M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le Parlement aura donc voté une loi de plus. Pour quel résultat ? On peut franchement se le demander. Curieuse manière de fêter les cinquante ans de l'ordonnance du 2 février 1945 que d'alourdir la procédure sans, en vérité, en changer grand-chose ! La France est, à juste titre, fière de cette ordonnance du 2 février 1945. Le rôle du juge des enfants est multiple. Devant le tribunal pour enfants, on ne traite pas les affaires, bien sûr, comme devant les juridictions pénales. On cherche à réinsérer le mineur et, pour cela, on le suit.
L'oisiveté étant mère de tous les vices, la crise entraîne un accroissement compréhensible de la délinquance juvénile : il faut donc renforcer considérablement les moyens des juges des enfants.
Je rappelle que, malheureusement, en 1988, sous prétexte d'audit, on avait au contraire supprimé tout effort en la matière. Il y a donc un retard à rattraper. Comme le juge a besoin d'être entouré d'assistants, de personnel de la protection judiciaire de la jeunesse, d'assistantes sociales et de nombreux autres collaborateurs, un effort doit être fait.
Or le projet de loi qui va être voté dans un instant tend à faire en sorte que les juges pour enfants jugent plus rapidement au pénal. S'ils le font réellement, ils seront forcément amenés à moins assumer leur rôle de protection et d'assistance éducative, qui est pourtant au moins aussi important que la mission consistant à juger et, le cas échéant, à condamner.
Quelles sont les principales dispositions du texte issu de nos travaux ? D'une part, les policiers pourront dorénavant citer directement devant le juge des enfants, c'est-à-dire saisir eux-mêmes le juge des enfants. Ils le feront évidemment sur instruction du parquet. Le Sénat avait très sagement demandé que les instructions du parquet soient données par écrit, de manière qu'elles ne puissent pas faire l'objet de contestations ultérieures. Mais je signale, au passage, que le parquet, de toute façon, ne verra pas l'intéressé et qu'il va donc s'en rapporter aux policiers. En commission mixte paritaire, notre rapporteur nous a expliqué qu'il avait appris que les gendarmes ne disposaient pas de fax et qu'il n'était donc pas possible d'exiger de telles instructions écrites. Il y avait pourtant un moyen très simple : équiper les gendarmeries de fax. Non, on a préféré supprimer la mention « par écrit » ! Nous verrons bien ce que donne le contentieux à cet égard.
D'autre part, le texte organise un litige entre le parquet et le juge des enfants puisque, désormais, le parquet pourra exiger que le tribunal pour enfants audience telle ou telle affaire rapidement. Si le juge n'est pas d'accord, il pourra s'y opposer par une ordonnance et le procureur pourra faire appel de cette ordonnance. Mais comme, de toute façon, et fort heureusement, chacun reconnaît qu'un tribunal peut toujours être amené à renvoyer une affaire à une audience ultérieure, si véritablement le juge estime que l'affaire n'est pas en état, il renverra à une audience ultérieure, et nous aurons donc donné un grand coup d'épée dans l'eau. Voilà l'oeuvre que vous aurez accomplie ! Il n'y a pas de quoi être fier.
Nous avons perdu beaucoup de temps pour pas grand-chose. Nous avons porté atteinte aux principes de l'ordonnance du 2 février 1945, sans renforcer les moyens de lutte contre la délinquance juvénile. Le résultat ne sera certainement pas celui que pouvaient espérer ceux qui nous ont élus.
Le groupe socialiste votera contre l'ensemble du projet de loi.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Conformément à l'article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l'ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le groupe socialiste vote contre.
M. Robert Pagès. Le groupe communiste républicain et citoyen également.

(Le projet de loi est adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à quinze heures cinq, sous la présidence de M. René Monory.)