C. LES CONSÉQUENCES DE L'ETALEMENT DES CONTRATS DE PLAN

• En réponse à votre rapporteur, certains ministères se sont efforcés de minorer les conséquences de l'étalement des contrats de plan.

Ainsi, le ministère de l'Equipement indique que " le prolongement d'un an des contrats de plan a permis de compléter la réalisation des projets tout en respectant les contraintes budgétaires " ; le ministère de l'Agriculture estime que " [ ce prolongement ] a permis d'atteindre un meilleur taux de réalisation, en particulier pour les lignes les plus déficitaires ".

Il est vrai que cet étalement budgétaire ne fut guère préjudiciable pour les programmes dont la mise en oeuvre avait déjà pris du retard. Le ministère de la Culture indique ainsi : " dans la mesure où plusieurs grandes opérations avaient pris un certain retard de réalisation, ce prolongement a eu un effet bénéfique, car il a permis d'achever des opérations qui n'étaient pas parfaitement formalisées au moment de leur inscription au contrat de plan ". De même, pour le ministère de la Ville " compte tenu d'une consommation de crédits plus faible en début de plan, les autorisations de programme antérieures ont atténué la diminution des enveloppes annuelles ".

• Néanmoins, l'étalement des contrats de plan s'est en général traduit par des retards importants pour les projets d'investissement .

De plus, ces retards se sont accompagnés d'à coups dans les investissements publics préjudiciables à la stabilité de l'emploi dans les entreprises concernées, notamment en matière de travaux publics.

Comme le soulignent certaines Régions, ces retards viennent d'autant " grever " les quatrièmes contrats de plan.

• S'agissant par ailleurs des crédits de fonctionnement :

- dans certains cas, ces crédits ont été étalés sur six ans au lieu de cinq. Il en est résulté une baisse des capacités d'intervention de l'Etat en région. Par exemple, le secrétariat d'Etat au Commerce extérieur indique que les directions régionales du commerce extérieur ont " été contraintes d'opérer une plus grande sélectivité des dossiers... et de limiter les actions menées auprès des PME... ce qui a réduit l'effet de levier des aides publiques " ;

- dans d'autres cas, les crédits de fonctionnement ont été épuisés sur les cinq premières années, sans que l'année complémentaire ne fasse l'objet d'aucune rallonge, ce qui a soulevé des difficultés pour les partenaires de l'Etat et surtout pour la pérennité des structures financées (associations, structures de micro-développement régional, etc.).

• De manière plus générale, la DATAR confirme l'appréciation portée par le rapport CHÉRÈQUE 107( * ) selon laquelle la mise en place des crédits contractualisés s'est caractérisée par un grand désordre .

Alors qu'en réponse à votre rapporteur la Direction du Budget affirme qu'elle " s'est donné pour règle au cours de la période 1994-1999 d'ouvrir les crédits nécessités par l'existence des contrats de plan [ sic ] et de les exempter des mesures de régulation budgétaire prises en cours d'année ", la DATAR indique en effet que " la délégation des crédits par les administrations centrales a été très perturbée par... les gels et les annulations de crédits contractualisés.

Les montants annuels sur lesquels les services déconcentrés comptaient pour monter leurs projets ne leur étaient pas délégués en cours d'année ou leur étaient délégués par petites tranches, en général trois tranches, au fur et à mesure que les gels étaient levés. Des décisions transformaient les gels en annulation, c'est à dire en suppression des crédits. Les annulations étaient définitives, c'est à dire qu'elles ne pouvaient pas être compensées par des dotations supérieures les années suivantes.

Cette pratique est très dommageable à plusieurs égards. Elle démobilise porteurs de projets et bénéficiaires et ruine le travail de sensibilisation à ses politiques que mène l'Etat. Elle est très pénalisante pour les petites entreprises. Elle complique les relations entre les partenaires et retarde les réalisations
".

Le secrétariat d'Etat au Commerce extérieur regrette ainsi que " les annulations budgétaires et l'étalement des contrats de plan,... [qui ont] abouti à une baisse de 30 % des crédits disponibles... [aient conduit] à ce que les régions apportent près de 60 % du financement des aides régionales au commerce extérieur...[donc à] un rapport de force défavorable à l'Etat : dans le cadre de la nouvelle négociation, sa capacité d'orienter l'action des Régions dans le sens de la politique nationale est amoindrie ".

L'étalement des contrats de plan a en outre freiné la mise en place des " contreparties nationales " aux fonds structurels communautaires, ce qui a contribué à la sous-consommation de ces dotations.

• Au total, comme le souligne le rapport CHÉRÈQUE, l'étalement des contrats de plan a " cassé l'élan partenarial " et " fragilisé la signature de l'Etat ".

En effet, l'Etat a perdu en crédibilité , au niveau national, comme au niveau régional. En particulier, les préfets de région ont été placés dans une situation difficile. Selon les Régions, certains d'entre eux ont d'ailleurs dépensé beaucoup d'énergie en lobbying auprès des administrations centrales pour sauver des crédits menacés.

Une fois encore, l'Etat a fait prévaloir la logique financière au détriment de la logique de projets.

• Il n'en fut pas de même des Régions, qui se sont globalement efforcées de " limiter les dégâts " pour les projets contractualisés, donc de dépasser leurs engagements.

Certes, après avoir accordé des avances pour des opérations routières ou universitaires, les Régions ont vu leurs contributions mécaniquement réduites par le retard des projets conduits sous maîtrise d'ouvrage de l'Etat. En outre, certaines Régions ont étalé sur 1998 et 1999 les investissements qu'elles avaient prévu pour 1998. Les investissements contractualisés des régions ont donc connu un repli à partir de 1998.

Néanmoins, la quasi-totalité des régions ont mis en place des moyens supplémentaires par rapport à leurs engagements initiaux  :

- en accélérant certains investissements sous maîtrise d'ouvrage Région  ou en apportant des financements complémentaires. Par exemple, la Région Picardie a apporté 80 millions de francs supplémentaires (soit l'équivalent de 4 % de ses engagements initiaux) pour les opérations de construction universitaire et d'aménagement ferroviaire. De même, la Région Basse-Normandie a été conduite à " prendre en charge les techniciens de l'équipement pour réaliser certaines études ";

- en rajoutant une année pour les crédits de fonctionnement. En d'autres termes, les Régions n'ont pas étalé leurs crédits de fonctionnement : elles les ont reconduits ;

- en palliant parfois par surcroît les insuffisances de crédit de fonctionnement de l'Etat, notamment en 1997 et en 1999.

Au total, les régions seront conduites à dépasser leurs engagements initiaux dans de nombreux domaines, non sans incidence sur l'équilibre du contrat.

Dès lors que " cet effort unilatéral des Régions s'est exercé au bénéfice des deux partenaires ", les Régions attendaient en retour un effort particulier de la part de l'Etat pour les contrats de plan 2000-2006, sous la forme notamment d'un " rattrapage ".

• En conclusion, votre rapporteur tire de cette expérience la même leçon que Mme Voynet, ministre de l'Aménagement du territoire et de l'Environnement : l'Etat ne doit pas émettre " de la fausse monnaie " 108( * ) , c'est à dire qu'il ne doit porter dans les contrats de plan que des engagements resserrés et réalistes .

Comme le montrent les développements rassemblés au chapitre VIII, il n'est toutefois pas certain que les quatrièmes contrats de plan (2000-2006) s'inscrivent bien dans cette démarche.

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