Dans la droite ligne de la dérive des déficits publics constatés en 2023 et 2024, le programme de stabilité 2024-2027, présenté en Conseil des ministres le 17 avril dernier, révèle clairement les errements et les renoncements du Gouvernement en matière de finances publiques.

À peine adoptée en décembre dernier, la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour 2023 à 2027 est caduque : le déficit public pour 2023 ne sera pas de 4,9 % mais de 5,5 % du PIB, tandis que la dette publique ne baissera pas à 108,1 % du PIB en 2027 mais augmentera pour s’élever à 112 %. Le Gouvernement assume donc pleinement de ne plus proposer de trajectoire de désendettement pour le pays, de faire de la France le mauvais élève de la zone euro et de faire peser sur les générations futures le prix de son incapacité à tenir le budget de la France.

Le scénario de finances publiques choisi par le Gouvernement renonce par ailleurs à toute crédibilité. Centré sur la dépense, l’effort envisagé, bien que massif et sans précédent, n’est pas documenté.

Sans vision des politiques publiques prioritaires, le chemin pour passer sous les 3 % de déficit en 2027 en partant d’un niveau si élevé de déficit se révèlera impraticable et inaccessible. Le Gouvernement se repose largement sur des efforts demandés aux collectivités et à la sphère sociale, censées réduire leur déficit de 0,8 point de PIB chacune, pour compenser la dérive budgétaire inquiétante de l’État, qui ne réduirait le sien que de 0,5 point de PIB. L’Etat est pourtant le premier responsable de la dérive des déficits publics depuis 2017.

Le manque de crédibilité de cette programmation se retrouve dans les prévisions de croissance sur lesquelles elle repose. Comme par le passé, les prévisions gouvernementales sont plus élevées que toutes les autres prévisions officielles. Elles sont trop optimistes, principalement du fait d’une surestimation de la reprise de la consommation, d’une sous-estimation des effets du resserrement de la politique monétaire opéré entre juillet 2022 et septembre 2023 et d’une appréciation trop positive des capacités de rebond de l’économie française. Mécaniquement, les recettes ne seront donc pas au rendez-vous et les prévisions de déficit, exprimées en pourcentage du PIB, s’en trouvent sous-évaluées. Depuis 2019, la France fait moins bien que la zone euro en termes de croissance : + 1,9 % de croissance cumulée pour la première contre + 2,9 % pour la seconde. Il est donc temps que le Gouvernement sorte de l’incantation et du vœu pieux s’agissant des performances économiques du pays et s’attelle au redressement des comptes publics avec sérieux.

Enfin, le scénario proposé n’est pas cohérent car l’effort de réduction de déficit tel que présenté par le Gouvernement, s’il était mis en œuvre, pèserait sur l’activité, de sorte que la croissance serait inévitablement moindre que ce qui est présenté, et le déficit plus élevé, puisqu’il est rapporté au PIB. Il faudrait donc en fait, pour atteindre la cible prévue, faire un effort encore plus important que celui envisagé, ce qui dégraderait encore la croissance. Inversement, une trajectoire de croissance telle que celle qui est présentée est incompatible avec un effort de réduction de déficit censé être le plus massif jamais connu en France.

Au total, l’effort est toujours reporté à plus tard tant le Gouvernement semble assumer la dérive des comptes publics. Avec le temps, et au regard de ce que le Gouvernement n’a pas été capable de faire par le passé, un redressement effectif de nos finances publiques devient de moins en moins crédible. Le rapporteur général de la commission des finances du Sénat regrette le manque de rigueur qui a présidé à la construction de ce programme de stabilité.

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