ACCORD PORTANT CRÉATION
DE LA COMMISSION DES THONS
DE L'OCÉAN INDIEN

Adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 10, 1996-1997) autorisant l'adhésion de la République française à l'accord portant création de la Commission des thons de l'océan Indien (ensemble deux annexes). [Rapport (n° 21, 1996-1997).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Margie Sudre, secrétaire d'Etat chargé de la francophonie. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, l'accord portant création de la Commission des thons de l'océan Indien engage les Etats qui le ratifieront à mieux pêcher l'espèce thonière dans cette partie du monde. La France y possède une zone économique exclusive de 2,7 millions de kilomètres carrés, neuf fois plus étendue que la zone métropolitaine. Elle y réalise le quart de ses captures de thons. Cela représente environ 95 millions de tonnes en 1994, volume qu'il faut comparer aux 55 millions de tonnes pêchées dans l'océan Atlantique et aux 3 millions de tonnes pêchées dans l'océan Pacifique. C'est dire si ce type de pêche, dans cette partie du monde, est important pour notre économie. Il l'est particulièrement pour le département de la Réunion, où les 6 000 tonnes capturées annuellement par les navires de l'île représentent environ 1 000 emplois.
Cette commission sera non seulement habilitée à surveiller l'évolution des stocks et l'activité des pêcheries, mais aussi à prendre des mesures de conservation, par décision prise à la majorité des deux tiers. Ces mesures porteront sur les zones exclusives ainsi que sur la haute mer, et seront d'application obligatoire pour tous les Etats membres. Elles permettront une gestion préventive des thonidés dans le dernier océan où leur nombre ne diminue pas chaque année, et qui recèle au contraire un potentiel d'accroissement.
Cette gestion préventive signifiera naturellement la surveillance des navires concurrents, venus de pays d'Asie fortement consommateurs : la Chine, le Japon et certains pays d'Asie du Sud-Est.
Nous sommes déjà membres, aujourd'hui, d'une Commission de l'océan Indien, organisme qui se contente d'un appui scientifique et technique, sans organiser véritablement l'activité des pêcheurs, parfois un peu anarchique. La Commission des thons de l'océan Indien jette cette fois les fondements d'une véritable coopération en matière de pêche.
L'accord créant cette commission a été voté par la Conférence de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, en 1993. Ont déjà déposé leurs instruments de ratification la Communauté européenne ainsi que les neuf Etats suivants : l'Erythrée, Madagascar, l'île Maurice, les Seychelles, le Pakistan, l'Inde, le Sri-Lanka, le Royaume-Uni et le Japon. Ainsi, la Commission européenne, compétente pour les questions de pêche, représentera les Quinze au titre des territoires de la région couverts par le traité de Rome, notamment la Réunion.
Mais c'est au titre des territoires français non couverts par le traité de Rome que l'adhésion de la France est aujourd'hui soumise à votre autorisation : il s'agit du territoire de Mayotte et des îles éparses. La France disposera donc d'un droit de vote propre mais pourra aussi, naturellement, participer à l'élaboration des positions communautaires défendues au sein de cette commission. Elle devrait donc y jouir d'une certaine influence.
Le budget de l'organisation sera financé par des contributions obligatoires. L'article XIII de l'accord prévoit qu'un barème sera adopté et amendé au consensus, par une formule comportant une part fixe et une part proportionnelle au revenu par habitant et au tonnage de capture débarqué dans la zone. Il n'est donc pas possible, à l'heure actuelle, d'évaluer exactement le coût de notre adhésion. Je précise néanmoins, à titre de comparaison, que notre quote-part au budget d'une organisation très voisine, puisqu'il s'agit de la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique, fut d'environ 900 000 francs - très exactement 897 277 francs - en 1996.
Il va de soi que nos intérêts seront d'autant mieux représentés que nous participerons aux décisions fondatrices de la Commission : nomination de son secrétaire, choix de l'Etat du siège, détermination d'un barème de contribution. Or ces décisions seront prises lors de la première réunion de cet organe, qui doit se tenir à Rome du 3 au 6 décembre. Le dépôt de notre instrument de ratification - ou du moins la promulgation de la loi qui fait l'objet du présent projet - avant ces dates serait donc hautement souhaitable.
Telles sont, monsieur le président, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle l'accord portant création de la Commission des thons de l'océan Indien, qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui proposé à votre approbation (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Danielle Bidard-Reydet, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le présent projet de loi vise à autoriser l'adhésion de la République française à l'accord portant création de la Commission des thons de l'océan Indien. Cet accord a été conclu à Rome dans le cadre de la FAO - Food and Agriculture Organization, ou organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture - le 25 novembre 1993.
Une adhésion rapide de la France est, d'après l'étude d'impact jointe au projet de loi, souhaitable pour permettre à notre pays de participer à la session de la Commission qui devra arrêter le choix du siège de cette organisation et procéder à la désignation de son secrétaire général, ainsi qu'à la fixation du barème des contributions.
L'adhésion de notre pays à cette Commission s'inscrit dans un contexte économique et politique qu'il importe d'éclairer, tant sont importants les intérêts qui nous lient à l'océan Indien, avant de procéder au commentaire de l'accord du 25 novembre 1993.
La présence française dans l'océan Indien s'appuie sur un ensemble de territoires - la Réunion, Mayotte, îles éparses - resté sous souveraineté française et sur un espace francophone hérité de l'Histoire. L'intérêt économique que présente pour notre pays l'océan Indien se mesure à l'importance de la zone économique exclusive française dans la région sud-ouest de l'océan Indien, soit - vous l'avez rappelé, madame le secrétaire d'Etat - 2,7 millions de kilomètres carrés, ce qui équivaut à un quart du domaine maritime français et à neuf fois la zone métropolitaine.
Par ailleurs, l'océan Indien se trouve à l'origine d'un quart des captures de la flotte de pêche française, toutes espèces confondues, et de 62 % des prises de thonidés - proportion qui est, ainsi que vous l'avez également évoqué, madame le secrétaire d'Etat, de 3,5 % pour l'Atlantique et de 1,9 % pour le Pacifique - et le secteur de la pêche thonière représente à lui seul mille emplois directs dans l'île de la Réunion.
Dans ces conditions, la Commission des thons de l'océan Indien revêt un certain intérêt.
En ce qui concerne le contenu du présent accord, je mentionnerai tout d'abord que les objectifs exposés dans son préambule s'apparentent à l'« esprit de compréhension et de coopération mutuelles » qui caractérise la convention des Nations unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982, laquelle a été conçue en vue de « contribuer au renforcement de la paix de la sécurité » et à la mise en place d'un « ordre économique international juste et équitable ».
Dans ce cadre général, la coopération entre les Etats parties est destinée à promouvoir l'« utilisation optimale » des thonidés « ainsi que le développement durable de pêcheries », dans le respect des besoins particuliers des Etats parties en développement, dont les intérêts sont à plusieurs reprises mentionnés expressément par cet accord, ainsi d'ailleurs que par la convention des Nations unies sur le droit de la mer.
Parmi les obligations souscrites par les parties figurent donc la coopération en vue de la conservation et de la gestion des stocks de thonidés, la coordination des activités de recherche et de développement concernant les stocks de thonidés et les pêcheries. Entre autres mesures destinées à la conservation des espèces concernées par le présent accord, mentionnons la détermination du volume admissible de captures, faculté à laquelle se réfère d'ailleurs une disposition de la convention des Nations unies sur le droit de la mer.
Enfin, l'accord du 25 novembre 1993 définit les critères d'appartenance à la Commission des thons de l'océan Indien. L'Union européenne siège à cette commission au titre des territoires ayant fait l'objet d'un transfert de compétences en matière de pêche. Contrairement à ce que laisse entendre l'exposé des motifs, la France siège à la Commission des thons de l'océan Indien en tant que pays riverain, car elle y représente ceux de ses territoires qui n'ont pas fait l'objet d'un transfert de compétences à l'Union européenne, à savoir les îles faisant partie des terres australes et antarctiques et la collectivité territoriale de Mayotte.
L'accord du 25 novembre 1993 paraît donc devoir susciter sur le fond d'autant moins de difficultés que, d'après l'étude d'impact jointe au présent projet de loi, l'incidence financière devrait être limitée pour notre pays. A cela aussi vous avez fait allusion, madame le secrétaire d'Etat.
J'aurais conclu de manière encore plus positive si une meilleure organisation du dépôt de nos instruments de ratification avait pu éviter que notre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées soit saisie dans l'urgence d'un accord dont les enjeux, certes appréciables puisqu'il s'agit, même très indirectement, de notre position dans l'océan Indien, ne semblent pas néanmoins justifier une telle précipitation.
En conclusion, la commission est favorable au présent projet de loi et vous demande, mes chers collègues, de l'adopter.
M. le président. Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique. - Est autorisée l'adhésion de la République française à l'accord portant création de la Commission des thons de l'océan Indien (ensemble deux annexes), fait à Rome le 25 novembre 1993, dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures dix, est reprise à seize heures, sous la présidence de M. René Monory.)