Aux termes de l’article 45 de la Constitution : « Tout projet ou proposition de loi est examiné successivement dans les deux assemblées du Parlement en vue de l’adoption d’un texte identique ».

De ce principe, il résulte que l’adoption définitive d’un texte implique son vote dans les mêmes termes par l’Assemblée nationale et par le Sénat au terme d’un mouvement de va-et-vient du texte en discussion entre les assemblées, communément appelé « navette ». Cet accord peut se réaliser spontanément ou après intervention d'une commission mixte paritaire (CMP). Cependant, le bicamérisme de la Ve République n’est pas totalement égalitaire et admet, dans la plupart des matières, la prééminence de l’Assemblée nationale, élue au suffrage universel direct. C’est pourquoi, en cas de désaccord entre les deux chambres, le Gouvernement dispose de la possibilité de faire statuer l’Assemblée nationale en dernier ressort. 

L'accord spontané entre les assemblées : la navette "classique"

Chaque assemblée est successivement appelée à examiner et, éventuellement, à modifier ou rejeter le texte adopté par l’autre : la « navette » ainsi instaurée prend fin lorsqu’une assemblée adopte sans modification le texte précédemment adopté par l’autre assemblée.

Ainsi au cours de l’année parlementaire 2020-2021, 16 des 76 lois adoptées définitivement (hors conventions internationales) ont été votées en termes identiques par les deux assemblées par le jeu normal de la navette, soit environ 20 %.

1 – Le champ de la navette

Le champ de la navette est restreint aux articles qui font l’objet d’un désaccord entre le Sénat et l’Assemblée nationale. Il exclut donc les articles adoptés dans les mêmes termes par les deux assemblées, dits « conformes » (qu’il s’agisse d’articles du texte initial ou d’articles additionnels introduits en cours d’examen), qui ne figurent donc plus dans le texte des transmissions. Des tempéraments importants sont à signaler :

  • jusqu’au vote final dans la dernière assemblée, l’intitulé des projets et propositions, ainsi que les subdivisions internes (titres, chapitres, sections, etc.) et peuvent donc toujours être modifiés ;
  • le champ de la navette reste par ailleurs ouvert aux dispositions nouvelles, ce qui implique, en particulier, la possibilité de présenter des articles additionnels dans la mesure où ils ne remettent en cause ni les articles adoptés conformes par les deux assemblées, ni les « suppressions conformes » et sont en relation directe avec une disposition restant en discussion ;
  • les articles déjà adoptés conformes peuvent être modifiés pour les seuls motifs de coordination avec d’autres dispositions du texte, ou avec d’autres textes en cours d’examen au Parlement, de respect de la Constitution et de correction d’une erreur matérielle.

2 – Les transmissions entre les assemblées

À l’issue de chaque lecture par une assemblée, tout texte adopté et non encore définitif doit être déposé devant l’autre assemblée pour que celle-ci puisse à son tour procéder à son examen. Ce dépôt résulte d’une transmission, dont le régime juridique est différent pour les projets et les propositions de loi : tandis que les projets de loi sont transmis via le secrétariat général du Gouvernement, les propositions de loi sont transmises directement d’une assemblée à l’autre.

À l’issue de chaque lecture, un « texte provisoire » – ou « petite loi » –, est établi par les services. Un tirage spécial de cette petite loi constitue le « texte authentique » issu de chaque lecture.

La procédure de conciliation : la commission mixte paritaire (CMP)

En cas de désaccord persistant entre les deux assemblées, soit au terme de deux lectures par chacune d’entre elles, soit après une seule lecture si le Gouvernement a décidé d’engager la procédure accélérée (en principe, lors du dépôt du projet de loi), le Premier ministre a la possibilité d’ouvrir une procédure de conciliation. Celle-ci fait intervenir une commission mixte paritaire.

Le recours à la CMP n’est pas obligatoire, mais le succès de cette formule en a fait, depuis 1958, une phase quasi incontournable de la procédure législative dès que l’accord entre les deux chambres ne survient pas spontanément après une ou deux lectures.

Dans la majorité des cas (25 sur 38 en 2020-2021), la CMP établit un texte commun qui est ensuite approuvé par chaque assemblée ; lorsqu’il y a concordance des majorités à l’Assemblée nationale et au Sénat, c’est le cas pour la quasi-totalité des CMP.

En cas d’échec de cette procédure de conciliation (soit que la commission ne parvienne pas à élaborer un texte, soit que ce texte, amendé ou non, ait été repoussé par une des deux assemblées), l’intervention de la commission mixte paritaire n’aura représenté qu’une simple parenthèse dans la discussion législative. À ceci près que s’il le souhaite, le Gouvernement peut alors demander, après une nouvelle lecture dans chaque assemblée, à l’Assemblée nationale de statuer définitivement. Cette éventualité, en rupture avec le bicamérisme égalitaire, permet ainsi de résoudre un conflit persistant entre les deux chambres, en donnant le « dernier mot » à celle issue du suffrage universel direct.

Là encore, la procédure du « dernier mot à l’Assemblée nationale » n’est qu’une faculté dont le Gouvernement n’est pas tenu d’user. S’il n’y recourt pas, la navette du texte entre les deux chambres reprend, mais cette fois sans perspective d’aboutissement si l’opposition des deux assemblées persiste.

1 – Les conditions pour faire statuer définitivement l’Assemblée nationale

La procédure conduisant au « dernier mot » à l’Assemblée est détaillée par le quatrième alinéa de l’article 45 de la Constitution : « … si la commission mixte ne parvient pas à l’adoption d’un texte commun ou si ce texte n’est pas adopté […], le Gouvernement peut, après une nouvelle lecture par l’Assemblée nationale et par le Sénat, demander à l’Assemblée nationale de statuer définitivement… ».

La procédure comporte ainsi trois étapes : la « nouvelle lecture » par l'Assemblée nationale, la « nouvelle lecture » par le Sénat et, si ces nouvelles lectures n’aboutissent pas, la « lecture définitive » par l’Assemblée nationale.

Lorsque la commission mixte paritaire a abouti à un texte, son examen par les deux assemblées est un préalable nécessaire avant de s’engager, le cas échéant, dans la procédure du « dernier mot ». Il en va ainsi même en cas de rejet du texte de la commission mixte paritaire par une assemblée : ce texte n’en doit pas moins être soumis à l’autre.

2 – La « nouvelle lecture »

L’ultime navette entre les deux assemblées, qualifiée de « nouvelle lecture », suit les règles de la procédure législative normale.

La « nouvelle lecture » conduit normalement à réserver à l’Assemblée nationale la décision finale. Il reste que cette étape ne ferme pas toute issue à un accord intervenant in extremis entre les deux assemblées, l’adoption en termes identiques suffisant à clore la procédure législative. Par ailleurs, le Gouvernement peut, à l’issue de la nouvelle lecture, renoncer à demander à l’Assemblée de statuer dans les formes de la lecture définitive, auquel cas la procédure se conclura dans les conditions de la navette « classique ».

3 – La lecture « définitive »

Pour statuer définitivement après la nouvelle lecture, l’Assemblée nationale doit être saisie d’une demande en ce sens par le Gouvernement. En vertu de l’article 114, alinéa 4, du Règlement de l’Assemblée nationale, si cette demande n’est pas présentée dans les quinze jours de la transmission du texte adopté par le Sénat en nouvelle lecture, l’Assemblée est en droit de reprendre l’examen du texte dans les conditions du droit commun.

  • Lorsque l’Assemblée nationale est appelée à statuer en lecture définitive, elle ne peut agir que dans un cadre spécialement délimité. À ce stade, l’Assemblée ne peut en effet que reprendre soit le texte élaboré par la commission mixte paritaire (s’il y en a un), soit le dernier texte voté par elle, modifié le cas échéant par un ou plusieurs des amendements adoptés par le Sénat.
  • Des amendements peuvent encore être déposés, mais il ne peut s’agir que d’amendements adoptés par le Sénat en nouvelle lecture, et repris dans des termes strictement identiques. Après l’examen et la mise aux voix des éventuels amendements, l’Assemblée se prononce sur l’ensemble du dernier texte déjà voté par elle.

En tout état de cause, la décision prise à ce stade revêt un caractère définitif : l’adoption par l’Assemblée nationale vaut adoption définitive du texte, mais en cas de rejet, le texte serait considéré comme définitivement repoussé.

Il faut observer que cette procédure du « dernier mot » peut être mise en œuvre aussi bien pour les projets que pour les propositions de loi.

En dépit de l’existence de ces procédures qui permettent au Gouvernement de rompre l’égalité des pouvoirs législatifs des deux assemblées, on peut constater que le bicamérisme peut jouer à quasiment tous les stades de la navette, y compris la nouvelle lecture et, dans une certaine mesure lors du dernier mot de l’Assemblée nationale (si l’Assemblée adopte alors des amendements votés par le Sénat).

L'infographie

Découvrez le fonctionnement de la navette parlementaire en images.