leur champ d'application.

A cet égard une information détaillée est donnée sur les allers et retours du dossier de la mutualité entre Paris et Bruxelles (puisque l'initiative est venue de la France) et sur l'état actuel de la question, la vision européenne des choses ayant d'ailleurs été largement influencée informellement, par le rapport " Bacquet " du nom du Président de la section sociale du Conseil d'Etat auquel le ministre des affaires sociales Madame Simone Weil avait demandé une consultation sur les difficultés liées à la transposition des directives européennes (demandée dès 1991 par le Gouvernement français) dans le code de la mutualité et dans la vie des mutuelles.

Enfin le chapitre aborde les problèmes communs à l'ensemble des sociétés mutuelles à but non lucratif, en considérant que les limitations dont se plaignent les sociétés mutuelles dans la constitution de fonds propres et l'apport public à l'épargne, en particulier les mutuelles d'assurance, ne sont pas incontournables et qu'il existe déjà à l'heure actuelle, sans sortir du statut de société mutuelle, des moyens de contourner ces contraintes par divers assouplissements réglementaires. Connaissant leurs problèmes communs de gouvernement d'entreprise, les divers mondes mutualistes sont de moins en moins libres de les ignorer tellement ils nuisent à l'image de la mutualité et à " la différence mutualiste " revendiquée. Il est ainsi fait état de diverses solutions, dont certaines avancées par les organes professionnels qui permettraient d'améliorer le contrôle interne de ces sociétés : en particulier la mise à niveau du droit des sociétés mutuelles par rapport au droit commun des sociétés. La réflexion porte aussi sur la modernisation du droit des sociétés mutuelles en général, avec par exemple l'adoption d'un statut de l'élu tenant compte de la complexification du contrôle, avec l'apparition d'administrateurs indépendants, avec la création d'un droit d'interpellation pour les sociétaires, voire avec l'assouplissement des règles de dévolution de l'actif en cas de dissolution d'une mutuelle.