M. le président. « Art. 10 ter . - Le premier alinéa de l'article 2 du décret du 18 avril 1939 fixant le régime des matériels de guerre, armes et munitions est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Les ventes aux particuliers d'armes et de munitions des 1re, 4e, 5e et 7e catégories ne peuvent être conclues dans des magasins de commerce de détail non spécialisés dont la surface de vente est supérieure à 300 mètres carrés et ne disposant pas d'un armurier professionnel diplômé employé à temps complet par l'établissement. »
Sur l'article, la parole est à M. du Luart.
M. Roland du Luart. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, même amendé par la commission des affaires économiques, l'article 10 ter demeure difficilement acceptable en l'état.
En effet, le problème de la sécurité publique est totalement étranger au domaine du projet de loi qui nous est soumis ce soir.
Il n'a pas fait l'objet d'une concertation interministérielle, alors même qu'il s'agit d'un dossier délicat qui doit être envisagé dans une perspective communautaire.
Il met sur un même pied les armes et les munitions, alors même que la directive de la CEE ne traite pas des munitions.
Il établit une discrimination entre les chasseurs urbains qui peuvent s'approvisionner auprès d'un armurier et les chasseurs ruraux qui ne le pourront pas, sauf à parcourir des dizaines de kilomètres pour acheter leurs boîtes de cartouches.
Au moment même où l'on parle de simplification administrative, on constate une frénésie législative et réglementaire, qui perturbe gravement l'exercice normal de la chasse : déclaration obligatoire des armes dont la date limite vient d'être retardée du 6 mai au 31 décembre 1996, passeport européen et taxes afférentes, interdiction d'acheter des munitions ailleurs que dans un commerce spécialisé, mise en place du réseau Natura 2 000, déstabilisation de la police de la chasse au plan départemental entre les fédérations de chasseurs et les services compétents des préfectures, menaces sur les dates de fermeture de la chasse du gibier d'eau.
Ainsi, vous m'avez compris, mes chers collègues, pour le groupe d'études chasse et pêche au Sénat, à l'évidence, la simplification n'est pas grand-chose de plus qu'un voeu pieux dans le domaine du droit de la chasse.
C'est pourquoi, même si le problème posé mérite qu'on s'y attarde, il convient de ne pas le traiter à la légère.
En conséquence, je propose de voter contre l'article 10 ter avant de réexaminer la question en commission des lois.
M. le président. Sur l'article 10 ter, je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 56 rectifié, M. Hérisson, au nom de la commission des affaires économiques, propose de rédiger ainsi le texte présenté par l'article 10 ter pour le premier alinéa de l'article 2 du décret du 18 avril 1939 :
« Les ventes aux particuliers d'armes des première, quatrième, cinquième et septième catégories ne peuvent être conclues dans des magasins de commerce de détail non spécialisés. »
Par amendement n° 121, M. Plasait propose, dans le texte présenté par cet article pour compléter l'article 2 du décret du 18 avril 1939, de supprimer les mots : « dont la surface de vente est supérieure à 300 mètres carrés et ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 56 rectifié.
M. Pierre Hérisson, rapporteur. L'article 10 ter , qui a été introduit par l'Assemblée nationale, tend à interdire les ventes d'armes et de munitions aux particuliers dans des commerces non spécialisés dont la surface de vente est supérieure à 300 mètres carrés et qui ne disposent pas d'un armurier professionnel diplômé et employé à temps complet.
Il vise à interdire la vente en libre service d'armes, notamment dans les quelques rayons d'armes ouverts dans certains magasins de grande distribution. On voit mal cependant l'intérêt de fixer un seuil, ce qui autoriserait de facto une telle vente dans les magasins non spécialisés de moins de 300 mètres carrés.
Par ailleurs, on ne peut imposer la présence d'un armurier diplômé alors qu'il n'existe pas encore de filière de formation dans ce secteur.
C'est pourquoi la commission vous propose d'adopter un amendement supprimant à la fois le seuil précité et l'exigence de la présence d'un armurier professionnel diplômé, et tendant à ne viser que les armes et non pas les munitions.
M. Philippe de Bourgoing. C'est le gibier qu'il faut viser !
M. le président. L'amendement n° 121 est-il soutenu ?...
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 56 rectifié ?
M. Jean-Pierre Raffarin, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat. J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt le message de M. du Luart, qui a quelque expérience de ces sujets. Je reconnais tout à fait que la question est d'importance, mais elle dépasse l'examen d'un texte sur l'urbanisme commercial, puisqu'elle soulève des problèmes s'agissant de la sécurité, de l'exercice d'un sport et d'une pratique populaire largement développée.
En fait, ces textes soulèvent deux grandes questions.
D'abord, s'agit-il de ventes d'armes ou de ventes d'armes et de munitions ? Tout le monde est plutôt d'accord pour réglementer la vente des armes. Il n'en va pas de même pour la limitation de la vente des munitions, qui oblige en effet les chasseurs à parcourir des kilomètres pour acheter des cartouches dans des points de vente spécialisés.
Ensuite, qu'en est-il de la taille des magasins et de la qualification des vendeurs dont M. Hérisson vient de parler ? Sur ce point, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 56 rectifié.
M. Roland du Luart. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. du Luart.
M. Roland du Luart. L'amendement de la commission des affaires économiques, a le très grand mérite de faire disparaître la stupidité qui consistait à parler des munitions. S'il est adopté, les chasseurs pourront donc continuer à acheter à l'épicerie du village leurs boîtes de cartouches pour tirer quelques pigeons ou quelques perdreaux rouges ou gris.
Reconnaissez qu'au moment où le ministère de l'intérieur vient d'élaborer une réglementation sur la déclaration des armes, on peut se demander pourquoi l'Assemblée nationale a ajouté un article 10 ter , qui n'a rien à voir avec ce projet de loi.
Tout à l'heure, M. le ministre a souhaité - je comprends sa sagesse - que ce projet de loi reste équilibré. Selon moi, cet ajout de l'Assemblée nationale n'a rien à voir avec un texte relatif à l'urbanisme commercial. Je regrette donc que cet article 10 ter y figure.
Cela dit, je préfère que cet article soit amendé. J'ose cependant espérer qu'en commission mixte paritaire les deux assemblées auront la sagesse de le supprimer.
Je voterai donc pour l'amendement, mais contre l'article.
M. Bernard Dussaut. Je demande la parole pour explication.
M. le président. La parole est à M. Dussaut.
M. Bernard Dussaut. Monsieur le président, nous serions favorables à cet amendement ; je souhaiterais toutefois poser une question. Sera-t-il toujours possible d'acheter des armes par correspondance à certains organismes dont je ne citerai pas le nom ?
M. Roland du Luart. C'est une bonne question !
M. Félix Leyzour. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Leyzour.
M. Félix Leyzour. Voilà quelques semaines, lors de la discussion du projet de loi concernant la loyauté et l'équilibre des relations commerciales, j'avais déposé un amendement allant dans le même sens. A l'époque, il avait été repoussé, mais j'avais senti tout de même qu'on lui avait porté un certain intérêt.
Ce que je voulais, en présentant cet amendement, c'était préciser que les armes ne doivent pas être vendues hors des magasins spécialisés que sont les armureries, ni faire l'objet de ventes promotionnelles.
La vente des armes dans les armureries contribue à un meilleur contrôle, selon nous, de la vente d'un produit qui, en tout état de cause, n'est pas comme les autres.
C'est la raison pour laquelle notre groupe votera l'amendement n° 56 rectifié.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis. Cet article n'a franchement rien à voir avec le commerce et l'artisanat, si ce n'est d'une manière très indirecte.
Dans la mesure où des dispositions ont déjà été prises, je ne suis pas sûr que le réel problème que pose le commerce des armes doive être réglé à l'occasion de l'examen de ce texte.
Cela étant, il est vrai que l'amendement de la commission des affaires économiques améliore les choses, puisque la situation devenait complètement stupide.
M. Roland du Luart. Merci !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis. Personnellement, je voterai donc pour l'amendement mais contre l'article, à l'instar de M. du Luart. En effet, si l'on veut faire disparaître cette disposition stupide, puisqu'il y aura une commission mixte paritaire, il ne faut surtout pas voter l'article.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 56 rectifié, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 10 ter , ainsi modifié.

(L'article 10 ter n'est pas adopté.)

Article additionnel après l'article 10 ter