SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Pacte de relance pour la ville. - Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p. 1 ).
Discussion générale : MM. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration ; Eric Raoult, ministre délégué à la ville et à l'intégration ; Gérard Larcher, rapporteur de la commission spéciale ; Jean-Pierre Fourcade, président de la commission spéciale ; Serge Franchis, Philippe Marini, André Vezinhet, Guy Fischer, Paul Girod, José Balarello, Pierre Lagourgue, Dominique Braye.

Suspension et reprise de la séance (p. 2 )

PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY

3. Politique générale. - Débat et vote sur une déclaration du Gouvernement (p. 3 ).
MM. Alain Juppé, Premier ministre ; Josselin de Rohan, Claude Estier, Mme Hélène Luc, MM. Bernard Joly, Jacques Habert, Henri de Raincourt, Maurice Blin.
M. le Premier ministre.
Approbation, par scrutin public à la tribune, de la déclaration du Gouvernement.

4. Transmission d'une proposition de loi (p. 4 ).

5. Dépôt d'une proposition d'acte communautaire (p. 5 ).

6. Ordre du jour (p. 6 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le procès-verbal de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté.

2

PACTE DE RELANCE POUR LA VILLE

Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 461, 1995-1996), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville. [Rapport (n° 1, 1996-1997).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi, dont les dispositions sont, j'en conviens et je vous demande de m'en excuser par avance, bien souvent techniques, s'inscrit dans une perspective plus vaste, que je souhaite évoquer brièvement en préambule, de façon à bien éclairer les enjeux qui sont, eux, non pas techniques mais politiques, au sens le plus noble du terme. Cette perspective est celle de la réduction de la fracture territoriale.
Depuis onze mois, toute mon attention, en tant que ministre de l'aménagement du territoire, consiste à lutter contre cette fracture territoriale qui éloigne de la République et de ses valeurs une partie de nos concitoyens et qui surajoute ses effets à ceux de la fracture sociale, si justement dénoncée par le Président de la République.
Il est en effet, vous le savez, des parties de notre territoire dont les habitants sont, plus que d'autres, confrontés à l'exclusion. Ainsi en va-t-il de certaines de nos campagnes ; là, les jeunes partent pour trouver un emploi, mais aussi parce qu'ils se font des illusions sur la vie qui sera la leur dans les villes. Un processus cumulatif se met alors en marche, qui passe par le vieillissement de la population, la fermeture des commerces, la difficulté de maintenir des services publics et débouche sur la désertification.
Ainsi en va-t-il également des banlieues, que nous allons aujourd'hui largement évoquer, ces grands quartiers d'habitat social construits dans l'urgence au cours des années soixante et soixante-dix, à un moment où les familles qui venaient s'installer dans les villes, qu'elles soient issues du monde rural ou de l'immigration, devaient, vaille que vaille, coûte que coûte, être logées.
Aux effets de l'entassement précipité de populations trop hétérogènes pour cohabiter harmonieusement, la montée du chômage et le développement de la petite délinquance et des violences urbaines ont, ces dernières années, additionné les leurs, aggravant le mal-vivre des banlieues au point que le risque de voir se constituer des ghettos ne peut plus être écarté. Comment, d'ailleurs, pourrait-il en être autrement lorsque le taux de chômage est, dans certains quartiers, deux fois plus élevé que celui de l'agglomération - trois fois plus élevé en ce qui concerne les jeunes - et lorsque le seul fait d'habiter dans tel ou tel quartier difficile constitue un handicap supplémentaire sur le parcours d'obstacles qui mène à l'emploi ?
Le Sénat, notamment à travers la mission sénatoriale d'information sur l'aménagement du territoire de 1994 et la commission spéciale constituée pour travailler sur le présent texte, a mis en évidence le parallélisme et la simultanéité de la dégradation de la situation des banlieues et de l'espace rural, ainsi que la complémentarité des politiques de la ville et de développement de l'espace rural.
Votre assemblée a aussi excellemment montré comment des banlieues et des cantons ruraux pouvaient être victimes d'une économie de marché efficace mais trop négligente du long terme et des équilibres sociaux.
C'est pour répondre aux problèmes des banlieues que le Premier ministre a annoncé, le 18 janvier 1996, à Marseille, sur ma proposition et celle de mon collègue Eric Raoult, le pacte de relance pour la ville, programme d'ensemble sans précédent au profit des quartiers en difficulté.
C'est pour répondre aux problèmes de certaines zones rurales que, je tiens à le dire très nettement devant la Haute Assemblée, je soumettrai dans les mois qui viennent au Parlement un plan pour le monde rural, qui visera à porter remède aux difficultés de nos campagnes et qui sera le pendant, pour ces dernières, du pacte de relance pour la ville.
J'en viens plus précisément au projet de loi qui nous occupe aujourd'hui.
Le pacte de relance pour la ville qu'il traduit en termes techniques se différencie des plans lancés depuis vingt ans en ce qu'il constitue un programme d'ensemble qui s'attache à traiter tous les aspects de la vie quotidienne dans les banlieues : le logement et l'urbanisme, bien sûr, mais aussi - et je sais que vous y êtes très attachés - la sécurité, le rétablissement de l'ordre républicain, l'égalité des chances à l'école, le renforcement des services publics de proximité et le développement de la vie associative.
Vous tenez aussi, à juste titre, à la cohérence et à la continuité des actions de l'Etat.
C'est dans cet esprit que mon collègue Eric Raoult et moi-même avons jugé qu'il ne fallait rien supprimer de ce que nos prédécesseurs, quels qu'ils soient, avaient bâti au titre de la politique de la ville. En effet, à différentes époques, de bons dispositifs ont été imaginés, même s'ils n'ont pas toujours été effectivement mis en place. Ainsi, les contrats de ville sont poursuivis, les opérations « ville-vie-vacances », qui auront touché en 1996 près de 800 000 jeunes contre 12 000 à l'origine, sont renforcées.
Les deux chiffres que je viens de citer donnent à eux seuls la mesure des très amples moyens supplémentaires qu'apporte le pacte, qui comporte soixante-huit mesures et dégage plus de 12 milliards de francs de prêts à des taux avantageux pour les collectivités et les organismes d'HLM, ainsi que près de 15 milliards de francs de crédits budgétaires sur trois ans.
Mais l'originalité du pacte est de mettre l'accent sur le volet économique. Le Sénat, dans son rapport d'information sur la politique de la ville, avait d'ailleurs souligné dès 1992 : « L'inactivité est stigmatisée comme le second mal, après la violence, qui frappe les banlieues les plus défavorisées et ajoute à leur exclusion, malgré le travail accompli notamment par les entreprises d'insertion. »
Sont ainsi privilégiés, dans le pacte de relance pour la ville, l'emploi des habitants, le retour des activités économiques, l'exaltation de l'esprit d'initiative, tant il est vrai que le chômage est la cause essentielle de la dérive des quartiers difficiles.
Afin que leurs habitants perçoivent rapidement des améliorations concrètes dans leur vie quotidienne et retrouvent l'espoir, j'ai pris, avec Eric Raoult, le parti de préparer dans les meilleurs délais l'ensemble des textes législatifs et réglementaires nécessaires à l'application du pacte.
J'ai, par conséquent, choisi de ne pas rassembler toutes les dispositions législatives nécessaires dans un cadre unique, dont la mise au point aurait été subordonnée à l'attente de l'accord de la Commission européenne sur les mesures fiscales et sociales dérogatoires prévues par le pacte. Certaines des dispositions du pacte ont donc été traduites dans d'autres textes législatifs que celui qui est examiné aujourd'hui.
Cette méthode était manifestement la meilleure puisque, neuf mois seulement après l'annonce du pacte, la plupart des textes législatifs sont votés et la majorité des textes réglementaires publiés. C'était notre ambition, à Eric Raoult et à moi-même. Ainsi, avec l'aide du Parlement, nous avons pu concrétiser ces avancées quel qu'ait été le scepticisme de ceux qui doutaient que nous obtiendrions le feu vert de Bruxelles sur les zones franches urbaines.
En effet, cinq lois sont d'ores et déjà promulguées : la réforme de la dotation de solidarité urbaine, avec la loi du 26 mars 1996 ; l'exonération du supplément de loyer de solidarité pour les logements sociaux situés en zone urbaine sensible, avec la loi du 4 mars 1996 ; la comparution à délai rapproché des mineurs délinquants multirécidivistes, ou « multiréitérants ».
Qui plus est, grâce au vote de la loi du 6 mai 1996 portant réforme de l'apprentissage et à la sortie rapide des deux décrets d'application, les premiers des 100 000 emplois de ville ont été signés dès le début de l'été.
Trois décrets et quatorze circulaires sont publiés, cinq protocoles nationaux sont signés et trois appels à projet sont jugés, dont deux portent sur des thèmes qui, je le sais, sont chers à la Haute Assemblée : l'amélioration des transports publics, avec quarante-cinq projets primés, et l'amélioration des services publics dans les quartiers, avec cinquante-deux projets de plates-formes de services publics sélectionnés.
Dès l'adoption définitive du projet que vous examinez aujourd'hui, les derniers textes d'application pourront être publiés.
Le Sénat me permettra, à ce stade de mon propos, de m'arrêter un instant sur les emplois de ville. Nous nous sommes battus, Eric Raoult et moi-même, au sein du Gouvernement, pour obtenir 100 000 de ces emplois qui offrent un formidable espoir aux jeunes.
L'engagement qui a été le mien m'autorise aujourd'hui à dire qu'il est du devoir de chacun de tout mettre en oeuvre pour qu'un nombre non négligeable de ces emplois soient rapidement signés : j'en espère 10 000 d'ici à la fin de l'année, afin que puisse être tenu le rythme des 25 000 emplois par an pendant quatre ans.
J'entends ici et là des critiques sur le dispositif. Si ces critiques sont constructives...
Mme Marie-Claude Beaudeau. Toujours, monsieur le ministre !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. ... et si elles permettent d'améliorer le dispositif, de l'assouplir, je saurai en tenir compte, madame Beaudeau. Mais, de grâce ! n'ayons plus de débats philosophiques sur le sujet, ne jouons pas avec l'emploi des jeunes et sortons du scepticisme.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je compte sur vous, qui avez souvent des mandats locaux, pour aider à la réussite de ces emplois de ville, en faveur desquels j'ai déjà mené plusieurs actions concrètes.
Nous avons signé, Eric Raoult et moi-même, en mai dernier, un protocole avec les HLM pour la création de 4 000 emplois de ville en quatre ans.
Nous avons signé, début septembre, un protocole avec des transporteurs publics et des autorités organisatrices de transport pour la création de 3 000 emplois de ville en quatre ans. Je pense ici, notamment, à celui que nous avons conclu avec Mme le maire de Strasbourg.
J'ai signé une convention avec le département du Val-d'Oise, qui s'engage à financer 15 % des emplois de ville en sus des 55 % pris en charge par l'Etat. D'autres départements, d'autres régions ont pris des initiatives en ce sens, et c'est pour renforcer ce mouvement que nous avons adressé, Eric Raoult et moi-même, la semaine dernière, un courrier aux présidents de conseils généraux et régionaux les incitant à s'engager sur les emplois de ville.
J'ai aussi demandé aux préfets d'organiser dans tous les départements, le 5 septembre, une conférence de presse pour valoriser les emplois de ville.
Désormais, beaucoup de choses sont en place pour permettre que des premiers résultats concrets soient ressentis sur le terrain. Je mentionnerai, par exemple, un premier renforcement, dans les quartiers, des effectifs de police, sans lesquels toute volonté d'améliorer la vie quotidienne serait vaine, ainsi que 'augmentation du nombre d'appelés du contingent au service de la ville, qui conduira à ce que 10 000 appelés soient affectés au 1er décembre 1996.
M. Guy Fischer. Ces appelés vont disparaître !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. D'ici à l'an 2001, monsieur Fischer, nous avons le temps. Pour la suite, dans la mesure où le dispositif est plutôt une réussite, je pense que des volontaires pourront s'engager afin d'assumer aussi ce genre de mission. En tout cas, permettez-moi de l'espérer.
Je mentionnerai également l'extension des dispositifs « école ouverte » et « ville-vie-vacance », dont je viens de parler, aux petites vacances scolaires, la mise en place de 8,5 milliards de francs de prêts aux collectivités locales et de 5 milliards de francs de prêts aux organismes d'HLM. M. Hoeffel et moi-même, visitant le quartier Neuhof, à Strasbourg, avons pu constater tout ce que cela peut représenter comme améliorations pour la réhabilitation de la ville.
Si beaucoup donc a été fait, le projet de loi qui est aujourd'hui soumis à votre approbation, mesdames, messieurs les sénateurs, reste cependant d'une considérable importance, puisqu'il rassemble l'ensemble des mesures législatives restant à appliquer pour permettre la complète mise en place du pacte de relance.
Dans le projet de loi, ces mesures sont organisées en cinq titres.
Le titre Ier resserre tout d'abord la géographie d'application de la politique de la ville. Le pacte a en effet pour ambition d'adapter les dispositions à la gravité des situations de façon à proportionner et à concentrer l'effort de l'Etat sur les quartiers les plus touchés par l'exclusion urbaine. Il organise ainsi des traitements d'autant plus puissants et dérogatoires du droit commun que les difficultés auxquelles sont confrontés les quartiers sont importantes.
Trois types de quartiers sont distingués. Il s'agit, tout d'abord, des sept cent quarante-quatre zones urbaines sensibles - sept cent neuf en métropole et trente-cinq en outre-mer - dans lesquelles s'appliquent des mesures de nature sociale. Sachez que, sur les sept cent neuf zones urbaines sensibles de métropole, près de trois cents concernent des villes de moins de 30 000 habitants et quatre-vingts des communes de moins de 10 000 habitants.
Comme vous le voyez, j'ai retenu les observations et les suggestions tant de M. Fourcade que de M. Gérard Larcher pour bien faire en sorte que le dispositif s'applique non seulement à nos grandes cités urbaines, mais également à d'autres communes, petites et moyennes. Ces dernières ne sont pas, en tout cas, laissées pour compte, et c'était bien la volonté expresse de la Haute Assemblée.
Il s'agit, ensuite, de trois cent cinquante zones de redynamisation urbaine, choisies parmi les zones urbaines les plus sensibles, auxquelles se rapportent, outre les mesures sociales applicables dans les zones urbaines sensibles, des mesures de nature économique.
Ces quartiers sont désormais désignés en fonction de leur situation géographique dans l'agglomération et de la gravité de leur situation, mesurée par un indice constitué, à la demande, il faut le dire, de Bruxelles, par le nombre d'habitants, le taux de chômage, la proportion des non-diplômés, celle des jeunes et le potentiel fiscal de la commune.
Il s'agit, enfin, d'une nouvelle catégorie de quartiers très difficiles : les zones franches urbaines, au nombre de trente-huit en métropole et de six dans l'outre-mer, dans lesquelles s'applique un dispositif de complète exonération fiscale et sociale.
La liste de ces quartiers en très grande difficulté, qui ont été sélectionnés parmi ceux comptant plus de 10 000 habitants d'un seul tenant et cumulant les difficultés les plus graves au regard des critères retenus pour les zones de redynamisation urbaine, est annexée à la loi.
Un différend épistolaire m'a opposé à ce propos au maire de Rouen. Je m'en suis expliqué : nous intervenons dès lors que le quartier rassemble plus de 10 000 habitants d'un seul tenant, faute d'avoir les moyens financiers de faire plus.
Notre ambition, pour ces zones franches, doit être à la mesure des difficultés auxquelles elles sont confrontées. Pour ma part, je ne souhaite rien d'autre sinon qu'elles deviennent les vitrines de la politique de la ville et qu'elles démontrent que cette politique n'a pas simplement pour ambition de gérer vaille que vaille des situations dégradées, mais qu'elle peut aussi inverser complètement des tendances aussi longtemps subies qu'elles sont pourtant intolérables.
Donc, non seulement les zones franches bénéficieront de dispositions fortes en faveur des entreprises, mais elles pourront aussi profiter de l'ensemble des mesures du pacte de relance, à un niveau d'intensité supérieur, et ce dans tous les domaines de la vie quotidienne, qu'il s'agisse d'éducation, de sécurité, de service public, d'habitat ou de soutien aux associations.
Le titre II du projet de loi traduit la priorité accordée à la revitalisation économique des quartiers de plus en plus en difficulté que sont les zones de redynamisation urbaine et les zones franches urbaines.
Un régime fiscal et social puisamment dérogatoire destiné à favoriser le maintien et la création de l'activité y est donc mis en place.
Ces mesures, qui veulent agir sur le secteur marchand, complètent la création des 100 000 emplois de ville dont j'ai déjà parlé et dont je ne dirai donc que très brièvement qu'ils sont réservés à des jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans, d'un niveau de formation pouvant aller jusqu'au baccalauréat.
En ce qui concerne les zones de redynamisation urbaine, les deux apports du texte du Gouvernement sont, d'une part, d'accorder aux entreprises existantes une exonération de taxe professionnelle afin de ne pas introduire de distorsions avec les entreprises nouvelles qui s'implanteront, ce qui répond au voeu de la commission spéciale ; d'autre part, d'accorder une exonération de charges sociales patronales de douze mois pour l'embauche des cinquante premiers salariés. Je vous indique, par la même occasion, que cette mesure vaudra aussi pour les zones de revitalisation rurale.
En ce qui concerne les zones franches urbaines, le dispositif prévu, et approuvé par le collège des commissaires européens, est puissant à défaut d'être toujours simple.
Ainsi, les entreprises de moins de cinquante salariés présentes dans les zones franches ou qui viendront s'y installer entre le 1er janvier 1997 et le 31 décembre 2001 seront exonérées d'impôts et de cotisations sociales pendant cinq ans. Cela permettra, non seulement de sauvegarder les emplois existants et d'aider les rares commerçants ou artisans qui sont restés sur place, malgré toutes les difficultés majeures que connaisent ces quartiers, mais aussi et surtout d'attirer de nouveaux emplois.
J'ai souhaité, en outre, et peut-être avant tout, que le dispositif dont les entreprises bénéficieront apporte un avantage direct aux habitants du quartier en termes d'emploi. C'est l'un des éléments qui a valu que Bruxelles me donne son accord sur un tel niveau d'aide.
Ainsi, pour bénéficier des exonérations de charges sociales, l'entreprise devra-t-elle, dans le cas où elle recrute, soit embaucher au moins un habitant de la zone franche pour cinq embauches, soit avoir, au sein de ses effectifs, au moins 20 % d'habitants de la zone franche.
Dans ses propositions d'amendement, la commission spéciale du Sénat souhaite créer, dans chaque zone franche urbaine, un comité d'orientation et de surveillance chargé d'évaluer les conditions de mise en oeuvre des mesures dérogatoires, de prévenir les risques pouvant en résulter, notamment en ce qui concerne les équilibres économiques et sociaux de la zone, et de lutter contre les « chasseurs de primes ».
J'avais déjà prévu, vous le savez bien, une clause « anti-chasseur de primes » dans mon projet de texte. Je pense, cependant, que cette proposition de la commission sénatoriale est excellente. Elle permettra de renforcer le rôle de pilotage des maires et des préfets, rôle auquel nous sommes, vous et moi, attachés.
Enfin, dans les zones franches urbaines, des mesures fiscales spécifiques sont prévues pour inciter des investisseurs à rénover des copropriétés en difficulté et à construire des logements locatifs.
Le titre III concerne la mise en place, dans toutes les zones urbaines sensibles, de nouveaux moyens permettant de rénover le cadre de vie des quartiers et d'y recréer les conditions d'une plus grande mixité sociale.
Je mentionnerai brièvement certaines innovations, à commencer par la création d'établissements publics de restructuration urbaine et d'associations foncières urbaines, qui devra faciliter la mise en oeuvre des grands projets urbains et des projets d'aménagements.
Je mentionnerai encore la création d'un établissement public national de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux, qui pourra intervenir sur des opérations lourdes de restructuration d'espaces commerciaux et racheter des friches commerciales, les restructurer, les réhabiliter, puis les revendre au mieux-disant. Les députés ont souhaité que cet établissement public puisse déléguer ses compétences à un établissement public de restructuration urbaine, ce qui est une bonne chose. Les propositions du Sénat vont dans le sens d'une grande déconcentration de son fonctionnement, ce qui reçoit, bien évidemment, tout mon soutien.
M. Gérard Larcher, rapporteur de la commission spéciale. Très bien !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Quant à l'obligation faite aux communes ayant une zone urbaine sensible de réaliser un programme local de l'habitat, elle leur fournira l'occasion d'élaborer une stratégie de diversification des logements, qui pourra être discutée au sein d'une conférence communale ou intercommunale du logement, dont la mise en place est également obligatoire, et qui est chargée de déterminer avec toutes les parties prenantes les conditions d'attribution des logements HLM.
Enfin, pour assurer la requalification de certaines copropriétés privées en difficulté, il est prévu que les préfets puissent prendre des mesures spécifiques de sauvegarde et que les crédits de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat et du Fonds de solidarité pour le logement puissent appuyer les démarches des copropriétaires.
M. Guy Fischer. Un milliard cent millions de francs de moins !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Sauf que, de temps à autre, il arrive que le conseil municipal prenne en charge le nettoiement dans les grandes cités urbaines ! Ainsi, à Marseille, j'ai fait enlever 20 000 tonnes d'ordures ménagères dans un grand ensemble de copropriétés privées, parfois louées par des « marchands de sommeil ».
Deux problèmes doivent donc être résolus : faire respecter l'ordre républicain et réhabiliter l'habitat. Rien n'interdit aux communes de participer à l'effort nécessaire, à l'exemple de la commune de Marseille.
Enfin, dernier volet de ce projet de loi, les associations voient leur rôle renforcé et leur intervention simplifiée grâce à la possibilité de passer des contrats d'objectifs pluriannuels et de mettre en place des fonds locaux associatifs.
Il devient par ailleurs possible de créer des comités d'initiative et de consultation des quartiers qui permettront d'assurer une meilleure participation des habitants au devenir de leur cité.
Fondé, selon la terminologie du moment, sur un principe de discrimination territoriale positive et destiné à compenser les nombreux handicaps auxquels certains quartiers sont confrontés, le pacte de relance pour la ville, dont le projet de loi que vous allez examiner forme la clé de voûte, constitue un effort sans précédent.
La rapidité de sa mise en oeuvre témoigne de la priorité qu'accorde le Gouvernement, sous l'autorité du Premier ministre, à la nécessaire réduction de la fracture sociale et territoriale dénoncée par M. le Président de la République. Le sens du résultat des élections intervenues au mois de juin dernier, des représentants des locataires ne vous a sûrement pas échappé. Je souligne qu'avec le projet de loi qui vous est soumis le Gouvernement entend rassembler les Français et briser la logique d'exclusion sur laquelle prospèrent certains mouvements extrémistes.
Je ne doute pas pouvoir compter sur le Sénat pour, tout à la fois, respecter cet esprit, né d'une large concertation sur laquelle M. Raoult reviendra, et améliorer celles des dispositions qui lui paraîtront devoir l'être.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie d'excuser la longueur de mon propos, mais je tenais à être d'autant plus complet que je n'ai pas souvent l'occasion de m'exprimer devant vous. (Applaudissements sur les travées, des Républicains et Indépendants, du RPR, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Monsieur le ministre, votre propos n'a pas été trop long et nous sommes ravis de vous retrouver aujourd'hui, dans cette Haute Assemblée que vous connaissez bien.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Eric Raoult, ministre délégué à la ville et à l'intégration. Monsieur le président, monsieur le président de la commission spéciale, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, après la brillante intervention de Jean-Claude Gaudin, je veux m'associer à l'hommage qu'il a tenu à rendre à votre Haute Assemblée, tout particulièrement à sa commission spéciale, présidée par Jean-Pierre Fourcade, et à son rapporteur, Gérard Larcher. Un travail approfondi - votre assemblée en est coutumière - a pu être mené avec la commission, et je m'en félicite à mon tour.
Pour ma part, je souhaite mettre en perspective le projet de loi qui vous est soumis en répondant aux trois questions suivantes : qu'avons-nous voulu faire avec ce projet de loi ? Quel est l'état d'avancement du pacte de relance pour la ville ? Quel est l'apport du Parlement, et spécialement du Sénat, pour améliorer encore ce projet de loi ?
Jean-Claude Gaudin vous l'a dit : le pacte de relance pour la ville n'est pas réductible à ce seul projet de loi. Nous avons fixé soixante-huit mesures, qui ne nécessitent pas toutes une mise en oeuvre législative. Un grand nombre ont fait l'objet de réformes adoptées par le Parlement et sont déjà entrées en application.
Je rappelle à cet égard la réforme de la dotation de solidarité urbaine, la DSU, et du fonds de solidarité de la région d'Ile-de-France, le FSRIF, avec la loi du 26 mars 1996. Quant à la loi du 4 mars 1996, elle a permis d'exonérer des suppléments de loyers les logements sociaux situés en zones urbaines sensibles. S'y ajoute la loi du 6 mai dernier réformant le financement de l'apprentissage, qui a créé les emplois de ville. Le Sénat avait d'ailleurs amélioré ce texte, le Gouvernement ayant accepté de l'amender dans le sens voulu par Jean-Pierre Fourcade et la Haute Assemblée. Il s'agissait alors d'assouplir la géographie applicable à ces emplois.
Le projet de loi qui nous concerne aujourd'hui s'articule autour de trois axes : le maintien et la création d'activités et d'emplois, l'aménagement urbain et l'habitat, la vie associative.
Je ne reviens pas sur l'esprit qui l'anime, qui est de donner une dimension économique - un « plus » d'activité - à la politique de la ville.
Le texte tient compte, bien entendu, de l'expérience acquise en matière de politique de la ville. C'est, à partir de 1990 et sous l'impulsion de Michel Delebarre, une approche globale et transversale de l'intervention urbaine. C'est encore la nécessaire complémentarité entre la politique de la ville et l'aménagement du territoire voulue par le ministre d'Etat Charles Pasqua et par Daniel Hoeffel dès 1994. C'est aussi l'initiative de mon prédécesseur, le ministre d'Etat Mme Simone Veil, qui a rationalisé la procédure des contrats de ville. Tous ces acquis, nous ne les abandonnons pas : nous les confortons.
Il s'agit donc bien d'une relance de la politique de la ville et d'un nouvel élan. Mais une relance doit être rapidement mise en oeuvre pour être efficace. C'est pourquoi nous avons pris garde de ne pas trop renvoyer, dans la loi, à des décrets d'application. Je sais que la commission des lois et son président y sont particulièrement attentifs.
Pour le texte que nous vous soumettons, moins il y aura de décrets d'application, plus nous aurons de chances de le mettre en oeuvre avec succès.
Ayant été moi-même rapporteur du bugdet de la ville à l'Assemblée nationale, je n'oublie pas que la loi d'orientation pour la ville de 1991 avait nécessité près de cinquante décrets d'application, élaborés puis publiés durant près de dix-huit mois.
C'est pourquoi, avec Jean-Claude Gaudin, nous avons fait le choix de ne vous soumettre que des instruments très ciblés et des procédures claires sans excès de renvoi à des décrets d'application.
Objectivement, par-delà toutes les sensibilités et les clivages partisans, je pense que ce projet de loi est un texte de maturité de la politique de la ville. Il conforte l'existant, le remet en ordre, tout en le complétant. Je tiens à le réaffirmer devant votre Haute Assemblée : aucun des volets déjà mis en oeuvre de la politique de la ville n'est et ne sera remis en cause. Les contrats de ville ou encore les grands projets urbains continueront à recevoir les moyens financiers appropriés.
Ce projet de loi répond aux attentes exprimées dans l'excellent rapport de Gérard Larcher sur la politique de la ville, rapport élaboré dès 1992 et qui fait date.
Avec le pacte de relance pour la ville, le Gouvernement a tenu aussi le plus grand compte des analyses et propositions pertinentes de la commission spéciale sur l'aménagement du territoire, présidée par M. Jean François-Poncet.
Gérard Larcher a eu raison de relever que, « à force d'accuser le béton de tous les maux, on a trop oublié les hommes ». Notre pacte y répond en conjuguant désormais l'urbain et l'humain.
Aujourd'hui, à la cohérence historique, si je puis dire, nous apportons deux nouvelles cohérence, l'une géographique, l'autre économique.
La cohérence géographique, établie par le titre Ier du projet de loi, se traduit par l'échelle des interventions dans les 700 zones urbaines sensibles, les 350 zones de redynamisation urbaine, les 38 zones franches urbaines de métropole et les 6 zones franches urbaines d'outre-mer sur lesquelles je ne reviendrai pas.
Le présent projet de loi permettra d'harmoniser mieux encore la politique de la ville avec celle de l'aménagement et du développement du territoire. C'est dans cette perspective que nous vous proposons de modifier la « loi Pasqua » du 4 février 1995, qui a su relancer la politique d'aménagement du territoire dans notre pays.
S'agissant toujours de géographie et de politique de la ville, le Gouvernement a parfaitement conscience des efforts qu'il reste encore à faire en matière d'harmonisation. Je pense, en particulier, aux zones d'éducation prioritaire, les ZEP.
Quant à l'économique, comme l'a souligné le Président de la République, c'était le « chaînon manquant » de la politique de la ville. Nous souhaitons rééquilibrer la dépense sociale par des dépenses d'investissement économique. C'est l'objet du titre II du projet de loi.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le caractère global et cohérent de la politique de la ville ne doit pas rester un effet de langage. Au Sénat, Grand Conseil des communes de France, l'on sait bien que dans les quartiers, là plus qu'ailleurs, c'est le chômage qui détruit la vie sociale. Vous avez tous, quelle que soit la travée où vous siégez, dénoncé le chômage comme la cause essentielle de la dérive des quartiers et de la destruction du lien social.
Eh bien ! nous en tirons aujourd'hui pleinement les enseignements. J'ai été, personnellement, très sensible aux faits concrets, relevés sur le terrain, qu'ont bien voulu évoquer devant la commission spéciale, en présence de Jean-Caude Gaudin et de moi-même, Mme Nelly Olin, MM. José Balarello, François Trucy, Alain Richard, Serge Franchis, Guy Fischer ou Philippe Marini.
En pariant sur le retour à l'activité des habitants des quartiers, nous parions aussi sur l'intégration et le retour à la citoyenneté. Comme vous l'avez dit avant-hier en présentant le rapport de la commission, monsieur Fourcade : « Il n'y aura pas d'intégration, s'il n'y a pas de mixité sociale ». A cela aussi, nous souhaitons répondre dans le titre III du projet de loi.
S'agissant de la mixité de l'habitat, 460 communes de plus de 20 000 habitants insuffisamment pourvues en logements sociaux sont désormais tenues d'engager un programme triennal de construction de ce type de logements. Ce dispositif est conforté par le projet de loi.
Vous noterez aussi que nous prenons en compte le « logement social de fait » - ce qui constitue une première en France - en proposant des mesures de sauvegarde permettant de réhabiliter des copropriétés dégradées, comme vient de le rappeler M. le ministre.
Enfin, le titre IV concerne la participation des habitants des quartiers et leur représentation. Se trouve ainsi posée une question de principe pour la démocratie. En effet, sur le terrain, les associations expriment fortement le besoin d'une représentation démocratique formalisée des habitants des quartiers. J'ai encore pu le constater vendredi, au cours de mon déplacement au Mans, notamment dans le quartier des Sablons.
Le projet de loi permet la création de comités d'initiative et de consultation pour les quartiers en zone urbaines sensibles. Ces comités, s'ils sont mis en place, pourraient être utiles en matière de services publics de proximité et d'équipements de quartier. Bien entendu, la loi n'impose en la matière aucune obligation. Elle donne simplement aux maires qui le souhaiteront la possibilité de créer de tels comités.
De manière plus classique, nous confortons l'action des associations en prévoyant la possibilité, pour les partenaires financiers des contrats de ville, d'instituer des fonds locaux associatifs.
Le Premier ministre a déjà signé la circulaire relative aux conventions d'objectifs passées avec les associations subventionnées par l'Etat. C'est la concrétisation de l'engagement pris dans le pacte de respecter la règle « Juppé » des « trois ans, trois mois », c'est-à-dire un objectif d'actions sur trois ans et le versement de la subvention dans les trois mois qui suivent la signature. Cette mesure est, vous le savez, très attendue par les associations.
J'en viens à présent à l'état d'avancement des mesures du pacte de relance pour la ville qui ne sont pas contenues dans ce projet de loi. Cela me paraît important pour la bonne information du Sénat, qui voudra bien me pardonner cet inventaire à la Prévert et peut-être, aussi, certaines redites par rapport aux propos de Jean-Claude Gaudin.
C'est tout d'abord l'emploi.
Jean-Claude Gaudin et moi-même signons actuellement dans les départements des emplois de ville. Ce dispositif étant récent, nous allons assister prochainement à sa montée en puissance. Déjà quatre régions et dix départements ont décidé de s'engager aux côtés de l'Etat pour le cofinancement de ces emplois.
Des conventions d'objectifs sont également conclues avec des réseaux d'employeurs, on l'a rappelé tout à l'heure. On peut signaler 4 000 emplois prévus avec les HLM, 3 000 avec les transporteurs. D'autres partenaires tels que les régies de quartier ou des grands délégataires de services publics s'y associeront.
Notre objectif est de mettre en place 10 000 emplois de ville d'ici à la fin de l'année.
C'est l'école : 2 000 appelés supplémentaires sont en fonction dans les établissements scolaires depuis la rentrée de septembre ; en outre, quarante sites classés en zones urbaines sensibles ont déjà aménagé les rythmes scolaires ; les opérations « école ouverte » se tiennent dans la plupart des quartiers sensibles et sont, depuis l'été 1996, en augmentation de 20 %. Enfin, le processus de rapprochement de la géographie des ZEP et des zones urbaines sensibles est lancé et ne devrait prendre que deux ans, comme nous le souhaitons.
C'est la sécurité : 1 000 policiers supplémentaires ont déjà été affectés dans les zones urbaines sensibles et 1 000 policiers supplémentaires le seront avant la fin de l'année, comme le Gouvernement s'y était engagé.
C'est la justice : les nouvelles mesures législatives concernant les mineurs délinquants sont entrées en application puisque seize unités d'éducation à encadrement renforcé sont en cours de création, la première ayant ouvert ses portes voilà quelques jours à Rouen. Cela doit permettre d'en finir avec le sentiment d'impunité qui est ressenti par nos concitoyens dans les quartiers, notamment pour les plus jeunes.
C'est le transport : de nouvelles lignes de desserte des quartiers sensibles ont été mises en place ; quarante-quatre projets d'amélioration de la desserte, de la qualité et de la diversité de l'offre, mais aussi de la politique tarifaire, ont été retenus au cours du mois de septembre dernier pour favoriser le désenclavement de ces quartiers, grâce à l'appel à projet organisé par la délégation interministérielle à la ville.
C'est le service national « ville » : 10 000 appelés sont en poste au 1er octobre 1996 et ils seront 10 000 chaque année jusqu'en 2001. L'objectif du pacte sur trois ans a été atteint dès sa première année d'application.
Ce sont les prêts « projets urbains ». Le protocole a été signé le 7 mai 1996 avec la Caisse des dépôts pour un volume de prêts « projets urbains » porté à 2,5 milliards de francs par an et un taux abaissé à 5,5 %. Un autre protocole a été signé le 14 mai 1996 avec le Crédit local de France, qui ouvre une enveloppe de 1 milliard de francs pour les prêts « développement de quartiers » au taux variable de 5,3 % à 5,8 %. Un troisième protocole a été signé avec la Caisse des dépôts pour l'amélioration des logements sociaux, avec une enveloppe de 5 milliards de francs de prêts. Leur montée en puissance est conforme aux prévisions, puisque les prêts « projets urbains » étaient en augmentation de 50 % au 31 août 1996.
J'évoquerai enfin les zones franches urbaines.
Après la sélection de quarante-quatre zones franches urbaines, un projet de convention est actuellement soumis aux maires et aux partenaires locaux concernés. La délimitation exacte de ces zones sera fixée d'ici à la fin de l'année par décret en Conseil d'Etat, pris pour l'application de la loi sur la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville.
Cette délimitation interviendra après la finalisation des conventions locales. Ces dernières doivent confirmer la mobilisation des partenaires sur l'accueil et le soutien économique aux entreprises qui s'installent, leurs efforts sur les emplois de ville, mais aussi sur les projets de re-structuration et de requalification des quartiers.
A cet égard, nous tenons à rassurer de nouveau M. Philippe Marini sur la concertation que le Gouvernement a entrepris avec les maires des zones franches urbaines, quant à la délimitation des futurs périmètres. Concertation il y a eu, concertation il y a et je suis persuadé que concertation il y aura encore dans les jours à venir.
Le complément nécessaire du Sénat est donc apporté et prouvé.
Le projet de loi qui est soumis à votre examen doit donner une cohérence à cet ensemble. D'ores et déjà, l'Assemblée nationale a amélioré sensiblement le texte. Au total, vingt-neuf amendements ont été adoptés par les députés.
Je ne reviens pas sur ces modifications qui sont examinées dans le rapport écrit de Gérard Larcher ; Jean-Claude Gaudin a eu l'occasion, avant moi, d'en faire état.
Au cours de l'audition du 3 septembre dernier, devant votre commission spéciale, nous avons pu mesurer combien le Sénat avait à coeur de défendre et de représenter les territoires dans ce projet de loi, parce qu'un sénateur envisage les choses du point de vue du département, alors qu'un député le fait parfois à l'échelon du quartier. Nous avons aussi pu mesurer combien le Sénat avait à coeur d'améliorer le dispositif des emplois de ville à l'issue de la contractualisation des cinq ans.
Ce texte contient des dispositions économiques, fiscales, sociales, parfois complexes. Aussi, votre Haute Assemblée a fait un choix judicieux en décidant d'instituer une commission spéciale, car cela permet effectivement une approche transversale du texte.
Avec Jean-Claude Gaudin, nous avons tenu compte, et nous tiendrons compte, au cours de l'examen des articles, de votre expérience, en particulier en matière de fiscalité locale.
Je veux souligner notamment vos propositions : sur le suivi des zones franches urbaines avec la création des comités d'orientation et de surveillance ; sur les améliorations concernant les investissements immobiliers, avec un renforcement notable du texte inspiré de la loi Malraux ; sur le coup de pouce donné au changement d'usage aux locaux d'habitation ; enfin, sur la souplesse nécessaire pour la mise en place du dispositif du pacte de relance dans l'outre-mer.
Par ailleurs, vos propositions ouvrent un débat important, notamment sur les exonérations de charges sociales pour les travailleurs indépendants et sur le dispositif d'assurance chômage pour les emplois de ville. Nous aurons l'occasion, au cours de l'examen du texte par votre Haute Assemblée, d'approfondir ces questions.
Nous savons tous ici combien le président Jean-Pierre Fourcade, qui est aussi le président du Comité des finances locales, tient à ce que l'Etat respecte sa parole et sa signature avec les maires. Comme nous l'avons fait devant votre commission spéciale, je tiens à réaffirmer, comme Jean-Claude Gaudin vient de le faire, cet engagement devant votre Haute Assemblée.
Le projet de loi de finances pour 1997, que vous allez étudier prochainement, contient bien les mesures de compensations financières, prévues par ce projet de loi, en matière d'exonération de taxe professionnelle notamment. A cet égard, l'audition par votre commission de mon collègue Alain Lamassoure a été sans ambiguïté.
Etant moi-même maire d'une ville située dans un département sensible, la Seine-Saint-Denis, je sais combien nos communes ont besoin non seulement de connaître les règles du jeu, mais surtout que ces règles soient pérennes. Je ne peux donc que partager la préoccupation du président Jean-Pierre Fourcade qui, je le sais, a été également exprimée, au sein de votre Haute Assemblée, par le président de l'Association des maires de France, M. Jean-Paul Delevoye, ainsi que par le Sénat tout entier.
Je voudrais enfin renouveler mes remerciements sincères aux administrateurs de votre commission spéciale, qui ont déjà effectué un travail remarquable aux côtés du président et du rapporteur.
Je sais aussi combien l'expérience de M. André Diligent vous a été précieuse, lui qui réfléchit depuis de nombreuses années, notamment à la tête du Conseil national des villes avec Gilbert Bonnemaison, sur ces problématiques urbaines et d'exclusion.
Toutes les conditions sont donc réunies pour que nous puissions engager l'examen du projet de loi, article par article, et pour que le travail du Sénat enrichisse ce texte.
Il est de notre intérêt à tous, je dis bien « à tous », de travailler à la cohésion nationale. Ce que nous préparons, c'est une véritable intégration urbaine.
Qui aurait en effet à gagner à une aggravation des facteurs d'éclatement qui existent dans les quartiers sensibles ?
Personne ! Ou plutôt si, Jean-Claude Gaudin l'a rappelé tout à l'heure : chacun sait, ici, qui serait gagnant !
Monsieur le président, monsieur le président de la commission spéciale, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la politique de la ville est un sujet de société suffisamment complexe et grave pour que nous sachions, ensemble, dépasser nos clivages politiques traditionnels. Ce pacte, nous pouvons peut-être aussi le conclure entre les différentes sensibilités de cet hémicycle.
Il y va de l'intérêt national, et je sais que le Gouvernement peut compter sur le soutien et la compréhension du Sénat.
Voilà soixante ans, alors qu'il parcourait l'ancien département de la Seine autour de La Courneuve et d'Aubervilliers, Léon Blum avait été interrogé sur ce qu'était à son avis la fonction d'un quartier populaire. Il avait répondu : « C'est remettre au coeur d'une ville ceux qui ont été mis sur le bord. »
Avec ce pacte, nous voulons remettre les villes et les quartiers au coeur de notre pays, ainsi que ceux qui sont au bord de la nation, en leur tendant la main, comme l'a souhaité le chef de l'Etat. Ce pacte, nous pouvons le rédiger ensemble. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Gérard Larcher, rapporteur de la commission spéciale. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, « La cité est un discours et ce discours est un véritable langage : la ville parle à ses habitants, nous parlons notre ville, la ville où nous nous trouvons, simplement en l'habitant, en la parcourant, en la regardant. » Tel est le regard que Roland Barthes portait sur la ville, et je crois le partager.
Oui, ce discours est véritablement un langage. Voilà trois mois, le Sénat a décidé de confier à une commission spéciale composée de trente-sept membres l'examen du projet de loi relatif à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville. Au cours de cet été, les commissaires et votre rapporteur ont auditionné - c'était souvent passionnant - près de cinquante personnalités impliquées à des niveaux divers dans la politique de la ville : élus, entrepreneurs, commerçants, éducateurs, animateurs, journalistes, policiers et bailleurs sociaux.
Je tiens particulièrement à rendre hommage à M. Jean-Pierre Fourcade, qui a dirigé, avec le talent que chacun lui connaît, nos travaux et nous a fait bénéficier de son expérience, notamment en matière de finances et d'aménagement régional.
Je voudrais aussi saluer les vice-présidents qui ont pris une large part à cette entreprise, notamment MM. Serge Franchis, Paul Girod, Philippe Marini, Alain Richard et Jean-Marie Girault.
Les membres de la commission spéciale ont été très assidus aux auditions, dont certaines ont été tardives.
Je souhaiterais remercier les deux ministres, MM. Jean-Claude Gaudin et Eric Raoult, ainsi que leurs collaborateurs, qui ont été attentifs et particulièrement disponibles pour préparer ensemble ce projet de loi.
Le texte qui nous est proposé n'est pas un texte de circonstance. Il se situe dans le droit-fil d'une réflexion qui se poursuit depuis près de vingt ans et à laquelle le Sénat a contribué. Il repose sur un diagnostic : les problèmes, les difficultés de la ville sont le résultat de plusieurs facteurs dont celui qui est lié à l'urbanisme a trop longtemps occulté la diversité de nature. Seule une approche globale peut permettre de les traiter. D'ailleurs, le pacte de relance prévoit - mais j'y reviendrai - outre le volet législatif sur lequel portent nos travaux, de nombreuses mesures réglementaires et initiatives pour aider à la résolution des problèmes des quartiers en difficulté dans des domaines aussi variés et essentiels que l'école, les transports, les assurances, la santé, la culture et la maîtrise de l'immigration.
Sur le fond, nous sommes convaincus de la nécessité de replacer l'homme, avec ses espoirs, ses aspirations personnelles et collectives, au coeur des préoccupations du politique.
Notre pays doit d'abord répondre aux attentes de nos concitoyens qui vivent dans les quartiers défavorisés, en leur permettant de mener une vie paisible. C'est pourquoi - le président Fourcade y reviendra, car c'est un point très largement partagé par la commission spéciale - il est essentiel et préalable de rétablir, lorsqu'il en est besoin, l'ordre républicain.
Seul le respect des lois de notre pays permettra de recréer les conditions de la confiance et de remettre à niveau ces quartiers, de faire barrage aux aventuriers de tous bords qui exploitent comme un fonds de commerce politique la violence, l'insécurité, l'immigration clandestine et la crainte qu'elle suscite chez nos concitoyens.
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Très bien !
M. Gérard Larcher, rapporteur. De même le président Fourcade évoquera l'importance du couple décentralisation-déconcentration. D'un côté, le maire, de l'autre, le préfet doté de l'autorité sur l'ensemble des services de l'Etat dans le département sont les socles de toute politique efficace en direction de la ville.
Je souhaite souligner d'emblée que, dans notre esprit - mais cela est clair dans l'esprit des ministres - il ne saurait être question d'opposer la ville au reste du pays et tout spécialement au monde rural. Depuis cinq ans, le Sénat a beaucoup travaillé sur la question de l'aménagement du territoire et, mes chers collègues, votre commission spéciale est convaincue que la politique de la ville et la politique de développement rural sont deux faces indissociables de toute politique d'aménagement du territoire. (M. Machet applaudit.) Le Parlement examinera d'ailleurs, dès que le Gouvernement en aura achevé l'élaboration et je crois que c'est en bonne voie, le plan pour l'espace rural, actuellement préparé par vos services, monsieur le ministre.
Quels sont les grands défis auxquels sont confrontés les pouvoirs publics dans la conduite de la politique de la ville ?
Le défi premier me paraît être politique : sur quel idéal républicain notre démocratie entend-elle se fonder dans les décennies à venir ? Je considère, pour ma part, que le modèle français républicain d'intégration et de solidarité entre les citoyens, qui repose sur une égalité des droits mais aussi des devoirs, n'est pas compatible avec l'existence de communautés repliées sur elles-mêmes.
A la différence des Etats-Unis, nous ne pouvons accepter que des portions de notre territoire soient définitivement exclues, abandonnées à d'autres, et dérivent dans la violence et la misère sous l'oeil désabusé ou lâche des pouvoirs publics.
La politique de la ville s'inscrit donc dans un grand dessein républicain, à la fois respectueux des familles religieuses et de pensées, mais exigeant dans la primauté des principes qui fondent la République. C'est pourquoi, demain, un « Islam de France » libéré de tutelles étrangères est indispensable aux valeurs de l'intégration réglant les rapports entre cette religion et la République, comme se sont réglés, depuis neuf décennies, les rapports de la République avec les religions chrétiennes et le judaïsme.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission spéciale. Très bien !
M. Gérard Larcher, rapporteur. Le deuxième défi me paraît être économique : il est indispensable d'administrer un antidote aux effets de la crise économique, qui touchent en premier lieu les plus défavorisés de nos concitoyens. Une très large majorité d'entre eux souhaitent gagner leur vie sans avoir recours à l'assistance. Il nous faut donc créer des activités et emplois, permettre à l'initiative individuelle de s'exprimer, y compris dans les quartiers les plus défavorisés.
A cette fin, le plan poursuit l'oeuvre commencée par la loi du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, en modifiant la géographie de la politique de la ville et en créant des zones franches. Il renforce le dispositif des emplois de ville résultant de la loi du 6 mai dernier portant réforme du financement de l'apprentissage.
Le troisième défi concerne l'urbanisme et l'organisation de la ville elle-même : il reste indispensable de continuer à améliorer les conditions de vie de nos concitoyens, leur environnement, ainsi que la desserte de leur quartier en transports et en services publics. Nous ne résoudrons pas les problèmes en faisant imploser les tours et les barres d'immeubles, même si cette opération est parfois nécessaire. D'ailleurs, bien souvent, les habitants de ces quartiers ne souhaitent pas partir ; c'est en effet là que résident leurs parents et leurs amis, là qu'ils ont des souvenirs qui sont parfois les seuls depuis leur enfance. Mais il nous faut rétablir les échanges, la diversité au sein de toute la ville, rompre avec l'assignation à résidence de ceux qui seraient enfermés, repliés dans leur quartier et mis au ban de la société.
Le projet de loi s'insère dans un dispositif ambitieux, volet législatif du pacte de relance pour la ville. Nous l'avons déjà dit, les ministres viennent de le présenter, le pacte de relance rompt avec l'approche antérieure des problèmes de la ville en visant simultanément, ce qui nous paraît important, six objectifs principaux. Il tend à maintenir et à créer des activités et des emplois, notamment pour les jeunes, qu'il convient d'insérer pleinement en tant que citoyens au sein de notre société. Il vise à rétablir la paix publique. Il a pour but de rétablir l'égalité des chances grâce à une meilleure prise en charge scolaire et périscolaire. Il a pour objet de rénover et de diversifier les logements, de renforcer l'action des partenaires de la politique de la ville, d'améliorer le fonctionnement et de renforcer la présence de services publics dans ces quartiers.
M. Guy Fischer. Ah ça, oui !
M. Gérard Larcher, rapporteur. Le pacte de relance pour la ville prévoit, en outre, des mesures en matière de santé et d'insertion sociale et culturelle. Sans m'appesantir sur l'ensemble de ces mesures qui ont été rendues publiques au mois de janvier dernier, je souhaite insister sur l'originalité de l'une des plus importantes que nous allons examiner, à savoir la création de zones franches.
En décidant de créer des zones franches urbaines au sein des zones de redynamisation urbaine, le Gouvernement n'a pas choisi la voie de la facilité. Il a dû mettre en oeuvre un vaste dispositif et recueillir l'assentiment de la Commission européenne. Chargée de faire respecter les règles de concurrence entre les Etats de l'Union européenne, la Commission a finalement approuvé le dispositif.
Le Gouvernement est allé aussi loin qu'il lui était possible dans le cadre fixé par nos engagements vis-à-vis de nos partenaires européens en ce qui concerne la superficie et le nombre des zones franches, dont la population ne peut dépasser 1 % de la population nationale.
Les zones franches sont délimitées dans les quartiers particulièrement défavorisés compte tenu d'indices objectifs tels que le taux de chômage, le pourcentage des jeunes et des non-diplômés, le potentiel fiscal des communes.
Devant la commission spéciale, le ministre chargé de l'aménagement du territoire et le ministre délégué à la ville et à l'intégration ont indiqué que le dispositif serait adapté pour cerner au plus près les réalités locales au sein de chaque commune ou de chaque quartier considéré et pour permettre d'utiliser au mieux les espaces situés autour des quartiers en difficulté.
Voyant poindre, ici ou là, un certain scepticisme, la commission spéciale s'est intéressée aux exemples étrangers en matière de zones franches, notamment aux expériences belge et britannique.
Les autorités de Londres avaient choisi des zones en difficulté, mais sur des sites déjà équipés en infrastructures. Globalement, les Britanniques ont pris le parti d'abaisser très largement la fiscalité sur la production, notamment sur l'amortissement et - c'est un point très important - d'assouplir considérablement le dispositif administratif applicable dans les zones franches. En un peu plus de dix ans, sur vingt-sept zones, ils sont ainsi parvenus à créer plusieurs dizaines de milliers d'emplois pour un coût moyen de 29 000 francs par emploi, soit un coût légèrement inférieur au montant par emploi de la prime d'aménagement du territoire.
A l'opposé, la Belgique, suivant les conseils de la Commission européenne, a choisi de partir d'une tabula rasa, en situant ses zones franches sur des terrains dépourvus d'infrastructures et en soumettant les entreprises à des conditions d'éligibilité et à des conditions administratives très strictes et fort compliquées. Cette politique n'a pas créé d'emplois ou n'en a engendré que fort peu.
Aux Etats-Unis, un système d'apparence coûteuse, orienté d'abord vers l'investissement en capital et secondairement vers l'emploi, a été institué depuis un an.
Le pragmatisme britannique, même si nos zones franches urbaines n'ont pas tout à fait le même objet ni la même localisation, doit nous enseigner les vertus non seulement de la simplification fiscale et administrative, mais également d'un certain esprit d'indépendance vis-à-vis de la Commission européenne.
A ce point du rapport, je souhaiterais rappeler succinctement l'économie même du texte que nous allons examiner, mes chers collègues.
Le projet de loi tend tout d'abord à revitaliser l'activité économique, à maintenir et à créer des emplois grâce à des dispositions fiscales et sociales.
Parmi les dispositions fiscales figurent l'extension aux établissements existants dans les zones de redynamisation urbaine du bénéfice de l'exonération de taxe professionnelle - c'est nouveau par rapport à la loi du 4 février 1995 - ainsi que les dispositions applicables dans les zones franches urbaines. Ces mesures sont les suivantes : exonération d'impôt sur le revenu et d'impôt sur les bénéfices, exonération de taxe professionnelle sur une base élargie à trois millions de francs au lieu de un million de francs, exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties pour les immeubles affectés à des activités économiques de proximité.
Par ailleurs, la commission spéciale proposera une réduction de la taxe sur les assurances.
L'arme fiscale est également utilisée afin de mener une politique du logement dynamique, grâce à des encouragements à la réhabilitation des immeubles lors des opérations de restructuration urbaine et à l'investissement locatif intermédiaire.
Le volet social n'est pas moins ambitieux. Il prévoit une exonération des charges sociales patronales dans les zones franches urbaines, applicable aux salaires inférieurs à une fois et demie le SMIC pour les entreprises de moins de cinquante salariés, sous réserve qu'un cinquième des salariés embauchés réside dans la zone franche.
Le pacte de relance dote les pouvoirs publics de moyens accrus pour améliorer le cadre de vie dans les quartiers en difficulté. En effet, si, comme nous l'avons dit, le malaise des quartiers n'est pas uniquement le résultat de choix d'urbanisme, il en procède malgré tout largement.
Le projet de loi tend en conséquence à faciliter la réalisation d'opérations d'aménagement urbain et d'opérations complexes. A cette fin, il permet, d'une part, la création d'établissements publics ad hoc et, d'autre part, la création d'associations foncières urbaines qui conduiront les opérations de restructuration ; la plupart du temps, en effet, il s'agit de restructurer.
Désormais, les opérations de remembrement foncier s'opéreront de façon plus aisée par l'exercice de prérogatives, telles que le droit de préemption ou l'expropriation pour cause d'utilité publique, notamment à l'égard des copropriétés dégradées. Cela n'interdit d'ailleurs pas l'intervention des communes dans ces copropriétés dégradées pour maintenir ces dernières dans un état convenable en attendant les procédures d'expropriation.
Par ailleurs, un établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux permettra de restructurer les équipements commerciaux, puis de les remettre sur le marché.
Si la dimension « vitale » du commerce, pour les quartiers, est sans doute aujourd'hui bien connue, il faut cependant insister sur l'importance d'une vie commerciale diverse dans sa nature et dans ses activités et sur la nécessité de veiller à ce qu'elle ne devienne pas le monopole de tel ou tel groupe humain ou financier.
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Très bien !
M. Gérard Larcher, rapporteur. Des mesures importantes sont proposées pour préserver la diversité de l'habitat. Elles prévoient notamment l'élaboration de programmes locaux de l'habitat pour obtenir une répartition équilibrée de l'offre de logements ainsi que la création de conférences intercommunales du logement destinées à harmoniser les attributions des bailleurs sociaux.
Le texte vise à permettre la réhabilitation des copropriétés dégradées dans le cadre fixé par le plan de sauvegarde arrêté sous l'autorité du préfet.
Enfin, les fonds de solidarité logement seront ouverts aux propriétaires occupant leur logement situé dans une zone urbaine sensible et connaissant des difficultés.
Comme M. le ministre délégué l'a indiqué, le projet de loi s'intéresse également au renforcement de la vie associative. Il tend en effet à permettre de créer des comités d'initiative et de consultation de quartier, sur l'initiative du conseil municipal. Le texte propose également des mesures facilitant la mise en paiement des dotations et subventions au profit des associations, grâce à la constitution de fonds locaux associatifs.
J'en viens aux propositions de la commission spéciale. Cette dernière a approuvé l'esprit et les principes du projet de loi : si elle considère que ce texte constitue une importante avancée, elle juge néanmoins souhaitable d'en enrichir encore le contenu.
La commission spéciale a voulu tout d'abord que, dans chaque zone franche urbaine, un comité d'orientation et de surveillance soit chargé d'évaluer les conditions de mise en oeuvre des mesures dérogatoires et de prévenir les risques pouvant en résulter : distorsions de concurrence à l'intérieur des zones et à l'égard des quartiers périphériques, lutte contre les « chasseurs de primes », même si un dispositif existait déjà, mise en cause des équilibres économiques et sociaux de la zone, particulièrement, comme le soulignait un chef de projet au cours d'une audition à laquelle j'ai procédé, les risques de « préemption ethnique », dans le domaine commercial notamment, facteur de non-mixité.
La commission spéciale a estimé ensuite que la compensation des pertes de recettes qui résulteront, pour les collectivités locales et leurs groupements, des exonérations d'impôts locaux doit être prévue expressément par le texte de loi - nous y tenons, messieurs les ministres - et ce pour la totalité de la durée d'application de ces exonérations.
En outre, il lui a paru nécessaire de permettre aux collectivités locales qui ont délibéré avant le 1er juillet 1996 sur les exonérations de taxe professionnelle de délibérer à nouveau, afin de tirer les conséquences de l'entrée en vigueur de la loi à compter du 1er janvier 1997.
La commission spéciale a aussi souhaité renforcer le dispositif fiscal. A cet égard, M. Fourcade, président de la commission spéciale, M. Philippe Marini et moi-même avons travaillé en liaison avec M. Lamassoure, ministre délégué au budget. La commission spéciale a jugé utile de substituer aux critères actuels qui permettent de déterminer le bénéfice exonérable des établissements situés en zone franche une clé de répartition prenant mieux l'emploi en compte.
En outre, elle a introduit une clause expresse de localisation des établissements exonérés d'impôts dans les zones franches urbaines afin d'exiger d'elles qu'elles y possèdent des moyens d'exploitation.
Enfin, elle a souhaité rendre le dispositif fiscal plus incitatif pour les entreprises installées dans les zones franches urbaines et pour les contribuables qui investissent dans l'immobilier locatif neuf.
Par ailleurs, la commission spéciale a voulu élargir le régime d'exonération sociale pour favoriser l'emploi. Considérant que le maintien du petit commerce est indispensable à l'animation de ces zones et compte tenu du fait qu'un certain nombre d'établissements implantés dans les futures zones franches n'ont actuellement aucun salarié - vous avez évoqué tout à l'heure les rares commerçants et artisans, monsieur le ministre - la commission spéciale souhaite ardemment - elle est tout à fait déterminée à cet égard - étendre le dispositif d'exonération sociale aux cotisations personnelles des commerçants et artisans. C'est une mesure concrète de justice et de survie de l'activité commerciale et artisanale dans nombre de ces quartiers, et nous y tenons vraiment beaucoup ! (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission spéciale. Bravo ! Nous y tenons !
M. Gérard Larcher, rapporteur. La commission spéciale a également jugé indispensable d'étendre aux entreprises d'insertion, aux associations intermédiaires et aux régies de quartiers le bénéfice des exonérations sociales déjà prévues pour les autres entreprises. Il lui est apparu nécessaire que la clause d'embauche des résidents ne puisse conduire à une mise en cause de la responsabilité des maires et que ses conditions d'application soient clarifiées afin de ne pas constituer un frein aux embauches. A cette fin, elle a écarté toute durée de résidence préalable.
Les emplois de ville sont une disposition importante du pacte de relance et, sur ce sujet, je vous demande, au nom de la commission spéciale, chers collègues élus et élus locaux, de ne pas laisser la place à un doute paralysant alors que ces 100 000 emplois peuvent représenter une espérance importante. La commission spéciale, sous l'impulsion notamment de notre collègue M. Eckenspieller, souhaite - elle tient là encore beaucoup à cette disposition - qu'un mécanisme d'assurance chômage soit mis en place pour les emplois de ville dans des conditions analogues à celui qui existe d'ores et déjà pour les contrats emploi-solidarité.
Je désire par ailleurs, messieurs les ministres, que soit engagé une réflexion pour que cette possibilité d'emploi ne soit pas limitée aux seuls quartiers et pour que les maires puissent l'étendre de façon motivée à tout ou partie de leur ville. Voilà qui constitue peut-être aussi une réponse au besoin de mixité. A cet égard, je me fais l'écho de mes collègues, Mmes Dominique Braye et Nelly Olin qui, à Mantes-la-Jolie et à Garges-lès-Gonesse, mettent en place actuellement une telle expérience.
Pour renforcer les instruments de la politique du logement, il est apparu souhaitable à la commission spéciale que les conférences communales du logement se réunissent au moins deux fois par an et que les bailleurs sociaux et les titulaires de droits de réservation communiquent leurs objectifs en ce qui concerne les travaux d'entretien, de réhabilitation et d'attribution des logements.
La commission spéciale a également jugé nécessaire de mettre l'accent sur le dispositif de garantie de paiement de loyer et de prévoir que ces fonds se fixeront des objectifs généraux en termes de garantie de loyers aux personnes et aux ménages installés en zone urbaine sensible.
Dans le cadre de l'élaboration de programmes locaux de l'habitat dans les communes et groupements de communes dotés d'une zone urbaine sensible, le principe de mixité sociale doit être affirmé comme un objectif. Pour favoriser l'implantation de nouvelles activités, nous proposons de facilier la transformation de locaux d'habitation en surfaces commerciales ou artisanales ou en locaux professionnels par un régime de simple déclaration.
Pour résorber l'habitat dégradé dans les copropriétés, la commission spéciale a prévu tout d'abord l'établissement d'un plan de sauvegarde du cadre de vie des occupants de l'immeuble, qui constituera le cadre cohérent des mesures nécessaires à une requalification des copropriétés dégradées. Elle a prévu également la définition d'une procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique des copropriétés afin de lever les difficultés juridiques, tout en l'accompagnant des garanties de fonds et de procédure au profit des propriétaires intéressés.
Pour en revenir, une fois encore, à la vie commerciale, nous proposerons des procédures déconcentrées pour l'aménagement et la restructuration des espaces commerciaux et artisanaux. Un établissement public national nous paraît nécessaire pour conduire ces opérations. Il doit pouvoir déléguer la maîtrise d'ouvrage de ces opérations aux établissements publics d'aménagement et recueillir, dans un court délai, l'avis - nous ne disons pas l'avis conforme et, pour nous, un court délai signifie un mois - de la commission départementale d'urbanisme commercial.
Il nous est également apparu nécessaire de ne pas négliger la place des collectivités locales - nous retrouvons là encore le couple Etat-maire - dans le fonctionnement de l'établissement public national. Ainsi, celui-ci pourra passer des conventions avec les collectivités locales concernées.
Tout comme à vous, messieurs les ministres, il nous apparaît nécessaire de mieux prendre en compte les associations dans la politique de la ville. Nous avons cependant souhaité affirmer le caractère volontaire et conventionnel de l'intervention des collectivités locales vis-à-vis de ces fonds. Nous devons éviter de rigidifier les procédures pour ne pas bouleverser ce qui fonctionne déjà - nous pensons, notamment, aux comités consultatifs - et il faut préserver l'autonomie de décision des assemblées élues démocratiquement.
La commission spéciale a enfin souhaité, répondant en cela aux propos et aux réflexions de M. Eric Raoult, adapter le dispositif législatif aux spécificités de l'outre-mer. Pour ce faire, elle a aussi entendu un certain nombre des élus concernés.
Six zones franches devant être créées outre-mer, nous avons estimé qu'il convenait que la délimitation de ces zones tienne compte des particularités de l'habitat local et que l'octroi des exonérations fiscales et sociales soit pris en compte. Nous avons donc souhaité favoriser une meilleure articulation avec le dispositif de la loi Perben, et notamment supprimer - nous verrons ce que sera la réaction bruxelloise, mais soyons un peu « britanniques » sur ce sujet - les restrictions à l'exportation.
Voilà donc, présentées à grands traits - pas trop longuement, je l'espère - les principales lignes directrices des travaux de la commission spéciale.
Avant de conclure, j'aimerais vous faire part de quelques-unes des remarques que m'ont suggérées ces semaines tout à fait passionnantes de travail, de réflexion et de rencontre.
Il me paraît très important que la ville, qui est longtemps apparue comme un facteur de promotion sociale et culturelle, retrouve une image positive dans l'opinion publique. A cette fin, il est essentiel de ne pas associer au mot « ville » les seules difficultés et de montrer les richesses que la cité peut offrir à ses habitants, à ceux qui viennent y vivre, tant au plan social et culturel qu'au plan économique. Pour cela, la ville doit rester un millefeuilles de diversité, et non pas un amalgame non fusionné de communautés refermées et repliées sur elles-mêmes. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste. - MM. les ministres applaudissent également.)
Le père Delorme, que nous avons entendu, nous parlait des quartiers en difficulté et évoquait « leurs ombres et leurs lumières ». Evitons, dans ce clair-obscur, de ne voir que la seule ombre en ne regardant que les seules images médiatiques trop souvent négatives. Oui, les médias contribueraient - à leur mesure, qui est immense - à transformer l'image de la cité en renvoyant aussi l'image des efforts de tous ceux qui y vivent et qui travaillent à la modeler selon les besoins de nos concitoyens.
Enfin je voudrais, monsieur le ministre, évoquer la situation de celles et de ceux qui, au quotidien, dans nos collectivités locales, accueillent jeunes et moins jeunes dans les ateliers de quartiers, sur les terrains de sport, dans le cadre des opérations ville-vie-vacances - vous avez évoqué, messieurs les ministres, les 800 000 jeunes qui ont été accueillis cet été - et qui sont à nos villes devenus tout aussi importants que ceux qui assument les services techniques ou d'urbanisme. Ils ne sont toujours pas reconnus !
Etre animateur, ce n'est pas faire un petit boulot, un « job » du soir, du mercredi ou des vacances, c'est aussi et d'abord être un référent, un « accueillant ». C'est un service public de relations humaines qui atteint aujourd'hui sa maturité et a besoin d'être reconnu par la création d'une véritable filière. Qu'en est-il, messieurs les ministres, des propositions en cours de discussion sur ce sujet devant le Conseil supérieur de la fonction publique ?
Croire en l'homme et croire en la cité, refuser le développement séparé, voilà l'objectif. Sans doute ce pacte de relance est-il l'une des dernières chances pour le pacte républicain et contre le développement séparé, milieu de culture - un biologiste dirait boîte de Petri - qui conduit à l'exclusion.
Ce sont peut-être des mots, sans doute de trop grands mots, mais il nous faut réussir cette politique. Nous pouvons, sur ces travées, avoir des approches différentes, douter ou être las. Pourtant, nous devons partager une même volonté de faire réussir la société urbaine non pas contre la société rurale, mais avec elle.
La société urbaine sera la société du siècle qui arrive, une société diverse mais non éclatée, une société qui préserve les principes fondamentaux de notre République. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - MM. les ministres applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission spéciale. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la constitution d'une commission spéciale pour examiner un projet de loi portant sur plusieurs domaines d'application n'est pas une tradition au Sénat. Si nous avons tenu à constituer une telle commission, c'est d'abord pour rassembler toutes les compétences qui, dans cette assemblée, connaissent par le menu les problèmes de la vie dans les quartiers en difficulté ; c'est aussi parce que, au-delà des clivages politiques et des différences de sensibilité, nous avons été conscients que nous pourrions ainsi focaliser l'examen de ce projet de loi, en auditionnant largement tous ceux qui sont intéressés à cette activité tout en dressant de manière précise l'inventaire - M. le rapporteur vient de le montrer pour les zones franches - de ce qui se fait à l'étranger afin d'éviter de répéter certaines erreurs et de prendre exemple sur ce qui a pu réussir à l'extérieur.
Vous avez pu constater, messieurs les ministres, en entendant notre excellent collègue Gérard Larcher - tout le monde connaît et son talent et son volontarisme, et les deux sont essentiels dans cette affaire - que notre commission spéciale a très largement auditionné et beaucoup inventorié.
Elle vous proposera d'apporter à ce projet, sans remettre en cause ni la liste ni le nombre des zones franches, ni même l'équilibre général du texte, un certain nombre de modifications qui vont, je l'espère, dans le bons sens.
Après avoir remercié tous nos collègues qui ont participé activement aux travaux de la commission spéciale tout au long du mois de septembre, je bornerai mon propos à quatre observations relatives à la sécurité, à l'insertion des jeunes, à l'unicité de l'Etat et au rôle du maire.
Dans un souci dialectique, je réunirai ces observations en deux propositions. Je crois en effet, conforté en cela par les auditions auxquelles nous avons procédé, que, s'il est fondamental de rétablir l'ordre et la sécurité, il faut en même temps faciliter davantage l'insertion des jeunes dans la vie professionnelle, car les deux sont liés. Il est, par ailleurs, nécessaire d'assurer l'unicité de l'Etat et de faire cesser les querelles entre administrations. Mais cette restauration du rôle de l'Etat et de son unicité dans une déconcentration accrue des pouvoirs en direction des préfets implique un renforcement du rôle du maire, qui doit être au coeur du dispositif du pacte de relance pour la ville.
Premier point : la sécurité.
M. le rapporteur l'a dit avant moi, le rétablissement de l'ordre et de la sécurité des personnes et des biens constitue un objectif prioritaire car, s'il n'était pas atteint, l'argent que nous allons affecter aux incitations financières serait gaspillé en pure perte. Un certain nombre des dirigeants d'entreprises que nous avons auditionnés nous ont indiqué qu'en moyenne les dépenses de sécurité pour les établissements situés dans des zones urbaines sensibles représentaient aujourd'hui le quart de leurs charges. Les activités ne se développeront, grâce aux incitations fiscales, que si ces zones retrouvent des conditions normales de sécurité ; autrement, les exonérations prévues ne compenseraient pas les risques ou les inconvénients, et j'ai peur que le découragement que nous avons senti fuser un peu partout, à Creil autant qu'à Garges-lès-Gonesse, à Mantes autant qu'à Vaulx-en-Velin, à Roubaix autant que dans l'Ouest, ne se généralise.
Nous avons longuement interrogé le directeur général de la police nationale, dont le rôle est essentiel en la matière. Il nous a déclaré que la délinquance accompagnée d'actes de violence progressait, contrairement à un certain nombre de déclarations lénifiantes que nous entendons ici et là. Ainsi, au premier semestre de 1996, les plaintes pour coups et blessures volontaires ont augmenté de 12 % par rapport à la même période de 1995. Par ailleurs, la délinquance des mineurs s'est aggravée entre 1995 et 1996. Elle représentait 16 % de l'ensemble des actes de délinquance en 1995, contre 18,5 % du total en 1996. Or un lien étroit existe entre l'augmentation de la délinquance des mineurs et la progression de la délinquance assortie d'actes de violence, et tous nos interlocuteurs nous ont dit que la délinquance était de plus en plus le fait de mineurs de douze à quinze ans.
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Voilà !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission spéciale. Ce phénomène rend très difficiles les réponses à apporter à ce type de délinquance et rend nécessaire, pour les forces de police, une formation complémentaire. En effet, les très jeunes délinquants ne peuvent être traités comme ceux qui manifestent, par exemple, pour des revendications salariales ou politiques. Il est donc évident que la formation doit être, aujourd'hui, au coeur de notre politique en matière de police.
La mise en place des procédures de comparution à délai rapproché - dans un délai de trois mois pour le mineur - ou de plans départementaux de prévention va dans le bon sens, comme le redéploiement des effectifs de police. Ces mesures, vous les avez annoncées au mois de janvier. Mais il faut prévoir à bref délai un élargissement des horaires d'ouverture des équipements et des services publics. A quoi sert, en effet, un poste de police implanté dans un quartier en difficulté s'il ferme à dix-neuf heures alors que, chacun le sait, les actes de délinquance sont le plus souvent commis entre vingt heures et minuit ?
Il faut également améliorer la répartition des effectifs. A cet égard, M. le ministre délégué à la ville et à l'intégration ne sera pas étonné que je rappelle devant cette assemblée - cela figure dans un document officiel ! - que les effectifs de sécurité publique des sept départements périphériques de la région d'Ile-de-France sont identiques à ceux de la seule ville de Paris, alors que le nombre de plaintes et de délits y est deux fois plus élevé que dans la capitale.
On me rétorquera qu'il y a d'un côté un préfet de police et de l'autre des directeurs départementaux de sécurité urbaine, que de vieilles habitudes demeurent. Mais tout cela ne résiste pas devant la montée de la délinquance et devant le fait que nos policiers sont insuffisamment nombreux, insuffisamment formés et qu'ils travaillent peu pendant les heures où sont commis les actes de délinquance. Des réformes doivent donc être menées à bien par l'Etat et nous attendons du Gouvernement qu'il les mette en oeuvre de manière claire.
Quelles que soient les dispositions prises - M. le rapporteur a évoqué la place du service national ou le rôle que peuvent jouer les gardiens d'immeuble ou les responsables d'association - les mesures financières et sociales qui sont prévues n'auront pas d'effet si la sécurité n'est pas partout rétablie. Les Français doivent se sentir tranquilles, la protection de leurs biens et de leur personne doit être assurée. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.) Et, disant cela, je crois traduire l'avis unanime de la commission spéciale.
Etroitement lié à ces problèmes de sécurité, le défi fondamental que nous avons à relever - c'est mon deuxième point - c'est celui de l'insertion professionnelle des jeunes qui vivent dans ces quartiers et qui, du fait de l'origine de leurs parents, sont en général plus nombreux et plus exigeants que ceux des autres quartiers.
Le pacte ne servirait à rien si nous ne saisissions pas l'occasion, en nous en donnant les moyens, d'aider les jeunes à entrer dans la vie active. Dois-je rappeler, mes chers collègues, que les dernières statistiques de l'ANPE montrent que 600 000 jeunes de catégorie I, soit 24,5 % de la population active du même âge, sont au chômage et que - M. Gaudin l'a dit tout à l'heure - dans les quartiers dont nous parlons, ce taux de chômage des jeunes est parfois multiplié par 1,5 ou 2, ce qui soulève un certain nombre de difficultés ?
Notre expérience de maires et d'élus locaux sur le terrain, corroborée par les auditions auxquelles nous avons procédé, nous montre que ce problème de l'insertion professionnelle est particulièrement grave lorsqu'il s'agit de familles où les parents sont au chômage ou font l'objet de mesures d'assistance depuis longtemps. Ces fils ou filles de chômeurs, d'assistés ou de RMistes posent un problème particulier que l'on ne peut pas traiter avec des méthodes standard de type ANPE ou assistance sociale. Nous devons d'abord leur expliquer comment on peut organiser sa vie à partir du travail, et non pas à partir de l'attente de la pension mensuelle, et comment on peut essayer d'organiser sa propre insertion professionnelle.
Les propositions contenues dans le pacte de relance pour la ville qui ont trait au problème de la qualification des jeunes doivent viser à mettre en place autre chose que des « petits boulots » et des « stages parking ».
Quand on questionne les jeunes de ces quartiers sur leurs éventuelles motivations ou sur leur demande en matière de vie professionnelle, tous répondent qu'ils en ont assez de se faire renvoyer d'un guichet à l'autre pour apprendre quelque chose qui n'apporte pas de réponse aux problèmes de fond, à savoir, très souvent, l'illettrisme et l'absence de qualification.
A cet égard, trois filières doivent être développées de manière forte et continue.
La première, c'est l'apprentissage, qui, à condition que les maîtres d'apprentissage, dans le secteur privé ou dans le secteur public, soient bien choisis, permet aux jeunes de s'insérer dans une structure qui est faite pour eux et permet d'accéder à un métier.
La deuxième filière, ce sont les emplois de ville - c'est ce que vous nous proposez, messieurs les ministres - emplois qui doivent offrir des perspectives au-delà de la période couverte par le contrat lui-même, notamment, comme l'a demandé M. le rapporteur, en matière d'assurance chômage.
Enfin, la troisième filière, c'est l'ensemble des mécanismes d'alternance, que nous devons développer dans nos collèges et nos lycées et que nous pouvons mettre en oeuvre avec les entreprises. A cet égard, aucune réforme d'ensemble ne sera efficace si elle ne s'accompagne pas, sur le terrain, d'une discussion quotidiennne entre les chefs d'entreprises - petites, moyennes ou grandes - les autorités municipales, les associations et les jeunes.
Il faut trouver des systèmes de recherche d'emploi qui correspondent aux attentes des jeunes aujourd'hui.
Après la sécurité, l'insertion professionnelle est donc bien le deuxième point fondamental de notre dossier.
Le troisième point - M. le rapporteur l'a évoqué - c'est l'unicité de l'Etat.
Que ce soit au cours de nos auditions ou sur le terrain, nous avons été frappés de constater, messieurs les ministres, que, alors que la décentralisation est entrée dans les faits, la déconcentration suscite toujours beaucoup de difficultés au sein des administrations de l'Etat.
Voir l'administration fiscale venir vérifier un commerçant en grande difficulté dans un quartier où les affaires ne vont plus, voir un recteur ou un inspecteur d'académie, qui a sa propre logique en matière de zones d'éducation pédagogique, s'opposer à un maire qui souhaiterait qu'on avantage plutôt tel groupe scolaire ou tel quartier, voir qu'à Strasbourg, par exemple, ainsi que nous l'a signalé son maire, on ferme un hôpital militaire dont plus du tiers du personnel réside dans le périmètre de la future zone franche - et ce alors qu'on parle d'insertion professionnelle et de développement des activités dans cette même zone franche ! - voir que l'on diminue un certain nombre de financements en matière de logement et de transport, voir qu'il y a une absence totale de politique volontariste de désenclavement des quartiers en difficulté grâce à des systèmes de transport comportant des plages horaires et des mécanismes de prise en charge des dépenses différents, tout cela souligne la nécessité d'une réorganisation des services administratifs sur le terrain.
Le préfet ou le sous-préfet chargé de la ville doit pouvoir faire travailler ensemble les services sociaux, fiscaux, les services de l'emploi, de la sécurité, de l'équipement, etc.
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Il est là pour cela !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission spéciale. Ce retour à la cohérence entre les différents services publics, sous l'autorité du préfet, est donc la troisième condition fondamentale pour que cette réforme aboutisse. Sans amélioration de la sécurité, sans réponse positive à la demande d'insertion des jeunes dans la vie professionnelle, sans rétablissement de la cohérence de l'action administrative, nous dépenserons de l'argent sans obtenir de résultats satisfaisants.
M. le rapporteur a parlé en des termes que j'approuve entièrement du problème de la mixité sociale. Un certain nombre d'outils existent, notamment les conférences communales du logement, la dispense de paiement du surloyer - permettez-moi de vous renvoyer à tous les textes connus.
M. le rapporteur a également évoqué le problème de l'organisation de l'islam, problème de fond qui concerne la totalité de nos villes et de nos quartiers en difficulté. Par « organisation de l'islam », nous entendons simplement, messieurs les ministres, que les imams qui disent la prière le vendredi ne soient pas recrutés n'importe où et par n'importe qui.
Nous souhaitons que la religion musulmane s'enracine parce que, en dépit de ce que racontent certains médias ou certains ignorants en matière de religion, elle porte des valeurs qui sont nécessaires à l'encadrement des jeunes et à leur développement harmonieux. Simplement, nous souhaitons que, à l'inverse de ce qui se passe pour d'autres religions, ce ne soit pas n'importe qui qui raconte n'importe quoi à l'ensemble des jeunes qui se réclament de cette même religion !
M. Philippe Marini. Très juste !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Mgr Gaillot !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission spéciale. Vous avez tout à fait raison de souligner que cela dépasse l'islam, monsieur le ministre !
J'en viens à mon quatrième et dernier point.
Messieurs les ministres, que ce soit dans le texte du projet, par certains aspects, ou dans certaines interventions de nos collègues de l'Assemblée nationale, nous avons senti comme une légère défiance à l'égard des maires : on donne davantage de pouvoirs aux comités locaux associatifs, on fait traiter un certain nombre d'affaires par le sous-préfet à la ville, on organise un certain nombre de mécanismes, on crée des établissements publics nationaux, etc.
Ce serait une erreur d'aller dans cette voie, quelle que soit la qualité fondamentale des fonctionnaires qui s'occupent de ces questions.
En effet, je rappelle, tout d'abord, que le maire est élu - il est bon de le rappeler aux fonctionnaires de temps à autre ! (Sourires.) Il soumet son mandat tous les six ans au suffrage de ses concitoyens.
Je relève aussi que ses administrés peuvent chasser un maire.
M. Philippe Marini. Et non un fonctionnaire !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission spéciale. Notamment lors des dernières élections, ce fut le cas d'un certain nombre d'entre eux !
La sanction populaire est beaucoup plus importante que les sanctions administratives ou les fléchettes... pardon ! les observations des chambres régionales des comptes.
Le maire doit être placé au coeur du dispositif parce que c'est lui qui a la légitimité démocratique, parce que c'est lui qui est l'interlocuteur normal de l'ensemble des acteurs de la ville, parce que c'est lui qui constate sur le terrain les éléments positifs et négatifs de l'ensemble des politiques nationales, régionales, départementales et locales.
Hier, lors d'une réunion des maires de mon département - il faut bien que les sénateurs rencontrent les maires de leur département ! - j'ai rencontré le maire d'une ville qui, cette année, va perdre à la fois la dotation de solidarité urbaine, la DSU et la dotation spéciale de solidarité de la région d'Ile-de-France. Et comme dans cette même ville, hélas ! à la suite d'une gestion précédente déséquilibrée, la chambre régionale des comptes a proposé une majoration des impôts locaux de plus de 50 %, le malheureux maire, qui a 76 % d'HLM dans son parc immobilier, est confronté à des problèmes budgétaires importants. Ce n'est pas en organisant des comités locaux associatifs ou en créant des établissements publics gérés sur le plan national qu'on réglera ces problèmes !
Messieurs les ministres, pensez aux maires ! La réussite de la politique de la ville passe par la démocratie locale et par le respect des élus locaux. Nous sommes ici au Sénat de la République, dont vous avez été membre, monsieur le ministre.
Il est clair que, dans le dossier qui nous occupe, les quatre clés de la réussite sont la sécurité, l'insertion des jeunes, la cohésion des services de l'Etat et le rôle irremplaçable du maire.
Tel est le message que la commission spéciale m'a chargé de vous transmettre, messieurs les ministres. Puisse-t-il être entendu, non seulement ici - je pense qu'il le sera - mais également dans l'autre assemblée, et surtout dans le pays. En effet, comme l'a dit très justement M. Gérard Larcher avec le talent et la conviction qu'on lui connaît, ce pacte de relance est un peu la dernière chance pour éviter d'en arriver, comme d'autres pays, aux ghettos et aux heurts entre communautés. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 58 minutes ;
Groupe socialiste, 49 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 42 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 35 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 25 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 22 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Franchis.
M. Serge Franchis. Vous avez choisi l'expression juste, monsieur le ministre de l'aménagement du territoire, en exprimant votre volonté de réduire une « fracture territoriale ». Cette fracture territoriale regroupe les caractéristiques de la fracture sociale et d'un urbanisme qui tend à mettre à part une fraction de la population urbaine.
Les effets du chômage, d'une part, ceux d'une insuffisante intégration de la population immigrée, d'autre part, conduisent tout à la fois vers la pauvreté, la désespérance, la délinquance et l'insécurité dans certaines zones urbaines.
Je ne voudrais cependant pas aborder les nouvelles perspectives qu'ouvre le projet de loi relatif à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville sans reprendre, comme l'a fait M. le rapporteur, l'expression employée par le père Christian Delorme au cours de son audition par la commission spéciale : « Ces quartiers sont faits d'ombre et de lumière », a-t-il dit, en mettant en garde contre toute stigmatisation et aussi contre trop de médiatisation.
« Il faut en parler moins, a-t-il ajouté, il n'y a pas de climat de haine, mais beaucoup de sang-froid : 60 % des habitants sont bien insérés socialement et professionnellement. Il faut admirer les gens qui font tant d'efforts et leur dire : " Vous êtes formidables ! " »
Nous devons donc veiller à ce que la population de ces quartiers ressente la même considération de la part de la société que celle qui lui serait accordée dans d'autres lieux et prendre en compte sa diversité et son besoin de reconnaissance sociale.
Nous savons que les zones recensées comme zones sensibles, zones de redynamisation ou zones franches présentent des traits communs, mais elles relèvent de traitements gradués et différenciés selon leurs difficultés propres.
Les mesures les plus efficaces seront non pas forcément les plus spectaculaires, mais plutôt celles dont l'effet préventif se fera sentir à temps.
Permettez-moi, messieurs les ministres, mes chers collègues, de donner mon sentiment sur quelques aspects du pacte de relance et du projet de loi relatif à sa mise en oeuvre, à savoir la sécurité, les mesures de nature économique, la restructuration urbaine, les bailleurs sociaux et les emplois de ville.
Je traiterai d'abord, pardonnez-moi d'y insister, de la sécurité.
Sans un effort significatif, sans un effort accru en faveur du maintien de la sécurité des biens et des personnes, le pacte de relance pour la ville ne saurait porter de fruits, tout au plus créerait-il une embellie sans lendemain.
A elle seule, la délinquance des mineurs pose un problème essentiel. Or, jusqu'ici, elle évolue dans une relative impunité. Allons-nous enfin connaître une véritable réponse judiciaire à cette délinquance juvénile ? La comparution à délai rapproché, la création d'unités d'encadrement éducatif renforcé constituent des moyens nouveaux. MM. Eric Raoult et Jean-Pierre Fourcade y ont fait allusion. Mais ces moyens seront-ils suffisants ?
Par ailleurs, pour préparer l'avenir, une politique globale est-elle réellement mise en place à partir de la petite enfance jusqu'à l'adolescence ?
Nous devrions nous occuper davantage de faire en sorte que de véritables liens puissent être noués entre l'enfant, les parents, l'école et les intervenants sociaux.
L'investissement personnel de chaque responsable doit s'insérer dans une concertation forte des acteurs locaux avec deux objectifs : assurer la mise en confiance de l'enfant à l'égard des lieux et des personnes, lui donner le goût de la pratique d'activités telles que le sport, la musique...
L'accompagnement réussi des adolescents dans ces quartiers passe, bien sûr, par des perspectives d'emploi mais aussi par la prise en considération des problèmes de la famille et de l'enfance.
Les mesures à caractère économique, quant à elles, sont les plus innovantes du projet de loi. Elles vont donner plus d'ampleur aux mesures d'exonération d'impôts et de charges sociales préexistantes, notamment à celles qui furent instituées par la loi d'orientation du 4 février 1995.
L'instauration d'une procédure d'agrément des entreprises susceptibles de s'installer dans les zones franches urbaines aurait permis de se prémunir contre les risques de distorsion de concurrence et de veiller à la cohésion des zones.
La commission spéciale s'est finalement prononcée en faveur de la mise en place d'un comité d'orientation et de surveillance ayant pour mission de présenter un bilan retraçant l'évolution des activités économiques de la zone et de faire toutes propositions destinées à renforcer l'efficacité du système.
Cette disposition est à rapprocher de celle qui prévoit le dépôt par le Gouvernement, chaque année, sur le bureau de chacune des assemblées, d'un rapport sur l'application de la loi, notamment sur les effets de la création des zones franches urbaines.
Je souhaite que ces procédures n'aient pas un caractère purement formel.
La transformation de l'usage d'appartements situés en pied d'immeubles dans les zones sensibles est également à encourager. Elle est de nature à faciliter l'accueil d'activités les plus diverses - petits commerces, artisanat - et, par suite, à permettre le développement d'une véritable vie urbaine.
Notre proposition - que vous ferez vôtre, je l'espère - tendant à l'exonération d'une partie des cotisations sociales des travailleurs indépendants - commerçants et artisans - dans les zones franches se fonde sur la même préoccupation : la vie au pied des immeubles.
Je traiterai maintenant de la restructuration urbaine.
Des perspectives très intéressantes sont ouvertes par la création d'organismes habilités à conduire des opérations de restructuration urbaine et d'aménagement d'espaces commerciaux et artisanaux.
Par une série d'interventions « chirurgicales », il faut résolument s'éloigner des utopies urbanistiques, prendre la ville traditionnelle comme modèle, reconstituer des noyaux d'urbanité. C'est dans sa globalité, dans sa géographie, à partir de son centre historique que la ville doit être objet de recherches pour corriger le mal-être urbain.
De telles opérations devront permettre de réintroduire une stratégie de mixité sociale et de contrecarrer les évolutions de densification jugées défavorables.
Elles requerront l'accord des maires, qui doivent être placés au coeur du dispositif - M. le président Fourcade l'a rappelé en termes persuasifs - comme ils le furent jusqu'ici pour toutes les actions d'aménagement et de développement sur le territoire de leur commune.
Je traiterai enfin des bailleurs sociaux.
Les offices, les sociétés d'HLM et les sociétés d'économie mixte ont été les partenaires des collectivités territoriales pour la réalisation des grands ensembles immobiliers. Ils le demeurent pour leur gestion. Ils sont aujourd'hui concernés par le pacte de relance pour la ville. Qu'ils soient largement associés à sa mise en place me paraît opportun. En particulier, il convient qu'ils deviennent compétents pour procéder aux actions d'aménagement et de restructuration urbaine.
Les mêmes bailleurs sociaux ont à faire face à un taux d'impayés élevé dans les zones sensibles : en moyenne 6 %, soit quatre fois plus que sur l'ensemble du parc.
Ce problème ne pourra être ignoré ni lors de l'élaboration des programmes locaux de l'habitat ni par les conférences communales du logement.
En outre, pour accompagner tant l'élargissement de leur mission aux propriétaires en difficulté que la dégradation de la situation financière des familles, le fonds de solidarité du logement nécessitera de larges compléments de dotation.
Je vous dirai à présent quelques mots au sujet de la création des emplois de ville, initiative parallèle au soutien de l'embauche, par les entreprises, de salariés qui résident dans les zones franches.
Ces emplois doivent être considérés comme de véritables emplois, répondant à de vrais besoins. Ils relèvent toutefois de la discrimination positive qui a présidé à la définition des zones.
Je suggère que, dans un souci de lisibilité, de clarification et de simplification, les contrats d'emplois consolidés établis par les collectivités territoriales - cadre réglementaire dont relèvent les emplois de ville - reçoivent eux-mêmes l'appellation d'emplois de ville. Par ailleurs, je souhaite bien évidemment le maintien d'un quota au bénéfice de jeunes qui habitent dans les zones sensibles.
En conclusion, je tiens à vous dire, messieurs les ministres, que le groupe de l'Union centriste apportera son soutien à votre projet de loi, judicieusement amendé par la commission spéciale.
Au nom de mon groupe, j'adresse au président de la commission spéciale, M. Jean-Pierre Fourcade, et à son rapporteur, M. Gérard Larcher, mes compliments pour la qualité très remarquable du rapport et des amendements qui seront présentés. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Gérard Larcher, rapporteur. Merci !
M. le président. La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je tiens à dire d'emblée que je me félicite d'avoir participé aux réunions de la commission spéciale, présidée par M. Jean-Pierre Fourcade. J'ai par ailleurs pu apprécier une nouvelle fois - comme vous tous, mes chers collègues - la force de conviction et la rigueur de pensée de notre rapporteur, M. Gérard Larcher. Je leur rends hommage pour la manière dont ils ont conçu leur tâche, car ils nous ont permis d'aller au fond du débat.
Nous voilà donc réunis pour traiter de ce pacte de relance pour la ville. Permettez-moi tout d'abord de formuler quelques remarques sur cet intitulé. Celui-ci revêt tout son sens.
M. Guy Allouche. Il est impropre !
M. Philippe Marini. Nous parlons d'un pacte. De quoi s'agit-il ?
M. Guy Fischer. On en parle de plus en plus !
M. Ivan Renar. Il ne s'agit pas du pacte germano-soviétique !
M. Philippe Marini. Je vous en prie, mes chers collègues, soyez sérieux, n'ayez pas d'obsession orientale !
M. Ivan Renar. C'est une expiation ! (Sourires.)
M. Philippe Marini. Revenons, je vous en prie, à l'histoire telle qu'elle se fait et aux problèmes de société ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.) S'il est question de pacte, c'est bien parce qu'il s'agit d'un problème de société.
Il s'agit d'un « contrat social » passé entre trois catégories de partenaires, à savoir l'Etat, les collectivités territoriales, essentiellement les communes, et les habitants des quartiers. Et c'est ensemble que nous arriverons à traiter et, éventuellement, à régler certains des problèmes qui se posent.
Il s'agit également d'une relance, ce qui signifie que la politique de la ville existe mais, comme MM. les ministres ont le réalisme et la modestie de le reconnaître, qu'elle nécessite un nouveau souffle, un nouveau départ.
Il s'agit enfin de la ville, c'est-à-dire du creuset où viennent se fondre des personnes d'origines extrêmement diverses. Selon moi, il faut avoir une vision positive de la ville, comme cela a été indiqué à de nombreuses reprises. Mes chers collègues, la ville doit redevenir ce qu'elle était dans le passé, c'est-à-dire synonyme de liberté. Au xixe siècle, elle était perçue comme le lieu de l'égalité des chances, plus que la campagne où l'on était enfermé par une sorte de conformisme social. Je ne fais pas nécessairement miennes ces distinctions, mais il faut reconnaître qu'elles ont du sens.
Quand nous évoquons la ville, faisons preuve d'esprit positif et valorisons les initiatives, très nombreuses, qui y existent.
Si nous ne le faisions pas ou si, au contraire, nous développions essentiellement une vision négative,catastrophique, de ce qui se passe dans ces quartiers, nous prendrions naturellement le risque, que certains prennent parce qu'ils y sont intéressés, d'y développer les extrémismes, les haines entres les communautés ou entre leurs habitants.
Que devons-nous inscrire dans ce pacte ? Pour ma part, je vois trois chapitres : changer l'urbanisme, respecter la loi et développer l'emploi. Nous couvrons ainsi l'ensemble du problème.
Tout d'abord, il convient de changer l'urbanisme. Nous héritons d'un urbanisme du quantitatif, celui des années soixante et soixante-dix, celui des « trente glorieuses » où il convenait de fabriquer des logements qui furent conçus comme des produits de consommation répétitifs.
On a eu parfois l'ambition de casser les rues, de casser les places et d'imaginer une sorte de modèle nouveau avec cet urbanisme de barres, qui était une utopie. Il faut revenir à l'urbanisme des quartiers, l'urbanisme de la place, retrouver des ambiances de convivialité...
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission spéciale. Très bien !
M. Philippe Marini. ... dans des lieux qui, il faut le reconnaître, sont parfois, sur le plan esthétique, des lieux de laideur et d'inhumanité.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission spéciale. Très bien !
M. Philippe Marini. Il faut donc d'abord changer l'urbanisme, c'est-à-dire le cadre extérieur, faire en sorte qu'il soit respecté, puis arriver à une certaine mixité sociale - c'est l'un des objectifs essentiels du projet de loi - avec les programmes locaux de l'habitat, des progrès à réaliser en matière d'attribution des logements grâce à des systèmes de nature partenariale tels que les conférences communales et intercommunales du logement. Il faut faire en sorte que les différentes catégories sociales reviennent dans ces quartiers périphériques, grâce notamment aux mesures qui, dans le projet de loi, tendent à faciliter la réhabilitation des copropriétés ou à relancer, on peut l'espérer, l'investissement privé dans certaines conditions.
En deuxième lieu, mes chers collègues, et c'est évidemment tout à fait essentiel, il faut respecter la loi, la loi pour tous, la loi républicaine, qui définit les situations régulières et les situations irrégulières, qui permet de prendre les mesures nécessaires pour lutter contre le travail clandestin, contre les situations irrégulières dans lesquelles se trouvent certains étrangers au détriment de tous les autres, etc.
Respecter la loi, cela veut dire, lorsque l'on incarne l'Etat ou la collectivité locale, être en mesure d'aller partout, donc ne pas accepter de zones de non-droit, faire prévaloir partout une atmosphère de sécurité, par exemple mettre en place les moyens nécessaires en matière d'îlotage, notamment le soir et surtout la nuit, comme l'a très justement dit M. le président Fourcade. En effet, lorsque l'on organise une police municipale ou un commissariat de police, il est clair que l'on doit tenir compte des besoins sociaux et que ces derniers se situent essentiellement dans les créneaux horaires qui ont été cités.
Bien sûr, respecter la loi suppose la participation de tous. Cela suppose aussi d'être en mesure de raisonner en termes de prévention et de répression : prévention avec toutes les actions sociales qui vont être développées, notamment grâce aux contrats de ville et aux médiateurs urbains ; répression, par exemple, dans un domaine auquel j'attache personnellement beaucoup d'importance : la lutte contre la toxicomanie.
Mes chers collègues, il est clair qu'il n'y a pas drogues « douces » et drogues « dures ». Nous sommes en présence d'un seul circuit économique de la drogue qui obéit à une logique : la recherche incessante de nouveaux consommateurs que l'on appâte, pour qu'ils fassent comme les autres, par la consommation de drogues dites douces, et qui apportent évidemment leur force de consommation et leur argent à des circuits qui sont beaucoup plus sophistiqués et étendus, qui relèvent de la criminalité organisée et qui représentent un chancre dans la société.
Ne baissons pas la garde en ce domaine ! Sachons que bien des problèmes dans les quartiers dégradés proviennent de la drogue de l'argent facile de la drogue et des tentations que cela induit : tentations d'être libres grâce à l'argent gagné en dehors de toute norme et de tout circuit. Il en résulte le risque de créer des modèles, ou des antimodèles, pour toutes sortes de jeunes que l'on peut ainsi appâter, car ils sont désorientés et donc sujets à ces tentations.
Bien entendu, messieurs les ministres, le troisième chapitre du pacte, qui est l'essentiel, car il doit permettre de répondre aux deux autres, c'est le développement de l'emploi. Je l'évoquerai brièvement.
Je crois aux zones franches urbaines, à condition que l'on y crée des emplois, c'est-à-dire si vous acceptez ou si vous obtenez de les délimiter en y incluant des zones d'entreprises. En effet, ce n'est pas uniquement avec quelques activités commerciales au pied des immeubles, même si l'on admet qu'elles échappent à la préemption ethnique qu'évoquait M. Larcher, que l'on arrivera à créer ce mouvement de dynamisation, de création d'emplois.
Il faut que, en quelques endroits au moins, il y ait, côte à côte, des zones d'habitat et des zones d'emploi pour que l'effet de levier soit suffisant et suffisamment efficace ; nous y reviendrons certainement au cours du débat.
Il faut développer l'emploi en veillant à la concurrence avec ce qui se passe à l'extérieur des zones et en maintenant l'équilibre non seulement entre le commercial et le non-commercial, le productif et les services, mais aussi en termes de mode de vie et de représentation de modèles sociaux.
Bien entendu, si l'on veut développer l'emploi, cela suppose de manier comme il convient l'incitation fiscale. Les propositions de la commission spéciale visent à rendre plus effectifs les mécanismes que vous nous soumettez.
Nous souhaitons, en particulier, un critère de localisation dans les zones concernées ainsi qu'une meilleure prise en compte de la variable emploi grâce à une pondération accrue. Nous souhaitons aussi que les partenaires se réunissent pour orienter et surveiller l'application du mécanisme d'incitation fiscale. Nous avons fait toutes les propositions qui ont été évoquées par le rapporteur, M. Larcher. Nous souhaitons que le dispositif soit étendu aux activités individuelles, à l'artisanat en particulier, par un mécanisme d'exonération de charges. Tout cela me paraît relever d'une approche cohérente.
Messieurs les ministres, mes chers collègues, le pacte de relance pour la ville peut être un excellent jalon dans cette lutte contre l'exclusion et contre la fracture sociale si l'on a bien présentes à l'esprit ces trois idées directrices : changer l'urbanisme, respecter la loi et développer l'emploi.
Bien entendu, le groupe du RPR vous apportera, pour ces efforts difficiles à faire dans une période où l'on ne dispose pas toujours des marges de manoeuvre que l'on voudrait, tout son soutien actif et déterminé dans la discussion et pour l'adoption de ce projet de loi, (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Vezinhet.
M. André Vezinhet. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, au regard de l'histoire, c'est en un temps d'une exceptionnelle brièveté que notre société a quitté le monde agricole et rural pour adopter un mode urbain, qui s'impose aujourd'hui non seulement aux habitants des villes, mais aussi - faut-il le dire ? - à l'ensemble des Françaises et des Français où qu'ils se trouvent sur le territoire.
Cette mutation, en à peine quelques décennies, ne s'est pas faite sans bouleverser profondément les perspectives, sans faire naître des changements considérables de comportement. Aujourd'hui, on parle du mal-vivre des banlieues, des quartiers à risques, de la ville duale, etc. En fait, ces phénomènes ne sont que la résultante de l'émergence du monde urbain.
Vous avez dit, sûrement à juste raison, monsieur le ministre de la ville, que le chômage était la principale cause du malaise urbain. Mais ne peut-on se demander sérieusement si une situation de plein emploi, qui améliorerait considérablement les choses, certes, parviendrait néanmoins à effacer ce phénomène ?
Tous les pays à forte économie y sont aujourd'hui confrontés. Les pays pauvres le connaissent avec d'autant plus d'acuité qu'ils sont totalement démunis pour envisager des correctifs. Beaucoup ont démissionné et ont laissé s'installer des villes à deux vitesses où l'économie et l'argent règnent en maîtres dans les quartiers d'affaires et les zones résidentielles tandis que la misère, la violence et l'insécurité qu'elles engendrent ont envahi les quartiers pauvres à très forte densité de population.
Pendant ce qu'il est communément convenu d'appeler les « trente glorieuses », notre France urbaine s'est développée. Elle s'est, dirais-je, installée dans le plus grand désordre, créant les conditions de ce que vous nous appelez aujourd'hui à réviser.
Hubert Dubedout, avec bien d'autres, avait en son temps été l'un des premiers à oeuvrer pour tenter d'enrayer cette dérive.
M. Guy Allouche. Il avait vu juste !
M. André Vezinhet. Au début des années quatre-vingt-dix, MM. Michel Delabarre, ministre d'Etat, ministre de la ville et de l'aménagement du territoire, et Louis Besson,...
M. Guy Allouche. Lui aussi !
M. André Vezinhet. ...ministre de l'équipement, du logement, des transports et de la mer, avaient proposé une loi d'orientation pour la ville dont le principal mérite était bien de prévoir des solidarités pour que tous les Français se sentent concernés, y compris ceux qui résident dans les communes à faible démographie. Tout le monde, en effet, est confronté à l'urgence et à l'importance de ce problème.
Nous nous plaisons à souligner aussi l'effort de Mme Veil pour proposer des solutions à la question urbaine. Hélas ! l'un des premiers soucis de M. Balladur fut de proposer au Parlement la suppression des louables « intentions » de la loi d'orientation pour la ville et d'y substituer des mesures destinées à épargner à certains l'obligation de solidarité.
M. Guy Allouche. N'est-ce pas, monsieur Larcher ?
M. André Vezinhet. Voilà dix mois, le 18 janvier 1996, le pacte de relance pour la ville, qui nous a été présenté à Marseille par le Premier ministre lui-même, était la concrétisation d'une promesse du candidat Jacques Chirac, devenu depuis Président de la République. Il avait, à ce moment-là été qualifié de plan Marshall des banlieues.
Après avoir été annoncé par M. le ministre Eric Raoult en septembre 1995, il a été repoussé en novembre, puis en décembre 1995. On peut se demander ce qu'il en est aujourd'hui, un an plus tard, après avoir fait l'objet de la procédure d'urgence et après avoir été adopté par l'Assemblée nationale au mois de juin dernier.
Ce texte est décrit comme la pierre angulaire, la clé de voûte du nouveau dispositif en faveur de la ville. Il affiche des ambitions comme celles qui consistent à dynamiser l'activité économique, à créer des emplois dans les quartiers en difficulté et à améliorer la vie quotidienne de leurs habitants au moyen d'un dispositif social et fiscal dérogatoire.
De nouveaux outils de restructuration urbaine et un renforcement du pouvoir des associations sont prévus par ce texte. Mais, selon la formule consacrée, il y a loin de la coupe aux lèvres !
La loi portant réforme du financement de l'apprentissage ne prévoit la création que de 100 000 emplois de ville. Le coût en est partagé au départ par l'Etat et les collectivités locales, mais il sera en fin de compte à la seule charge de ces dernières. Or il est clair qu'elles n'en pourront mais, le moment venu, étant donné l'étroitesse de leur budget et les ponctions successives que les gouvernements Balladur et Juppé ont opéré sur leurs finances : ce n'est pas au maire de Marseille que je l'apprendrai.
Pour illustrer mon propos, et faisant en cela écho à ceux qui ont été tenus voilà quelques instants par le président Fourcade, la ville de Montpellier, dont je suis un élu, a subi, en quatre années budgétaires, une ponction de 83 millions de francs par rapport à ce qu'elle aurait effectivement perçu de l'Etat à législation constante. Je tiens à votre disposition, monsieur le ministre, les preuves chiffrées de cette inquiétante dérive.
M. Claude Estier. Il le sait bien !
M. André Vezinhet. Je disais donc qu'il n'est prévu la création que de 100 000 emplois, alors que les besoins avaient pourtant été estimés au départ à 300 000 emplois par Mme Françoise de Veyrinas, éphémère secrétaire d'Etat aux quartiers en difficulté.
Ainsi, les mesures concernant l'emploi des jeunes, qui ont été annoncées à grand renfort de publicité, sont sans rapport avec les besoins : mille emplois par an sont à espérer dans les zones franches, selon un rapport confidentiel de la délégation interministérielle à la ville et au développement social urbain, et ce, pour un coût de 1,2 milliard de francs.
Je vous laisse le soin d'estimer le coût unitaire d'un emploi.
Au titre des moyens, le pacte de relance pour la ville, qui comporte 68 mesures pour les quartiers en difficulté, affiche 12 milliards de francs de prêts, destinés aux collectivités et aux organismes d'HLM, et négociés à des taux avantageux, et près de 15 milliards de francs de fonds budgétaires sur trois ans. Où se trouve, dans tout cela, le plan Marshall annoncé à grands renforts médiatiques ?
Si les intentions sont louables et si tout ne doit pas être rejeté en bloc, il faut reconnaître que les mesures proposées ne sont pas à la mesure des transformations à apporter pour répondre aux besoins du tissu urbain.
L'idée des zones franches et d'une redynamisation urbaine peut se révéler utile ; je le dis parce que ma loyauté intellectuelle me le commande.
Ainsi, à Montpellier, dans un quartier qui m'est particulièrement cher, celui de La Paillade - j'ai l'honneur d'en être le conseiller général - nous sommes décidés à jouer le jeu et à nous battre pour la réussite de ce dispositif.
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Je vous en félicite !
M. André Vezinhet. Mais comment allons-nous éviter des désagréments semblables à ceux qu'a connus l'Angleterre, où la politique de la zone franche a dû être abandonnée en raison de son peu d'efficacité ?
Le journal Le Monde du 19 janvier 1996 indique que des activités voisines se sont déplacées pour profiter des avantages fiscaux.
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. C'est en Angleterre !
M. André Vezinhet. J'ai bien noté que vous aviez mis en place un certain nombre de garde-fous. Mais, au moins, n'allons pas créer de nouvelles zones.
Quant aux coûts des emplois nouveaux, ils ont été jugés prohibitifs par les tenants de la politique thatchérienne eux-mêmes !
Nous considérons qu'une véritable politique de la ville ne peut être abordée par le biais d'une juxtaposition de mesures ponctuelles, voire d'un saupoudrage.
Le texte qui nous est proposé manque singulièrement d'ambition. Il se limite à une définition par quartiers de la politique de la ville. Il ne traduit aucune vision d'ensemble et, comme nous l'indiquions précédemment, la solidarité intercommunale, qui fondait la loi d'orientation sur la ville, a disparu.
Tenter de limiter, voire de résoudre, par un colmatage à court terme, les maux qui frappent notre société urbaine dans son ensemble en traitant tel ou tel périmètre géographique, telle ou telle banlieue n'a rien à voir avec notre conception d'une politique de la ville efficace et réaliste. Celle-ci devrait concerner l'ensemble des villes de notre territoire pour la promotion d'une civilisation urbaine pour tous les habitants.
Le projet de loi qui nous est soumis - excusez-moi ce trait que vous jugerez peut-être excessif - offre une vision archaïque de l'aménagement du territoire qui conduit à une logique de blocs faisant abstraction de toute mesure de solidarité entre communes riches et communes pauvres. C'est en cela que réside le risque majeur d'une ville à deux vitesses.
Si l'on considère les mesures budgétaires en faveur du logement social, elles apparaissent aujourd'hui, après un douloureux été au cours duquel l'aide au logement social a subi des coupes claires, bien dérisoires.
Evidemment, lorsque ce problème a été évoqué à l'Assemblée nationale, on ne savait pas encore ce qui nous attendait : moins 4 milliards de francs au titre des prêts locatifs aidés ; moins 2 milliards de francs au titre de l'APL, avec prise en compte, dans le revenu des ménages, des allocations pour handicapés ou de l'allocation maternité, entre autres ; moins 7 milliards de francs au titre du 1 % - en fait, à dater de ce jour, on peut dire que le 1 % n'existe plus puisque, en deux années successives, la totalité de sa collecte devra être reversée au budget de l'Etat.
M. Guy Fischer. Il est pillé !
M. André Vezinhet. C'est une mesure d'exécution capitale.
Si l'on ajoute, à ce qui précède la non-reconduction de l'abattement temporaire de 2 % des droits de mutation et la suppression de la déduction des intérêts, mesures estimées entre 5 milliards et 7 milliards de francs, c'est au total une ponction de 20 milliards de francs qui est opérée sur le logement social.
Il s'agit d'un véritable plan de démantèlement du secteur locatif social, et ce n'est pas le relatif succès du prêt à taux zéro pour l'accession à la propriété qui va nous rassurer.
Certes, nous voudrions tous, ici, que l'ensemble des locataires des logements sociaux puissent prétendre à l'accession à la propriété et nous voudrions même ne pas avoir à débattre du logement locatif, qu'il disparaisse de nos préoccupations.
Mais, monsieur le ministre, monsieur le maire de Marseille, ne connaissez-vous pas, comme moi à Montpellier en ma qualité de président de l'OPAC, la trop longue liste d'attente des candidats à un logement social ?
Le vrai besoin social, en France, est un besoin locatif et votre gouvernement travaille à contre-sens de la demande réelle des Français, des plus démunis surtout. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
Laissez-moi vous conter une anecdote.
Hier, la Caisse des dépôts et consignations - j'aperçois mon collègue et ami M. Vidal, qui était à mes côtés lors de l'inauguration - a installé son antenne régionale de Montpellier. Nous avons entendu, lui comme moi, le discours de M. Lagayette, qui est assis sur un tas d'or : il a parlé de 1 000 milliards de francs d'épargne. Je suppose que M. Lagayette sait de quoi il parle.
M. Gérard Larcher, rapporteur. Il sait sur quoi il est assis ! (Sourires.)
M. André Vezinhet. Comme le disait le poète, on n'est jamais assis que sur son derrière ! (Nouveaux sourires.) Cette somme de 1 000 milliards de francs est considérable, et devant l'urgente nécessité de remédier aux difficultés de nos banlieues, on aurait peut-être pu penser à ponctionner, au-delà de 5 milliards de francs, cette manne financière qui, après tout, dans sa définition, est destinée à subvenir au logement social.
MM. Claude Estier, Marcel Vidal et Guy Allouche. Très bien !
M. André Vezinhet. Par ailleurs, je tiens à rappeler que, lorsque l'Etat - il me semble que c'était en 1995 - a affecté 90 milliards de francs à la construction de logements sociaux, il en a retiré, toutes ressources confondues, 130 milliards de francs. On ne peut donc pas dire que ce soit une aberration que de favoriser le logement social, puisqu'il constitue une source de revenus assez substantiels pour l'Etat. Le moment est peut-être venu d'y songer.
Vous envisagez de remédier à la situation dramatique des copropriétés dégradées. Il s'agit, je vous l'accorde, monsieur le ministre, d'une heureuse initiative, car elle répond bien à la réalité. C'est bien souvent à partir d'une copropriété dégradée que se révèlent les ingrédients des difficultés sociales. C'est également dans ce contexte que le phénomène de ghettoïsation prend toute son ampleur.
En effet, lorsque la valeur vénale des copropriétés s'effondre, elles deviennent - dans le plus mauvais des cas - la proie des marchands de biens, qui réalisent ensuite des bénéfices scandaleux.
Dans les autres cas, cette dépréciation fait fuir le propriétaire occupant, qui tente, avant qu'il ne soit trop tard, de sauver ce qu'il peut de sa mise de fonds initiale. Par la suite, une politique de peuplement non maîtrisée se met en place. On observe très fréquemment des regroupements ethniques, amorce d'une ghettoïsation qui devient rapidement irréversible.
Pour résoudre ce problème, le Gouvernement envisage d'étendre à la copropriété les mesures relatives au fonds social du logement. Je ne m'étendrai pas sur l'insuffisance de cette disposition et la perte financière qu'elle créera pour le secteur locatif. Il aurait été bien préférable d'inciter massivement la puissance publique, les offices d'HLM et tous les intervenants du logement social maîtrisé à se porter acquéreurs de ces copropriétés, pour y appliquer d'autres mesures de peuplements et traiter le problème tant sur le plan technique que sur le plan social. Il conviendrait pour cela de renforcer la dotation en Palulos - primes à l'amélioration des logements à usage locatif et à occupation sociale - des régions et de proposer de véritables solutions de mixité sociale.
Quant aux nombreuses mesures fiscales que comporte votre projet de loi, je laisserai, monsieur le ministre, à mon ami et collègue M. Richard, beaucoup plus compétent que moi en la matière, le soin de vous dire son sentiment.
En tout cas, j'ose espérer que certaines de ces mesures pourront être étendues au monde associatif.
Sur proposition de MM. Cathala et Dray, notamment, un amendement allant en ce sens a été adopté par l'Assemblée nationale. S'il devait en être ainsi dans notre assemblée, j'espère que vous ne demanderez pas une deuxième délibération pour faire échec à cette louable intention.
En conclusion, je dirai que ce projet de loi ne contient en fait qu'une nouvelle panoplie de mesures qui n'auront pas les effets escomptés - je le regrette - parce que non relayées par une véritable priorité budgétaire.
Après examen, ce texte est bien loin de traduire l'ambition et l'originalité que vous aviez prétendu y mettre, monsieur le ministre.
Il laisse planer beaucoup d'inquiétudes si j'en juge par les nombreux amendements qui ont été présentés par la majorité à l'Assemblée nationale, avant d'être, bien entendu, retirés - discipline oblige - selon une méthode bien connue...
Le pacte de relance pour la ville ne répond pas aux espoirs suscités lors de sa présentation très médiatisée. Il semble qu'il en sera ainsi du projet de loi contre l'exclusion qui, à ce jour, et après des mois de gestation difficile, semble bien loin d'être en mesure d'atteindre son objectif, à savoir renforcer la cohésion sociale. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, élu de Vénissieux, des Minguettes, j'ai été, avec mes collègues conseillers municipaux et le père Christian Delorme, l'un des premiers à être confrontés à ce que d'aucuns appellent improprement le « mal des banlieues ». Une telle expérience, vous le comprendrez aisément, est une raison supplémentaire d'examiner avec attention et sans esprit partisan ce que la puissance publique propose pour lutter contre l'aggravation des difficultés au sein des quartiers classés zones sensibles.
Aujourd'hui, le Gouvernement, appuyé par sa majorité, nous promet que la politique de la ville va trouver un nouvel essor avec ce pacte.
Première remarque d'importance : l'utilisation du terme « pacte » relève, à mon sens, de la supercherie.
Ce souci d'en appeler au pacte dans de nombreux domaines - je pense, par exemple, au pacte de stabilité financière - est loin d'être anodin, et ce n'est pas M. le président Fourcade qui me démentira.
Il vise à faire croire à l'opinion qu'il y a un consensus sur les objectifs et les moyens, que des négociations ont eu lieu entre les uns et les autres et que les élus locaux seront d'accord pour prendre place dans ces démarches.
C'est vrai dans certains cas mais, en l'occurrence, c'est faire fi de toutes celles et de tous ceux, associations et élus, qui estiment urgent de faire du neuf dans la politique de la ville, d'en finir avec la stigmatisation des quartiers et des populations, d'en finir avec l'emploi précaire comme seul avenir.
Sur le fond, votre projet de loi ne prévoit aucune mesure novatrice. Il affiche une succession de bonnes intentions et d'assertions qui, à mon sens, se heurtent à quatre obstacles majeurs.
Le premier tient à un traitement de type caritatif des problèmes.
Je m'explique en prenant un exemple tout récent. Voici ce qu'on peut lire dans un article du Progrès de Lyon d'aujourd'hui commentant les propos que de M. Claude Baptiste, directeur général des hospices civils de Lyon à l'occasion des « Entretiens Jacques Cartier », qui se sont tenus la semaine dernière à Québec et à Montréal : « A Montréal comme à Québec, la prise en charge des problèmes de santé liés à la précarité est essentiellement assurée par les associations d'entraide implantées dans les quartiers. » Je reviendrai plus amplement sur ce point lors de la discussion des articles.
Deuxième obstacle : les moyens mis en oeuvre sont d'une rare indigence au regard de l'ampleur des difficultés. Je m'attacherai à prouver, monsieur le ministre, qu'il ne s'agit à mon sens, bien souvent, que de redéploiements et de recours à l'emprunt.
Le troisième obstacle réside dans le fait - et le président Fourcade a beaucoup insisté sur ce point - que l'Etat n'assume plus, ou assume de plus en plus difficilement, ses fonctions régaliennes dans ces quartiers.
Enfin, quatrième obstacle : le recours de plus en plus massif aux collectivités locales, qui sont pourtant déjà asphyxiées sur le plan financier.
Quand je parle de « traitement caritatif », c'est évidemment le concept même de discrimination positive que je vise. L'origine de ce concept est d'ailleurs, en elle-même, tout à fait instructive. Le modèle historique de la discrimination positive est américain : il se fonde sur l'identification objective de minorités défavorisées - les Noirs, les Chicanos, les femmes - ...
M. Gérard Larcher, rapporteur. Les femmes passent après les Chicanos ? (Rires et exclamations.)
M. Guy Claude Fischer. ... dont il vise à compenser les handicaps sociaux par l'instauration de quotas dans les écoles, les universités, les emplois publics.
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Pas de quotas ! (Sourires.)
M. Gérard Larcher, rapporteur. Les quotas, c'est une tribu indienne, non ? (Nouveaux sourires.)
M. Guy Fischer. Quand on voit ce que vivent certaines communautés américaines, croyez-moi, il n'y a pas de quoi sourire ! Et je sais de quoi je parle !
Mme Danielle Bidard-Reydet. Très bien !
M. Guy Fischer. Il n'est pas besoin d'ajouter que les « non-élus » de ces minorités défavorisées ne bénéficient plus d'aucune solidarité nationale.
Certes, la France n'en est pas là. Il n'empêche que la stigmatisation à outrance des populations en difficulté qui vivent dans les grands ensembles pousse dans ce sens.
Les auditions auxquelles a procédé la commission spéciale ont révélé que, depuis que des politiques de la ville ont été lancées, la ségrégation s'est renforcée inexorablement et que la territorialisation de l'exclusion s'est trouvée, elle aussi, confortée.
Il n'est que d'observer la façon dont les médias rendent compte des incidents qui peuvent se produire pour comprendre que la communauté nationale, et au premier chef la puissance publique, l'Etat, ne porte pas toujours un regard juste sur les banlieues.
A ce propos, je voudrais rappeler ce qu'écrivait mon ami Maurice Charrier - que nous avons auditionné et avec qui je travaille depuis longtemps sur ces questions - dans Le Monde il y a un an :
« C'est bien de la France, de son état de santé, de ses souffrances que l'on parle lorsque l'on commente les images des "nouvelles flambées de violence" à Vaulx-en-Velin. Ce sont les convulsions de la société française que nous analysons lorsque nous essayons de trouver des raisons au "malaise des banlieues". C'est de nos villes, de nos jeunes, de nos concitoyens qu'il s'agit et pas d'un autre monde, d'un pays "outre-périphérique", d'un continent à la dérive nommé "Banlieue", dont on pourrait suivre les événéments à la télévision en se rassurant : pour les Banlieusards, comme pour les Bosniaques et les Serbes, nos gouvernants savent judicieusement prodiguer en alternance aide humanitaire et opérations "coup de poing". »
Oui, il est temps que les populations en difficulté qui vivent dans ces quartiers bénéficient d'un réel traitement de leurs problèmes. Le chômage, l'échec scolaire, la crise du logement, la peur, voire la haine de l'autre ne trouveront pas de réponse dans des solutions localisées, dans des niches de précarité, dans des mesures de bricolage.
Vous pourrez avancer les plus beaux arguments qui soient, avec les emplois de ville ou contrats d'initiative locale, vous continuerez d'enfermer des milliers de jeunes dans le sous-emploi, sans possibilité d'avoir un logement, de fonder une famille, sans réelle perspective, sinon celle d'une véritable assignation à résidence.
Bien sûr, vous allez rétorquer que cela est mieux que rien, que les collectivités locales jouent le jeu...
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Ce n'est pas si mal que cela !
M. Guy Fischer. Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit, monsieur le ministre !
Pour nous, il ne peut s'agir, à travers la mise en place de contrats d'emplois de ville, de créer en fait une sous-fonction publique. Il ne saurait être question de contribuer au démantèlement de la fonction publique.
Je rappelle que la Cour des comptes elle-même, après une analyse des dispositifs mis en place au cours des dernières années et portant notamment sur les contrats emploi-solidarité, estime que, la plupart du temps, ces contrats se sont substitués à des emplois stables.
Plus personne aujourd'hui ne croit honnêtement à ces formules ; il faut en tout cas être conscient qu'elles mènent généralement à des impasses, qu'elles sont tout juste des soupapes destinées à éviter que la marmite n'explose.
Permettez-moi, pour illustrer mon propos, de vous livrer un passage d'une lettre adressée par un entrepreneur « nouvelle mode » à l'un de mes amis maire qui frise la caricature : « En devenant "petit cireur", sous forme d'entreprise individuelle, le courage des jeunes chômeurs sera récompensé à la juste mesure de l'effort fourni en indépendant, dans l'exercice d'un métier qui demande professionnalisme et responsabilité... »
Je trouve cela vraiment outrageant.
Ce que l'on va proposer aux jeunes avec les contrats d'initiative locale - et ceux-ci doivent être comptés parmi les 300 000 emplois qui viennent d'être annoncés par M. Barrot, que cela soit bien clair - est-ce autre chose que l'illusion pour le plus grand nombre ? A cette question, nous en sommes intimement convaincus, la réponse est non.
Sans doute certains trouveront-ils qu'il s'agit d'un progrès social, à l'instar de ce qui peut se dérouler dans les pays en voie de développement. Effectivement, nous avons tendu la main aux jeunes en difficulté de ces quartiers.
Le zonage que vous mettez en oeuvre permet tous ces excès. Il est fort contestable - 744 zones urbaines sensibles, dont 43 zones franches - et participe de la généralisation de la charité là où il faudrait restaurer la solidarité nationale par une vraie politique nationale de développement.
Car le pari du retour à l'activité par le biais des zones franches ne peut guère convaincre si l'on se réfère aux exemples anglais et américains, dont tout le monde s'accorde à dire qu'ils ont eu pour conséquence non la création mais la délocalisation d'entreprises.
Je voudrais maintenant insister sur les moyens mis en oeuvre.
Monsieur le ministre, vous nous annoncez l'octroi de 15 milliards de francs sur trois ans, comme s'il s'agissait d'un effort incommensurable. Je crois qu'il convient de remettre cet effort à sa juste proportion : 5 milliards de francs, c'est 0,3 % des dépenses de l'Etat !
En outre, on le sait, les ministres ont tendance à compter plusieurs fois les mêmes choses : la réalité des dépenses supplémentaires annuelles se situe en dessous du milliard de francs !
J'évoquerai ici simplement le tour de passe-passe qui consiste à financer les contrats emploi-ville par la suppression de 200 000 contrats emploi-solidarité dans la loi de finances de 1996. Voilà comment l'on finance ce qu'on présente comme une nouveauté !
En fait, les dépenses nouvelles pour la mise en oeuvre de ce pacte sont minimes. Passons rapidement sur les prêts aux collectivités et aux organismes d'HLM, sinon pour souligner qu'il est tout de même incohérent de fustiger l'endettement des communes d'un côté et de les pousser à l'emprunt de l'autre...
D'ailleurs, je tiens à dire ici - mais nous allons avoir un débat sur ce point - que le logement social est sabordé ! L'année 1997 restera sans doute comme l'année noire du logement social, celle de son démantèlement .
En fait, vous allez vous attaquer au minimum social pour financer la loi de cohésion sociale. Les moins pauvres paieront pour les plus pauvres !
La garantie des compensations d'exonération des taxes locales à 100 % doit devenir une réalité, mais on sait bien que cette mesure sera financée en grande partie par le biais du fonds national de péréquation de taxe professionnelle, fonds qui a reçu une manne inattendue grâce à l'augmentation de la cotisation des principaux contributeurs : France Télécom et La Poste, notamment.
L'abondement de la part de l'Etat dans le fonds de solidarité pour le logement est, lui, assuré par la ponction du produit des surloyers. C'est là une conception édifiante de la solidarité nationale puisqu'elle suppose des transferts des familles modestes vers les plus démunis.
On voit donc bien, malgré tous les artifices dont vous usez, que c'est de redéploiements qu'il s'agit. Ces redéploiements limitent, par définition, la portée de ce texte.
La mission de l'Etat dans ces quartiers est fondamentale. Or votre projet de loi se résume à mon sens encore trop à une liste de recommandations.
Ainsi, on parle de politique publique exemplaire sans que soit assuré le maintien de tous les agents publics qui travaillent actuellement au sein de ces zones difficiles. Je pense particulièrement à l'école, à propos de laquelle un syndicaliste explique : « Ce ne sont pas quelques moyens éparpillés et un aménagement des rythmes scolaires qui ramèneront la sérénité dans ces établissements et régleront les graves problèmes des banlieues. »
On le sait, la ségrégation fait des ravages et amène bon nombre de familles populaires à faire en sorte que leurs enfants se retrouvent dans d'autres établissements, quand elles ne les inscrivent pas purement et simplement dans le privé.
On ne s'en sortira que par un retour réel de l'Etat. Combien d'îlotiers supplémentaires ? Combien d'enseignants dans le primaire et le secondaire ? Quand rétablira-t-on, par exemple, les deux emplois qui ont été supprimés à la poste des Minguettes sous prétexte qu'elle a été rénovée ? Combien de structures d'accueil et de soins pour les jeunes toxicomanes ? Quels moyens supplémentaires pour la culture ou le sport ?
Ce sont là les vraies questions, que vous devriez vous poser pour permettre un retour de l'Etat dans ces quartiers. Or le projet de loi de finances pour 1997 est bien loin de répondre à ces demandes sociales.
En fait, l'Etat délègue de plus en plus ses missions aux collectivités locales, voire aux associations.
Quant aux établissements publics de restructuration urbaine, ils doivent être définis de telle manière que de réelles codécisions soient prises.
Enfin, mes chers collègues, je voudrais évoquer la situation qui est faite aux communes par ce projet de loi.
Je l'ai dit, leur situation financière est si inquiétante qu'elles sont à l'affût de tout ballon d'oxygène, si minime soit-il. Elles sont étranglées par les prélèvements qui ont été opérés au cours des dernières années. On leur demande toujours plus en les plaçant sous la pression des populations.
On dit que la dotation de solidarité urbaine, la DSU, a enregistré une progression importante, ce qui attesterait l'effort accompli par l'Etat. Mais, selon la lecture que nous faisons du projet de loi de finances pour 1997, celui-ci verra diminuer la dotation globale de fonctionnement en francs constants pour la quatrième année consécutive.
Vous oubliez aussi de dire que l'augmentation de la DSU sera certainement minorée l'année prochaine. Vous oubliez de dire que la mise en place des zones de revitalisation rurale...
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Me permettez-vous de vous interrompre ? Pour le moment, monsieur Fischer, je n'en suis pas encore au budget futur, et vous ne pouvez nier que votre ville, en particulier, a d'ores et déjà enregistré une augmentation significative de sa DSU !
M. Alain Richard. C'est un fusil à un coup !
M. Gérard Larcher, rapporteur. Il a déjà encaissé, mais il a oublié ! (Sourires.)
M. Guy Fischer. Non, je n'oublie pas, mais je crains qu'il n'y ait de nouveaux débours et de nouvelles charges pour les communes.
Ce que nous reprochons à ce projet de loi, c'est qu'il s'inscrit dans une démarche d'ensemble qui contrecarre tout effort des uns et des autres.
Je terminerai en citant un proverbe chinois (Exclamations amusées sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants) : « Il faut marcher avec les deux jambes : la moderne, celle qui va loin, et puis celle de tous les jours, qui assure le pas à pas quotidien. »
Or, aujourd'hui, je crains que vos choix économiques et sociaux, soumis aux marchés financiers et à la course vers l'euro, n'entraînent le pays dans l'abîme et ne soient pas de nature à relever le défi de l'avenir de nos cités, l'avenir de notre jeunesse.
Nous présenterons des amendements ; néanmoins, pour être cohérents avec ce qu'ont fait nos collègues de l'Assemblée nationale, nous nous opposerons à ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen. - M. Vezinhet applaudit également.)
M. Gérard Larcher, rapporteur. C'est malheureux !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission spéciale. Quel dommage ! (Sourires.)
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Je citerai un autre proverbe chinois, monsieur Fischer : « Si tu lances un pot de fleurs en l'air, prends garde qu'il ne te tombe pas sur la tête ! » (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Guy Fischer. Ça, c'est du chantage, monsieur le ministre ! (nouveaux sourires.)
M. le président. La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais emprunter mon exorde à la conclusion de l'orateur qui m'a précédé à cette tribune.
Monsieur Fischer, ce n'est pas un mauvais proverbe, celui des deux jambes. Simplement, s'agissant de la jambe ancienne, à la date d'aujourd'hui je rappelle qu'il existe, pour des communes comme la vôtre, la fameuse DSU : cette manne « tombe » tous les ans, on ne l'a pas mise en place pour la supprimer par la suite.
Par conséquent, monsieur Fischer, pour assurer votre avenir, vous avez cette « jambe ancienne » qui a fort opportunément été décidée par le Gouvernement. Ce dernier, dès qu'il a eu un peu de marge de manoeuvre sur la DGF, a eu en effet l'honnêteté d'en faire bénéficier les communes les plus défavorisées. (Rires et applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Il faut porter cela à son crédit. Pour autant, le texte que nous examinons pose quelques autres problèmes.
Monsieur le ministre, nous disposons d'une maxime républicaine et d'une Constitution.
La maxime républicaine comprend trois mots : liberté, égalité, fraternité. Pour ce qui est de l'égalité, les constituants y tenaient tout particulièrement, et les Français y sont tout autant attachés.
Or le projet de loi dont nous discutons est un texte de dérogations successives. Par conséquent, il nous faut le manipuler avec une certaine précaution. Certes, la dérogation positive a été reconnue, mais assortie tout de même de certains encadrements. Or, monsieur le ministre, à trop vouloir faire les choses, on prend parfois des risques qui pourraient se révéler inconsidérés.
Ainsi, l'octroi d'avantages fiscaux dans les zones urbaines ne doit pas méconnaître le principe de la libre administration des collectivités locales.
Le Conseil constitutionnel a considéré, s'agissant de la loi du 4 février 1995, en particulier de l'exonération de plein droit de la taxe professionnelle prévue en son article 52, sur le fondement des articles 72 et 34 de la Constitution qui, le premier, précise que les collectivités territoriales « s'administrent librement par des conseils élus et dans les conditions prévues par la loi », et, le second, réserve au législateur la détermination des principes fondamentaux « de la libre administration des collectivités locales, de leurs compétences et de leurs ressources » ainsi que de la fixation des règles concernant « l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures », que le législateur pouvait édicter de telles règles « sans qu'elles aient pour effet de restreindre les ressources des collectivités territoriales au point d'en entraver leur libre administration ».
Néanmoins, le Conseil constitutionnel avait relevé, au préalable, que le paragraphe III de l'article 52 précité prévoyait « un mécanisme de compensation financière à la perte de recettes résultant des exonérations fiscales envisagées ». Or ce mécanisme de compensation, monsieur le ministre, tel qu'il nous arrive de l'Assemblée nationale et tel qu'il est prévu au paragraphe E de l'article 4, qui se borne à renvoyer aux « conditions prévues par la loi de finances pour 1997 », risque de se trouver très fortement contraire aux décisions du Conseil constitutionnel. En effet, il prévoit de confier à l'Etat la charge de la compensation des pertes de recettes résultant des exonérations liées aux créations d'activités, mais uniquement selon les bases de calculs qui seront déterminées dans la loi de finances pour 1997.
Je crois qu'il y a lieu d'attirer l'attention du Gouvernement sur le risque qu'il prend en la matière. On peut se demander effectivement si cette précaution serait considérée comme suffisante pour éviter que les exonérations en cours n'aient pour effet « de restreindre les ressources des collectivités au point d'entraver leur libre administration ».
Le Conseil constitutionnel a en outre relevé, dans sa décision du 26 janvier 1995, que la liberté des élus étaient préservée dans la loi de 1995, puisque, « en tout état de cause, ils conservent la faculté de faire obstacle, par leurs délibérations, à l'application de ces mesures ». Ne serait-ce que pour ce motif, la liberté de décision des élus doit être préservée dans tous les cas de figure.
C'est vous dire, monsieur le ministre, mon attachement au texte proposé par la commission spéciale pour l'article additionnel après l'article 4, texte qui me semble correspondre, beaucoup mieux que le paragraphe E de l'article 4, dans la rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale, à ce souci de constitutionnalité.
Mais il est une autre disposition du projet de loi qui peut également soulever un certain nombre de questions, encore que, d'après ce que je sais, elles recueille l'assentiment de tous. Cela étant, qu'il en soit ainsi au Sénat comme à l'Assemblée nationale ne signifie pas pour autant que le Conseil constitutionnel, si le texte lui était déféré, considérerait que cela va de soi. Je veux parler ici de la condition de résidence prévue pour bénéficier des exonérations sociales.
Certes, il est toujours possible d'argumenter sur les situations particulières et l'exception constructive. La différence de traitement qui résultera de ces exonérations entre les entreprises exerçant dans la zone franche et celles qui exercent en dehors de cette zone paraît en effet « en rapport avec l'objet de la loi », selon les termes utilisés par le Conseil constitutionnel dans des décisions antérieures, notamment celle du 7 janvier 1988, objet qui est de lutter contre les phénomènes d'exclusion et de favoriser l'insertion, notamment professionnelle, des populations des quartiers défavorisés.
Néanmoins, à l'article 13 du projet de loi, on subordonne le bénéfice de ces exonérations de charges sociales, à partir d'un certain seuil de recrutement - cinq salariés dans le texte initial, deux salariés dans le texte de l'Assemblée nationale - à une condition : une proportion de salariés justifiant d'une durée minimale de résidence dans la zone - un an - qui soit égale au cinquième des embauches ou des salariés employés par l'entreprise.
Cette condition de résidence pourrait aboutir à traiter différemment, sur le fondement d'un critère qu'elles ne maîtrisent pas, des entreprises se trouvant dans des situations quasi identiques.
En outre, cette condition pourrait, le cas échéant, être plus difficilement remplie par de très petites entreprises, qui seraient, par exemple, contraintes de recruter des personnes très qualifiées ne résidant pas dans la zone franche que par des entreprises plus grandes devant faire face à la même contrainte mais atteignant la proportion de résidents requis parce qu'elles emploient en outre des personnels moins ou non qualifiés résidant dans la zone franche.
Dans sa décision du 3 juillet 1986, qui concernait les conditions d'exercice du droit de reprise par l'administration fixées par la loi de finances rectificative pour 1986, le Conseil constitutionnel a censuré, sur le fondement du principe d'égalité des citoyens devant la loi, des différences de traitement entre des contribuables qui, selon les termes mêmes de la décision, pouvaient « être placés dans des conditions quasiment identiques ». On peut donc se demander si cette différence de traitement entre les entreprises serait considérée par le Conseil comme correspondant bien à des « différences objectives de situation ».
Le Conseil constitutionnel a pu sanctionner ce qu'il a considéré comme « une rupture caractérisée du principe de l'égalité devant les charges publiques de tous les citoyens » dans sa décision du 16 janvier 1986 sur la loi relative à la limitation des possibilités de cumul entre pensions de retraite et revenus d'activité qui, modifiant le régime de la contribution de solidarité, prévoyait notamment un taux de 50 % au-delà d'un plafond égal à deux fois et demie le montant du salaire minimum de croissance.
Monsieur le ministre, nous nous trouvons devant une difficulté. Certes, M. Idrac a indiqué à la commission spéciale que le Conseil d'Etat, consulté, avait considéré qu'en dessous de la proportion d'un tiers on restait dans les limites de ce qu'il estimait être acceptable par le Conseil constitutionnel.
Cependant, la question n'a jamais été soumise au juge constitutionnel.
Monsieur le ministre, je voudrais, très modestement, attirer votre attention sur le fait que cette disposition, qui me semble acceptée par tous, risquerait d'être fragilisée, dans des conditions que nous ne connaissons pas, si, d'aventure, le texte, sur le fondement d'une autre de ses dispositions, devait être déféré au Conseil constitutionnel.
C'est pourquoi je me permets ce rapprochement entre l'article 4, revu et corrigé par la commission spéciale et auquel j'apporte tout mon soutien, et l'article 13, dont le sort pourrait être remis en question dans la mesure où l'article 4, exagérément anticonstitutionnel, provoquerait la saisine ; même sur ce seul point, du Conseil constitutionnel, lequel ne manquerait pas, comme c'est son droit et, probablement, son devoir, d'élargir cette saisine à l'ensemble du texte.
Je vous supplie donc, monsieur le ministre, de prendre en considération cet argument supplémentaire et de faire en sorte que la rédaction de l'article 4, telle que la commission vous la propose, soit effectivement celle qui figurera définitivement dans le projet de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Je souhaite simplement rappeler à M. Fischer, en ce qui concerne la DSU, que la commune de Vénissieux a bénéficié d'une dotation d'un montant de 3 826 941 francs en 1995 et en 1996 - et pas par l'intermédiaire du Saint-Esprit, monsieur Fischer, même si je n'ai rien contre - de 7 095 181 francs, soit 65 p. 100 d'augmentation !
M. Hubert Falco Eh oui !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Avec une telle dotation, la commune peut certainement supporter quelques emplois de ville !
M. Guy Fischer. Heureusement !
M. le président. La parole est à M. Balarello.
M. José Balarello. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans les décennies cinquante et soixante, la France a édifié de grands quartiers d'habitat social. Ils étaient à l'époque nécessaires. La crise du logement sévissait. Il fallait payer, je vous le rappelle, des pas-de-porte élevés, bien qu'interdits, pour louer un logement souvent sans aucun confort. Par ailleurs, les organismes d'HLM voyaient d'impressionnantes listes de demandeurs s'allonger.
Ces grands quartiers vont représenter souvent des îlots de confort. Conformément au credo de l'époque des grands noms de l'architecture, on a créé les ZUP, zones à urbaniser en priorité, et on y a édifié des ensembles avec barres, tours, étages élevés, afin de concilier la nécessité des espaces verts avec le coût du foncier.
On pratiquait dans ces zones une architecture répétitive, industrialisée, afin de limiter les coûts par la politique dite des « modèles ». La vie y était relativement agréable : peu de chômage ; pas d'insécurité ; une population essentiellement européenne ; des loyers peu élevés grâce à une aide à la pierre massive ; un vandalisme peu important et un taux d'échec scolaire guère plus élevé que dans d'autres quartiers.
Puis, au fil des ans, la situation s'est détériorée. Il y eut le regroupement familial de 1974. Les travailleurs immigrés, qui avaient participé massivement, il faut le rappeler, à la reconstruction du pays, passèrent des foyers pour célibataires aux appartements HLM. Cette catégorie de population ne fut pas logée dans les meilleurs quartiers. Il apparaît aujourd'hui que près de 50 % des ménages originaires de Tunisie, d'Algérie, du Maroc, de Turquie et d'Afrique noire peuvent être considérés comme très mal logés alors que cette proportion ne s'élève qu'à 11 % pour la population française.
Une étude de l'INSEE fait d'ailleurs apparaître un décalage de dix ans entre les conditions de logement des immigrés et celles des Français. A en croire l'une des analyses de l'Institut national des études démographiques, l'INED, le décalage serait encore plus important et tendrait à s'aggraver. Quant au chômage, je vous rappelle que la barre du million de chômeurs a été franchie en 1975, celle des 2 millions en 1982, et que nous avons dépassé celle des 3 millions en 1993.
Pris dans la spirale des impayés et des emprunts à taux élevé, obligés de louer à tout prix et de ne pas laisser vacants des logements, beaucoup d'organismes d'HLM vont entasser les unes avec les autres des familles de toutes ethnies dans les mêmes immeubles et, ensuite, dans les mêmes ensembles. C'est ainsi que se forment les ghettos, les familles logées à l'origine dans ces ensembles demandant à partir pour d'autres quartiers.
Résultat ? Le taux de chômage dans ces grands ensembles est deux fois plus élevé que celui de l'agglomération dont ils font partie. Il est trois fois plus élevé pour les jeunes, l'adresse constituant souvent un cas de refus d'embauche. La petite délinquance y est, de même, très développée.
Tous les responsables d'organismes d'HLM connaissent ce processus qu'ils n'ont souvent pas pu éviter à cause de la très forte pression des demandeurs de logements.
Se dissimuler cette réalité, ne pas en tirer les leçons aurait pour résultat d'amputer d'une grande partie de son efficacité le présent projet de loi, qui est le fruit d'un long travail de réflexion. C'est en effet dès 1974 que la France a choisi la voie - c'est la bonne - qui consiste, d'une part, à freiner fortement l'immigration et à intégrer les immigrés présents sur notre territoire, et, d'autre part, à ne pas accepter les ghettos et donc à diversifier le peuplement des quartiers concernés.
Cette constatation étant faite, je dois dire, monsieur le ministre, que l'arsenal de mesures qui nous est aujourd'hui proposé est impressionnant. Il devrait être efficace, à la condition toutefois que nous n'ayons pas peur des mots et des lobbies à la mode, lesquels ne fournissent aucune solution.
Le pacte de relance pour la ville dont vous nous proposez la mise en oeuvre vient compléter la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995 en adaptant les remèdes à la gravité des situations et en prévoyant des traitements dérogatoires au droit commun d'autant plus puissants que la situation du quartier est plus dégradée. Sont ainsi concernés 709 zones urbaines sensibles en métropole et 35 outre-mer, 350 zones de redynamisation urbaine et 43 quartiers très difficiles - 38 en métropole, 5 outre-mer - dénommés « zones franches urbaines ».
Je limiterai mon propos à ces zones franches urbaines, car la bataille que nous y engageons aux côtés du Gouvernement contre l'exclusion de toute une partie de la population est vitale. Si nous perdons cette bataille, les conséquences de notre échec sur la société française seront très graves : accroissement de la délinquance, de la toxicomanie, de l'échec scolaire, création de zones de « non-droit » échappant aux lois de la République. Ce n'est pas une vue de l'esprit - il suffit de se rendre dans certains quartiers des grandes villes d'Amérique du Nord et du Sud pour s'en convaincre - et le Président de la République s'en est d'ailleurs inquiété dans le discours qu'il a prononcé au Havre le 29 septembre 1995.
Nous approuvons les critères qui déterminent le choix des zones franches : population de plus de 10 000 habitants, taux de chômage élevé, proportion de jeunes supérieure à 36 %, proportion importante de personnes n'ayant aucun diplôme, potentiel fiscal inférieur à 3 800 francs par habitant. Environ 500 000 personnes sont concernées.
Nous estimons, monsieur le ministre, que le dispositif mis en place par le Gouvernement sera attractif pour les entreprises : pas de taxe professionnelle, pas d'impôts sur les sociétés ou sur les bénéfices industriels et commerciaux, pas de taxes foncières en cas d'usage économique du bâtiment ou du terrain, pas de cotisations patronales pour les embauches dans la zone, pas de droits de mutation sur les commerces.
A cette panoplie s'ajoutent un appui particulier au système éducatif ainsi que la majoration du montant des prêts à taux zéro afin d'assurer la mixité de l'habitat.
Sur ce dernier point cependant, je souhaiterais être tranquillisé, monsieur le ministre. J'ai ouï dire que, dans le budget pour 1997, le Gouvernement prévoyait la suppression des prêts à taux zéro pour l'habitat ancien. C'est, à mon avis, une erreur à ne pas commettre. Elle aurait des conséquences sur tout le territoire, mais plus particulièrement dans les zones franches urbaines. Ne rêvons-pas ! Les promoteurs ne s'y précipiteront pas. Seul l'immobilier ancien, souvent vide ou délabré, sera sur le marché et il est indispensable qu'il soit acquis par des particuliers et non par des sociétés d'investissement à fin de location. D'où l'impérieuse nécessité de maintenir en faveur de l'habitat ancien les prêts à taux zéro, et nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour intervenir auprès de M. Périssol.
Parmi les mesures prévues, on compte encore la création d'équipements sportifs de proximité, la délocalisation d'emplois publics et l'application d'indices majorés pour les agents publics affectés dans ces quartiers, ainsi que l'amélioration du réseau commercial.
Cette dernière mesure nous apparaît primordiale afin de casser l'effet « cité-dortoir » dans de trop nombreux ensembles. Ne nous faisons toutefois pas trop d'illusions. A cet égard, M. le rapporteur a fort justement cité dans son rapport l'avis du Conseil national des villes : « Il serait illusoire de penser attirer des activités économiques quelles qu'elles soient dans des quartiers où la sécurité des biens et des personnes n'est pas assurée. »
La commission spéciale a pu se convaincre de cette réalité en auditionnant des représentants du commerce et des chefs d'entreprise. La plupart de ses membres en avaient d'ailleurs déjà conscience. J'ajoute que, bien souvent, les commerces de ces quartiers sont concurrencés par les hypermarchés situés dans l'agglomération, qui, il faut bien le dire, sont plus attractifs, en particulier aux yeux de la clientèle des jeunes.
Il importe donc, mes chers collègues, d'obtenir - M. Fourcade en a parlé avant moi - la réouverture, de jour comme de nuit, des commissariats de police de quartier mettant des effectifs importants à la disposition des habitants.
L'îlotage n'est pas une situation alternative valable. Il faut que les habitants de ces quartiers reconnaissent leurs policiers, comme les ruraux reconnaissent leurs gendarmes. Les policiers pourront ainsi maîtriser bien plus efficacement le vandalisme et la petite délinquance, qui prépare la grande et qui atteint les jeunes de nos banlieues.
Lorsque j'étais président du cinquième office d'HLM de France, ce dernier subventionnait un club sportif, qui recevait également l'aide du ministère de l'intérieur, dont tous les moniteurs étaient des policiers. Avec les deniers de l'office avaient même été construit un gymnase et achetés deux cars d'occasion pour transporter les équipes de football composées de jeunes des cités d'HLM et pour les amener faire du ski le mercredi. Beaucoup n'avaient encore jamais vu la neige.
Les résultats de ce centre de loisirs pour la jeunesse sont étonnants. Le policier n'est plus seulement perçu comme un personnage répressif mais comme un exemple sportif. Près d'un millier de jeunes, de toutes origines, font partie du centre, qui contribue ainsi à la tranquillité des quartiers et à l'intégration.
Je me félicite donc que, à compter de la rentrée scolaire 1996, 4 700 appelés du contingent soient affectés aux établissements scolaires difficiles.
Reste le problème le plus délicat à traiter, celui du logement dans ces quartiers dégradés. Nombre de logements ont cependant déjà été réhabilités dans le cadre des contrats de ville signés voilà quelques années. Nous en avons ainsi signé un ensemble, monsieur le ministre - vous, en tant que président de la région PACA -, le 11 juillet 1994, dans le cadre du pacte Etat-région-Ville de Nice.
J'ai noté, monsieur le ministre, que vous aviez obtenu de la Caisse des dépôts et consignations le déblocage de prêts locatifs aidés très sociaux - les PLATS -, à hauteur de 5 milliards de francs en trois ans, qui permettront de réhabiliter 500 000 logements dégradés. En outre, cette même caisse sera en mesure de mettre 7,5 milliards de francs à la disposition des communes sous forme de prêts au taux de 5,5 % pour l'amélioration de l'entretien et de la gestion des logements sociaux, le Crédit local de France faisant de même à hauteur de 1 milliard de francs pour améliorer l'environnement urbain dans ces zones difficiles.
C'est donc un effort financier considérable, surtout dans le contexte budgétaire actuel, que vous avez obtenu. Il couvrira également le secteur de la santé, ainsi que celui de l'insertion sociale et culturelle.
Le pacte de relance prévoit également en son article 32 l'obligation, pour les communes où se situe une zone urbaine sensible telle que définie à l'article 42 de la loi du 4 février 1995, de créer une conférence communale - ou intercommunale si le quartier dégradé est situé sur le territoire de plusieurs communes - du logement.
Cette conférence aura une tâche très importante à accomplir, puisqu'il lui reviendra d'élaborer la charte communale ou intercommunale des attributions de logements et de veiller à son application. La charte fixe « notamment les objectifs généraux d'attribution, le cas échéant quantifiés, visant à l'amélioration de l'équilibre résidentiel au sein des communes concernées et en premier lieu dans la zone urbaine sensible ».
Les dispositions de la charte devront être compatibles avec celles du règlement départemental prévu à l'article L. 441-2. Cet article et le rôle de ces commissions seront capitaux. J'avais déjà évoqué ce problème des attributions de logements devant notre Haute Assemblée, le 3 avril 1990, lors de la discussion du projet de loi portant sur le droit au logement. M. Gérard Larcher s'en souvient puisque nous étions tous deux rapporteurs du texte. Du contenu de ces chartes, de la volonté exprimée par les participants, de leur vision des équilibres de peuplement et de leur diversité dépendront la création ou non, la destruction ou non des ghettos qui ont commencé à se former dans notre pays.
A ce propos, monsieur le ministre, n'hésitons pas à raser quelques tours ou barres et à laisser des logements vides avant même que ne se traduise sur le terrain la dynamique engendrée par ce texte.
Cependant, mes chers collègues, si un certain transfert des responsabilités s'opérera des responsables d'organismes sociaux vers les membres de la conférence communale ou intercommunale, les uns et les autres ne seront pas à l'abri de tracasseries judiciaires, de même d'ailleurs que les administrateurs de l'établissement public dont la création est prévue à l'article 27 du projet de loi et qui s'occupera de la redistribution des commerces.
C'est la raison pour laquelle j'avais déposé, le 18 juin 1991, lors de l'examen du projet de loi d'orientation pour la ville, un amendement portant sur la répartition des logements, amendement que notre assemblée avait voté. M. Fourcade m'avait d'ailleurs apporté son appui. Mais cet amendement fut repoussé à l'époque par l'Assemblée nationale.
Je viens donc de déposer un amendement ayant le même objectif, à savoir permettre aux organismes d'HLM de veiller à une répartition équilibrée des populations dans les grands ensembles sans risquer la sanction pénale qui fut infligée à M. Frédéric Pascal, président de la Société centrale immobilière de la Caisse des dépôts, la SCIC, et ancien président d'Amnesty International.
Le défi que vous venez de lancer au nom de l'Etat, monsieur le ministre, ne pourra être relevé que grâce à l'engagement d'un tissu associatif dense, à vocation notamment sportive et culturelle, qu'il faut encourager - l'article 38 du projet de loi y pourvoit d'ailleurs -, à l'engagement des comités des habitants du quartier qu'il faut responsabiliser, car ils sont à l'heure actuelle totalement déresponsabilisés, à l'engagement des centres d'apprentissage et de formation, mais surtout, monsieur le ministre, à l'engagement total des collectivités locales dont le Sénat est certainement le représentant le plus qualifié.
Je pense que le présent projet de loi, dont l'importance apparaîtra rapidement à tous, permettra de dépasser les clivages politiques et de recueillir un large consensus. Vous avez en effet, monsieur le ministre, réalisé avec M. Raoult un travail dont je me plais à souligner la qualité.
L'enjeu est vital pour assurer la paix publique, l'intégration et l'ordre républicain dans les décennies à venir. Si ce pacte était voué à l'échec, les conséquences seraient dramatiques pour la France. Aussi, monsieur le ministre, vous pouvez compter sur l'appui inconditionnel du groupe des Républicains et Indépendants. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du RPR, ainsi que sur certains travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Lagourgue. M. Pierre Lagourgue. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je constate avec satisfaction que le projet de loi relatif à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville, que nous examinons aujourd'hui, tient compte des conditions économiques, sociales et géographiques des départements d'outre-mer.
En effet, nous avions pu regretter que la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995 n'ait pu profiter pleinement aux départements d'outre-mer, certains des critères retenus y étant inapplicables. Ainsi, pour être classées zones de redynamisation urbaine, les communes concernées devaient être éligibles à la dotation de solidarité urbaine, la DSU. Or, cette dotation n'étant pas prévue pour l'outre-mer, aucune zone de redynamisation urbaine ne put y être créée. Dans le présent projet de loi, le critère relatif à la DSU disparaît pour la définition des zones de redynamisation urbaine.
Je tiens à en remercier M. Gaudin, ainsi que M. Raoult, qui, lors de son voyage aux Antilles au mois de juillet dernier, a expressément déclaré que les dispositions de ce texte devaient être adaptées à l'outre-mer. Je remercie également M. Fourcade et M. Gérard Larcher, qui, au nom de la commission, ont proposé des améliorations notables en faveur des départements d'outre-mer.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission spéciale. Nous y sommes très attachés.
M. Pierre Lagourgue. Le présent projet de loi, monsieur le ministre, est ambitieux tant par ses moyens - le coût des mesures fiscales qui seront instituées est très important - que par ses objectifs. Ils sont multiples : accroître l'activité et créer des emplois, restaurer la paix publique, rétablir l'égalité des chances par l'école, rénover les logements et, enfin, renforcer la position des partenaires de la politique de la ville.
Je ne m'attarderai que sur le premier de ces objectifs : l'emploi, car c'est aussi le premier souci dans les départements d'outre-mer, qui, je le rappelle, détiennent les records en matière de taux de chômage : 30 % aux Antilles, 37 % à la Réunion, soit quelque trois fois plus qu'en métropole.
Les zones prioritaires d'action en faveur de l'emploi sont classées en trois catégories, par ordre croissant des difficultés que l'on y rencontre, et donc des avantages fiscaux qui y seront liés.
En ce qui concerne la Réunion, les critères retenus pour la définition de la zone urbaine sensible, c'est-à-dire, « la présence de grands ensembles ou de quartiers d'habitat dégradé et le déséquilibre entre habitat et emploi » correspondent, en fait, à la situation de la majeure partie des quartiers de chaque commune de mon département.
Nous avons, hélas ! les critères les meilleurs - c'est-à-dire que nous connaissons les pires situations - pour bénéficier de mesures spécifiques.
J'irai même plus loin, puisque je considère que la définition de la « zone de rédynamisation urbaine », appréciée dans les départements d'outre-mer, comme ailleurs, en fonction « du taux de chômage, du pourcentage de jeunes de moins de vingt-cinq ans et de la proportion de personnes sorties du système scolaire sans diplôme » s'applique, toujours en ce qui concerne mon département, aux quartiers qui seront classés en zones urbaines sensibles selon la liste figurant dans le décret du 28 mai 1996.
Il faudra donc que les futurs décrets qui énuméreront les zones urbaines sensibles et les zones de redynamisation urbaine soient beaucoup plus larges que les avant-projets dont nous avons pu avoir connaissance.
La création de quarante-quatre zones franches urbaines, dont six dans les départements d'outre-mer, permettra aux entreprises qui y sont installées, ou qui s'y installeront, de bénéficier pendant cinq ans de nombreuses exonérations, qu'il s'agisse de la taxe professionnelle, de la taxe foncière, de l'impôt sur les sociétés ou sur les bénéfices industriels et commerciaux, ou bien encore de l'exonération des cotisations sociales.
J'avais cependant, à ce sujet, deux inquiétudes, mais les propos de M. le rapporteur m'ont rassuré.
D'une part, ces exonérations ne devraient concerner que les entreprises qui réalisent moins de 15 % de leur chiffre d'affaires à l'exportation. Or, cette condition imposée par les instances européennes ne tient compte ni de la situation ultrapériphérique des départements d'outre-mer, ni de l'étroitesse des marchés locaux de ces régions. Le bon sens impose en effet que les entreprises d'outre-mer se tournent vers des débouchés extérieurs si elles veulent se développer et ainsi créer des emplois.
Aussi, monsieur le rapporteur, j'approuverai avec enthousiasme l'amendement que vous nous soumettrez et visant à supprimer ce critère en ce qui concerne les départements d'outre-mer.
D'autre part - et c'est une préoccupation que j'ai très souvent entendue de la part des entreprises - les avantages attachés à l'implantation dans une zone franche urbaine ne manqueront pas de fausser le jeu de la concurrence entre les entreprises situées à l'intérieur du périmètre délimité et, par voie de conséquence, éligibles aux diverses exonérations, et celles qui sont établies en dehors de ce périmètre même si elles sont à la périphérie immédiate de la zone franche. Nos espaces sont limités. Nous n'avons donc pas les mêmes conditions qu'en métropole.
La création envisagée de comités d'orientation et de surveillance dans chaque zone franche devrait certes prévenir la survenance de ces effets pervers en faisant la chasse aux chasseurs de primes. Cependant, la tâche de ces comités ne sera ni facile ni exempte de critiques.
Cela dit, je persiste à penser que si la création de zones franches urbaines est nécessaire, elle est cependant insuffisante dans les départements d'outre-mer, compte tenu de leurs handicaps en matière économique et sociale, notamment de leur taux de chômage et de leur éloignement.
La notion de zone franche doit être étendue à l'ensemble du territoire de chacun des départements d'outre-mer, comme cela a été proposé pour la Corse, département qui a pourtant une situation économique bien meilleure que la nôtre, ne serait-ce qu'en raison d'une compensation financière dans le domaine du transport. A tout le moins conviendrait-il d'accorder à tous les établissements économiques d'outre-mer - et c'est important - le statut d'« entreprises franches » et les avantages qui y sont attachés.
C'est donc un appel au secours que je lance aujourd'hui aux responsables gouvernementaux pour que la situation économique des départements d'outre-mer fasse l'objet d'un examen d'urgence et pour que des mesures exceptionnelles soient prises.
Sous le bénéfice de ces observations que je livre à votre méditation, monsieur le ministre, le projet de loi que vous nous soumettez a le mérite de proposer une véritable politique pour la ville, que nous approuvons : il constitue une réelle avancée en ce domaine.
Pour terminer, permettez-moi de formuler un voeu : je souhaite en effet que, dans le cadre de l'action en faveur de l'aménagement du territoire -, dont vous avez la charge, monsieur le ministre - le futur pacte de relance de l'espace rural intervienne rapidement pour corriger, en faveur des départements d'outre-mer, la loi du 4 février 1995, comme s'y est engagé votre collègue M. de Peretti, ministre délégué à l'outre-mer. En effet, force est de constater que les départements d'outre-mer ont été les laissés-pour-compte de cette loi d'aménagement du territoire, qui a exclu, de fait, l'outre-mer du bénéfice de nombreuses de ses dispositions.
C'est avec cet espoir que je réitère ma confiance en votre action, monsieur le ministre, et que je voterai ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Merci, monsieur Lagourgue.
M. le président. La parole est à M. Braye.
M. Dominique Braye. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en abordant l'examen de ce projet de loi il faut, je crois, être avant tout d'accord sur un objectif et un constat. Après seulement, nous pourrons discuter des moyens à mettre en place pour atteindre cet objectif.
L'objectif est bien de remédier à la situation dramatique que connaissent les nombreux quartiers difficiles et de refuser de continuer à laisser s'aggraver par l'absence ou l'inadéquation de nos interventions, les tensions sociales dans certains endroits de notre territoire national. Je suis sûr que notre désir et notre but à tous est de tout faire pour empêcher cette dérive.
Le constat est, nous sommes tous bien obligés de l'admettre, l'échec de toutes les politiques de la ville précédemment initiées, qui n'ont pu empêcher la montée d'une exclusion profonde et durable. Ces échecs répétés sont dus essentiellement à deux erreurs fondamentales de diagnostic.
La première est le fait que l'on ait considéré que tous les problèmes rencontrés dans les banlieues étaient imputables à l'urbanisme théoriquement déshumanisé et concentrationnaire de ces grands ensembles : c'est la fameuse « théorie de la pierre » dont parlait M. le rapporteur. Pour avoir vécu au Val-Fourré, à Mantes-la-Jolie et pour avoir ensuite suivi, en tant qu'élu local, avec une très grande attention, l'évolution de ce quartier et sa rapide dégradation, je puis vous affirmer que si ceux qui avançaient de telles théories étaient venus y vivre ne serait-ce que deux semaines, ils se seraient rapidement rendu compte de leur erreur.
La seconde erreur a été de croire que l'on pourrait résoudre tous les problèmes en assistant de façon systématique et, à tous les niveaux cette partie de notre population.
J'y ajouterai, pour ma part, un troisième élément, qui, selon moi, est non pas une erreur, mais une faute : cette politique de la ville, qui est née au début des années quatre-vingt et pour laquelle des sommes considérables ont été dépensées, a été menée sans contrôle, sans évaluation et sans remise en cause des deux dogmes dont je vous ai parlé précédemment et qui pourtant étaient totalement erronés.
Puisque nous sommes tous d'accord sur les objectifs de la politique de la ville et apparemment aussi sur le constat concernant celle qui a été menée jusqu'à ce jour, il est donc nécessaire de mettre en place les mesures pour atteindre le but que nous souhaitons tous atteindre.
Eh bien, mes chers collègues, ces mesures figurent pour l'essentiel dans le pacte de relance pour la ville annoncé par le Premier ministre le 18 janvier dernier à Marseille, et dont une partie nous est aujourd'hui soumise.
Il s'agit d'une partie seulement, car compte tenu de la volonté et de l'engagement du Président de la République, le Gouvernement avait décidé d'agir le plus rapidement possible, et un certain nombre de mesures réglementaires et de textes législatifs ont déjà été adoptés. C'est ainsi que la circulaire relative aux emplois de ville a été signée en juin dernier, comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, et permettra l'embauche de 100 000 jeunes âgés de dix-huit à vingt-cinq ans pour une durée de cinq ans, grâce à une aide importante de l'Etat.
Je pense aussi à l'exonération de supplément de loyer de solidarité pour les logements sociaux situés en zone urbaine sensible, loi dont j'ai eu l'honneur d'être le rapporteur devant la Haute Assemblée au début de l'année. Je songe encore à la réforme de la dotation de solidarité urbaine, votée le 26 mars et qui apporte aux municipalités concernées un important supplément de ressources, et, enfin, à la réforme de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante et qui vise les mineurs multirécidivistes, problème émergent majeur de nos cités.
Si ce projet de loi qui est soumis à notre approbation ne représente qu'une partie des mesures du pacte de relance, je partage totalement l'avis de notre rapporteur, Gérard Larcher, selon lequel il constitue une avancée décisive pour la politique de la ville et une réponse tout à fait novatrice au vaste problème des banlieues en difficulté.
En effet, jusqu'à présent, jamais un gouvernement n'avait envisagé un plan d'une telle envergure. Ce projet de loi est nouveau et ample. Surtout, il propose pour la première fois une approche systématique et globale du traitement des problèmes des quartiers en difficulté.
Je ne reprendrai naturellement pas les différentes mesures de ce projet de loi, qui nous ont été présentées de façon magistrale, comme à l'accoutumée, par notre rapporteur mais j'insisterai sur un certain nombre de points qui me paraissent particulièrement importants.
D'abord, c'est la première fois que le développement économique et donc l'emploi sont au centre du système. Il était grand temps d'abandonner cette culture de l'assistanat social systématique générateur de dépendances, de stagnations et d'injustices. La remplacer par une organisation dynamique et active privilégiant la responsabilité et l'engagement des citoyens concernés est la seule voie de la réussite. Ils seront ainsi des partenaires actifs du changement de leur cadre de vie, dont ils pourront à terme, sans fausse démagogie, s'approprier une part importante du succès, retrouvant ainsi leur dignité et une véritable citoyenneté.
Encore faut-il donner à ceux qui le souhaitent les chances d'y arriver, et cela conduit normalement au débat sur le principe de la discrimination positive mis en avant par certains pour s'opposer à ce projet de loi, principe dont on aurait pu d'ailleurs croire qu'ils seraient les premiers défenseurs au nom de la solidarité.
Eh bien, pour ma part, mes chers collègues, je n'ai aucun état d'âme, bien au contraire.
J'estime que les mesures présentées manifestent la solidarité de l'ensemble de la nation à l'égard des zones et des concitoyens les plus déshérités de notre territoire national. Ne pas appliquer ce principe dans ce cas-là serait éminemment condamnable et relèverait moralement de la non-assistance à citoyen en danger.
A côté de cela, nous avons le devoir d'affirmer notre détermination, car rien ne serait pire que de faire preuve d'utopisme ou d'angélisme.
C'est dans cet esprit que la commission spéciale a présenté un certain nombre d'amendements, notamment ceux qui concernent l'article 4, lesquels, s'ils sont adoptés, favoriseront dans les zones franches l'implantation de vraies entreprises de main-d'oeuvre avec de véritables moyens d'exploitation pouvant, au terme de cinq ans, sortir de façon progressive du système d'exonérations.
De la même façon, le projet de loi en son état actuel ne prévoit pas d'exonération pour les cotisations personnelles des commerçants, artisans et professions libérales dans ces zones franches. Pour ma part, il me paraîtrait profondément injuste que soient écartés de ce dispositif ces acteurs de terrain qui ont réussi, grâce à leur courage et à leur ténacité, à rester dans ces quartiers, dans des conditions souvent terriblement difficiles, maintenant ainsi ce lien social indispensable avec les habitants. Mes chers collègues, je suis sûr que vous aurez à coeur de corriger cette lacune en adoptant l'amendement visant à insérer un article additionnel après l'article 7.
Le deuxième point sur lequel je voudrais insister, après les mesures d'ordre économique qui permettront de rétablir les équilibres habitat-activité et habitat-commerce, vise les mesures concernant le logement, qui doivent permettre de rétablir l'équilibre de l'habitat en y instaurant une réelle mixité sociale.
Le projet de loi prévoit l'obligation pour les communes dotées d'une zone urbaine sensible d'élaborer un plan local de l'habitat : cette mesure est capitale, car elle engagera une réflexion globale de la politique de l'habitat sur un territoire précis et permettra donc de rectifier les tendances et de corriger les dérives qui ont pu apparaître au cours du temps. Je formulerai cependant le regret que le territoire concerné reste celui de la commune alors que, comme nous le savons tous, il serait fortement souhaitable, pour trouver une solution optimale à ces problèmes de l'habitat, de l'élargir à un espace intercommunal, voire à l'espace d'un bassin de vie.
De la même façon, les conférences communales ou intercommunales du logement doivent garder la plus grande transparence pour parvenir à rétablir la mixité sociale là où elle a disparu et à la garantir dans les sites où elle existe encore.
Quant au dispositif sur les copropriétés dégradées, qui est particulièrement intéressant pour résoudre ce problème difficile, la commission spéciale propose un certain nombre d'amendements qui visent à engager les procédures nécessaires le plus précocement possible, tout en constatant que l'on intervient presque toujours pour remédier à des situations très dégradées.
Le troisième et dernier point sur lequel je voudrais attirer votre attention - il me paraît capital, car il conditionne non seulement la réussite des deux premiers points mais aussi la réussite globale du pacte de relance pour la ville - est le problème de la sécurité.
Le rétablissement de l'ordre républicain et de la sécurité des biens et des personnes est le préalable indispensable à la réussite de toute politique de la ville. Ce point est tellement important qu'aucun des orateurs n'a oublié de le mentionner et d'y insister depuis le début de la matinée.
Du point de vue économique, la défiscalisation est nécessaire pour attirer activités et commerces. Mais tous les chefs d'entreprise, sans exception, vous diront qu'elle n'est pas suffisante et qu'il faut, de plus, recréer un environnement propice à l'exercice de leur activité, ce qui passe nécessairement par le rétablissement de la sécurité.
De même, la mixité sociale de l'habitat ne se décrète pas, pas plus que l'on ne contraint des familles à revenus intermédiaires à venir s'installer dans certains quartiers. Cela se fera spontanément quand les quartiers concernés feront à nouveau partie du parcours résidentiel classique des jeunes ménages et des classes moyennes, c'est-à-dire quand toutes les conditions seront réunies pour que les différentes populations puissent vivre ensemble de façon harmonieuse.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, en tant que président du district urbain de Mantes-la-Jolie et sénateur des Yvelines, je suis confronté quotidiennement à cette dualité culturelle, économique et sociale, que j'ai vu d'ailleurs s'aggraver considérablement pendant les quinze années au cours desquelles j'ai exercé un mandant d'élu local.
Pour beaucoup, les Yvelines sont l'un des départements les plus beaux et les plus riches de France. Il n'est d'ailleurs nul besoin de citer ces villes emblématiques que sont Versailles, Saint-Germain-en-Laye, Rambouillet,...
M. Gérard Larcher, rapporteur. Bien sûr !
M. Dominique Braye. ... dont le maire est le rapporteur de la commission spéciale, Gérard Larcher, villes qui sont connues pour la beauté de leurs sites, de leurs forêts et de leurs châteaux.
Mais les Yvelines, c'est sont aussi Mantes-la-Jolie avec le Val-Fourré, Les Mureaux avec la Vigne-Blanche, Chanteloup-les-Vignes, Trappes, Sartrouville et bien d'autres villes.
Mes chers collègues, face au désarroi de certains habitants de ces quartiers, des entrepreneurs et des commerçants qui y sont installés, de cette jeunesse désoeuvrée, il fallait apporter à l'échelon national une réponse forte, claire, globale et adaptée.
Le projet de loi que vous nous soumettez, monsieur le ministre, apporte manifestement cette réponse ; je voudrais à cette occasion vous en rendre hommage, car ce texte est de toute évidence le fruit, d'une part, d'une longue concertation avec tous les partenaires concernés, qu'ils soient élus locaux, représentants du monde socio-économique ou associatif, et, d'autre part, d'un travail considérable de deux ministres qui connaissent parfaitement le sujet grâce à l'exercice de leurs mandats locaux.
C'est donc avec enthousiasme et réalisme que je voterai ce projet de loi ainsi que les améliorations proposées par M. le rapporteur, au nom de la commission spéciale du Sénat. Je le voterai avec enthousiasme pour les raisons que j'ai citées précédemment, et avec réalisme, car je sais qu'il nous faudra mobiliser tous les acteurs pour que le marché vienne, au moment propice, prendre le relais des interventions publiques qui, si elles sont, certes, très importantes, ne sont cependant pas inépuisables.
Il nous faudra donc continuer à faire preuve, de façon durable, de courage et de ténacité, car les difficultés ne s'effaceront pas du jour au lendemain.
Sachez en tout cas, monsieur le ministre, que je suivrai naturellement de très près l'application de ce projet de loi, qui, s'il n'est pas un aboutissement, constitue néanmoins une étape très importante de la politique de la ville et est le signe de notre réelle et très forte volonté de réduction de la fracture sociale et territoriale de notre pays. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. Mes chers collègues, la suite de la discussion de ce projet de loi est renvoyée à la séance de demain.
Nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue. (La séance, suspendue à treize heures cinq, est reprise à seize heures, sous la présidence de M. René Monory.)

PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY

M. le président. La séance est reprise.

3

POLITIQUE GÉNÉRALE

Débat et vote sur une déclaration du Gouvernement

M. le président. L'ordre du jour appelle une déclaration de politique générale du Gouvernement, suivie d'un débat et d'un vote sur cette déclaration, en application de l'article 49, quatrième alinéa, de la Constitution.
La parole est à M. le Premier ministre. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) M. Alain Juppé, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, compléter, renforcer, dynamiser notre politique pour l'emploi, telle est la priorité de l'action que nous sommes décidés à conduire au cours des prochains mois.
Pour atteindre cet objectif, nous nous sommes donnés trois armes.
La première, c'est le projet de loi de finances pour 1997, qui vous sera soumis dans quelques semaines et qui repose sur des principes tout simples, à savoir qu'on ne peut obtenir de créations d'emplois sans croissance et qu'il n'y a pas de croissance sans un rétablissement des grands équilibres budgétaires et financiers. C'est la raison pour laquelle, pour la première fois depuis bien des années, nous sommes parvenus à stabiliser les dépenses de l'Etat, qui ne seront pas plus élevées en 1997 qu'elles ne l'ont été en 1996. Nous avons également réduit le déficit public et nous engageons une réforme de l'impôt sur le revenu, qui sera sensiblement abaissé.
Cette réforme est une réforme juste. Vous savez à quelle idée générale elle répond : tout au long des années qui viennent de s'écouler, on a systématiquement, du point de vue fiscal, privilégié les revenus de ce qu'un Président de la République appelait « l'argent qui dort », au détriment des revenus du travail. C'est cette injustice-là que nous souhaitons corriger et c'est toute la philosophie de la réforme qui vous est proposée.
Cette réforme est simple : elle consiste à abaisser tous les taux de toutes les branches du barème. Elle est ambitieuse, puisque l'on n'a jamais proposé au Parlement une réduction du quart du montant de l'impôt sur le revenu comme nous le faisons cette année. Elle est durable, puisque nous vous demanderons de voter le barème de l'impôt sur le revenu des cinq prochaines années, ce qui donnera la lisibilité nécessaire à tous les acteurs économiques. Il s'agit donc d'un projet de loi de finances qui innove.
Ensuite - c'est notre deuxième arme dans cette lutte pour l'emploi - nous vous proposerons un projet de loi de financement de la sécurité sociale qui, par définition, innove, puisqu'il est le premier que la représentation nationale aura l'occasion de discuter.
Je le rappelle, ce dispositif était au coeur de la réforme de la sécurité sociale que je vous ai proposée l'an dernier. Depuis bien des années, le Parlement souhaitait être saisi périodiquement d'un débat sur les grands équilibres de notre protection sociale. Eh bien ! grâce à la réforme mise en oeuvre, c'est désormais chose faite. Il ne s'agit pas, contrairement à ce que j'ai lu ici ou là, d'un énième plan élaboré en catastrophe, mais bien du rendez-vous annuel entre la représentation nationale et la sécurité sociale.
Ce débat sera, j'en suis sûr, l'occasion de faire avancer la réforme que nous sommes en train de mettre en place et qui sera notamment marquée, dans le courant du mois d'octobre, par la diffusion du carnet de santé, qui sera l'un des instruments les plus efficaces de maîtrise de la dépense. Je recevais, ce matin même, le président du conseil de l'Ordre des médecins, qui nous a beaucoup aidés dans la définition de ce carnet de suivi médical et qui m'a assuré du soutien de l'Ordre dans sa diffusion et sa mise en oeuvre.
Enfin, la troisième arme de cette politique pour l'emploi, c'est la stabilité de la monnaie, qui nous assure la baisse des taux d'intérêt.
Je voudrais, sur ce point, souligner les résultats, inattendus par leur ampleur, qui ont été obtenus depuis un an. Je me souviens qu'à l'été 1995, à une époque où les taux d'intérêt à court terme étaient supérieurs à 6 %, l'on rêvait d'une détente de ces taux qui nous ramènerait entre 4 % et 4,5 %. Vous connaissez les derniers chiffres : nous sommes en dessous de 3,5 % et aux alentours de 6 % pour les taux à long terme.
Cette évolution exceptionnellement favorable ne peut pas ne pas avoir d'effets diffus dans l'ensemble de l'économie, au profit des collectivités territoriales, au profit des entreprises qui investissent, au profit des particuliers qui équipent leur ménage ou qui achètent leur logement.
Quant à notre monnaie, elle se tient aujourd'hui remarquablement, ce qui est un facteur d'indépendance, de rayonnement et de prospérité pour la France. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Cette stabilité de la monnaie et cette détente jusque-là jamais enregistrée des taux d'intérêt nous permettent d'avancer dans notre marche vers la monnaie unique, qui a désormais conquis sa crédibilité et qui constitue le coeur du projet politique susceptible de renforcer l'Union européenne dans un monde qui s'organise.
Cette monnaie unique nous apportera beaucoup. A deux conditions, il est vrai, que je voudrais rappeler devant la Haute Assemblée.
La première de ces deux conditions, c'est l'existence, entre les pays qui seront entrés dans l'Euro et les pays dont la monnaie sera toujours candidate, d'une règle du jeu claire qui nous mette à l'abri des dévaluations compétitives que nous avons subies au cours des dernières années. La France est arrivée à faire accepter cette idée par ses partenaires, ce qui n'était pas évident voilà quelques mois seulement. A Dublin, récemment, les ministres de l'économie et des finances ont ainsi fait des progrès tout à fait décisifs dans la mise en place d'un système monétaire européen bis , qui garantira cette règle du jeu entre les pays qui seront dans l'Euro et ceux qui n'y seront pas encore.
La seconde condition pour que la monnaie unique soit un atout dans la compétition internationale, c'est que sa parité avec les grandes monnaies du monde, tout particulièrement avec le dollar, soit gérée conformément aux réalités économiques. De ce point de vue, nous ne nous lasserons pas de répéter que se pose un problème de sous-évaluation chronique du dollar, auquel il faudra porter remède lorsque nous en aurons les moyens grâce à la constitution de la monnaie unique et de l'Euro. (Très bien ! sur les travées du RPR.)
Les premiers signes encourageants de cette politique sont apparus. (Protestations sur les travées socialistes.) Eh oui ! hormis quelques observateurs frappés de cécité, tout le monde le dit aujourd'hui ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Je ne connais pas un seul observateur économique, une seule organisation nationale ou internationale qui ne prédise pas pour 1997 une croissance deux fois plus rapide qu'en 1996,...
M. Pierre Mauroy. Vous devriez vous méfier des observateurs !
M. Alain Juppé, Premier ministre. ... hormis le groupe socialiste du Sénat, qui manifeste ainsi son originalité ! (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
Quelles que soient les difficultés du temps - et sachez bien que je ne les sous-estime pas : je connais les difficultés, la souffrance des familles dont les enfants sont frappés par le chômage - nous voyons apparaître aujourd'hui des signes encourageants : une inflation maîtrisée, un commerce extérieur très excédentaire, ce qui donne du travail à un Français sur quatre,...
M. René-Pierre Signé. C'est la méthode Coué !
M. Alain Juppé, Premier ministre. ... des taux d'intérêt historiquement bas, je l'ai rappelé tout à l'heure, et les perspectives de croissance que je viens de souligner.
De nombreux sénateurs socialistes. Et les sondages ?
M. Alain Juppé, Premier ministre. Je ne fais pas, moi, d'économie avec les sondages. C'est une nouvelle différence avec le groupe socialiste du Sénat ! (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.) C'est toute la différence entre une politique à la petite semaine et une politique qui prend en compte l'intérêt national. (Vifs applaudissements sur les mêmes travées. - Protestations sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Ivan Renar. Et le chômage ?
Mme Hélène Luc. Oui : le chômage, pas les sondages !
M. Alain Juppé, Premier ministre. Je suis affligé, mesdames, messieurs les sénateurs, par le niveau de l'argumentation qui me parvient aux oreilles en provenance de la gauche. (Vives protestations sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Attendez que nous nous exprimions !
M. Alain Juppé, Premier ministre. Je ne suis pas le seul à voir apparaître ces signes encourageants puisqu'un grand journal, qui n'est pas spécialisé dans la propagande pro-gouvernementale, titrait ce matin : « L'immobilier repart enfin ». Il se passe donc bien quelque chose aujourd'hui dans le domaine de l'économie ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Protestations sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Ivan Renar. Oui : la spéculation est en hausse.
M. Alain Juppé, Premier ministre. M. Périssol a rappelé récemment que la période au cours de laquelle nous avons vécu le sinistre le plus important en matière d'accession à la propriété et de mise en construction de logements a été celle qui s'est étendue entre 1989 et 1993, au cours de laquelle vous avez fait vos preuves en matière de logement, messieurs les socialistes ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
La spéculation n'a jamais atteint le degré auquel elle est parvenue en 1989, en 1990 et en 1991. Et qui était alors au pouvoir ? (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
M. Claude Estier. Et la mairie de Paris ?
M. Alain Juppé, Premier ministre. Est-ce à dire, mesdames, messieurs les sénateurs, qu'il suffit de continuer et que l'amélioration qui se dessine est de nature à répondre à toutes nos attentes ? Evidemment non : il faut aller plus loin afin que cette croissance retrouvée soit aussi plus riche en emplois.
A cet égard, il faut accroître l'aide aux petites et moyennes entreprises, qui ont été si surtaxées et pressurées pendant la précédente période. (Vifs applaudissements sur les mêmes travées.)
M. René-Pierre Signé. C'est une caricature !
M. Alain Juppé, Premier ministre. Nous venons, de ce point de vue, de franchir une étape décisive avec la jonction de ce qui j'appellerai la ristourne Balladur et la ristourne Juppé au 1er octobre 1996, qui assure désormais une baisse de 13 % des charges sociales sur les entreprises qui emploient de la main-d'oeuvre peu qualifiée.
Nous irons plus loin pour aider les entreprises à se créer, à exporter, en réformant le code des marchés publics.
De façon plus générale, conformément aux excellentes propositions qui figurent dans le rapport de l'un d'entre vous, le sénateur Philippe Marini (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE), nous réformerons le droit des sociétés de façon à leur donner un cadre juridique clair et précis. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
Il nous faut ensuite, mesdames, messieurs les sénateurs, aller plus loin dans le développement des emplois de proximité, parce qu'il est vrai que c'est une bonne manière de conforter la croissance et l'emploi. Nous l'avons fait avec les emplois de ville, nous l'avons fait avec le contrat initiative-emploi pour les jeunes sans qualification. (Protestations sur les travées socialistes.)
Eh oui ! le chômage des jeunes s'est stabilisé depuis un an (Nouvelles protestations sur les mêmes travées), ce qui n'avait pas été le cas entre 1990 et 1993. Nouvelle vérité difficile à entendre ! (Brouhaha sur les travées socialistes.)
Nous le ferons à nouveau au 1er janvier 1997, grâce au Sénat en grande partie, qui nous a permis de trouver la bonne solution pour mettre en oeuvre la prestation autonomie au début de l'année prochaine. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Ce texte vous sera prochainement soumis, conformément aux orientations que vous avez proposées.
Il faut aller plus loin dans l'encouragement au temps choisi parce que nous savons bien qu'un partage du temps de travail, dans le monde où nous vivons, est l'une des façons de répondre au problème du chômage.
M. Alain Richard. Vous n'avez pas toujours dit cela !
M. Philippe Labeyrie. Vous étiez contre !
M. Alain Juppé, Premier ministre. La majorité a adopté récemment un texte important relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail. Il est désormais opérationnel puisque les textes d'application sont parus au Journal officiel. Il commence à être utilisé par de nombreuses entreprises.
Il faut, enfin, aller plus loin dans l'alternance et dans l'insertion professionnelle des jeunes. Après la réforme réussie de l'apprentissage, menée à bien par M. Jacques Barrot au début de cette année, il nous faut mettre en oeuvre la réforme de l'éducation nationale, dont l'une des grandes ambitions, vous le savez, est le développement de toutes les formations en alternance, que ce soit à l'intérieur des établissements scolaires ou directement dans le monde de l'entreprise.
M. Jean-Louis Carrère. En réduisant les crédits budgétaires !
M. Alain Juppé, Premier ministre. Voilà quelques-unes des directions dans lesquelles je vous propose d'aller plus loin pour mobiliser l'ensemble des énergies nationales contre ce fléau que constitue le chômage, et tout particulièrement le chômage des jeunes.
Le Gouvernement est ouvert, dans ce domaine, à toute proposition nouvelle. Je suis particulièrement attentif à celles que formule M. le président du Sénat sur la base de l'expérience qu'il a sur le terrain.
Je crois, en effet, que la mobilisation de tous les acteurs de l'économie, des collectivités décentralisées et des entreprises dans ce que j'ai appelé un véritable devoir national d'insertion est aujourd'hui nécessaire si nous voulons faire entrer 300 000 à 400 000 jeunes dans le circuit des entreprises.
Je souhaite donc élaborer avec les élus et avec les entrepreneurs qui l'accepteront de véritables plans d'action décentralisés pour l'insertion professionnelle des jeunes ; nous allons commencer à le faire, sur la proposition de M. Barrot et de Mme Couderc, dans un certain nombre de départements témoins.
Voilà un rappel, sans doute rapide mais nécessaire, de cette première grande orientation de la politique du Gouvernement :...
M. François Autain. Et les sondages ?
M. Alain Juppé, Premier ministre. ... la mobilisation de toutes et tous contre le chômage et pour l'emploi.
Je souhaitais également dessiner une seconde orientation pour les mois qui viennent. Cette orientation, je l'ai organisée autour de l'idée d'une nouvelle démocratie pour le citoyen de l'an 2000.
A chaque période de son histoire, lorsqu'elle a vécu des mutations profondes, comme c'est le cas aujourd'hui, la France a su renouveler le pacte social qui unit ses citoyens.
M. René-Pierre Signé. Ne parlez pas de social !
M. Alain Juppé, Premier ministre. Aujourd'hui, la montée des difficultés nous amène à faire preuve à nouveau d'imagination et à mieux entendre les aspirations de nos concitoyens.
La première aspiration, c'est l'aspiration à un nouveau mode de relation avec l'Etat, une relation qui soit plus simple, plus directe et plus proche, ce qui pose à la fois le problème de l'achèvement de la décentralisation et de progrès véritablement décisifs en matière de déconcentration.
A ce sujet, je voudrais d'abord rappeler que, s'il s'agit de rendre l'Etat plus simple, plus transparent et plus proche, il nous faut aussi - c'est loin d'être contradictoire, je dirai même que c'est complémentaire - nous assurer qu'il assume bien ses missions régaliennes, à commencer par le respect de la loi et de l'autorité de la République sur l'ensemble du territoire national. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Je voudrais, sur ce point, vous redire la détermination du Gouvernement en ce qui concerne le problème dans lequel vit la Corse.
Plusieurs sénateurs du RPR. Très bien !
M. Alain Juppé, Premier ministre. Lorsque je suis allé en Corse, les 17 et 18 juillet dernier, j'ai tendu la main à tous ceux qui siègent à l'assemblée territoriale de Corse, car ils ont tous reçu la légitimité du suffrage.
La réponse, vous la connaissez, de la part de certaines organisations ; c'est la fuite en avant dans la violence et le terrorisme. L'Etat républicain ne faiblira pas et se donnera tous les moyens de faire respecter la loi en Corse comme sur le continent. (Applaudissements prolongés sur les mêmes travées.)
M. François Giacobbi. Très bien !
M. Alain Juppé, Premier ministre. A cet effet, nous avons renforcé les moyens de la police, de la gendarmerie et de la police judiciaire. Les autorités judiciaires se sont mobilisées. On a enfin, ce qu'on n'avait pas fait depuis longtemps, engagé de véritables enquêtes... (Protestations sur les travées socialistes...), qui permettent de réunir les charges nécessaires.
M. François Giacobbi. C'est vrai !
M. Alain Juppé, Premier ministre. Certains d'entre vous le disent et le pensent, messieurs les socialistes, lorsqu'ils ont un peu de bonne foi et de cohérence. Demandez à vos députés corses ! Demandez à vos sénateurs corses !
M. Pierre Mauroy. Demandez aux vôtres !
M. Alain Richard. Ne soyez pas trop dur avec M. Balladur !
M. Alain Juppé, Premier ministre. Ces enquêtes, lorsqu'elles ont été diligentées, nous ont d'ores et déjà permis d'arrêter et de traduire devant les tribunaux plus d'une vingtaine de délinquants et de criminels. Nous continuerons sur cette voie, qui est celle de la légalité et de l'autorité de l'Etat.
Dans le même temps - c'est le deuxième pilier de ce que j'avais proposé en Corse - nous ferons preuve de solidarité pour aider au développement économique, social et culturel de la Corse.
J'ai annoncé, au mois de juillet, un plan d'ensemble qu'on a trop souvent réduit à la zone franche, qui n'en est qu'un des aspects. Il comporte bien d'autre volets concernant l'agriculture, le désendettement, mais aussi les aspects culturels et linguistiques. C'est avec détermination et continuité que nous le mettrons en oeuvre.
Cet Etat qui, je le disais, assume ses fonctions régaliennes, doit être aussi plus transparent et plus proche. C'est la philosophie qui anime le projet de loi sur les relations entre les administrations et les citoyens, qui vous sera soumis d'ici à quelques semaines.
C'est également la philosophie qui animera les mesures de déconcentration nouvelles que le Gouvernement est en train de préparer.
La nouvelle citoyenneté, c'est aussi un mode de relations nouveau entre le citoyen et la justice.
Les Français aspirent à une justice sereine, rapide, égale. (Exclamations et rires sur les travées socialistes.) C'est ce qui inspire le projet de loi sur la détention provisoire, que vous avez d'ores et déjà examiné.
M. Gérard Delfau. Ah oui !
M. Alain Juppé, Premier ministre. C'est ce qui inspirera également le projet de loi modifiant la procédure de jugement en matière criminelle, qui, après une large concertation menée en 1995,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Demain, on rasera gratis !
M. Alain Juppé, Premier ministre. ... a fait l'objet d'un consensus et marquera une très grande étape dans la rénovation de notre système judiciaire.
Nous sommes prêts à aller plus loin. J'ai évoqué la possibilité, sur la base des propositions qui sont faites ici ou là, d'organiser une grande réflexion sur la responsabilité du juge dans la société française et sur le point d'équilibre à trouver entre la nécessaire protection des libertés individuelles et l'autorité de l'Etat, garant de la cohésion nationale. Je vous invite à ce débat dans le courant de l'année 1997.
Troisième aspiration qui constitue cette nouvelle citoyenneté, cette nouvelle démocratie dont je parlais il y a quelques instants : une plus grande participation à la prise de décision au niveau tant national que local.
Il y a parmi vous nombre d'élus locaux. Tous savent que nos concitoyens souhaitent être impliqués dans les décisions, ne veulent plus les voix descendre d'en haut, que ce soit de Paris, d'ailleurs, ou d'échelons de décision décentralisés.
Il faut donc que nous réfléchissions à ce qu'on a appelé - la formule n'est pas de moi - « la modernisation de la vie politique ». C'est dans cet esprit que j'ai écrit, hier, à toutes les formation politiques représentées à l'Assemblée nationale ou au Sénat pour les interroger sans a priori sur un certain nombre de problèmes qui, me semble-t-il, se posent aujourd'hui dans notre société : la place des jeunes et des femmes dans la vie politique, le cumul des fonctions ou des mandats, le statut de l'élu, le rôle des fondations politiques, les modes de scrutin, le cas échéant, qu'il s'agisse du scrutin législatif ou du scrutin régional.
J'ai souhaité que les formations politiques me fassent connaître leur avis d'ici à la fin du mois de novembre. Sur cette base, j'essaierai de dégager des points d'accord que je vous soumettrai. Nous verrons alors s'il est possible d'introduire dans notre législation telle ou telle modification. Nous le ferons, je le répète, en tenant très largement compte des avis que vous aurez exprimés.
Une autre aspiration qui se manifeste est l'aspiration à la cohésion sociale dans notre pays.
De ce point de vue, il m'apparaît que le texte que nous venons de transmettre au Conseil économique et social, et qui s'intitule « loi d'orientation pour le renforcement de la cohésion sociale », fera date.
J'ai eu l'occasion de rencontrer récemment, à Matignon, la Fédération nationale de l'action pour la réinsertion sociale, qui regroupe un grand nombre d'associations. Tout en soulignant, bien évidemment, qu'il aurait mieux valu que les moyens fussent plus abondants, elle m'a fait part d'un accord de fond sur les grandes orientations de ce texte, sur les droits nouveaux qu'il institue et sur la philosophie générale qui l'inspire.
C'est un texte qui fera date, je le répète, parce qu'il réaffirme l'accès de tous aux droits de tous : accès aux soins par la mise en oeuvre de l'assurance maladie universelle, par une action nouvelle face à certains fléaux sanitaires, comme la tuberculose, qui avait été perdue de vue ; accès au logement, également, par la réforme des procédures d'attribution du logement social et le rôle accru donné à l'Etat dans ce domaine ;...
M. René-Pierre Signé. Le logement HLM !
M. Alain Juppé, Premier ministre. ... accès, enfin, à la citoyenneté et au droit de vote.
Ce texte marque aussi un progrès décisif au regard de l'une des grandes idées que le Président de la République avait lancées pendant sa campagne, à savoir la réactivation des dépenses passives en matière sociale. Vous connaissez l'idée : avec l'argent public, il vaut mieux aider quelqu'un à s'insérer dans la vie de travail plutôt que de l'indemniser à ne rien faire. (Exclamations sur les travées socialistes.) D'où l'idée des 300 000 contrats d'initiative locale, qui se substitueront peu à peu - en cinq ans - à certains RMI, aides sociales spéciales ou allocations de parent isolé. Ainsi, c'est une grande orientation du Président de la République contre la fracture sociale qui sera concrétisée par ce texte. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Autre volet de ce texte, parmi bien d'autres : un programme ambitieux de lutte contre l'illettrisme. Vous êtes tous bien conscients que l'illettrisme, aujourd'hui, frappe 10 % de la population française, d'après les enquêtes qui ont été faites. Il nous faut réagir, devant cette situation, dès l'école, et l'éducation nationale se mobilisera, mais aussi grâce à la mise en place, qui vous sera bientôt proposée, du rendez-vous citoyen. Ce sera un moment de détection des situations d'illettrisme et d'orientation de nos jeunes vers des formules qui leur permettront de sortir de cette situation qui les empêche de s'intégrer dans le circuit du travail et de la citoyenneté.
Aspiration, donc, à la cohésion sociale. Elle sera, je l'espère, mieux satisfaite grâce à ce texte.
Aspiration aussi à la cohésion nationale. Etre citoyen au XXIe siècle, ce sera vivre de nouveaux droits et de nouveaux devoirs. Ce sera également concilier la modernité, l'ouverture, la mondialisation avec le besoin de ressourcement et d'attachement aux racines, qui est dans nos coeurs aux uns et aux autres.
On nous parle souvent du droit à la différence, et je le respecte. Mais ne faut-il pas aussi respecter le droit à l'identité ? (« Bien sûr ! » sur les travées du RPR.)
Cela me conduit à dire un mot d'un sujet difficile, mais que je ne veux pas éluder : la politique de l'immigration. En la matière, la politique que je vous propose repose sur trois piliers.
Premier pilier : la fidélité de la France à sa tradition d'accueil et d'asile et à une politique généreuse d'intégration de ceux qui acceptent les règles du jeu de la communauté internationale. C'est notre honneur, et nous le conserverons ! (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Deuxième pilier : l'engagement pour le développement et la coopération. Là encore, il m'apparaît qu'on ne dit pas assez aux jeunes Françaises et aux jeunes Français qu'ils vivent dans un pays qui, par rapport à sa population, est le plus généreux, le plus ambitieux et le plus en pointe sur la scène mondiale pour aider les peuples qui souffrent et qui sont dans la misère.
M. René-Georges Laurin. Très bien !
M. Alain Juppé, Premier ministre. Vous l'avez vu à Lyon, lors du G 7 : alors que tous nos grands partenaires étaient en retrait sur l'aide au développement, les positions du Président de la République ont prévalu, et elles viennent de se concrétiser lors de la session de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international. Oui, je le dis ici avec fierté : la France est exemplaire dans l'aide au développement ! (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Enfin, troisième pilier de cette politique de l'immigration, indissociable des deux autres : le refus déterminé de l'immigration illégale.
De ce point de vue, notre législation comporte des lacunes et des incohérences.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Encore ?
M. Alain Juppé, Premier ministre. Le Gouvernement proposera deux projets de loi : l'un pour mieux lutter contre le travail clandestin, qui sera présenté par le ministre du travail et des affaires sociales ; l'autre qui tendra à modifier l'ordonnance du 22 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Une fois de plus !
M. Alain Juppé, Premier ministre. ... et qui sera présenté par le ministre de l'intérieur.
Voilà, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les quelques indications que je voulais vous donner sur les orientations de la politique que nous allons mener ensemble pendant cette session qui s'ouvre et qui nous conduira à l'été 1997.
Pour cela, il nous faut évidemment faire preuve de cohésion et de solidarité (Exclamations et rires sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
Je sais que la majorité en fait preuve. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.) Je lui dis toute ma gratitude pour le soutien sans faille qu'elle m'a toujours apporté depuis un an et demi dans les conditions et dans les circonstances les plus difficiles. (Vifs applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Cela contrarie certains, et pourtant c'est vrai ! C'est d'ailleurs pour cela que je le disais. (Exclamations sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.) Vous voyez !
Il nous faut aussi entraîner nos concitoyens. De ce point de vue, j'en ai conscience, beaucoup reste à faire,...
M. René-Pierre Signé On se demande s'il croit à ce qu'il dit !
M. Alain Juppé, Premier ministre. ... car je perçois bien le climat de scepticisme et de morosité qui se perpétue dans notre pays - peut-être un peu moins qu'on ne le dit dans le microcosme ! - tant il est vrai que les difficultés existent.
Pour cela, il nous faut donner confiance, montrer la direction, insuffler cet esprit d'entreprise et cet esprit de conquête que le Président de la République a évoqués si souvent.
Les bons résultats qui sont en train de s'esquisser nous permettront de le faire encore mieux demain qu'aujourd'hui.
Il nous faut aussi ramener souvent le débat sur le terrain des valeurs. C'est notre responsabilité d'élu parce que nous vivons dans un monde où la morale républicaine qui soude le pacte républicain est parfois contestée, écornée, déstabilisée.
Il y va de la liberté, que menacent à la fois la complexité d'un monde de plus en plus bureaucratique et technicien, et le sectarisme de certains extrêmes.
Il y va de l'égalité, qui doit non pas brider l'esprit d'entreprise et l'esprit de conquête, mais leurs permettre de s'épanouir en chacun et chacune d'entre nous, avec des chances égales pour tous.
Il y va de la fraternité, qui est non pas l'assistance démotivante, mais la solidarité entre personnes responsables, la tolérance, la générosité, l'harmonie de la vie familiale, l'affirmation du sentiment national dans le respect de toute personne humaine.
De ce point de vue, je veux vous dire ma détermination, quelles que soient les difficultés juridiques que cela soulève, à faire en sorte qu'un certain nombre de provocations au racisme, à l'antisémitisme et à la xénophobie ne restent pas impunies dans notre pays, et je vous ferai des propositions en ce sens. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Voilà pourquoi mesdames, messieurs les sénateurs, je vous invite aujourd'hui, à l'occasion de ce débat, à exprimer cette confiance que, je le sais, vous avez dans la politique que nous menons, de façon que cette confiance puisse se diffuser autour de nous et chez les Français. (Murmures sur les travées socialistes.)
C'est pour que s'exprime clairement le soutien que vous nous apportez que j'ai l'honneur de solliciter de votre Haute Assemblée, au titre de l'article 49-4 de la Constitution, votre approbation sur la déclaration de politique générale que je viens de prononcer. (Mmes et MM. les sénateurs du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que certains sénateurs du RDSE se lèvent et applaudissent.)
M. le président. Nous allons procéder maintenant au débat sur la déclaration de politique générale du Gouvernement faite devant le Sénat.
Je rappelle que la conférence des présidents a décidé l'organisation de ce débat.
Elle a accordé un temps de parole de quinze minutes à l'orateur de chaque groupe et de cinq minutes pour l'orateur de la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
La parole est à M. de Rohan. (Applaudissements sur les travées du RPR, ainsi que sur plusieurs travées des Républicains et Indépendants et de l'Union Centriste.)
M. Josselin de Rohan Monsieur le Premier ministre, permettez-moi, au début de mon propos, de vous exprimer l'indignation que nous éprouvons devant l'odieux attentat dont a été victime la mairie de Bordeaux.
Nous formons le voeu que les coupables soient prochainement appréhendés, jugés et châtiés comme ils le méritent. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du RDSE, ainsi que sur les travées socialistes.)
En sollicitant notre confiance, le Gouvernement suscite un débat qui doit nous permettre d'aller au fond des choses.
Quel est le sens de la politique sur laquelle nous sommes appelés à nous prononcer ? Quelles sont ses implications et ses chances de succès ? Existe-t-il une alternative crédible à cette politique ? Telles sont les questions que nous nous posons en ce début de session.
Si l'on en croit les chroniqueurs, les observateurs, les sondeurs, les politologues et les sociologues, les éditorialistes et les analystes, la France se partage en deux camps : celui des agitateurs prêts à toutes les révolutions à l'occasion de conflits sociaux dont on nous prédit le déchaînement proche et celui des amorphes, en proie au découragement et au scepticisme, qui engloberait une majorité de nos compatriotes.
M. Jean-Luc Mélenchon. Des noms !
M. René-Pierre Signé. Il y a beaucoup de Français !
M. Josselin de Rohan. Que l'opinion se montre inquiète ou désabusée devant la persistance et la recrudescence d'un chômage qui frappe indistinctement toutes les régions, toutes les catégories sociales et toutes les professions, il n'y a rien là qui puisse nous surprendre.
Que l'insupportable écart entre la France vulnérable et exposée et la France protégée, que l'on nomme « fracture sociale », soit loin d'être réduit, est, hélas ! une évidence.
Cette situation, comme cet état d'esprit, montrent combien il est important que le Gouvernement et sa majorité expliquent clairement au pays les réalités auxquelles il est confronté, l'effort auquel il est convié et les perspectives qui se présentent à lui.
Il faut donner un cap et tracer une voie sur laquelle on se tiendra avec résolution, mais il faut aussi, vous l'avez dit, monsieur le Premier ministre, convaincre et obtenir l'adhésion des esprits et des coeurs. (Rires sur les travées socialistes.)
Que nous le voulions ou non, nous sommes confrontés, du fait de la mondialisation de l'économie, des formidables changements techniques ou technologiques qui affectent notre planète et de l'émergence de nouvelles puissances économiques, à la nécessité impérieuse de modifier nos comportements et nos habitudes, de lutter contre nos déficiences ou nos carences.
Nous sommes en quelque sorte contraints à l'excellence si nous voulons conduire notre destin et non le subir. (« Très bien ! » sur les travées du RPR.)
Les défis sont rudes mais nous pouvons les relever. Nous en avons connus jadis de plus redoutables encore, que nous avons relevés avec succès. Je songe à cette France de 1945, totalement détruite, qui s'est rétablie grâce au courage de ses habitants : leurs fils ne seront pas indignes de leurs aînés. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur plusieurs travées de l'Union centriste.)
Pour l'heure, nous devons chercher à atteindre trois objectifs : tout d'abord, l'apurement du passé grâce à l'assainissement de nos dépenses publiques et au redressement de nos comptes sociaux ensuite, la réforme de l'Etat et des entreprises publiques, et, enfin, la construction européenne.
L'action que nous mènerons dans ces trois domaines conditionne la reprise de l'emploi et doit la faciliter.
Sans diminution sensible du chômage, nous savons qu'il est vain d'escompter de la part des Français une grande foi en l'avenir.
Apurer le passé nous oblige à diminuer le poids considérable de nos dépenses publiques et de nos comptes sociaux, qui situent nos prélèvements obligatoires au niveau le plus élevé d'Europe et constituent désormais le mal français, ou l'exception française.
Quelle est, pour un particulier, l'incitation à investir, si la moitié de ses gains lui est confisquée par les cotisations sociales ou l'impôt ?
Comment une entreprise peut-elle emprunter sur le marché si la quasi-totalité des emprunts du marché obligataire est ponctionnée par l'Etat ?
Parce que nous n'aurions pas le courage de réaliser ce que tous nos partenaires européens ont entrepris, depuis la Suède sociale-démocrate jusqu'à l'Italie ou l'Espagne, en passant par l'Allemagne - certains depuis longtemps, d'autres dans un passé récent - à savoir la réduction des dépenses budgétaires ou la maîtrise des dépenses sociales, devons-nous continuer à rejeter sur les générations futures les charges financières ? (M. Jean-Luc Mélenchon s'exclame.)
Croyons-nous sincèrement qu'il soit possible d'attirer des investisseurs internationaux et même de trouver des prêteurs si nous ne remettons pas de l'ordre dans nos affaires ?
Comment peut-on parler d'indépendance nationale si nous devons dépendre, pour nos fins de mois, du bon vouloir des créanciers étrangers ?
Monsieur le Premier ministre, vous avez engagé un effort remarquable et méritoire de compression des dépenses publiques. Le budget pour 1997 en est l'illustration, puisque, en francs constants, ces dépenses diminueront de 2 %, ce qui est sans précédent dans notre pays depuis 1958.
Pour la sécurité sociale, des réformes de structure ont été adoptées et des orientations ont été prises, qui doivent permettre de mettre un terme aux expédients et aux replâtrages auxquels on a eu trop longtemps recours pour remédier aux déficits. ( « C'est Balladur ! » scandent plusieurs sénateurs socialistes.)
S'il est trop tôt pour recueillir les fruits de cette politique, au moins pouvez-vous vous prévaloir d'un résultat indiscutable : la baisse des taux d'intérêt à court et à long terme. Ce résultat témoigne de la confiance des marchés en la crédibilité de votre action. Il permet aux chefs d'entreprise d'investir à des coûts raisonnables et à l'Etat de réduire très sensiblement le poids de son endettement. (Murmures sur les travées socialistes.)
Quant à ceux qui, dans l'opposition, vous critiquent - et avec quelle âpreté - nous les invitons à plus d'humilité et à moins d'amnésie ! Pendant les dix années de leur gestion, les dépenses publiques n'ont cessé de croître. Nous avons hérité de plus de 3 000 milliards de francs d'endettement. (Vives protestations sur les travées socialistes.) Cet endettement représente aujourd'hui 60 000 francs par Français et par an et 170 000 francs par actif ! (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants, et de l'Union centriste !)
M. Jean-Louis Carrère. C'est Balladur !
M. Josselin de Rohan. Et, puisque la réforme fiscale ne trouve pas grâce à leurs yeux, peut-on leur rappeler que, sous les gouvernements socialistes, les placements financiers étaient mieux traités que les revenus du travail ? (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées. - Vives protestations sur les travées socialistes.)
La réforme de l'Etat et des entreprises publiques ne saurait être ralentie.
Comme vous, nous souhaitons que l'Etat soit plus fort dans les domaines qui relèvent de ses attributions régaliennes, qu'il soit plus proche des citoyens et qu'il relâche son emprise dans la vie quotidienne sur le secteur marchand.
La mise en oeuvre d'une déconcentration poussée est indispensable. Elle rendra possible les expérimentations sur le terrain et, comme on l'a déjà dit, permettra de libérer les collectivités locales qui veulent se livrer à un certain nombre d'expériences. En outre, elle donnera des interlocuteurs à tous ceux qui ont des projets qui dorment aujourd'hui à cause des tracasseries administratives ou parce qu'il faut faire remonter des projets aux administrations centrales et obtenir au moins une vingtaine d'accords !
La poursuite des privatisations est également indispensable.
Les tristes exemples du Crédit lyonnais, du Crédit foncier (Protestations sur les travées socialistes) et du Comptoir des entrepreneurs démontrent l'impérieuse nécessité d'une modification du contrôle et de la gestion de certains établissements publics, ainsi d'ailleurs que de l'obligation morale de demander des comptes aux responsables de ces dérives. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE - Vives protestations sur les travées socialistes.)
Vous avez mené avec succès la réforme du statut de France Télécom.
M. René-Pierre Signé. Les dés sont pipés !
M. Josselin de Rohan. De la même façon, il faut réussir la réforme de cette grande entreprise qu'est la SNCF en conciliant ses obligations de service public avec les impératifs de modernisation de ses structures et de modification de ses pratiques commerciales.
Le débat intervenu au printemps dernier devant la Haute Assemblée montre que les orientations dégagées par le Gouvernement recueillent notre appui.
Vous avez également initié une réforme capitale de notre système de défense et de nos industries de l'armement.
Le Sénat a beaucoup réfléchi sur les aléas et les conséquences de ces réformes. Son apport dans la discussion législative a été très remarquable.
Nous jugeons les réformes inéluctables et conformes aux changements intervenus dans notre environnement international, conformes aux impératifs de modernisation de nos forces armées. Mais nous ne nous dissimulons pas que les incidences sur l'emploi ou sur le tissu industriel de certaines restructurations doivent entraîner, de la part de l'Etat, un important effort d'accompagnement.
La réforme fiscale que vous avez amorcée ne pouvait être éludée, tant ceux qui produisent ou ceux qui travaillent sont pénalisés par une imposition complexe, souvent confiscatoire et parfois antiéconomique. Vous avez choisi de procéder par étapes mais, enfin, vous avez enclenché un processus. Non seulement nous vous en donnons acte, mais encore nous appuyons votre démarche.
En dépit de tous les conservatismes et de tous les corporatismes, l'adaptation de notre système d'enseignement aux changements de la société ne peut être différée. Le souci d'agir avec prudence en raison de la sensibilité propre au milieu ne peut nous dispenser d'une remise en cause profonde de certaines structures. Qu'il s'agisse de notre enseignement professionnel, des modalités d'accès à l'enseignement supérieur, du mode de fonctionnement de nos établissements,...
M. Jean-Louis Carrère. Et la recherche !
M. Josselin de Rohan. ... beaucoup reste à faire pour éviter que notre système éducatif ne produise un nombre croissant d'exclus ou de frustrés. (Exclamations sur les travées socialistes.)
On nous dira que, en ces temps difficiles, il n'est guère sage de troubler encore les esprits avec des réformes qui dérangent. A-t-on songé que les pesanteurs, les rigidités, les frilosités de notre société ont bien davantage comme conséquence de retarder l'adaptation de notre économie aux grandes mutations de cette fin de siècle et, corrélativement, le retour à la croissance et à l'emploi ?
La France ne peut être perpétuellement condamnée au choix entre l'immobilisme qui pétrifie et la révolution qui emporte tout. La voie du progrès demeure dans la seule réforme : seule l'audace est espérance. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants ainsi que sur quelques travées de l'Union centriste. - Exclamations sur les travées socialistes.)
Il nous revient aussi d'oeuvrer pour renforcer la construction européenne.
Nous partageons avec vous cette ambition, sachant que vous avez comme nous le souci de maintenir l'identité de notre pays et sa vocation à faire entendre sa voix et reconnaître son indépendance dans le nouvel ensemble qui s'édifie.
La Conférence intergouvernementale, qui procède à l'étude des futures institutions européennes, n'entraînera pas l'adhésion des peuples de l'Europe si ceux-ci ressentent peu ou prou que leur destin est décidé par des organismes ou des instances sur lesquels ils n'ont pas de prise et qu'ils ne peuvent contrôler.
La nécessaire coordination des politiques étrangères ou des politiques de dépense doit tenir compte d'une réalité difficilement contournable : nombre de nos partenaires, et non des moindres, considèrent que l'impulsion ne peut venir dans ces domaines que d'outre-Atlantique, et ne sont guère favorables à une totale liberté d'action européenne. Dans ces conditions, il importe que la France puisse continuer à faire valoir ses idées, car son audience dans le monde est encore grande et ses prises de position attendues.
Vous le savez, dans le domaine monétaire, nous ne souhaitons pas l'avènement d'une Europe des gouverneurs qui imposerait aux gouvernements et aux Etats des contraintes économiques et sociales trop rigoureuses qui les empêcheraient d'exercer leurs activités. Je sais que vous ne partagez pas cette façon de voir et que vous ferez en sorte de maintenir l'équilibre. Mais je devais vous faire part de cette crainte.
MM. François Gerbaud et Adrien Gouteyron. Très bien !
M. Josselin de Rohan. Enfin, autant nous sommes convaincus des bienfaits de la libre circulation des hommes et des capitaux au sein de l'Union européenne, autant nous croyons à la nécessaire limitation des entraves au commerce internationale, autant nous sommes opposés à des concessions par l'Union européenne, sans contreparties, à des pays qui multiplient les obstacles tarifaires ou paratarifaires et utilisent leur monnaie comme un instrument de combat.
L'élargissement de l'Union européenne ou son approfondissement ne peut pas non plus donner prétexte aux adversaires de toute politique commune ou à ceux qui refusent la spécificité de nos services publics pour démanteler des systèmes qui ont contribué à notre cohésion sociale ou au développement et à la modernisation de notre économie.
Vous avez fait preuve d'une assez grande détermination sur ce point pour qu'il ne soit point besoin d'insister. Sachez cependant que vous pouvez compter dans votre tâche sur notre soutien constant.
Nous sommes appelés aujourd'hui à nous prononcer sur une politique qui a sa consistance, sa cohérence et sa logique, et dont les objectifs ont été définis à plusieurs reprises tant par le chef de l'Etat que par vous-même. Cette politique a demandé des choix courageux, imposé des sacrifices, dérangé bien des habitudes, suscité bien des oppositions. Elle ne peut pas donner de résultats spectaculaires tant que la croissance de l'économie européenne n'atteindra pas un taux suffisant pour assurer de nouveaux emplois.
Nous le savons, à cause des trop nombreux handicaps qui frappent encore notre économie, même si la croissance repart, nous attendrons encore un certain temps avant d'en tirer les avantages que nous pourrions en escompter.
M. René-Pierre Signé. Vous ne serez plus au pouvoir !
M. Josselin de Rohan. Mais une chose est certaine : seule une politique de réduction des dépenses publiques menée avec persévérance peut faciliter le retour à la croissance et la diminution des charges qui pèsent sur les particuliers et les entreprises.
Il existe une autre politique,...
M. René Régnault. Laquelle ?
M. Josselin de Rohan. ... celle qui a été menée par vos précédesseurs socialistes (Exclamations sur les travées socialistes.) et qui a conduit à la dérive budgétaire et monétaire,...
M. Alain Richard. Balladur !
M. Raymond Courrière. Balladur et Pasqua !
M. Josselin de Rohan. ... à l'augmentation considérable de l'endettement, à la multiplication par trois du nombre des chômeurs depuis 1981 et aux trois dévaluations. (Protestations sur les travées socialistes.) Ça, c'est la signature de M. Mauroy ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Pierre Mauroy. N'importe quoi ! C'est nul !
M. le président. Monsieur de Rohan, vous avez épuisé votre temps de parole.
M. Josselin de Rohan. En vain, les hiérarques socialistes essaient-ils de donner le change. Ils ont dépeint comme des innovations quelques vieilles lunes, telles l'autorisation administrative de licenciement...
M. Alain Richard. Créée par qui ?
M. Josselin de Rohan. ... ou la réduction obligatoire et uniforme de la durée du travail...
M. René Régnault. Mais votre solution ?
M. Josselin de Rohan. ... et, par renfort de potage, ils dénoncent une pression fiscale qui est, hélas ! la triste contrepartie de leur gestion ! (Protestations sur les travées socialistes. - Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Mais les Français ont déjà donné, et trop donné ! pour se laisser prendre au piège.
M. Jean-Luc Mélenchon. C'est ce qu'on va voir !
M. Josselin de Rohan. Monsieur le Premier ministre, aucune critique ne vous a été épargnée et vous êtes trop souvent la cible de toutes les impatiences et de toutes les contestations.
J'emprunte à un texte vieux de deux cent vingt-deux ans...
M. le président. Vous avez épuisé votre temps de parole, monsieur de Rohan.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Respectez le règlement !
M. Josselin de Rohan. Si vous me le permettez, monsieur Dreyfus-Schmidt, je vais conclure. (Exclamations sur les travées socialistes.)
Monsieur le Premier ministre, vous n'êtes pas seul. Nous sommes avec vous dans votre combat pour le redressement de notre économie et nous vous soutiendrons de toutes nos forces parce que vous êtes un homme de talent, de fidélité et de courage, parce que nous adhérons aux principes que vous défendez et aux objectifs que vous poursuivez.
Nous ne nous reconnaissons pas dans le spectacle qu'on veut donner d'une France découragée et démoralisée. Le combat que vous avez engagé, la France le gagnera grâce à ses ressources, à ses capacités,...
M. René Régnault. On n'y croit plus !
M. Josselin de Rohan. ... à la volonté de ses habitants qui, quoi qu'on dise ou qu'on écrive, ont conservé intactes leur ardeur au travail et leur foi en l'avenir. (« Bravo ! » et vifs applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Estier. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Claude Estier. Monsieur le Premier ministre, avant toute chose, je voudrais, moi aussi, vous exprimer notre indignation et notre solidarité après l'attentat commis dans la nuit de samedi à dimanche dernier à l'hôtel de ville de Bordeaux. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.) Au-delà de tout ce qui peut nous séparer, notre réprobation contre de tels actes est totale. Face au terrorisme, d'où qu'il vienne, il est indispensable que nous parlions tous d'une même voix avec la plus grande fermeté.
M. René Régnault. Très bien !
M. Claude Estier. Compte tenu des circonstances, je ne polémiquerai pas avec vous sur la politique menée en Corse. Nous aurons certainement l'occasion d'en reparler, monsieur le Premier ministre.
Une semaine après avoir sollicité et obtenu de votre majorité à l'Assemblée nationale un vote de confiance, dont certains disent et écrivent qu'il vous a été accordé du bout des doigts, vous accomplissez aujourd'hui la même démarche au Sénat. Nul doute que vous y obtiendrez le même résultat. Mais en quoi ce vote aura-t-il changé la situation dans laquelle vous vous trouvez et qui semble, permettez-moi de vous le dire, vous rendre par moments bien agressif ? (Murmures sur les travées du RPR.)
M. René Régnault. Très bien !
M. Claude Estier. Sans doute pourrez-vous faire valoir, et c'est bien le but de l'opération, que même ceux qui vous critiquent au sein de cette majorité vous auront apporté leur adhésion. Mais même si vous en tirez publiquement argument, vous n'êtes pas assez naïf pour croire que cette adhésion signifie approbation et fin des critiques du dimanche contre l'action de votre Gouvernement. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur certaines travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Dans votre déclaration de mercredi dernier, et tout à l'heure encore, vous avez voulu définir un projet politique dont l'objectif serait de « bâtir une nouvelle démocratie pour le citoyen de l'an 2000 ». Noble ambition et belles paroles que vous avez prononcées, comme si vous veniez d'accéder aux fonctions de chef de gouvernement.
Mais ces fonctions, vous les occupez déjà depuis plus de seize mois, et l'on peut vous juger aujourd'hui non seulement sur un projet, mais bien aussi sur un bilan et sur des faits qui sont, malheureusement, en contradiction avec vos paroles. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Dominique Braye. Parlons-en du bilan !
M. Claude Estier. Vous affirmez que l'action que vous menez, et qui selon vous commencerait à produire des effets, a pour première priorité de redonner à l'économie française la capacité de créer des emplois. Mais, dans le même temps, vous devez bien admettre - vous n'en avez pas parlé aujourd'hui d'ailleurs - que les derniers chiffres du chômage sont mauvais et même, dites-vous, inacceptables.
M. Philippe Marini. On dirait que vous vous en réjouissez !
M. Claude Estier. Non, nous ne nous en réjouissons absolument pas ! Nous le constatons simplement !
Ces chiffres montrent en effet que le chômage en France a augmenté de 5 % pour les seuls douze derniers mois, alors même que dans la plupart des pays voisins la courbe s'est inversée. C'est bien là votre bilan, à vous, monsieur le Premier ministre,...
M. Dominique Braye. Le vôtre, c'est deux millions de chômeurs de plus !
M. Claude Estier. ... et non pas l'héritage des quinze dernières années derrière lequel vous avez un peu trop facilement tendance à vous abriter, dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres. Et ce d'autant plus facilement que vous semblez oublier que, sur ces quinze dernières années, vos amis et vous-même avez été au Gouvernement de 1986 à 1988, et sans interruption depuis 1993 ! (Applaudissements sur les travées socialistes. - Vives protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Calmez-vous, mes chers collègues, calmez-vous !
Vous affirmez dans votre déclaration que la maîtrise des dépenses, c'est d'abord « la réforme de la sécurité sociale qui a d'ores et déjà brisé la tendance à l'accroissement indéfini des dépenses ».
Mais, là encore, je vous rappelle que vous ne vous présentez pas devant nous pour la première fois. Ici même, il y a exactement un an, exposant le fameux plan qui porte votre nom, vous nous expliquiez qu'il réduirait le déficit de la sécurité sociale à 17 milliards en 1996, et qu'il aboutirait à un excédent en 1997.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Eh oui !
M. Philippe Marini. Si on ne l'avait pas fait, on en serait où aujourd'hui ?
M. Claude Estier. Or le déficit pour cette année est actuellement évalué à 52 milliards de francs, soit trois fois plus que votre prévision. En fait d'excédent, les prévisions pour 1997 laissent penser que le déficit sera encore de 40 milliards de francs l'an prochain, soit près de 100 milliards de francs en deux ans, qui s'ajoutent au chiffre du même ordre enregistré sous le gouvernement Balladur, dont vous aviez un jour, monsieur le Premier ministre, qualifié la gestion de calamiteuse. Mais peut-être vos paroles avaient-elles ce jour-là dépassé votre pensée ? (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Alain Juppé, Premier ministre. C'est une déformation de mes propos !
M. Claude Estier. Là encore, c'est votre bilan et celui de vos amis, sans que vous puissiez invoquer l'héritage des socialistes.
Un sénateur socialiste. Edouard, le calamiteux !
M. Claude Estier. Que vous le vouliez ou non - et c'est bien là la raison de la grogne et de l'inquiétude de vos amis politiques - la réalité est très loin de ce que vous annonciez voilà un an, encore plus loin des promesses faites et des engagements pris par le candidat Jacques Chirac pendant la campagne présidentielle du printemps 1995. En fait, ces engagements ont constitué une véritable tromperie dont les Français vous font aujourd'hui grief et dont vous payez les conséquences.
Plusieurs sénateurs socialistes. Eh oui !
M. Robert Calmejane. Mitterrand nous a trompés pendant quinze ans !
M. Claude Estier. On peut donc comprendre que votre cote de confiance soit aujourd'hui si faible dans l'opinion. Certes, vous pouvez obtenir au Parlement une confiance que mes amis ont justement qualifiée de « disciplinaire », mais les dernières enquêtes n'en ont pas moins montré que, s'ils étaient députés, près des deux tiers des Français vous refuseraient cette confiance.
M. René-Pierre Signé. Oh oui, alors !
M. Claude Estier. Sans doute ne gouverne-t-on pas seulement en fonction des sondages, et vous avez raison de le dire. Mais quand ils vont tous dans le même sens, ils traduisent un état de l'opinion dont vous devriez mieux analyser les causes.
M. René Régnault. Eh oui !
M. Claude Estier. Or, loin de tenir compte du fait que la politique que vous avez définie se traduit par une série d'échecs, vous appelez à la persévérance, sans considération pour l'adage latin qui la jugerait diabolique. Vous nous affirmez que cela ira mieux l'année prochaine, mais vous nous aviez déjà dit la même chose l'année dernière. Si vous persévérez dans la même direction, pourquoi les résultats seraient-ils meilleurs demain ?
Un sénateur socialiste. Très bien ! Très bon discours !
M. Claude Estier. Vous prédisez, avec une série d'experts, que la croissance en 1997 sera double de celle de cette année, c'est-à-dire de l'ordre de 2 % ou un peu plus.
Mes chers collègues, espérons que, pour une fois, les experts ne se trompent pas ! Mais même si ce chiffre se vérifie et permet de créer environ 100 000 emplois, vous savez bien que cela ne sera pas suffisant pour inverser la courbe du chômage !
Il ne suffit pas non plus d'annoncer des réformes pour que la vie des Français en soit changée. J'en donnerai quelques exemples.
Le Sénat va examiner, à partir de la semaine prochaine, une proposition de loi créant une prestation pour les personnes âgées dépendantes. Excellente intention que nous soutiendrions volontiers,...
M. Philippe Marini. Ce seront des emplois !
M. Claude Estier. ... sauf que le texte que l'on nous propose a un caractère restrictif et transitoire,...
M. Lucien Neuwirth. Il a le mérite d'exister !
M. Claude Estier. ... en attendant une réelle prestation d'autonomie dans le financement de laquelle l'Etat prendrait sa part,... (Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Charles Descours. Et alors ? Il ne fallait rien faire ?
M. Claude Estier. ... alors que, pour l'instant, et vous le savez bien, mes chers collègues, l'Etat continue de se décharger sur les collectivités locales, qui sont de plus en plus accablées financièrement. (« Eh oui ! » et applaudissements sur les travées socialistes.)
Ne peut-on dire la même chose du projet de loi contre l'exclusion, qui représente, lui aussi, une grande idée, mais dont on ne voit pas bien avec quels moyens il pourrait être mis en oeuvre efficacement ?
Le troisième exemple, tout aussi grave, concerne le logement. Vous parlez aujourd'hui d'accession à la propriété. Mais vous avez affirmé à plusieurs reprises votre volonté d'accorder une priorité au logement social. Fort bien, mais que constate-t-on ? Les crédits de réhabilitation - PALULOS - qui concernaient 200 000 logements en 1992, sont désormais réduits à 70 000. L'aide personnalisée au logement, pour la troisième année consécutive, n'est pas revalorisée. Le Crédit foncier est menacé. Les PLA sont gravement rognés. L'application des surloyers entraîne des conséquences lourdes pour de nombreuses familles. Les crédits de réhabilitation du privé baissent de 10 %. Les PLA très sociaux risquent de n'être financés, là encore, que par appel aux collectivités locales.
M. René Régnault. C'est la vérité !
M. Claude Estier. En outre, l'équilibre du budget du logement n'est assuré pour l'an prochain que grâce à un prélèvement de 14 milliards de francs sur les crédits du 1 % du logement, ...
M. René-Pierre Signé. Eh oui !
M. Claude Estier. ... c'est-à-dire grâce à l'utilisation par anticipation des ressources des deux ans à venir.
En fait de priorité, l'Etat est en train de se désengager dans ce domaine essentiel pour notre économie, pour l'emploi et pour la cohésion sociale. Le mouvement HLM se réunit d'ailleurs cette semaine pour exprimer sa protestation contre ce désengagement.
Vous dites que vous n'entendez personne proposer une autre politique.
M. Alain Juppé, Premier ministre. Je n'en entends pas en ce moment, en tout cas !
M. Claude Estier. Vous écoutez mal, monsieur le Premier ministre !
M. René Régnault. Il est sourd !
M. Claude Estier. Une autre politique, en tout cas une autre logique... (Exclamations sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
On prétend que nous ne proposons jamais d'autre politique, alors laissez-moi m'exprimer !
M. Dominique Braye. Une autre politique crédible !
M. Claude Estier. Une autre politique, en tout cas une autre logique consisterait non pas à aggraver les prélèvements obligatoires comme vous l'avez fait depuis un an, après ceux qui furent effectués par le gouvernement Balladur auquel vous apparteniez, non pas à accorder des exonérations de charges aux entreprises sans contrepartie d'embauche, mais à redonner à celles-ci des perspectives d'avenir grâce à une vraie relance de la consommation rendue elle-même possible par une amélioration du pouvoir d'achat des catégories les plus modestes.
M. Dominique Braye. Cela a déjà été fait !
M. Jean Chérioux. On a vu le résultat en 1981 !
M. Claude Estier. J'entendais ce matin, sur une radio, M. Raffarin affirmer que 55 % des entreprises françaises - je n'ai pas vérifié - se portent bien. Si cela est vrai, ne peut-on les inciter à faire un effort sur les salaires ?
Un grand quotidien parisien - celui-là même que vous brandissiez tout à l'heure, monsieur le Premier ministre - a commencé hier la publication d'une enquête édifiante sur les difficultés dans lesquelles se débattent les deux millions et demi de Français qui ne gagnent plus que les 5 000 francs mensuels du SMIC, sans parler évidemment de toutes celles et de tous ceux qui ne disposent même pas de cette somme. Ces millions de Français, y compris ceux qui ont la chance d'avoir encore un emploi, sont obligés de se priver de presque tout. Une fois payés leur loyer, les charges et le minimum de nourriture, il ne leur reste pratiquement rien pour d'autres achats. Toute augmentation de leur revenu aurait des effets immédiats sur la consommation. Au lieu de rester médiocre comme c'est le cas actuellement, celle-ci repartirait à la hausse. Les entreprises y trouveraient rapidement leur compte et l'investissement, présentement au point mort, serait également relancé. Une nouvelle dynamique serait ainsi créée qui aurait forcément et sans doute rapidement des effets bénéfiques pour l'emploi. Car, vous le savez bien, monsieur le Premier ministre, les entreprises n'embaucheront pas parce que le Président de la République ou vous-même leur demandez d'embaucher. Elles embaucheront quand leurs carnets de commandes se rempliront et qu'elles auront alors besoin de personnel.
M. Alain Juppé, Premier ministre. On n'entend vraiment que des vérités premières !
M. Claude Estier. Faute de vous engager dans cette voie, vos appels seront d'autant moins entendus que, dans le même temps, vous pratiquez des licenciements dans le secteur public, ce que savent bien, par exemple, les milliers de maîtres auxiliaires qui viennent d'être au chômage au moment même où vous vous flattez de réussir une nouvelle réforme de l'éducation nationale, ce que savent aussi les ouvriers de GIAT-Industrie ou ceux des arsenaux de Brest ou de Cherbourg, qui sont bien décidés à se battre contre le plan Millon. Vous dressez peu à peu contre vous l'ensemble de la fonction publique, qui le manifestera le 17 octobre.
Cela m'amène à souligner un autre aspect de votre politique qui, en plus d'être injuste et inefficace, est également incohérente.
Pour illustrer mon propos, je prendrai deux exemples récents.
Le premier concerne une mesure annoncée avec une minutieuse préparation et dont vous attendiez une relance de la dynamique gouvernementale : je veux parler de la fameuse baisse de 25 milliards de francs de l'impôt sur le revenu. Comme on dirait à La Poste : « Pour une bonne nouvelle, c'était une bonne nouvelle ! »
Mais, outre que la réalité de cette baisse de 25 milliards de francs a été immédiatement contestée au sein même de votre Gouvernement, vous avez brouillé votre propre message en évoquant soudain une réforme du mode de scrutin législatif, qui a provoqué aussitôt une remarquable cacophonie dans votre majorité.
Et comme si cela ne suffisait pas, deux jours après a été annoncée une hausse sensible des impôts locaux, en même temps d'ailleurs qu'une nouvelle augmentation des taxes sur les carburants, le tabac et l'alcool. (Protestations sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Marcel Debarge. Transferts de charge !
M. Claude Estier. N'est-ce pas vrai ? N'y-a-t-il pas une hausse des impôts locaux ? Demandez à ceux qui reçoivent leur avis de recouvrement de la taxe d'habitation ou de la taxe foncière s'il n'y a pas de hausse des impôts locaux ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées. - Applaudissements sur les travées socialistes.)
Cela a donné aux Français le sentiment, d'ailleurs parfaitement justifié, qu'on leur reprenait d'une main, et tout de suite, ce qu'on leur aurait donné d'une autre un peu plus tard. Du coup, l'annonce dont vous attendiez tant a abouti à un « flop » retentissant qu'ont traduit tous les sondages dans les jours suivants. Et encore n'aviez-vous pas parlé à ce moment de l'allégement de l'impôt sur les grandes fortunes,...
M. Dominique Braye. Voilà le mythe qui reparaît ! Voilà le catéchisme qui revient !
M. Claude Estier. Vous avez déjà supprimé une fois l'impôt sur les grandes fortunes, et cela ne vous a pas réussi ! Alors, faites attention ! En tout cas, monsieur le Premier ministre, je vous ai trouvé, à ce propos, un peu plus circonspect que M. le Président de la République.
Deuxième exemple d'une politique incohérente : l'affaire des « sans-papiers » dits de Saint-Bernard. (Exclamations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Vous l'avez laissée se développer pendant près de six mois et devenir le feuilleton médiatique du mois d'août pour en arriver finalement à cette image, répercutée par les télévisions du monde entier, d'une porte d'église enfoncée à coups de hache, et ce pour aboutir à quoi ? (Applaudissements sur les travées socialistes. - Vives exclamations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur celles de l'Union centriste.)
M. Josselin de Rohan. Mgr Estier !
M. Claude Estier. Sur les quelque 300 personnes qui, participaient à ce mouvement, quelques dizaines ont vu leur situation régularisée, ce qui aurait pu être fait beaucoup plus tôt. Un petit nombre a été renvoyé par charters et la grande majorité a été relâchée dans la nature, renvoyée au su et au vu du ministre de l'intérieur à cette clandestinité dont elles voulaient précisément sortir.
Le bilan est peu glorieux sinon qu'il a démontré que les lois dites « Pasqua », que nous avions dénoncées en leur temps, sont inapplicables. « (Oh ! » sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Dominique Braye. Elles sont insuffisantes ! A cause de vous, nous ne sommes pas allés assez loin !
M. Claude Estier. Vous en venez d'ailleurs vous-mêmes, comme vous l'avez répété tout à l'heure, à parler de « lacunes » et d'« incohérences »...
M. Claude Braye. A cause de vous !
M. Claude Estier. ... et vous nous annoncez un nouveau dispositif législatif, dont un journal du soir publiait, aujourd'hui, un avant-projet. Nous aurons donc un débat à ce sujet et nous aurons, nous aussi, des propositions concrètes à présenter pour répondre à ce problème lancinant de l'immigration clandestine, qui doit être traité sérieusement, car le problème est grave, mais dans un souci de justice et de respect de la dignité des personnes humaines. (Murmures sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Philippe Marini. On a vu ce que vous-mêmes avez réalisé dans ce domaine !
M. le président. Mes chers collègues, veuillez ne pas interrompre trop fréquemment l'orateur, dont le temps de parole est limité.
Veuillez poursuivre, monsieur Estier.
M. Claude Estier. Aujourd'hui même, vous nous annoncez, d'autre part, une consultation de tous les groupes politiques sur les questions touchant à la modernisation de la vie politique. Nous viendrons volontiers à cette consultation en vous soumettant les propositions que le parti socialiste, après des débats approfondis, a mis au point dans ce domaine important.
Mais, s'agissant du mode de scrutin pour les prochaines législatives, vous nous trouverez fermement opposés - je crois que nous ne serons pas les seuls - à tout ce qui pourrait ressembler à une manipulation destinée à vous tirer de la situation difficile dans laquelle vous risquez de vous trouver en 1998. (Applaudissements sur les travées socialistes. - Protestations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Dominique Braye. Ne vendez pas la peau de l'ours avant de l'avoir tué !
M. Charles Descours Et vous, qu'avez-vous fait en 1986 ?
M. Claude Estier. Vous êtes toujours tournés vers le passé, jamais vers l'avenir.
J'ai bien dit en 1998 puisque vous nous assurez catégoriquement qu'en dépit des rumeurs qui ont pris corps au sein même de votre majorité il n'y aura pas de dissolution ni d'élections anticipées, ni même de remaniement du Gouvernement dans la mesure où - vous l'avez dit dimanche à 7 sur 7 - vous jugez celui-ci « excellent », ce qui montre qu'en matière d'autosatisfaction vous n'êtes jamais en retrait. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Alain Juppé, Premier ministre. En tout cas, je ne suis pas le seul.
M. Claude Estier. Je ne peux pas, dans le temps qui m'est imparti, traiter de tous les sujets que j'aurais souhaité évoquer.
J'aurais voulu, par exemple, vous interroger sur le sort que vous entendez réserver au rapport dont il a été beaucoup question ces jours derniers qui, sous prétexte de protéger le secret de l'instruction, nous paraît être une machine à faciliter l'étouffement de certaines affaires en même temps qu'une menace sur la liberté de l'information. (Applaudissements sur les travées socialistes. - Protestations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Charles Descours. Et les écoutes téléphoniques de l'Elysée ?
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Estier.
M. Claude Estier. Sur un tout autre plan, je voudrais en quelques mots exprimer l'inquiétude des Européens que nous sommes devant le manque de fermeté de votre Gouvernement face notamment aux problèmes qui se posent en matière d'approfondissement de l'Union européenne, ce qui nous amène soit à l'immobilisme, comme le montre le piétinement actuel de la Conférence intergouvernementale, soit à nous placer à la remorque de l'Allemagne, ce qui semble être le cas dans le domaine monétaire ; nous aurons, je crois, l'occasion d'y revenir dans un prochain débat.
Vous ne serez évidemment pas surpris que, au terme de ces observations, je vous confirme que le groupe socialiste vous refusera sa confiance. (Rires et exclamations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Alain Juppé, Premier ministre. Quelle surprise !
M. Claude Estier. Je terminerai par deux remarques.
J'ai évoqué au début de mon propos l'héritage que vous continuez à invoquer pour rejeter sur les socialistes la responsabilité de vos échecs d'aujourd'hui.
Un sénateur sur les travées du RPR. C'est la vérité !
M. Claude Estier. Je constate là encore une contradiction. En effet, vous vantez désormais les mérites de la décentralisation, que vous aviez dénoncée, et de quelle manière ! à l'époque où Gaston Defferre la mettait en oeuvre et vous utilisez abondamment la CSG, que vous aviez âprement combattue lorsqu'elle fut proposée par le gouvernement de Michel Rocard. (Protestations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Alain Juppé, Premier ministre. Ce n'est pas vrai !
M. le président. Veuillez conclure, je vous prie, monsieur Estier.
M. Claude Estier. Permettez-moi une note un peu plus humoristique pour finir.
Mercredi dernier, en lisant ici le texte du discours que vous prononciez à l'Assemblée nationale, M. le garde des sceaux a commis un lapsus en affirmant que 1987 - au lieu de 1997 - serait une année d'amélioration. Voulant se rattraper, il a vanté l'action du gouvernement de Jacques Chirac en 1987, en oubliant toutefois que, quelques mois plus tard, en mai 1988, François Mitterrand avait été largement réélu contre lui. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Veuillez conclure, s'il vous plaît !
M. Claude Estier. Vous vantez, aujourd'hui, vos propres mérites. Il se pourrait bien que pareille mésaventure vous guette pour 1998 ! (Vifs applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, jamais, depuis longtemps, le fossé entre les citoyens et la politique mise en oeuvre par un gouvernement de la France n'aura été aussi profond qu'aujourd'hui. D'un côté, 80 % de parlementaires formant les majorités de droite de l'Assemblée nationale et du Sénat approuvent le Premier ministre et ses choix, de l'autre, l'opinion rejette, dans les mêmes proportions, les mêmes choix du même Premier ministre ! Quel divorce !
Le discrédit de votre politique, monsieur le Premier ministre, est massif, c'est incontestable. Comme moi, mes collègues du groupe communiste républicain et citoyen n'ont jamais rencontré autant de malaise, d'inquiétude et d'angoisse chez nos concitoyens.
Monsieur le Premier ministre, la France d'aujourd'hui est une nation qui souffre, qui subit un véritable cataclysme social et humain. La France voit sa jeunesse brisée dans ses espérances parce qu'elle se voit aujourd'hui soumise au carcan de Maastricht, à la marche forcée vers la monnaie unique, support de cette logique ultralibérale impitoyable que vous voulez pousser toujours plus loin, toujours plus durement.
Cet avenir délibérément sacrifié est d'autant plus insupportable que la France est une grande nation, riche de multiples potentiels, de multiples réalisations de femmes et d'hommes qui lui donnent une identité forte.
Hier encore, au sein de la délégation des parlementaires bretons reçus par le Président Chirac, notre collègue M. Félix Leyzour a fait part de notre opinion sur les problèmes qui secouent aujourd'hui la Bretagne. Nous revenons pour témoigner de ces villes, de ces villages, de ces quartiers sinistrés par le massacre de l'emploi au rythme effrayant de 35 000 licenciements par mois. La France est sinistrée des saignées d'entreprises qui alignent plans sociaux sur plans sociaux, sinistrée de cette fracture sociale toujours plus béante.
Comble du comble, dans un pays de millions d'exclus et de victimes de la crise, alors que quatre-vingt-onze familles disposent à elles seules du quart du budget de la nation, c'est vers celles-ci que se tournent les préoccupations du Président de la République quand il évoque l'allégement possible de l'impôt sur la fortune, quand il faudrait, au contraire, comme nous le proposons, le quadrupler pour financer un plan d'urgence contre la pauvreté.
Il y a cette France insoutenable de tous les « sans » : sans emploi, sans revenu, sans domicile, sans affectation, sans sécurité, sans droit, sans papiers, donc sans perspective !
Mais cette France que nous connaissons est en même temps ce pays de femmes, d'hommes et de jeunes avec qui nous vivons, nous résistons et nous construisons : salariés de la SFP, de Bally-Myrys, du secteur bancaire, enseignants, fonctionnaires, médecins, salariés des arsenaux, éleveurs qui refusent de faire les frais de la crise de la vache folle, enfant naturel du marché unique, cheminots, qui continuent, comme en décembre 1995, par leur magnifique engagement, à repousser toute tentative de démantèlement de la SNCF. Tous et bien d'autres refusent, comme nous, que les valeurs boursières passent avant les valeurs humaines.
Monsieur le Premier ministre, il y a toute une France qui se bat, qui se rend compte que votre politique mène le pays dans une impasse totale. Elle est responsable, lucide et bâtisseuse d'avenir, cette France qui, à l'image de sa jeunesse, vous oppose de véritables et belles ambitions, celles du droit à un vrai métier, à une vraie formation, à une vraie vie.
Les jeunes n'acceptent pas d'être la génération sacrifiée, et il leur faut de la détermination et du courage - beaucoup en ont - à l'instar de ces centaines de lycéens et d'étudiants sans place à la rentrée, aux côtés desquels nous nous sommes battus, souvent avec succès, en créant avec eux SOS-rentrée.
Le discrédit et l'impopularité de votre politique, monsieur le Premier ministre, ne sauraient surprendre après tant de reniements, tant d'engagements non tenus et tant de fausses promesses, alors même que vous n'exercez le pouvoir que depuis dix-huit mois. Vous persistez en répétant que vous ne varierez en rien. Vous voulez avoir raison seul contre tous, mais les faits vous donnent tort.
Ainsi en est-il de la sécurité sociale, dont la réforme devait porter ses fruits dès 1996 et dont le déficit allait être définitivement enrayé en 1997. On connaît le résultat !
Après un plan de démantèlement obtenu à marche forcée par ordonnances, en passant au-dessus du Parlement, le déficit sera de 60 milliards de francs, non de 17 milliards de francs comme prévu, et ce en dépit des lourdes ponctions supplémentaires infligées aux salariés.
La sécurité sociale est avant tout malade du manque de ressources provoqué par le chômage, l'explosion de la précarité et des CES au détriment de vrais emplois stables, comme vient de le confirmer la Cour des comptes. Elle est malade des exonérations de cotisations en tout genre pour le grand patronat.
Dans l'opinion, grandit l'écho de notre proposition tendant à prélever le même taux de cotisation sur les revenus financiers - qui représentent la somme colossale de 1 145 milliards de francs - que sur les salaires, ce qui rapporterait 167 milliards de francs à la sécurité sociale.
Alors, monsieur le Premier ministre, qu'allez-vous faire ?
Il en est de même pour cette réforme truquée des impôts. Tout le monde a compris que vous augmentiez les impôts indirects et les impôts locaux, qui sont les plus injustes, pour permettre l'allégement des impôts sur les gros revenus. Voilà la véritable politique de classe que vous menez !
La réduction des dépenses publiques relève de la même mystification. Ce sont tous les budgets touchant la vie quotidienne des Français qui seront amputés.
Ainsi, les 13 milliards de francs retirés au logement social : c'est un véritable séisme ! Les responsables des organismes d'HLM sont révoltés et ils convoquent jeudi une convention spéciale pour dénoncer ce désengagement de l'Etat qui déstructure tout le logement social. Il faut rétablir ces crédits, monsieur le Premier ministre !
Et les baisses touchent bien d'autres secteurs : 15 % pour l'aménagement du territoire, 5 % pour la ville, 29 % pour l'industrie.
De même, les 5 000 suppressions de postes dans l'éducation nationale sont inacceptables quand des milliers de maîtres auxiliaires ne sont pas réemployés et que 800 000 heures supplémentaires imposées aux enseignants peuvent être immédiatement transformées en milliers de nouveaux emplois. C'est la qualité de la formation qui est en jeu, monsieur le Premier ministre ! Qu'attendez-vous ?
Si votre politique est un échec pour notre pays, pour notre peuple, ce n'est pas par imprévoyance ou par incohérence, car elle n'est pas un échec pour tout le monde. Elle répond parfaitement et totalement aux exigences des puissances dominatrices que M. Chirac, alors en campagne électorale, stigmatisait ainsi : « Ces détenteurs de gros capitaux qui s'enrichissent sans effort, par de simples jeux d'écritures, tant il est vrai que l'argent appelle l'argent ».
En Europe et en France, la clé de voûte de cette logique ultracapitaliste est le traité de Maastricht, avec ses critères, sa monnaie unique, entièrement conçus pour libérer totalement la circulation des capitaux, ce qui, comme l'affirme le commissaire européen de Silguy, « fait des marchés financiers les gendarmes de la politique économique que mènent les gouvernements ».
Eh bien, ces gendarmes, ils sont exigeants : il leur faut moins de dépenses publiques utiles, car c'est de l'argent stérile pour la spéculation, moins de protection sociale, moins de charges salariales, moins d'emplois, moins d'entraves à la recherche effrénée de la rentabilité financière. Et cela permet à cent vingt entreprises françaises de réaliser, au cours du seul premier semestre de cette année, 51 milliards de francs de profits : un record !
Le summum est atteint quand un cours boursier flambe à la simple annonce d'un plan de licenciements, comme chez Moulinex ou Rhône-Poulenc. Quel cynisme, quelle inhumanité dans ce système qui fait gagner de l'argent en brisant les êtres humains !
Il vous faut déréglementer, démanteler les services publics, même si l'on aboutit à des absurdités, à des gâchis financiers et humains incroyables, en même temps qu'à une régression du service offert à l'usager : le transport aérien en fournit une illustration. Et vous voulez faire de même pour la SNCF ou EDF !
L'ouverture à la concurrence sauvage des liaisons que Air Inter assurait en équilibrant rigoureusement ses comptes déstabilise non seulement la compagnie française mais également tous ses nouveaux concurrents privés, qui sont dans le rouge, alignant des milliards de francs de déficit. Cette expérience en grandeur réelle montre bien que l'Europe ultralibérale ne peut être synonyme d'efficacité économique et humaine. Et je ne ferai qu'évoquer ici l'insécurité et les nuisances pour les riverains des aéroports.
Il faut renoncer à l'ouverture totale du ciel européen prévue pour le 1er avril prochain.
Les Echos titrent : « Un budget 1997 sur mesure pour la monnaie unique ».
Mais, monsieur le Premier ministre, mesurez à quel point cette Europe-là s'éloigne inexorablement de l'Europe des peuples, des coopérations mutuellement fructueuses entre les pays, de la croissance, de l'emploi et de la démocratie. Elle se fait contre les intérêts des 300 millions d'Européens.
A cet égard, le Président de la République serait bien inspiré de respecter son engagement de consulter les Français par référendum sur l'entrée de la France dans le système de la monnaie unique. Au nom des sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen, j'appelle solennellement le Président de la République à le faire.
Comment ne pas s'inquiéter de l'instauration d'un véritable système monétaire européen bis au récent sommet de Dublin, sans aucun contrôle démocratique ?
Mme Danielle Bidard-Reydet. Très bien !
Mme Hélène Luc. Face à la brutalité et à la violence de votre politique, le pays a besoin d'une politique radicalement différente, inversant les choix actuels et replaçant l'être humain au coeur des décisions, en lieu et place de la finance et de l'argent dominateurs.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen y oeuvrent en avançant des propositions réalistes, novatrices, à l'écoute du mouvement social, à l'unisson de ses attentes de changement.
Lors de la présentation de votre plan de casse de la sécurité sociale, vous aviez relevé qu'il y avait deux logiques opposées en présence, la vôtre et la nôtre. C'est bien exact.
Cette nouvelle politique que nous voulons doit faire de la démocratie le fil rouge de la construction et de la gestion d'une société moderne. Cela passe, selon nous, par des institutions démocratiques rénovées, un Parlement doté de pouvoirs réels assurant, par le scrutin proportionnel intégral - et, à cet égard, il ne faudra pas oublier les élections sénatoriales -, la représentation de toutes les composantes de la société ; je pense particulièrement à la représentation des salariés, des jeunes, des femmes.
Le groupe communiste républicain et citoyen a, sur ce sujet, des propositions fortes à formuler. Il le fera notamment dans le cadre de la mission sénatoriale d'information sur la place des femmes dans la vie publique, dont je salue d'autant plus volontiers la naissance que nous en avons pris l'initiative après le retour de la conférence de Pékin de mon amie Michelle Demessine, recueillant l'accord unanime des sénatrices, du président du Sénat et des présidents de tous les groupes. Nous allons nous mettre au travail.
S'agissant de l'attentat de Bordeaux, nous le condamnons avec toute la force et la vigueur nécessaires. Je le redis : le terrorisme fait mal à la Corse, mal à la France et mal à la démocratie. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées socialistes, ainsi que sur de nombreuses travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
La population corse n'a rien à voir avec ceux qui se réclament abusivement d'elle. Vous devez, monsieur le Premier ministre, faire appliquer la loi dans toute sa rigueur. Il faut exclure toute complaisance à l'égard des terroristes. Pour notre part, nous n'avons jamais cessé de le faire.
Dans le même temps, comme je l'ai demandé lors du débat du 6 juin sur la Corse et comme je l'ai répété à l'occasion du déplacement d'une délégation en Corse une semaine plus tard, il faut une politique de réel développement économique, qui s'attaque au cancer du chômage et au désespoir de la jeunesse corse.
Je vous demande aujourd'hui, monsieur le Premier ministre, du haut de cette tribune, ce que je vous ai déjà demandé par écrit : répondez à la proposition de M. Charpak et du comité scientifique tendant à installer le synchrotron à Bastia, comme le souhaite le maire de cette ville.
M. le président. Madame Luc, je vous prie de conclure.
Mme Hélène Luc. Les orateurs précédents ont dépassé leur temps de parole, monsieur le président !
M. le président. D'une ou deux minutes seulement !
Mme Hélène Luc. Malheureusement, monsieur le Premier ministre, vous n'avez rien engagé de significatif dans ce sens depuis le voyage que vous avez effectué en juillet.
Nous serons des acteurs déterminés pour nous opposer à vos mauvais coups, pour appeler à recréer les conditions de la croissance, donc de la création d'emplois par la relance de la consommation, qui passe par celle du pouvoir d'achat.
Le SMIC à 7 500 francs, 1 000 francs de plus pour tous les salaires inférieurs à 15 000 francs et 600 francs pour les retraites : c'est indispensable pour que chacun vive correctement aujourd'hui, et ce serait efficace immédiatement, comme le serait le passage sans attendre aux trente-cinq heures, qui permettrait de créer 500 000 emplois en deux ans.
Robert Hue a avancé une grande proposition progressiste...
M. le président. Pardonnez-moi, madame Luc, mais je vous enjoins de conclure maintenant !
Mme Hélène Luc. Je termine, monsieur le président. Mais je m'aperçois que vous n'avez pas la même attitude avec tous les orateurs ! (Protestations sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. J'ai agi de même avec ceux qui vous ont précédé !
Mme Hélène Luc. Robert Hue, disais-je, a avancé une grande proposition progressiste, aussi innovante que le fut la sécurité sociale à la Libération et à laquelle nous travaillons : il s'agit de la création d'une sécurité d'emploi et de formation pour chacun, de la sortie de l'école jusqu'à la retraite.
Elle permettrait à chaque citoyen d'avoir une vie active rémunérée alternant formation, recherche, expériences professionnelles renouvelées, à l'opposé d'une mobilité qui précarise.
Il faut stopper les 200 000 nouvelles suppressions d'emplois programmées dans les entreprises, comme l'a proposé mon ami Alain Bocquet.
Il faut stopper immédiatement le processus dévastateur qui est engagé et changer complètement de cap. Avec notre peuple, qui ne se résigne pas, avec la jeunesse, avec toutes celles et tous ceux qui n'ont pas renoncé à avoir une haute idée de la France, avec toutes celles et tous ceux qui déploieront leur énergie dans des mouvements porteurs d'avenir, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen seront de ce combat, qui passe aujourd'hui par le rejet de la confiance à votre Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. En choisissant de soumettre les orientations politiques du Gouvernement à l'appréciation des parlementaires, vous avez eu, monsieur le Premier ministre, une lecture éclairée de notre Constitution ; je m'en réjouis comme l'ensemble de mes collègues, car le fonctionnement de notre démocratie n'oblige nullement le Gouvernement à présenter sa déclaration de politique générale devant la Haute assemblée, et encore moins à la faire approuver par un scrutin public.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il ne risque rien !
M. Bernard Joly. Les sénateurs du groupe du Rassemblement démocratique et social européen vous sont reconnaissants de la confiance que vous leur témoignez ainsi. Ils sauront s'en montrer dignes et participeront activement aux travaux de la session.
La démarche retenue revêt un aspect solennel. Un peu plus d'un an après votre déclaration d'investiture, dans laquelle vous définissiez les orientations de la politique à mener, voici une nouvelle étape, tout à la fois bilan et prospective. Il faut simultanément expliquer pourquoi les résultats escomptés ne sont pas au rendez-vous et comment les nouveaux objectifs pourront être atteints. De nombreux Français, en proie aux difficultés engendrées par une conjoncture économique et sociale défavorable, s'interrogent sur leur capacité à rebondir. Lors d'une épreuve, les dernières forces sont rassemblées et jetées pour franchir la ligne d'arrivée. Pour beaucoup, elle apparaît, aujourd'hui, comme un mirage.
Pour remobiliser, pour redonner foi dans un avenir où chacun aura sa place, le moyen à notre disposition, nous qui sommes ici réunis, est la concertation entre élus et gouvernants témoignant de leur volonté d'avancer ensemble pour, comme vous le disiez, « insuffler à nos concitoyens l'esprit de réforme, l'esprit de conquête » et, j'ajouterai, la volonté indispensable du redressement. Seule une cohésion affichée entre les différents acteurs de la vie politique et l'empreinte d'un pouvoir fort permettront d'apaiser les clivages et d'effacer les tensions qui contribuent à différer la relance.
Notre conviction doit être assez forte pour porter la flamme du relais qui permettra de réveiller le pays. Churchill avait promis du sang et des larmes, de Gaulle exhortait à reprendre le combat. La rage de vaincre est venue de la dimension de l'enjeu. Les termes ont changé mais le levier du dépassement reste le même. Un idéal n'est pas un rêve.
M. Philippe Labeyrie N'importe quoi !
M. Bernard Joly. Monsieur le Premier ministre, nul ne met en cause la qualité des efforts déployés par votre gouvernement pour parvenir à assainir les finances publiques, redresser les comptes de la sécurité sociale et lutter contre le chômage.
Toutefois, les Français sont impatients, et parfois en colère. Il gronde à nouveau des menaces de manifestations dont la lecture doit être faite avec les précautions d'usage, mais qui n'en mobilisent pas moins au-delà des professionnels du genre. Pour atteindre les objectifs que vous avez fixés afin de redresser la France, nos concitoyens ont dû et doivent encore consentir de nombreux sacrifices qui, en l'absence de résultats immédiatement tangibles, se révèlent souvent douloureux.
Aussi était-il nécessaire de réaffirmer solennellement que les efforts consentis ne seraient pas vains. Néanmoins, il faut regarder la vérité en face. Vous avez, monsieur le Premier ministre, nous avons, mes chers collègues, annoncé des résultats. Si nos compatriotes savent fort bien que le redressement de la nation n'interviendra qu'après plusieurs années, ils n'oublient pas pour autant nos promesses : 1997 a été présentée comme l'année décisive de la réforme ; 1998 sera l'année du renouvellement. L'échéance est donc brève ! A nous de nous y tenir.
Pour ce faire, la majorité des membres du groupe du Rassemblement démocratique et social européen, au nom duquel je m'exprime à cette tribune, a choisi d'adhérer à l'unique politique budgétaire envisageable, qui, ainsi que vous l'avez démontré, s'avère nécessairement être une politique volontariste.
Elle a également choisi de participer au redressement de notre système de protection sociale, en adoptant, en février dernier, le texte relatif aux lois de financement de la sécurité sociale. Elle vous a enfin soutenu sur les différents textes qui visaient à faire reculer le chômage.
Ce soutien vous est maintenu pour les échéances à venir, même si certains d'entre nous, tout en renouvelant la confiance qu'ils vous avaient déjà accordée, regrettent le parallélisme trop rigoureux entre votre déclaration de mercredi dernier et vos propos plus anciens.
Monsieur le Premier ministre, les préoccupations essentielles des Français concernent l'éducation et l'emploi, la protection sociale, l'impôt et la justice.
En matière de lutte contre le chômage, nous ne pouvons que nous réjouir des avancées accomplies, même si la route est encore longue. Les membres du groupe que je représente dans ce débat ont pu constater avec satisfaction la mise en place de mesures visant à aménager le temps de travail. Nous accueillerons également avec bienveillance le projet de loi relatif au pacte de relance pour la ville, dans la mesure où l'emploi se révèle être le moteur des dispositions envisagées.
Cependant, ces avancées ne constituent qu'un premier pas, et la lutte contre l'exclusion sociale doit rester la première priorité du Gouvernement. A ce sujet, certains d'entre nous, moi le premier, regrettent la disparition de l'aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d'entreprise. Pour malaisée que soit apparue leur application, il n'en demeure pas moins que ces dispositions devront être réétudiées, afin d'être présentées sous une autre forme ; le futur chef d'entreprise, encouragé par une telle mesure à quitter les sentiers de l'exclusion, pourra en effet, dans sa fuite salutaire, entraîner d'autres demandeurs d'emploi, contribuant ainsi à l'abaissement du taux de chômage. Il convient, également, d'encourager les représentants des services déconcentrés de l'Etat à une lecture des textes prenant en compte une réalité appelant une appréciation adaptée quant à l'attribution de l'aide.
Par ailleurs, et notre collègue Fernand Demilly avait déjà attiré l'attention du garde des sceaux lors du débat sur le projet de loi relatif à l'enfance délinquante, aucune avancée significative en matière d'emploi ne pourra être accomplie si, parallèlement, des efforts ne sont pas consentis dans le domaine de l'éducation.
Enfin, la lutte contre le chômage n'aboutira jamais tant que nous ne nous déciderons pas à encourager une politique nataliste, laquelle aurait des effets salutaires au regard tant de l'emploi que celui de la protection sociale.
La protection sociale est directement liée à l'emploi. Sans le second, il est quasi impossible de bénéficier de la première. Une lourde tâche nous attend, car c'est nous, parlementaires, qui, ayant accepté d'intervenir dans les comptes de la sécurité sociale, devron procéder à son redressement, et ce sous notre entière responsabilité.
Monsieur le Premier ministre, cette entreprise sera d'autant plus difficile que les Français, reconnaissons-le, peuvent, à juste titre, être déçus par les chiffres récemment communiqués.
M. Claude Estier. Ah oui !
M. Bernard Joly. Alors que nous leur avions annoncé une amélioration rapide de la situation en ce domaine, force est de constater que les résultats n'ont pas été à la hauteur de nos espérances.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Voilà la franchise !
M. Bernard Joly. Il nous faut donc persévérer afin de tenir nos promesses, même si l'on sait désormais que ce sera avec retard.
Quoi qu'il en soit, le groupe du Rassemblement démocratique et social européen entend contribuer à l'amélioration des conditions de vie de ses concitoyens. C'est dans cet esprit que M. Guy Cabanel, président de notre formation, a cosigné la proposition de loi relative à la prestation autonomie à laquelle je suis, également, particulièrement attaché, mais j'aurai l'occasion de m'exprimer sur ce sujet lors d'une prochaine séance. Cette mesure, si elle était adoptée, contribuerait à plus de justice sociale, ainsi que le prônait M. le Président de la République lors de son investiture.
Le volet essentiel de la récente déclaration du Gouvernement concerne l'impôt. Dans ce domaine, il nous faut reconnaître que des progrès ont déjà été accomplis.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et la TVA ?
M. Bernard Joly. Si le Gouvernement cherche à s'attirer la confiance des Français, notamment pour pouvoir mener à bien sa politique de réduction des déficits budgétaires, c'est parce qu'il a lui-même confiance dans la capacité qu'ont nos concitoyens à contribuer au redressement du pays.
Cette confiance, monsieur le Premier ministre, vous avez su en témoigner en annonçant une baisse conséquente de l'impôt sur le revenu. Cette réduction fiscale, qui devrait favoriser la relance, même modeste, de la consommation, peut constituer le déclic tant attendu, qui permettrait d'encourager la croissance indispensable à la relance de notre économie.
Cette mesure constitue donc une avancée importante qui devra être poursuivie jusqu'à la refonte complète de notre système fiscal. Il faut, notamment, rechercher un ajustement des prélèvements et des redistributions, c'est-à-dire tenter de ne pas prélever ce qui va revenir sous forme d'allocation.
Européens convaincus, nous pensons qu'il y a lieu de continuer dans la voie de la rigueur budgétaire, et ce non seulement afin de pouvoir accéder dans les meilleures conditions au marché européen qui nous attend, mais surtout parce qu'il est primordial d'assainir la situation financière de notre pays.
Ayant récemment pris connaissance des propos tenus par le Président de la République en matière d'impôt sur la fortune, et sans être opposés à sa reconsidération, nous tenons, toutefois, à mettre en garde le Gouvernement afin qu'il ne retombe pas dans les erreurs du passé.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ah ! Quand même !
M. Bernard Joly. Si la fuite des capitaux et l'exil des foyers fiscaux à l'étranger est un fléau qu'il faut éradiquer, il n'en demeure pas moins que la solidarité entre les plus fortunés et ceux qui le sont moins reste un excellent facteur de cohésion sociale.
En tout état de cause, il nous faut agir vite pour qu'à son tour la France devienne « une niche » fiscale, mobilisatrice de compétences et de capitaux extérieurs, afin de favoriser l'implantation de nouvelles entreprises qui contribueront au développement et au maintien de l'emploi.
J'en viens à un autre volet de la politique gouvernementale : la justice et l'immigration.
En ce qui concerne la première, en particulier dans son mode d'appréhension de la vie carcérale, le groupe auquel j'appartiens entend participer activement à la mise en place d'une législation novatrice. C'est la raison pour laquelle j'invite mes collègues à soutenir la proposition de loi du président de notre groupe, M. Guy Cabanel, relative au placement sous surveillance électronique, qui viendra très prochainement en discussion dans cet hémicycle.
Ce texte, qui a reçu l'assentiment de tous les membres de la commission des lois, est la preuve d'un réel progrès dans le domaine des libertés publiques, dans la mesure où le « bracelet électronique » constitue une garantie supplémentaire de lutte contre la détention excessive.
Par ailleurs, le groupe du Rassemblement démocratique et social européen, en consacrant une journée de réflexion à la lutte contre le terrorisme, le 18 octobre prochain, souhaite contribuer à l'amélioration de la législation dans ce domaine, afin que cette forme particulière de criminalité, nouvelle forme de guerre, ne vienne pas troubler la paix mondiale que de nombreux pays se doivent de léguer aux générations à venir. Je continue à penser, et ce malgré les démonstrations de certains de mes éminents collègues, que l'imprescriptibilité convient pour ce type d'actes.
Une cause, si juste soit-elle, ne justifie jamais le recours au terrorisme. Nous sommes à vos côtés au lendemain de l'attentat de Bordeaux et nous nous associons, monsieur le Premier ministre, à vos déclarations par lesquelles vous condamnez un acte aveugle qui endommage le patrimoine national, donc la mémoire collective, et met en péril la vie d'innocents.
A mi-chemin entre police et justice se trouve le délicat problème de l'immigration.
Beaucoup d'entre nous sont convaincus qu'il s'agit là d'un domaine dans lequel aucun laxisme n'est permis. Toutefois, nous sommes particulièrement attachés à ce que le Gouvernement fasse d'abord connaître sa fermeté à l'encontre des employeurs d'immigrés illégaux avant de procéder à l'expulsion des étrangers indésirables qui, bien souvent, se révèlent plutôt victimes qu'acteurs.
Tel était, d'ailleurs, le sens de l'intervention de notre collègue Jacques Bimbenet au cours d'une séance de questions orales. Nous constatons avec satisfaction que sa démarche a été entendue et nous étudierons favorablement le projet de loi que le Gouvernement déposera prochainement sur l'initiative de M. Jacques Barrot.
Monsieur le Premier ministre, il convient, enfin, d'accorder une attention particulière à la Corse. Notre éminent collègue François Giacobbi...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous n'allez pas les citer tous !
M. Bernard Joly. ... estime, en effet, que votre politique concernant la Corse est à la fois clairvoyante et courageuse. Vous êtes le seul qui, depuis presque vingt ans, ait su appréhender avec rectitude la complexité d'une situation délicate. Nous vous en félicitons.
Ainsi, confiant parce que convaincu que les orientations que vous avez choisies dans le cadre du dossier corse sont les seules qui soient susceptibles de fournir des résultats, François Giacobbi apportera son soutien à l'ensemble de votre politique, suivi en cela par la grande majorité des membres du groupe du Rassemblement démocratique et social européen, attitude qui reflète la spécificité de notre formation. (Applaudissements sur les travées du RDSE, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du RPR.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et Paul Girod, vous ne l'avez pas cité ?
M. le président. La parole est à M. Habert, pour cinq minutes.
M. Jacques Habert. « Nos compatriotes sont inquiets et désorientés... Ils nous disent aujourd'hui leurs attentes, leurs impatiences, leurs déceptions, leurs mécontentements, et nous le comprenons. » Telles sont, monsieur le Premier ministre, vos propres paroles dans la déclaration de politique générale du Gouvernement. En ces quelques mots lucides l'essentiel est exprimé. Il vous faut maintenant, bien sûr, répondre à ces attentes, calmer ces impatientes, éradiquer ces mécontentements.
Facile à dire, très difficile à faire ! Surtout quand on se trouve - c'est le cas aujourd'hui - dans une période de mutation qui implique des changements radicaux, des réformes profondes, nécessaires pour élever notre pays au niveau du XXIe siècle, mais tout à fait déconcertantes, démoralisantes, parce qu'elles heurtent nos habitudes, bouleversent nos certitudes et touchent à des droits que l'on croyait acquis.
D'où cette conséquence que vous avez nommée : la « sinistrose », une morosité qui d'ailleurs, comme vous l'avez remarqué, monsieur le Premier ministre, frappe davantage le « microcosme » politique et médiatique que les Français eux-mêmes.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pas du tout !
M. Jacques Habert. Mais cette maladie bien de chez nous n'est pas nouvelle. Permettez-moi à ce sujet une rapide digression. A l'époque romantique, on l'appelait « le mal du siècle ». Après les heures exaltantes de la Révolution et du Premier Empire, ceux qui avaient conduit nos soldats jusqu'à Rome, Vienne, Berlin, Moscou, se retrouvaient en demi-solde.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ceux qui n'étaient pas morts !
M. Jacques Habert. Les jeunes, eux aussi, cherchaient leur voie. Alfred de Musset avait donné à cette mélancolie un nom poétique : la « désespérance ».
Eh bien ! nos compatriotes de ce temps-là avaient tort de se désespérer ! La France a connu ensuite Victor Hugo et Louis Pasteur, l'unité italienne et une épopée mondiale que l'on entend parfois dénigrer, mais qui nous a permis d'être présents sur tous les continents ; ce grâce à quoi une trentaine de nations parlent maintenant notre langue et se retrouvent solidaires d'un même idéal.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. A l'église Saint-Bernard, par exemple !
M. Jacques Habert. Aujourd'hui comme autrefois, nous aurions tort de désespérer, même s'il existe de réels motifs d'inquiétude. Nous aurions tort de voir tout en noir, même si certains, dans des buts assez clairs, s'activent pour tout peindre d'une couleur de deuil.
Il est indéniable que nous disposons d'atouts considérables - vous l'avez rappelé, monsieur le Premier ministre, et tout le monde le reconnaît - à savoir la qualité et la richesse de nos ressources humaines, les performances de nos secteurs de pointe, le dynamisme de nos entreprises, surtout reconnu hors de nos frontières, un commerce extérieur fortement excédentaire et des taux d'intérêts au plus bas permettant les investissements. Tous ces indicateurs sont très positifs.
Il faut se féliciter de l'attention spéciale que vous portez aux petites et moyennes entreprises, principales sources d'emplois dans notre économie. Nous devons les aider à étendre leurs activités sur les marchés internationaux où se trouvent les principaux potentiels de croissance.
A cet égard, vous avez eu raison de souligner, monsieur le Premier ministre, comme d'ailleurs le président du Sénat, M. René Monory, le fait souvent, la nécessité d'encourager les jeunes Français à partir à l'étranger pour favoriser nos exportations et participer au rayonnement de notre pays. (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées de l'Union centriste ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
La France occupe une place centrale en Europe. Elle doit en poursuivre l'édification. A l'heure où s'organisent de grands ensembles, l'ALENA, le Mercosur ou l'ASEAN, il ne faut pas prendre le risque de laisser l'Union européenne se distendre.
Méfions-nous cependant : l'euroscepticisme existe, et avec quelques raisons. Comment être sûrs, par exemple, que la monnaie unique sera le remède miracle que l'on annonce ? Faut-il vraiment en poursuivre la réalisation avec tant de hâte ? Sommes-nous obligés de montrer tant de zèle dans l'application de certaines directives venues de Bruxelles ? Nous aurions souhaité parfois une défense plus ferme de nos spécificités.
Plus ferme aussi doit être la protection des frontières, non seulement celles de l'Hexagone, mais aussi celles de l'ensemble de l'Europe.
La France, fidèle à sa tradition de terre d'asile, demeure certainement le pays le plus accueillant du monde. Mais, dans la situation économique actuelle, peut-on se permettre de pousser plus loin notre générosité ? Celle-ci ne doit s'exercer que dans le respect des lois, et nos lois n'autorisent pas l'immigration clandestine.
La France est aussi l'un des deux pays du monde qui dépensent le plus, tant en hommes qu'en contributions financières, pour le progrès des nations en voie de développement. Elle conduit avec celles-ci une politique de coopération qui, à bien des égards, a été exemplaire. Cependant, le but de cette politique ne doit pas être d'amener chez nous tous ceux qui cherchent - nous les comprenons - à venir y résider et à bénéficier - ce qui est normal - de notre protection sociale, qui reste la meilleure du monde. La finalité de notre coopération doit être de permettre à nos amis et partenaires de se fixer dans leur propre pays, qui profitera des compétences et des enseignements qu'éventuellement nous aurons pu leur donner.
En conclusion, je citerai une phrase qui m'a frappé dans la déclaration du Gouvernement : « Plus que jamais, nous avons besoin, dans un monde sans frontières et apparemment sans règle du jeu, de retrouver les fondements de la morale républicaine et le sens de quelques grands idéaux, simples mais que je crois immortels : la liberté, l'égalité et la fraternité. On peut ajouter la responsabilité, le goût du travail, le regard d'autrui, le sentiment familial, l'amour de la paix et l'amour de la France. »
Telle est, fort bien exposée en quelques mots, la hauteur de vos vues et de l'espérance qui sous-tend votre politique. Ces mots résument les raisons pour lesquelles la majorité d'entre nous, monsieur le Premier ministre, vous accordera sa confiance. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Je vous remercie, monsieur Habert, d'avoir respecté votre temps de parole, qui était fort court.
La parole est à M. de Raincourt.
M. Henri de Raincourt. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, il est des moments où la répétition n'est pas lancinante. Je voudrais, comme d'autres avant moi, m'adresser au maire de Bordeaux pour lui exprimer, au nom de l'ensemble des membres du groupe des Républicains et Indépendants, toute notre sympathie.
Un attentat est toujours odieux en soi mais lorsqu'il est perpétré dans une mairie, c'est-à-dire dans la « maison commune » des habitants d'une ville, c'est parfaitement inacceptable. En cet instant, ce sont tous les Bordelais qui sont blessés ; nous leur témoignons notre solidarité. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, du RPR et du RDSE.)
Monsieur le Premier ministre, nous vous réaffirmons notre soutien, pour les mesures que vous venez d'annoncer et pour votre détermination à combattre les attentats, quels qu'en soient les auteurs. Nous sommes à vos côtés pour vous soutenir dans l'action que vous menez, afin que sur l'ensemble du territoire national soient respectées les lois de la République.
M. François Giacobbi. Très bien !
M. Henri de Raincourt. Monsieur le Premier ministre, vous demandez une nouvelle fois à notre Haute Assemblée un vote d'approbation sur votre politique générale. Au nom des sénateurs Républicains et Indépendants, je vous remercie.
Chargé d'assurer, depuis le 1er octobre dernier, la coordination de la majorité sénatoriale, je pense pouvoir dire au nom de celle-ci que la Haute Assemblée est sensible à cette marque de considération, que nous n'avons pas connue sous tous les gouvernements. (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Vous avez choisi de conduire une politique de redressement national, nécessaire pour que les engagements pris au plan européen puissent être tenus.
La maîtrise des déficits, la limitation de la dépense publique, l'allégement de la fiscalité prévu pour 1997 sont autant de conditions indispensables pour redonner oxygène et élan à notre économie.
J'observe d'ailleurs, après d'autres, que les gouvernements occidentaux agissent tous de la même manière quelle que soit la sensibilité politique de leurs dirigeants. Les exemples récemment donnés par l'Italie et par l'Espagne devraient d'ailleurs inciter ceux qui vous critiquent à une certaine retenue.
Il convient également de rappeler que les ministres des finances des pays du G 7 ont constaté que, dans le monde, les perspectives de croissance sont favorables pour les mois à venir et pour 1997. La France, engagée dans un processus crédible, pourra bénéficier pleinement de ces perspectives encourageantes.
Dans bien des domaines, des réformes courageuses - et périlleuses - ont été entreprises. Je ne citerai comme exemples que la réforme de la SNCF, celle de France Télécom ou encore celle de notre système de protection sociale dont il convenait, tout simplement, d'assurer la pérennité, ce qui est énorme.
L'emploi, la consommation, la croissance et la confiance sont intimement mêlés pour inverser des tendances accentuées par l'immobilisme et le conservatisme.
L'esprit d'assistance s'est développé au détriment de l'esprit d'entreprise. Nous savons bien que, dans ces conditions, la réforme est difficile. On peut aisément comprendre les réticences de nos compatriotes alors que nombre d'entre eux sont confrontés à des problèmes économiques et sociaux redoutables. Aucune famille n'est aujourd'hui épargnée.
Nous savons aussi que nous traversons une époque de profonde mutation qui impose l'imagination et l'audace pour ouvrir de nouveaux horizons.
Mais ce n'est pas la première fois que notre pays est confronté à une telle situation. A chaque fois, il a su relever le défi. Sachons le relever à notre tour afin de redonner confiance aux Français.
Pour cela, il nous semble qu'il faut répondre à deux de leurs préoccupations majeures : le chômage et l'insécurité, sujets que vous avez d'ailleurs largement développés dans votre intervention, monsieur le Premier ministre.
Pour l'emploi, nous constatons la limite des politiques mises en oeuvre ces dernières années par des gouvernements différents. Les solutions traditionnelles ne suffisent plus. Nos systèmes d'intervention, beaucoup trop dirigistes, sont à bout de souffle et trop onéreux. Même si leur exemple n'est pas intégralement transposable en France, reconnaissons que les Etats-Unis obtiennent des résultats et que, là-bas, la pauvreté recule.
M. Philippe Labeyrie. Ce n'est pas vrai !
M. Henri de Raincourt. Il y a chez nous des blocages culturels et administratifs qui détruisent des emplois. L'heure est plus que jamais à l'intelligence prospective afin de faire émerger en nombre de nouveaux métiers.
Après l'ère agricole puis l'ère industrielle, voici venue celle de la haute technologie et de la communication. Ce secteur, si nous le voulons, ouvre des perspectives. Acceptons de changer d'état d'esprit si nous désirons monter dans le train du futur.
Les collectivités territoriales représentent en termes d'investissement un poids considérable. Si elles avaient un peu plus de libertés elles pourraient faire preuve d'initiative tant en matière d'investissement qu'en matière de création d'emplois. Des exemples existent ; il faut mieux les connaître et les faire connaître.
Investir est pourtant devenu pour les collectivités territoriales un véritable parcours du combattant comportant de nombreux risques.
Elles sont aujourd'hui quasi paralysées par la lourdeur du code des marchés publics et le harcèlement des contrôleurs. Il faut être téméraire de nos jours pour oser signer un marché public.
Plus d'emplois, c'est moins de délinquance, donc une tranquillité de vie retrouvée dans certaines zones d'habitation. Pour combattre l'insécurité, nous avons des moyens, et je souscris à ce que vous avez exprimé tout à l'heure à propos de la Corse.
La sécurité englobe aussi la question de l'immigration, dangereuse à terme si elle n'est pas traitée. Peut-on, en la matière, avoir enfin une réglementation simple, claire et humaine ? Ne pas y consacrer nos efforts, c'est nourrir le racisme et l'extrémisme. L'immigration illégale doit être combattue. L'immigration régulière doit permettre une intégration réussie respectant la dignité des personnes.
Il convient, monsieur le Premier ministre, de ne pas disperser nos efforts. Il me semble que, sur ces deux sujets, nous pouvons mobiliser notre énergie et concentrer l'action publique, afin de montrer à nos compatriotes que nous agissons pour améliorer la situation du pays, mais aussi leur vie quotidienne.
Nous sommes tous responsables devant eux. C'est pourquoi l'humilité et la modestie s'imposent quant aux méthodes à appliquer. Qui peut ici affirmer qu'il détient la solution la plus adaptée et la plus efficace pour créer des emplois et pour combattre l'immigration illégale ?
M. Christian Poncelet. Personne !
M. Henri de Raincourt. Poser la question, c'est déjà y répondre !
Les membres du groupe des Républicains et Indépendants sont résolus à participer à cette oeuvre de modernisation. Ils considèrent que le Parlement à un rôle essentiel à jouer. Il doit être ou redevenir le centre du débat républicain.
Dans la situation présente, nous avons, dans la majorité, un devoir d'union. A cet égard, la distillation des petites phrases, singulièrement le dimanche, a un effet ravageur. (« Ah ! » sur les travées socialistes.)
M. Alain Gournac. Absolument !
M. Henri de Raincourt. L'échange démocratique vu à travers le prisme déformant des médias est par trop réducteur, d'autant que certains acteurs n'exercent pas de responsabilités électives : c'est donc un appauvrissement du débat qui concourt à éloigner les élus des électeurs et à manipuler l'opinion. Pour nous, parlementaires, il est toujours désagréable d'apprendre certaines décisions par la presse et après elle.
On voudrait nous faire tomber dans un piège. Si, dans la majorité, nous ne sommes pas d'accord sur tout, nous n'aurions, nous dit-on, d'autre choix que l'« opposition intérieure » ou le mutisme. Pour notre part, nous pensons que nous pouvons éviter ce piège par une confiance réciproque entre le Gouvernement et sa majorité.
La démocratie, c'est le dialogue et le respect des opinions d'autrui. Cela doit se vérifier au Parlement, et en premier lieu entre la majorité et le Gouvernement.
Les ministres doivent être attentifs à ce que dit la majorité sénatoriale, en respectant, bien entendu, les sensibilités respectives des groupes qui la composent.
En contrepartie, nous ne devons pas venir compliquer la tâche, souvent si difficile, du Gouvernement en le critiquant systématiquement, ce que nos compatriotes, au fond, ne comprennent pas et ne nous pardonnent pas.
Notre groupe se trouve tout à fait dans cet état d'esprit. Oui, nous soutenons la politique du Gouvernement. Nous souhaitons aussi être associés le plus en amont possible à son élaboration et nous entendons continuer à nous exprimer librement sur tel ou tel texte.
Le Gouvernement ne doit pas, bien au contraire, redouter ou regretter la discussion avec ceux qui le soutiennent.
Monsieur le Premier ministre, en application de l'article 49-4 de la Constitution, vous avez souhaité consulter le Sénat sur la politique générale du Gouvernement.
Cette démarche est utile, car elle pemet de vérifier si les deux chambres du Parlement soutiennent la politique que vous conduisez avec constance et courage.
Le groupe des Républicains et Indépendants appartient à la majorité choisie par les Français en 1993 et confirmée l'année dernière à l'occasion de l'élection présidentielle.
Nous avons au moins trois raisons d'émettre un vote favorable à l'issue de ce débat : vous donner acte, monsieur le Premier ministre, de l'action du Gouvernement ; vous confirmer notre soutien ; vous manifester notre volonté d'union.
Pour ce qui concerne notre comportement politique futur, nous resterons attentifs aux projets gouvernementaux, nous resterons responsables dans nos propositions de loi ou amendements, mais toujours solidaires sur l'esentiel.
Nous avons un devoir de soutien à l'égard du Gouvernement ; c'est un acte de solidarité politique. Nous avons aussi un droit de proposition, et les deux choses ne sont pas incompatibles. Que ce soit par notre vote ici ou par nos déclarations à l'extérieur, nous continuerons à vous apporter notre soutien. Cela n'exclut ni la discussion, ni la réflexion, ni même le droit à la différence sur tel ou tel aspect d'un texte.
Dans cette période si compliquée, n'est-il pas bon, parfois, de rappeler des évidences aussi simples ? Le Gouvernement a besoin de marcher en utilisant les deux jambes qui composent sa majorité. Ceux qui envisageraient de construire une majorité avec un parti fort et quelques auxiliaires nous conduiraient à l'échec ; quant à ceux, appartenant à la majorité, qui rêveraient d'un échec du Gouvernement pour connaître un succès personnel, ils rencontreraient bien des désillusions.
M. Roland du Luart. Bravo !
M. Henri de Raincourt. L'union est un outil politique dans l'intérêt du pays.
Certes, la crise est complexe. Elle n'est pas seulement économique ; on ne la réglera donc pas par une logique exclusivement comptable.
La crise est également morale. Nous avons perdu nos repères sans qu'il en surgisse d'autres. C'est peut-être le signe de la permanence de certaines valeurs.
Monsieur le Premier ministre, ou bien nous considérons que, désormais, notre glorieux passé et l'héritage de notre longue histoire sont trop lourds à porter, alors nous accepterions comme une fatalité de devenir un petit peuple dans un petit pays, ou bien nous, parlementaires, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, nous considérons que nous avons une mission, je dirai même une vocation : celle qui consiste à proposer à nos compatriotes de continuer à travailler pour que notre pays reste fort, respecté et influent en occupant toute sa place en Europe et dans le monde. Je suis convaincu que cette France-là, c'est la vraie France, et c'est celle que nous aimons. (« Bravo ! » et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Blin.
M. Maurice Blin. Monsieur le Premier ministre, je m'associe à mon tour, au nom du groupe de l'Union centriste, au témoignage de solidarité qui a été formulé par l'ensemble des orateurs qui m'ont précédé à cette tribune, à la suite de l'attentat perpétré contre la mairie de Bordeaux. Il ne faut pas que le terrorisme, d'où qu'il vienne, puisse prévaloir sur la République. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Vous avez voulu, monsieur le Premier ministre, solliciter l'avis de notre Haute Assemblée sur une déclaration de politique générale du Gouvernement. Vous n'y étiez pas obligé. Nous nous en félicitons doublement : d'abord parce que votre choix témoigne de l'intérêt que vous portez aux travaux du Sénat et de l'importance de son rôle dans nos institutions, ensuite parce que la politique de réforme dans laquelle vous vous êtes engagé, qui est si contraire à la tradition d'un pays qui lui a souvent préféré la révolution, même sans effets ni lendemains, demande, pour aboutir, le soutien du Parlement.
La réponse de la France aux contraintes d'un monde nouveau, celui du XXIe siècle, sa faculté d'adaptation à un contexte international en plein bouleversement politique, économique et financier sont les clés de son avenir.
Ses institutions politiques sont solides, mais, après cinquante ans d'usage, d'autres, dans les domaines financier, économique, fiscal ou social, ont vieilli. Avec elles, se sont créées des habitudes. Sur elles, se sont greffés des intérêts, d'où les résistances que votre politique de réforme suscite chez certains.
D'autres estiment que ses résultats sont trop lents à venir. Ils ne comprennent pas que l'on n'efface pas en quelques mois les effets du laxisme budgétaire (M. Chérioux applaudit), le déficit des entreprises publiques, le gouffre financier que creusent, année après année, les comptes sociaux de la nation. Il y faut de la persévérance et du temps. Reste que, çà et là, on sent dans l'opinion comme une nostalgie des temps anciens, ceux qui étaient caractérisés par une croissance facile et forte, par une monnaie sous-évaluée et par une économie soutenue et encadrée par l'Etat. Or, mes chers collègues, ce temps n'est plus et ne reviendra pas : un pays qui exporte plus de 20 % de sa production, qui a une dette dont quelque 20 % sont détenus par des mains étrangères, est condamné à vivre au rythme du monde et à pratiquer une gestion qui inspire confiance.
Une dernière critique est opposée à ceux qui, comme vous, comme nous, monsieur le Premier ministre, sont convaincus de la nécessité d'une remise en ordre de la maison « France ». Elle séduit, car elle relève de la pratique immémoriale du bouc émissaire : l'Europe, plus précisément la contrainte monétaire que nous impose la création de sa monnaie de demain serait à l'origine de tous nos maux. L'argument est cependant fallacieux à un double titre.
D'abord, la France aurait été de toutes les façons dans l'obligation de rétablir l'équilibre de ses finances. Continuer à vivre d'emprunts, c'était imposer à nos enfants les sacrifices que nous nous serions épargnés à nous-mêmes. C'était rompre la solidarité des générations et mettre en péril la continuité de la nation. Qui d'entre nous, mes chers collègues, quelle que soit son appartenance politique, accepterait d'en prendre le risque ?
Et puis, et surtout, la monnaie européenne de demain est la condition incontournable hors de laquelle l'Europe ne resterait qu'un marché convoité par ses concurrents d'Amérique ou d'Asie. Elle ne résistera à leur emprise, en particulier au dumping monétaire du plus puissant d'entre eux, elle ne deviendra un partenaire économique respecté que si elle dispose d'une monnaie propre. Parlons plus clair encore : sa dispersion entre seize pays aux monnaies différentes dont les uns pourraient être tentés demain, comme ils le furent hier, par les facilités d'une dévaluation aboutirait tôt ou tard, ainsi le veut la loi du marché monétaire, à faire de l'une d'entre elles, là encore celle du pays le plus puissant, le pôle auquel toutes les autres seraient obligées de se rallier, c'est-à-dire en fait de se soumettre. La monnaie européenne de demain sera le résultat d'une oeuvre commune ou ne sera pas.
A cette oeuvre, votre Gouvernement, monsieur le Premier ministre, prend aujourd'hui toute sa part. Et c'est pourquoi mon groupe et moi-même vous soutenons. Toute autre politique constituerait une régression et vouerait l'Europe et notre pays au déclin.
M. Christian Poncelet. Très bien !
M. Maurice Blin. Telle est l'évidence. Telle est « l'ardente obligation » que nous fait l'histoire. Pourquoi cependant, mes chers collègues, faut-il qu'elle continue de se heurter au scepticisme des uns et de susciter l'inquiétude chez beaucoup d'autres ?
C'est qu'elle bute sur un obstacle de taille : le drame de l'emploi. Aussi longtemps que le chômage restera chez nous ce qu'il est, c'est-à-dire, hélas ! l'un des plus élevés des nations industrielles, tant que des milliers de jeunes auront le sentiment d'être sans avenir...
Mme Hélène Luc. Eh oui !
M. Maurice Blin. ... et que des centaines de milliers de sans-travail seront condamnés à l'assistance, la politique que vous conduisez, monsieur le Premier ministre, aussi nécessaire, aussi pertinente qu'elle soit, sera privée de l'adhésion forte de l'opinion. Or celle-ci est la condition absolue de son succès.
Certes, le projet de budget pour 1997, que vous nous présenterez bientôt, comporte pour la première fois une réduction de la dépense publique. Mais il ne s'accompagne pas d'un allégement assez significatif, nous semble-t-il, des formalités administratives qui entravent aujourd'hui la création d'emplois, en particulier dans les petites et moyennes entreprises, qui, pourtant, sont aujourd'hui les seules capables d'en générer.
Cet effort méritoire et sans précédent, avec pour conséquence la mise à la disposition des entreprises de capitaux nouveaux, risque donc de ne pas avoir l'effet d'entraînement que vous en attendez. Disons-le tout net : la lourdeur de l'appareil de contrôle qui pèse aujourd'hui sur les entreprises est devenu intolérable. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
C'est encore cette lourdeur qui explique les hésitations qui se manifestent au sein d'un Etat terriblement centralisé à faire confiance aux collectivités territoriales, régions, départements ou villes pour gérer au plus près du terrain le problème du chômage. Elles seules peuvent lutter efficacement, comme elles l'ont fait hier pour certaines dépenses sociales, contre les excès manifestes dont souffre un système qui a vu l'assistance, c'est-à-dire, en fait, la perpétuation du non-travail, se répandre aux dépens du retour à l'emploi. Mais elles n'y parviendront que si latitude leur est laissée d'user avec souplesse de l'arsenal devenu trop lourd, trop compliqué des aides à l'insertion.
Faut-il par ailleurs rappeler que ces collectivités locales, dont il est aujourd'hui de bon ton de critiquer le poids de l'impôt qu'elles lèvent,..
M. Christian Poncelet. Eh oui !
M. Maurice Blin. ... ont assuré depuis des années, à elles seules, près des deux tiers de l'investissement public ? Il est temps, monsieur le Premier ministre, de mettre un terme à cette querelle d'un autre âge. Le soutien le plus sûr que l'Etat puisse recevoir dans ces deux domaines clés et sensibles de l'emploi et de l'investissement, ce sont les collectivités locales qui peuvent le lui apporter. Elles aspirent à plus de responsabilités. Je vous en prie, ne les découragez pas ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, ainsi que sur certaines travées des Républicains et Indépendants.)
En effet, la méfiance dont elles font l'objet pèse sur la conjoncture. J'en donnerai un exemple. La durée du contrat de plan va être prolongée d'un an. Or, les collectivités locales, qui apportent une contribution décisive au financement de maints équipements, ont souvent mis en réserve ou pourraient encore leur consacrer demain des crédits importants. Pourquoi ne pas leur en laisser la libre utilisation ? Pourquoi ne pas consentir, comme ce fut le cas pour les régions avec les lycées, comme c'est souvent le cas aujourd'hui pour les bâtiments universitaires, à ce qu'elles deviennent maîtres d'ouvrage, quitte à ce que l'Etat, plus tard, quand il en aura retrouvé les moyens, rattrape son retard ? Elles ont fait la preuve qu'elles pouvaient construire mieux et plus vite que lui. Pourquoi, modestement, ne pas le reconnaître ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées des Républicains et Indépendants.)
Une voie nouvelle pourrait s'offrir encore en matière d'emploi des jeunes. La France ne retrouvera la croissance qu'à la condition de participer à celle des pays d'Asie ou d'Amérique, qui est aujourd'hui deux, voire pour certains, trois fois supérieure à la sienne. Pour cela, il lui faut renforcer sa présence à l'étranger.
Or, la transformation attendue des conditions du service national libérera à l'avenir, chaque année, des dizaines de milliers de jeunes diplômés. Ces derniers ne pourraient-ils servir leur pays soit dans nos différents services économiques à l'étranger, soit dans les entreprises, grandes ou moyennes, aujourd'hui engagées dans le combat pour l'exportation ? Cette idée est chère - nous le savons - au président de la Haute Assemblée. Elle mérite, nous semble-t-il, d'être creusée.
M. Alain Gournac. Tout à fait !
M. Maurice Blin. Elle pourrait obtenir, j'en suis sûr, l'appui de certains départements et de certaines régions. Elle répond aux besoins de nombreuses entreprises, conscientes à la fois de leur responsabilité envers une société minée par le chômage et de l'urgence où elles se trouvent de promouvoir la vente de nos produits, la présence de nos techniques dans des pays où la consommation et l'investissement explosent.
Répétons-le à l'intention de ceux qui ne voient en eux que des concurrents destructeurs de nos emplois : la vraie menace est non pas dans leur dynamisme, mais en nous-mêmes. Elle est dans le poids de charges sociales qui, en aggravant son coût, détruit le travail non qualifié et pousse les entreprises à se délocaliser. Elle tient aux charges fiscales qui pèsent aujourd'hui sur les hauts salaires et conduisent soit les sociétés étrangères à se détourner de la France, soit certains de nos cadres les plus compétents à s'expatrier. Mais de cela, nous savons que vous avez conscience, monsieur le Premier ministre. Les lignes de force du projet de budget pour 1997 en témoignent.
Permettez-moi de formuler une dernière suggestion : pourquoi ne pas réorienter une partie des importants crédits consacrés à l'aide à l'emploi, soit plus de 140 milliards de francs chaque année, vers une baisse encore accrue des charges sociales qui pèsent sur les postes les moins qualifiés ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Une franchise sur les charges patronales pour les emplois payés au SMIC permettrait de réduire le coût du travail, de répondre aux coups de boutoir des industries situées dans les pays à très bas salaires, de freiner les délocalisations et de rendre toutes leurs chances à nos entreprises les plus exposées.
Mais j'arrête là ces suggestions - j'en aurais bien d'autres - et j'en reviens à l'essentiel.
Monsieur le Premier ministre, nous approuvons les différents projets de loi que vous nous avez annoncés dans votre déclaration de politique générale concernant le renforcement de la cohésion sociale, l'insertion des jeunes et leur formation en entreprise, le traitement des problèmes de la ville, l'incitation, fût-elle coûteuse, à la réduction du temps de travail et une application plus stricte de la politique en matière d'immigration. Celle-ci - j'insiste sur ce point - doit rester fondée sur le principe républicain de l'intégration - je vous remercie d'ailleurs de l'avoir rappelé tout à l'heure - et éviter par-dessus tout le piège mortel d'un développement séparé des communautés que de bons mais faux esprits croient pouvoir défendre au nom d'un « multiculturalisme mythique ». (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RPR.)
En réalité, celui-ci signifierait bel et bien la fin de l'identité nationale.
M. Henri de Raincourt. Très bien !
M. René-Pierre Signé. Oh !
M. Maurice Blin. Mais ces mesures, si opportunes soient-elles, ne constituent qu'un pâle remède au drame qui est à l'origine de tous nos maux, le chômage. Elles tentent d'en tempérer les effets. Elles ne l'attaquent pas tout à fait à la racine. Or, l'insécurité qui affecte le temps présent est fille de celle qui pèse sur ses lendemains.
C'est cette dernière qu'il faut, en priorité, combattre. Nous savons, vous et nous, monsieur le Premier ministre, que l'Etat ne peut pas tout. Mais il peut peut-être faire confiance au Parlement ou, tout au moins, à la majorité parlementaire qui vous soutient, aux jeunes qui, aujourd'hui autant qu'hier, aspirent à servir leur pays et attendent simplement qu'on leur en donne l'occasion, aux collectivités locales prêtes à le relayer, aux entreprises qui s'appliquent à défendre leurs positions commerciales dans le monde.
Bref, la confiance que votre gouvernement mérite et doit obtenir de toutes celles et de tous ceux qui souhaitent le soutenir et l'accompagner dans son effort de rénovation du pays est très exactement à la mesure de celle qu'il saura, le premier, leur accorder.
Qu'il vous faille, pour ce faire, vaincre les hésitations, les réserves, les habitudes d'une administration qui a pu croire, pendant longtemps, qu'elle avait pour principale mission de régenter le pays, que soient remis en cause des structures, des statuts, des monopoles qui ont vieilli et qu'il faut impérativement élaguer, assouplir, dépoussiérer, qu'importe, et même tant mieux !
Quant aux Français, monsieur le Premier ministre, j'ai l'intime conviction qu'il faudrait peu de chose pour qu'ils cessent d'être les spectateurs passifs de leur propre destin et qu'ils se remettent à croire : un peu plus d'audace peut-être et les signes sensibles d'un renouveau qui tardent à venir mais que, au fond d'eux-mêmes, ils espèrent. En effet, la raison, le bon sens leur disent qu'il n'y a pas d'autre voie.
Ils verraient alors que la réforme est en marche et qu'elle peut réussir. Le groupe de l'Union centriste le souhaite pour votre gouvernement et pour la France, monsieur le Premier ministre. C'est pourquoi vous pouvez compter sur son appui ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Alain Juppé, Premier ministre. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Alain Juppé, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d'abord remercier tous les orateurs, sur quelque travée qu'ils siègent dans cet hémicycle, pour les paroles de sympathie et de solidarité qu'ils ont prononcées vis-à-vis des habitants de Bordeaux. J'associe bien évidemment à ces derniers nos concitoyens d'Aix-en-Provence, également touchés par un attentat, et d'abord et avant tout nos concitoyens de Corse, qui vivent aujourd'hui une période difficile.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai été frappé par la qualité du soutien qu'ont exprimé les porte-parole des groupes de la majorité sénatoriale. L'adhésion qu'ils ont exprimée à la politique du Gouvernement sous ses différents aspects, la chaleur que j'ai sentie dans leurs propos sont le meilleur démenti à ce que j'entends ici ou là sur les réticences de la majorité à l'égard du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Ils ont apporté ainsi la démonstration du contraire, ce dont je les remercie.
J'ai bien sûr écouté les orateurs de l'opposition, comme c'est aussi mon devoir et comme cela pouvait être mon intérêt, pour essayer de glaner telle ou telle proposition intéressantes. (Sourires sur certaines travées du RPR.) Mais je dois dire que j'ai été un peu déçu !
M. René-Pierre Signé. Nous aussi, nous avons été déçus !
M. Alain Juppé, Premier ministre. M. Estier m'a conseillé de tenir plus compte des sondages. C'est ce qu'ont fait un certain nombre de mes prédécesseurs socialistes avec une conséquence que vous connaissez tous : les réformes nécessaires ont été remises au lendemain,... (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. René-Pierre Signé. Ce n'est pas vrai !
M. Alain Juppé, Premier ministre. ... ce qui explique d'ailleurs la situation devant laquelle nous nous sommes trouvés !
Monsieur Estier, je vous dis donc de tout coeur que je ne tiendrai pas compte de ce conseil et que je ne gouvernerai pas en fonction des sondages ! Ce n'est pas ma conception de l'Etat et du rôle du politique. (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Louis Carrère. Ce n'est pas sérieux !
M. Claude Estier. On n'aurait jamais aboli la peine de mort si l'on avait tenu compte des sondages !
M. Alain Juppé, Premier ministre. M. Estier m'a demandé les suites que nous comptions donner à tel ou tel rapport sur la réforme de la justice. J'ai indiqué très clairement dans mon propos introductif, tout à l'heure, que, sur les bases de ces rapports qui, pour l'instant, n'engagent que leurs auteurs, le Gouvernement saisira le Parlement, et qu'il me paraissait opportun d'engager en 1997, sans a priori et sans préjugés, une réflexion de fond sur l'organisation de notre système judiciaire et sur la responsabilité du juge dans la société française.
Enfin, M. Estier, indiquant qu'il allait tracer les voies d'une nouvelle politique, a préconisé de procéder à une relance de la consommation par une hausse des salaires. C'est une recette qui a déjà servi !
Puis-je vous faire observer respectueusement, monsieur Estier, qu'en toute hypothèse cela appartient aux partenaires sociaux ? Nous avons changé d'époque ! Ce n'est plus l'Etat qui fixe les salaires ! (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du RPR, ainsi que sur certaines travées des Républicains et Indépendants.)
M. Guy Penne Pas dans la fonction publique !
M. Claude Estier. C'est un peu court !
M. Alain Juppé, Premier ministre. Quant à Mme Luc, elle nous a tracé un tableau apocalyptique de la France : cataclysme humain et jeunesse brisée ! (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.) Je sais que certains jeunes souffrent et sont en difficulté. J'ai moi aussi enfants et je m'inquiète comme les autres parents de leur devenir et de leur capacité à trouver un emploi. Mais je connais aussi une jeunesse - et pas forcément une jeunesse privilégiée ou avantagée ! - qui a envie de créer, de travailler, qui croit en la France et que nous n'avons pas le droit de désespérer ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Là encore, j'ai essayé de trouver un conseil avisé dans le propos de Mme Luc. Mais cette dernière n'a fait qu'une seule proposition concrète : la semaine de travail de trente-cinq heures pour créer 500 000 emplois.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la mise en place de la semaine de travail de trente-neuf heures s'est soldée par un million de chômeurs : De grâce, ne recommençons pas ! C'est le voeu que je peux formuler du fond du coeur. (Vifs applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE - Protestations sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Ivan Renar. On y viendra quand même !
M. Claude Estier. C'est une caricature !
M. Alain Juppé, Premier ministre. Vous observerez d'ailleurs, mesdames, messieurs les sénateurs, que, dès que l'on essaie de rétablir quelques vérités, un vent d'intolérance souffle sur la gauche ! (Protestations sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
Un sénateur socialiste. Il nie l'évidence !
M. Alain Juppé, Premier ministre. Pour le nourrir un peu, je voudrais reprendre les propos que tenait voilà moins de deux heures M. André Périssol, à l'Assemblée nationale, en réponse à une question portant sur le logement, que M. Estier a d'ailleurs évoqué. Voici ce qu'indiquait M. le ministre du logement : « Entre 1988 et 1992, le nombre des accédants à la propriété sociale a été divisé par cinq. Depuis un an, il a été multiplié par quatre grâce au prêt à taux zéro. »
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. Alain Juppé, Premier ministre. Eh oui !
« En dix-huit mois, nous avons créé 20 000 logements d'insertion et logements d'urgence pour les plus démunis, ce qui n'avait jamais été fait avant 1993 ! » (« Eh oui ! » sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
« Depuis un an et demi, nous avons réquisitionné des logements vacants pour nous occuper des plus démunis, ce qui n'avait jamais été fait avant 1993 ! (Applaudissements sur les travées du RPR, ainsi que sur certaines travées des Républicains et Indépendants.)
« Enfin, grâce à la politique que nous avons menée, les taux d'intérêt consentis aux organismes d'HLM ont baissé de 20 %, ce qui n'avait jamais été fait avant 1993. » (« Eh oui ! » sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Et voici comment concluait M. Périssol : « A chacun sa spécialité : aux uns, la casse du droit au logement, à nous la construction ! » Je trouve qu'il a bien parlé ! (Vifs applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste. - Exclamations sur les travées socialistes.)
MM. Pierre Mauroy et Claude Estier. Quelle mauvaise foi !
M. Alain Juppé, Premier ministre. Evidemment, j'ai été également très attentif aux propos tenus par les orateurs des groupes de la majorité. J'ai ressenti chez eux une adhésion profonde au processus de réforme que nous avons engagé.
M. René-Pierre Signé. Allez voir dans les mairies !
M. Alain Juppé. Premier ministre. Comme plusieurs d'entre vous l'ont dit - MM. de Rohan et Joly, notamment - les réformes prennent du temps.
Nous avons engagé une réforme de la défense nationale de grande importance. Nous avançons, et vous serez bientôt saisis du texte sur le rendez-vous citoyen et le volontariat qui, dans un monde qui a profondément changé, remplaceront le service national que nous connaissons.
Nous avons aussi engagé une réforme de la sécurité sociale sur laquelle on a beaucoup parlé et écrit depuis quelque temps. Permettez-moi de vous rendre attentifs au fait que, si cette réforme n'avait pas été engagée, c'est 90 milliards de francs de déficit que nous aurions en 1996, et non pas 50 milliards de francs comme les comptes de la sécurité sociale l'annoncent.
M. Charles Descours. Très bien !
M. Pierre Biarnès. Et non pas 17 milliards comme c'était prévu !
M. Alain Juppé, Premier ministre. Il y a donc eu un effort de redressement tout à fait spectaculaire qui n'avait jamais été engagé auparavant.
Il a fallu du temps pour faire voter cette réforme et pour élaborer les textes qui l'ont organisée. Prenons un seul exemple : le carnet de suivi médical, qui sera l'un des éléments essentiels de la maîtrise médicalisée, est disponible depuis quelques jours seulement. Il sera diffusé dans les mois qui viennent et je suis sûr que cette réforme produira peu à peu des effets. Au demeurant, très curieusement, le porte-parole du groupe socialiste à l'Assemblée nationale, M. Laurent Fabius, y donnait, voilà quelques jours, son adhésion s'agissant du fond,...
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. Alain Juppé, Premier ministre. ... tant sont rares aujourd'hui les idées alternatives quand il s'agit de réforme de la sécurité sociale.
La monnaie a aussi été un sujet qu'ont évoqué plusieurs d'entre vous.
M. de Rohan a dit que je ne partageais pas certaines des craintes qu'ont été exprimées dans son groupe sur le risque de voir se constituer une sorte d'Europe des gouverneurs. Mais je partage cette crainte, monsieur de Rohan ! (Exclamations sur les travées socialistes.) C'est la raison pour laquelle je suis très attentif à la manière dont la monnaie unique sera mise en oeuvre.
J'ai évoqué tout à l'heure deux des conditions de sa réussite. La première, c'est l'existence d'une discipline entre ceux qui seront dedans et ceux qui seront dehors. Je n'y reviens pas. La seconde, c'est une gestion réaliste des parités entre l'Euro et les autres grandes monnaies du monde. Je n'y reviens pas non plus. Une troisième raison, que j'ajoute volontiers, c'est que cette politique doit être conduite par les organes qui ont la responsabilité de la conduire, chacun à sa place. Or, dans le traité sur l'Union européenne, ce n'est pas à la Banque centrale qu'il revient de tracer les grandes orientations de la politique économique, ni même de la politique des changes : c'est au conseil des ministres et au pouvoir politique, qui devra assumer demain cette responsabilité. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Joly a approuvé la réforme de l'impôt sur le revenu que nous mettons en oeuvre, et je l'en remercie. Il a évoqué les propos qui ont été tenus par M. le Président de la République au sujet de l'impôt de solidarité sur la fortune. J'ai bien lu ces propos. Il a dit : « L'impôt de solidarité sur la fortune est un instrument de cohésion sociale, et il n'est pas question de le remettre en cause. » Nous verrons donc, au cours d'un débat parlementaire, si, sur telle ou telle modalité, il convient d'améliorer le dispositif.
MM. Habert et Blin ont mis l'accent - c'est un point sur lequel je les rejoints tout à fait - sur la nécessité d'inciter nos jeunes à se consacrer davantage à la présence de la France à l'étranger. Il y a là un grand enjeu, et la réforme du service national ne doit pas aboutir à diminuer cette présence de nos jeunes expatriés, parce que c'est une force pour l'avenir.
M. Pierre Biarnès. Et la politique de la France vis-à-vis du Mali ?
M. Alain Juppé, Premier ministre. Par conséquent, il faudra veiller à ce que, dans le cadre du volontariat, les précautions soient prises pour que cette présence puisse se développer.
M. Guy Cabanel. Tout à fait !
M. Alain Juppé, Premier ministre. M. de Raincourt a évoqué la lourdeur du code des marchés publics. Il sait que nous sommes en train de préparer une réforme ambitieuse, dont les travaux préparatoires arrivent pratiquement à leur terme. Cette réforme vous sera soumise à la fin de cette année ou au début de l'année prochaine.
J'ai noté, dans les propos de M. de Raincourt comme dans ceux de beaucoup d'orateurs de la majorité, une très forte adhésion aux principes de la politique de l'immigration que j'ai exposée tout à l'heure. Cela mérite, me semble-t-il, d'être souligné. D'ailleurs, si la lucidité l'emportait sur la mauvaise foi politicienne...
M. Claude Estier. Où est la mauvaise foi ?
M. Alain Juppé, Premier ministre. ... peut-être ce consensus pourrait-il s'élargir au-delà de la seule majorité. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Louis Carrère. Voilà une phrase qui vous aidera à remonter dans les sondages !
M. Alain Juppé, Premier ministre. M. de Raincourt a également parlé « politique », si je puis dire. J'ai beaucoup apprécié les propos qu'il a tenus sur la nécessité de concilier le devoir de soutien et le droit de proposition. Je n'ai jamais rien dit d'autre ! J'ai également apprécié l'équilibre qu'il a souhaité entre ces deux aspects de la fonction d'un parlementaire de la majorité. J'avais moi-même évoqué les « dérives dominicales » et je me réjouis de constater que, en tant que président du groupe des Républicains et Indépendants, il partage mon souci sur ce point. Je peux lui dire que nous serons très ouverts à toute proposition parlementaire au cours du débat.
Enfin, M. Blin a évoqué plusieurs sujets, parlant notamment de l'opportunité de poursuivre la baisse des charges sociales. Je suis en plein accord avec lui sur ce point. Je rappellerai simplement que, l'année dernière, lorsque le Gouvernement a développé sa politique, le consensus sur ce point était beaucoup moins grand qu'il ne l'est aujourd'hui. A l'époque, on me l'avait beaucoup reproché ! Le patronat lui-même avait déclaré qu'il n'en avait pas besoin, que ce n'était pas utile. Aujourd'hui, on voit que le dispositif fonctionne et qu'il est en train d'enrichir la croissance en emplois. Aujourd'hui, tout le monde veut aller plus loin, et je m'en réjouis.
Puis-je insister sur le fait - qui n'est pas suffisamment connu - que, le 1er octobre dernier, il y a quelques jours, les anciennes mesures d'allégement des cotisations familiales décidées par mon prédécécesseur ainsi que la ristourne dégressive que je vous avais moi-même soumise l'année dernière pour les salaires compris entre 1 fois et 1,2 fois le SMIC ont été simplifiées et fusionnées en une mesure unique, donc plus simple, s'appliquant à tous les salaires compris entre 1 fois et 1,33 fois le SMIC, quelles que soient la durée du travail et la date d'embauche ?
Cette mesure concerne 4,5 millions de salariés - ce qui est loin d'être négligeable - dont les trois quarts travaillent dans des PME. Plus de 30 % des salariés du secteur des travaux publics sont concernés. L'effet de cette disposition sera donc très significatif. Je vous donnerai un seul exemple chiffré : pour un salaire de 7 500 francs, la ristourne sera de 567 francs, c'est-à-dire un peu plus de 5 % du coût du travail. Pour un salaire voisin du SMIC, cette ristourne atteindra 13 % du coût du travail. Vous constaterez donc l'effort que nous avons réalisé à cet égard ! Je n'ai d'ailleurs aucune réticence, aucune objection à ce que, au fur et à mesure que notre situation s'améliorera et que les finances publiques en retrouveront la capacité, nous allions plus avant dans cette voie.
Comment ne pas souscrire également aux propos de M. Blin sur la nécessité de simplifier les formalités administratives ? Nous avons franchi quelques étapes dans ce domaine, et le ministre du commerce, de l'artisanat et des PME a été particulièrement pugnace et imaginatif dans cette voie. Mais il est nécessaire de progresser encore.
Anticipant sur le discours que je vais prononcer dans quelques instants devant le congrès de la Fédération nationale des travaux publics, je veux répondre dès à présent à M. Blin. Vous souhaitez, monsieur le sénateur, que l'Etat autorise les collectivités territoriales - principalement les régions, mais d'autres encore - à anticiper, au titre des contrats de plan Etat-région, sur l'Etat lorsque celui-ci a quelques difficultés à suivre le rythme. Je suis d'accord avec vous et j'ai demandé au ministère de l'économie et des finances d'étudier rapidement comment cette anticipation pourrait être autorisée et accompagnée.
Enfin, M. Blin a fort justement dit que l'un des meilleurs services que nous pouvions rendre à nos enfants était de leur laisser un pays moins endetté. C'est ce à quoi nous travaillons aujourd'hui !
Allant peut-être un peu plus loin, je vous dirai aussi que ce qui sous-tend la politique que nous menons ensemble, vous et nous, vous la majorité et nous le Gouvernement, c'est précisément la préoccupation de cette France que nous allons laisser à nos enfants. Je voudrais qu'elle soit une France respectée, indépendante et puissante, qui leur donne tant des raisons de fierté que les moyens de la prospérité à laquelle ils aspirent.
Je voudrais aussi que, dans cette France-là, nos jeunes, garçons et filles, puissent être des citoyens véritablement responsables, participant aux décisions qui les concernent. J'ai souvent pris l'exemple de la violence à l'école. Il faut, bien sûr, davantage de moyens pour assurer la sécurité à l'école ; des personnels supplémentaires seraient bienvenus, et nous avons fait récemment un effort en ce sens ; mais rien ne se fera si les Françaises et les Français ne font pas acte de responsabilité, si la communauté scolaire, les familles, les enseignants et les enfants ne prennent pas ces problèmes en charge. La France de demain doit être d'abord et avant tout une France responsable ! (Applaudissements prolongés sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Le Sénat va procéder maintenant au vote sur la déclaration de politique générale du Gouvernement.
En application de l'article 39, alinéa 2, du règlement, le scrutin public est de droit.
Conformément à l'article 60 bis du règlement, il va être procédé à un scrutin public à la tribune, dans les conditions fixées par l'article 56 bis du règlement.
Je vais tirer au sort la lettre par laquelle commencera l'appel nominal.

(Le sort désigne la lettre O.)
M. le président. Le scrutin sera clos quelques instants après la fin de l'appel nominal.
Le scrutin est ouvert.
Huissiers, veuillez commencer l'appel nominal.

(L'appel nominal a lieu.)
M. le président. Le premier appel nominal est terminé.
Il va être procédé à un nouvel appel nominal.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
Mme et MM. les secrétaires vont procéder au dépouillement.
Voici le résultat du scrutin n° 8 sur la demande d'approbation de la déclaration de politique générale formulée par M. le Premier ministre : :

Nombre de votants 315
Nombre de suffrages exprimés 313
Majorité absolue des suffrages 157219
Contre 94

Le Sénat a approuvé la déclaration de politique générale du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Pierre Fourcade. Très bien !

4

TRANSMISSION
D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. le président de l'Assemblée nationale une proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à l'examen des pourvois devant la Cour de cassation.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 11, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

5

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION
D'ACTE COMMUNAUTAIRE

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- communication de la commission au Conseil et au Parlement européen concernant la révision du règlement sur les concentrations. Propositions de règlement CE du Conseil modifiant le règlement du Conseil n° 4064/89 du 21 décembre 1989 sur le contrôle des concentrations entre entreprises. Proposition de règlement CE du Conseil n° 4064/89 du 21 décembre 1989 sur le contrôle des concentrations entre entreprises (articles 87 et 235).
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E 707 et distribuée.

6

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 9 octobre 1996, à quinze heures :
1. - Nomination des membres de la commission spéciale chargée de vérifier et d'apurer les comptes du Sénat.
2. - Suite de la discussion du projet de loi (n° 461, 1995-1996), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville.
Rapport (n° 1, 1996-1997) de M. Gérard Larcher, fait au nom de la commission spéciale.
Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus recevable.
Aucun amendement à ce projet de loi n'est plus recevable.

Délai limite pour les inscriptions de parole et pour le dépôt des amendements

Proposition de loi de M. Jean-Pierre Fourcade et plusieurs de ses collègues tendant, dans l'attente du vote de la loi instituant une prestation d'autonomie pour les personnes âgées dépendantes, à mieux répondre aux besoins des personnes âgées par l'institution d'une prestation spécifique dépendance (n° 486, 1995-1996).
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 14 octobre 1996, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 14 octobre 1996, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures vingt.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





NOMINATION DE RAPPORTEURS
COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,
DE LA DÉFENSE ET DES FORCES ARMÉES

Mme Danielle Bidard-Reydet a été nommée rapporteur du projet de loi n° 10 (1996-1997) autorisant l'approbation de l'accord portant création de la commission des thons de l'océan Indien.



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Conséquences pour les musiciens
de la suppression de déductions fiscales supplémentaires
pour les frais professionnels

456. - 4 octobre 1996. - Le Gouvernement a annoncé un certain nombre de projets fiscaux visant à supprimer les déductions supplémentaires pour frais professionnels accordés à certaines professions, dont les musiciens. Les conséquences d'une telle mesure, si elle était appliquée, sont multiples. Pour les musiciens eux-mêmes, dont le pouvoir d'achat régresse alors que les frais professionnels augmentent. Pour les orchestres enfin, dont les cotisations salariales des musiciens sont calculées sur le salaire brut minoré de l'abattement fiscal actuellement remis en cause. En conséquence, M. Ivan Renar demande à M. le ministre de la culture quelles mesures il compte prendre afin de favoriser le retrait de ce projet.

Situation des artisans du bâtiment

457. - 4 octobre 1996. - M. Roland Courteau attire l'attention de M. le Premier ministre sur la situation alarmante des artisans du bâtiment, en raison de la détérioration de l'activité de la construction. Il insiste sur le constat unanime de la profession, d'une chute des commandes de la clientèle particulière, dans le domaine de l'entretien et de la réhabilitation de l'habitat existant, qui se traduit par la nécessité douloureuse de supprimer des emplois. Il rappelle la contrainte aggravante des charges administratives sur la gestion quotidienne qui paralyse les petites et moyennes entreprises (PME). Il insiste sur le caractère dissuasif du taux de la TVA et le manque de mesures de compensations fiscales, susceptibles d'inciter à la relance des investissements privés et publics. Il déplore que le cri d'alarme lancé par les artisans et petits entrepreneurs n'ait pas à ce jour été entendu. C'est pourquoi, il lui demande quelles sont les dispositions qu'il entend mettre en oeuvre en faveur de l'artisanat du bâtiment, tant sur le plan fiscal qu'administratif, et dans quels délais.

Financement des contrats de qualification

458. - 7 octobre 1996. - M. Jean-Jacques Robert attire l'attention de M. le ministre du travail et des affaires sociales sur la situation de la formation en alternance ainsi que sur le projet de fusion des collectes des taxes de l'alternance et de l'apprentissage. Il constate que les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA), auxquels seraient confiés les fonds collectés, tardent cette année encore à reverser aux entreprises et aux centres de formation les taxes de l'alternance. Il semble que 2,5 milliards de francs soient bloqués à l'Association de gestion du fonds des formations en alternance (AGEFAL), alors que 20 000 contrats de qualification n'ont pas trouvé de financement. C'est pourquoi il lui demande quelles mesures il compte mettre en oeuvre pour remédier à cette situation particulièrement préoccupante.

Avenir du centre de recherches du Bouchet (Essonne)

459. - 7 octobre 1996. - M. Jean-Jacques Robert attire l'attention de M. le ministre de la défense sur l'inquiétude des 330 salariés du centre de recherches du Bouchet, établissement dépendant de la Société nationale des poudres et explosifs (SNPE) située à Vert-le-Petit (Essonne). En effet, le renouvellement des contrats annuels d'études, prévu normalement début septembre, n'a pas été notifié au centre, ce qui place le personnel en chômage technique. De plus, le montant prévisionnel de cette notification par la Direction générale de l'armement serait réduit d'environ quarante millions de francs pour 1997. Le volume des contrats à venir laisserait même présager l'abandon du centre de recherches. C'est pourquoi il lui demande de bien vouloir lui indiquer s'il entend poursuivre ses engagements contractuels avec la SNPE et lui préciser quels sont ses projets concernant l'avenir de cet établissement et de ses deux cents chercheurs de haut niveau.

Délocalisation des services centraux de la SNCF

460. - 7 octobre 1996. - Mme Nicole Borvo attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme sur les conséquences dramatiques qu'aurait la délocalisation des services centraux de la SNCF envisagée par la direction pour Paris mais aussi pour l'ensemble de l'entreprise. Cette délocalisation irait contre les intérêts des usagers et des cheminots qui ont montré leur attachement à ce grand service public. Elle irait également à l'encontre des intérêts de Paris qui verrait une fois de plus un service d'intérêt national et des milliers d'emplois quitter la ville. Alors que le Gouvernement s'était engagé à geler toutes les opérations projetées par la SNCF pendant la réécriture du plan, cette décision est inacceptable. Pourtant les salariés et leurs organisations syndicales sont porteurs d'autres choix. Il faut les écouter. Par ailleurs, le conseil de Paris sur proposition des élus communistes a voté à l'unanimité le voeu que les activités parisiennes de la SNCF soient maintenues à Paris. Pour toutes ces raisons, elle lui demande ce qu'il compte faire pour s'opposer à cette délocalisation et garantir l'emploi et le développement du service public à Paris.

Situation des candidats admis sur les listes complémentaires
aux concours d'enseignement du second degré

461. - 8 octobre 1996. - M. André Vezinhet souhaite obtenir de M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche des explications et des engagements précis concernant l'éviction des candidats admis sur les listes complémentaires aux concours d'enseignement du second degré. Ces listes rassemblent des candidats qui ont été jugés aptes à enseigner ou à éduquer par des jurys de concours et il est d'usage chaque année que le ministère ait recours à elles pour pallier les désistements survenus sur les listes principales. Il rappelle au ministre que cette année, comme les précédentes, des désistements massifs ont bien eu lieu mais que, courant août, il a été décidé, fait sans précédent, et sans aucune justification, de ne pas « puiser » dans ces effectifs, laissant les reçus-collés dans le plus grand désarroi et sans aucune perspective. Se heurtant à une absence totale d'information, ces derniers se sont organisés en collectifs régionaux puis en collectif national et se sont adressés par lettre à leur ministre de tutelle, au Premier ministre et au Président de la République. Devant l'absence de réponse des responsables politiques, ils ont réussi à obtenir une audience auprès de la direction du ministère le 30 septembre dernier, sans résultat concret ni satisfaisant. A ce jour, en effet, seulement 183 personnes admises sur listes complémentaires ont été recrutées pour enseigner alors que plus de 500 désistements ont été enregistrés. Il demande au ministre s'il est en mesure de lui annoncer, plus d'un mois après la rentrée scolaire, le déblocage de toutes les listes complémentaires à hauteur des désistements ou s'il entend sacrifier sur l'autel de la rigueur budgétaire ces jeunes enseignants lauréats d'un concours national, motivés par la mission d'enseigner, les reléguant ainsi dans une situation matérielle aléatoire et extrêmement précaire et moralement inacceptable.

Avenir du Crédit foncier

462. - 8 octobre 1996. - M. André Vezinhet appelle l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur les derniers résultats économiques et financiers publiés par le conseil d'administration du Crédit foncier, le 29 août 1996, pour le premier semestre de 1996, qui affiche un bénéfice net de 402 millions de francs. A la lecture de ces chiffres, il apparaît que la situation de cet établissement est aujourd'hui fort éloignée des difficultés avancées par le Gouvernement et qui avaient conduit ce dernier à présenter un plan d'ensemble le 26 juillet 1996. Ce projet, qui programme le démantèlement d'un établissement reconnu par tous pour ses compétences dans le financement du logement social, ne nous paraissait pas une réponse adaptée ; à ce jour, il est totalement inacceptable. Il interroge le ministre sur ses intentions. Compte-t-il persister dans la direction qu'il s'était fixée il y a quelques mois ou bien compte-t-il profiter du débat parlementaire annoncé pour rechercher des solutions autres, qui sont souhaitables et possibles et qui ouvriraient de meilleures perspectives pour les 3 300 salariés du Crédit foncier. Il lui indique enfin que, si la première hypothèse devait être privilégiée, son groupe politique combattrait avec force et détermination un ensemble de mesures qui, d'un trait de plume, gommerait l'existence et le savoir-faire d'une institution fondée il y a 150 ans.



ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL
de la séance du mardi 8 octobre 1996


SCRUTIN (n° 8)



sur la demande d'approbation de la déclaration de politique générale du gouvernement formulée par M. le Premier ministre, en application de l'article 49, alinéa 4, de la Constitution.

Nombre de votants : 315
Nombre de suffrages exprimés : 313
Pour : 219
Contre : 94

Le Sénat a approuvé.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (15) :
Contre : 15.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (23) :

Pour : 17.
Contre : 5. _ MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin et Mme Joëlle Dusseau.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Robert-Paul Vigouroux.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (94) :

Pour : 93.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Emmanuel Hamel.

GROUPE SOCIALISTE (75) :

Contre : 74.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Claude Pradille.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (60) :

Pour : 60. dont M. René Monory, président du Sénat.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (44) :

Pour : 42.
Abstention : 1. _ M. Henri Torre.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Jean-Philippe Lachenaud.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (10) :

Pour : 7.
Abstention : 1. _ M. Philippe Darniche.
N'ont pas pris part au vote : 2. _ MM. Jean-Pierre Lafond et Paul Vergès.

Ont voté pour


Nicolas About
Philippe Adnot
Michel Alloncle
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Philippe Arnaud
Alphonse Arzel
Denis Badré
Honoré Bailet
José Balarello
René Ballayer
Bernard Barbier
Janine Bardou
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Henri Belcour
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
François Blaizot
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Yvon Bourges
Philippe de Bourgoing
Jean Boyer
Louis Boyer
Jacques Braconnier
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Guy Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Camoin
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Jean Cluzel
Henri Collard
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Pierre Croze
Charles de Cuttoli
Marcel Daunay
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Charles Descours
Georges Dessaigne
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
André Egu
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
Hilaire Flandre
Jean-Pierre Fourcade
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yann Gaillard
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Jacques Genton
Alain Gérard
François Gerbaud
François Giacobbi
Charles Ginésy
Jean-Marie Girault
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Jean Grandon
Francis Grignon
Georges Gruillot
Yves Guéna
Jacques Habert
Hubert Haenel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Bernard Hugo
Jean-Paul Hugot
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Pierre Laffitte
Pierre Lagourgue
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Edouard Le Jeune
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Marcel Lesbros
François Lesein
Maurice Lombard
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Jean Madelain
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
François Mathieu
Serge Mathieu
Jacques de Menou
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Daniel Millaud
Louis Moinard
Georges Mouly
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Sosefo Makapé Papilio
Charles Pasqua
Michel Pelchat
Jean Pépin
Alain Peyrefitte
Bernard Plasait
Régis Ploton
Alain Pluchet
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Christian Poncelet
Jean Pourchet
André Pourny
Jean Puech
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Philippe Richert
Roger Rigaudière
Guy Robert
Jean-Jacques Robert
Jacques Rocca Serra
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Maurice Schumann
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
René Trégouët
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
René Monory, président du Sénat.

Ont voté contre


François Abadie
Guy Allouche
François Autain
Germain Authié
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Monique ben Guiga
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Jacques Bialski
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Claude Billard
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Jean-Louis Carrère
Robert Castaing
Francis Cavalier-Benezet
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
William Chervy
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Michelle Demessine
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Joëlle Dusseau
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Jacqueline Fraysse-Cazalis
Aubert Garcia
Claude Haut
Roland Huguet
Philippe Labeyrie
Dominique Larifla
Guy Lèguevaques
Félix Leyzour
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Michel Manet
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Pierre Mauroy
Georges Mazars
Jean-Luc Mélenchon
Louis Minetti
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Robert Pagès
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean Peyrafitte
Jean-Claude Peyronnet
Louis Philibert
Bernard Piras
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Roger Quilliot
Jack Ralite
Paul Raoult
René Régnault
Ivan Renar
Alain Richard
Roger Rinchet
Michel Rocard
Gérard Roujas
René Rouquet
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Fernand Tardy
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber

Abstentions


MM. Philippe Darniche et Henri Torre.

N'ont pas pris part au vote


MM. Emmanuel Hamel, Jean-Philippe Lachenaud, Jean-Pierre Lafond, Claude Pradille, Paul Vergès et Robert-Paul Vigouroux.


Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes à la liste de scrutin ci-dessus.