M. le président. Par amendement n° 113, MM. Billard, Leyzour, Minetti et Ralite, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de supprimer le premier alinéa du paragraphe I du texte présenté par l'article 6 pour l'article L. 35-2 du code des postes et télécommunications.
La parole est à Mme Demessine.
Mme Michelle Demessine. L'article L. 35-2 du code des postes et télécommunications, dans la rédaction actuelle du projet de loi, pose notamment la question du rôle respectif de chaque opérateur de télécommunication.
En effet, l'article stipule que le service universel, qui apparaît de plus en plus comme une sorte de service minimum d'intérêt collectif, sera durablement confié à la France Télécom.
Il est vrai que ce service présente la particularité d'être le plus coûteux en termes de maintenance, et le moins profitable en termes de rentabilité. Ainsi, l'article L. 35-2 prévoit que l'opérateur chargé du service universel devra présenter le plus de garanties possibles dans l'exercice de cette fonction pour la clientèle.
La concession de service public se présentera donc sur la base d'une analyse comptable de la situation technique et financière du candidat à l'exploitation, attendu que France Télécom est aujourd'hui, et de très loin, le seul opérateur susceptible de répondre dans les meilleures conditions à ces critères.
Cependant, quand on examine « en creux » la situation créée, on voit que cela laisse la porte ouverte, en ce qui concerne le service universel, à la concession éventuelle de services publics à un autre opérateur que celui qui en a aujourd'hui la charge.
Le rapport conclut, un peu hâtivement, de notre point de vue, qu'il est fort peu probable que France Télécom perde avant longtemps la maîtrise de l'exploitation du service universel, ce qui confirme du même coup que l'opérateur pourrait la perdre. D'autant que l'on ne peut négliger le fait que les autres opérateurs qui se présentent désormais sur le marché ont quelques préoccupations de conquête de clientèle.
La première phase consiste à prendre position sur les marchés les plus ouverts à la concurrence, éventuellement en faisant payer par la collectivité les contraintes de la montée en charge des investissements réalisés pour prendre pied sur le marché. Des sommes importantes vont, en effet, être engagées dans la conquête des services de télécommunication, pesant par là même sur la rentabilité immédiate des investissements réalisés.
Il est même à peu près clair que l'on aura, en matière de télécommunications, singulièrement de téléphonie mobile, une situation proche de celle observée au début de l'histoire des réseaux câblés dans notre pays, faite de recapitalisations et d'engagements de sommes plus ou moins élevées, dans l'attente de bénéfices significatifs.
Dans le même temps, France Télécom sera aux prises avec la limitation de ses activités, le développement de la concurrence sur les créneaux les plus porteurs et, de fait, perdra une partie de l'élasticité financière susceptible de favoriser tel ou tel investissement spécifique. Le haut niveau de marge brute d'autofinancement de France Télécom ne réside-t-il pas dans la présence significative de ce dernier en matière de nouveaux services à forte valeur ajoutée ?
De surcroît, la modification des statuts de l'exploitant actuel verra monter en charge la prise de contrôle de France Télécom par les opérateurs privés, ce qui constitue encore le meilleur moyen de combattre l'adversaire.
En effet, l'observation du passé, notamment de la constitution du groupe Bouygues, permet de constater que les prises de participation ou les constitutions de groupements d'intérêt économique sont souvent les meilleurs outils pour étouffer un concurrent et pour s'ent débarrasser à plus ou moins brève échéance.
De plus, les groupes privés susceptibles d'intervenir sur le marché des télécommunications disposent d'une sorte de synergie d'activités et de stratégie de comptes consolidés suffisamment patentes pour parvenir à équilibrer les efforts initiaux requis par la conquête de positions commerciales.
L'ouverture de la possibilité d'exploiter le service universel aux opérateurs privés concurrents de France Télécom est donc l'une des caractéristiques de ce projet de loi.
La démarche est possible puisque, au bout de la démarche de participation croisée dans le capital de France Télécom, il suffira alors de tirer parti du « trésor de guerre » accumulé sur les activités à haute valeur ajoutée pour venir directement concurrencer l'opérateur public, ou ce qu'il en restera, sur son marché domestique.
Laisser en l'état le texte proposé par le projet de loi pour l'article L. 35-2 du code des postes et télécommunications conduirait donc à remettre en cause la réalité même de l'action de l'opérateur public.
Sous le bénéfice de ces observations, mes chers collègues, je vous invite à adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Larcher, rapporteur. Mes chers collègues, si vous adoptiez cet amendement, vous ébranleriez le socle juridique sur lequel repose l'exclusivité donnée à France Télécom pour le service universel. C'est dire, madame Demessine, que ce serait un très mauvais coup porté à l'opérateur public France Télécom !
Voilà pourquoi la commission n'y est pas favorable. Elle fait en cela le même choix que le Gouvernement.
D'autres pays ont opéré des choix différents. Ainsi, l'Allemagne a fait le choix de la régionalisation des réseaux et de l'opérateur de service universel.
Voilà pourquoi, madame Pourtaud, je souhaite que vous relisiez avec attention cet amendement, car l'adoption de ce dernier serait un très mauvais coup porté à France Télécom.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. François Fillon, ministre délégué. Je confirme les propos de M. le rapporteur : si l'amendement n° 113 était adopté, nous serions alors en contradiction complète avec la directive européenne et nous se serions pas en mesure de désigner France Télécom comme opérateur public du service universel.
La formule que le Gouvernement a proposée permet de désigner France Télécom comme opérateur du service public universel tout en laissant ouverte la possibilité qu'à l'avenir un autre opérateur puisse aussi se positionner sur l'ensemble du territoire national et exercer des responsabilités dans le domaine du service universel.
Toutefois, chacun sait bien ici que cette hypothèse est très largement théorique. En effet, pour offrir un service sur l'ensemble du territoire national, condition que nous avons imposée pour être opérateur du service universel, il faut investir sur l'ensemble du territoire national, ce qui, à l'évidence, ne risque pas d'arriver demain.
En revanche, si l'amendement n° 113 était adopté, nous n'aurions plus la possibilité de désigner France Télécom comme l'opérateur du service universel. Dès lors nous serions obligés de mettre en concurrence le service universel, c'est-à-dire de le découper en régions, comme l'ont fait l'Allemagne et d'autres pays, lesquels ont confié le service universel à des opérateurs différents dans des régions différentes.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 113, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 22, M. Gérard Larcher, au nom de la commission, propose, dans la première phrase du dernier alinéa du paragraphe I du texte présenté par l'article 6 pour l'article L. 35-2 du code des postes et télécommunications, après les mots : « pour permettre l'accès au service », d'insérer le mot : « universel ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Gérard Larcher, rapporteur. Cet amendement tend à préciser qu'il s'agit bien du service universel auquel ont droit d'accès toutes les catégories de population.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre délégué. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 22, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 188, Mme Joëlle Dusseau propose de supprimer le paragraphe II du texte présenté par l'article 6 pour l'article L. 35-2 du code des postes et télécommunications.
Cet amendement est-il soutenu ?...
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article L. 35-2 du code des postes et télécommunications.
(Ce texte est adopté.)

ARTICLE L. 35-3 DU CODE
DES POSTES
ET TÉLÉCOMMUNICATIONS