C. UNE NÉGOCIATION EFFICACE ?

Pourtant, comme l'indique la DATAR, " la procédure de négociation peut être considérée comme assez efficace dans la mesure où les contrats ont été signés, c'est à dire où les pouvoirs publics ont réussi à rédiger un document qui présente leur action conjointe et coordonnée pour les cinq ans à venir ".

Compte tenu des observations précédentes sur le déséquilibre des négociations et les " frustrations " ressenties de ce fait par certaines Régions, il peut paraître surprenant que toutes les Régions aient fini par signer un contrat de plan, alors même que la plupart des actions de l'Etat portées dans le contrat auraient été mises en oeuvre quoi qu'il advînt de la négociation.

Cela signifie que la signature d'un contrat de plan présente un intérêt majeur pour les Régions.

Contrairement à une idée parfois avancée, cet intérêt ne provient pas de ce que les contrats de plan permettraient aux Régions l'exercice de leurs compétences d'aide au développement économique en " légalisant " un certain nombre de leurs interventions économiques (cf. encadré ci-dessous).


LES CONTRATS DE PLAN ET LA LÉGALITÉ DES AIDES ÉCONOMIQUES
DES RÉGIONS

L'article L. 1511-5. du code général des collectivités territoriales dispose " des actions de politique agricole et industrielle peuvent être entreprises par les collectivités locales ou leurs groupements dans le cadre de conventions conclues par eux avec l'Etat et fixant les modalités des aides qu'ils peuvent consentir ".

Comme la loi du 29 juillet 1982 définissait les contrats de plan comme des " contrats ", plusieurs Régions en ont déduit qu'il s'agissait aussi de " conventions " au sens de l'article précédent, c'est à dire que l'inscription de dispositifs d'aides économiques dans un contrat de plan signé entre l'Etat et la Région valait convention légalisant ces aides.

Cette analyse, fondée sur l'esprit de la loi de 1982, a cependant été rejetée par le Conseil d'Etat dans son arrêt Région Nord - Pas-de-Calais du 15 février 1993, qui précise que " la circonstance que cette aide à l'exportation ait été mentionnée dans le contrat de plan liant l'Etat et la Région est sans influence sur [sa] légalité ". Cette jurisprudence a d'ailleurs été prolongée par les arrêts du 17 novembre 1995 Commune de Théziers et autres et du 25 octobre 1996 Association Estuaire-Ecologie .

Par surcroît, votre rapporteur se doit de rappeler que la régularité formelle d'une intervention économique régionale par rapport au droit national n'est pas une condition suffisante de conformité de cette intervention par rapport au droit communautaire (il faut aussi que le cumul des aides économiques apportées à une même entreprise par l'ensemble des collectivités publiques respecte les plafonds d'aide communautaires), pas plus d'ailleurs que cette régularité n'est une condition nécessaire (pour les aides d'un montant inférieur au seuil " de minimis " de 100 000 euros sur trois ans pour le cumul des aides publiques à une même entreprise)

En revanche cet intérêt peut provenir des effets favorables de la contractualisation sur la cohérence, la prévisibilité ou l'efficacité des politiques publiques en région. Ces effets seront discutés par votre rapporteur dans les chapitres suivants.

Il semble aussi que les Régions aient eu un intérêt institutionnel à signer le contrat de plan :

- la négociation et la signature d'un contrat de plan font de la Région un interlocuteur privilégié de l'Etat, ce qui renforce son prestige et sa légitimité vis-à-vis des autres collectivités territoriales, surtout si le contrat de plan Etat-Région englobe tous les autres contrats entre l'Etat et les collectivités infra-régionales : les contrats de plan Etat-Région ont donc permis aux Régions de s'affirmer davantage dans notre paysage institutionnel ;

- inversement, il aurait été difficile aux Régions les moins satisfaites du résultat de la négociation de refuser la signature du contrat de plan. En effet, cela eût constitué un aveu de faiblesse des négociateurs régionaux ;

- par surcroît, il aurait été délicat d'expliquer aux électeurs pourquoi la Région avait refusé la " manne financière proposée par l'Etat ", surtout lorsque la Région avait auparavant communiqué sur les projets que le contrat de plan allait permettre.

Le jeu de rôles de la négociation constitue ainsi un enjeu politique majeur pour les Régions. Pour asseoir leur légitimité et mobiliser leurs services, elles doivent montrer qu'elles sont capables d'arracher à l'Etat des concessions ou des programmes complémentaires de dernière minute. Ensuite, après la signature du contrat, elles doivent souvent se féliciter publiquement du résultat de la négociation, quand bien même elles en seraient insatisfaites.

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