SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Affaires étrangères. - Débat sur une déclaration du Gouvernement (p. 1 ).
MM. Hervé de Charette, ministre des affaires étrangères ; Jacques Godfrain, ministre délégué à la coopération ; Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères.

PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU

MM. Hubert Durand-Chastel, Jean Clouet, André Dulait, Yves Guéna, Guy Penne.

PRÉSIDENCE DE M. YVES GUÉNA

Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Robert-Paul Vigouroux, Alain Peyrefitte, Pierre Mauroy.

Suspension et reprise de la séance (p. 2 )

3. Communication du Gouvernement (p. 3 ).

4. Dépôt de rapports du Gouvernement (p. 4 ).

5. Pacte de relance pour la ville. - Adoption des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire (p. 5 ).
Discussion générale : MM. Gérard Larcher, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire ; Eric Raoult, ministre délégué à la ville et à l'intégration ; Guy Fischer, Jean-Pierre Fourcade, président de la commission spéciale ; Emmanuel Hamel, Alain Richard.
Clôture de la discussion générale.

Texte élaboré par la commission mixte paritaire (p. 6 )

Sur l'article 2 (et dispositions annexées) (p. 7 )

Amendement n° 1 du Gouvernement. - MM. le ministre délégué, Gérard Larcher, rapporteur de la commission spéciale.

Vote sur l'ensemble (p. 8 )

M. André Diligent, Mme Nelly Olin.
Adoption, par scrutin public, du projet de loi.

6. Affaires étrangères. - Suite du débat sur une déclaration du Gouvernement (p. 9 ).
MM. Yvon Collin, Pierre Biarnès, Fernand Demilly, Jacques Godfrain, ministre délégué à la coopération ; Hervé de Charette, ministre des affaires étrangères.
Clôture du débat.

7. Mise au point au sujet d'un vote (p. 10 ).
MM. Guy Penne, le président.

8. Communication de l'adoption de propositions d'acte communautaire (p. 11 ).

9. Dépôt d'un rapport (p. 12 ).

10. Ordre du jour (p. 13 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY

M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Débat sur une déclaration du Gouvernement

M. le président. L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur les affaires étrangères.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
M. Hervé de Charette, ministre des affaires étrangères. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d'abord de saluer l'initiative que vous avez prise de procéder, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances, à un débat sur la politique étrangère de la France. Je suis particulièrement heureux de constater que vous êtes nombreux pour ce débat, ce qui marque l'intérêt du Sénat pour la politique étrangère de notre pays.
Nous sommes à la veille d'échéances décisives pour l'Europe : 1997 sera une année charnière de l'histoire de notre continent. Aussi notre priorité absolue est-elle d'édifier une Europe rénovée, sans cesser de participer à la mise en place d'un monde plus démocratique, plus juste, plus sûr et qui ne perde rien de sa diversité.
Au moment où tant de voix s'élèvent pour mettre en doute le bien-fondé de notre choix européen, je voudrais vous redire, inlassablement, ma conviction : nous avons besoin de construire notre avenir avec les autres peuples d'Europe.
M. Jacques Genton. Très bien !
M. Hervé de Charette, ministre des affaires étrangères. Ne croyez pas que je ne comprenne pas le découragement qui saisit certains de nos concitoyens lorsqu'on leur demande, au nom de l'Europe, de faire plus d'efforts, toujours plus d'efforts.
Pour des hommes et des femmes confrontés à des difficultés essentielles qui touchent à leur vie quotidienne, pour tous ceux qui sont privés d'emploi ou qui s'inquiètent pour leur logement ou l'avenir de leurs enfants, les problèmes d'institutions européennes ou d'architecture européenne de sécurité paraissent sans doute bien loin.
Les citoyens français, mais aussi les ressortissants des Etats partenaires, attendent des gouvernants des résultats concrets. Leur impatience est légitime : depuis trop longtemps, les barrières idéologiques qui bornaient l'horizon européen ont été abattues, sans que l'Europe accède à son nouvel équilibre économique, politique et social.
Cette impatience est donc la mienne et je suis sûr qu'elle est aussi la vôtre.
Pour autant, l'Europe est un gigantesque chantier de rénovation et de construction.
L'année 1997 sera sans doute une année clé pour quatre étapes essentielles de ce chantier.
Le premier de ces chantiers est incontestablement l'approfondissement de l'Union européenne. Deux échéances nous attendent en ce domaine : l'achèvement de la Conférence intergouvernementale et la préparation de la troisième phase de l'Union économique et monétaire. L'une et l'autre reposent sur la coopération franco-allemande, mais elles exigent aussi un dialogue attentif de notre part avec tous nos partenaires, je pense, en particulier, à l'Espagne, à l'Italie, et à beaucoup d'autres.
La Conférence intergouvernementale doit permettre de faire en sorte que les institutions européennees soient en mesure d'affronter l'élargissement qui se prépare. Elle devrait aboutir au milieu de l'année prochaine, sur la base des orientations qui ont été données par le Conseil européen de Dublin en octobre dernier, et qui seront, je l'espère, prolongées, précisées et développées à l'occasion du Conseil européen de Dublin en décembre.
Nous sommes engagés dans une oeuvre extrêmement importante de rapprochement des grands Etats souverains et démocratiques. Il est donc normal que les discussions soient âpres, que les idées circulent, que le temps de la réflexion soit pris. Mais l'heure où la négociation doit se nouer a désormais sonné. A l'issue de cet exercice, nous devons parvenir à une Europe à la fois plus démocratique et plus efficace, plus respectueuse de la diversité de ses membres, plus apte à agir sur la scène internationale et mieux armée, je l'espère, pour lutter contre les nouveaux fléaux qui menacent nos sociétés.
Pour qu'elle soit plus efficace, il faudra que nous ayons réglé la question de la pondération des voix au Conseil, de façon à mieux tenir compte du poids propre de chaque Etat dans l'Europe élargie.
Il faudra aussi que la commission, retournant vers ses origines, soit réduite en nombre et plus efficace. (M. Genton fait un signe d'approbation.)
La possibilité devra être donnée à un certain nombre d'Etats voulant aller plus vite et plus loin de s'organiser dans le cadre de l'Union, sans entraîner de force ceux qui ne seraient pas prêts, mais aussi sans être freinés par ceux dont le pas est plus lent.
Pour mieux tenir compte de la diversité, il faudra donner un rôle nouveau aux parlements nationaux et résoudre, enfin, l'interminable question de la subsidiarité, toujours évoquée, jamais résolue.
Pour être plus présente sur la scène internationale, l'Union devra avoir donné corps à cet outil de la politique étrangère et de sécurité commune que nous appelons de nos voeux.
Il faudra aussi que, dans ses dispositions, le traité sur l'Union fasse référence à la solidarité politique de ses Etats membres et à ses relations avec l'Union de l'Europe occidentale.
Enfin, pour être mieux armée contre les fléaux nouveaux que j'évoquais tout à l'heure, il conviendra que l'Union ait pris des décisions de forte importance concernant la lutte contre le terrorisme, la drogue et le trafic de main-d'oeuvre.
L'année 1997 sera, dans le même temps - tout le monde le sait - un moment décisif vers la création de la monnaie européenne. Il faut donc, au cours de cette année 1997, conforter le sentiment que le passage à la monnaie unique est définitif, et achever les travaux de préparation, notamment sur l'organisation des relations entre les pays de la phase III et ceux qui ne les rejoindront que plus tard. Une dynamique se met en place ; il convient qu'elle aille à son terme.
Enfin, l'importance de ces échéances monétaires ne nous empêche pas d'être conscients de la nécessité de préserver le modèle social : le nôtre, mais aussi, je crois pouvoir le dire, le modèle social européen qui est, dans ce monde nouveau, l'un des traits distinctifs de la société européenne, et que nous n'avons pas de raison de brader à l'encan.
Ainsi l'Union sera-t-elle en mesure, mesdames messieurs les sénateurs, d'accueillir de nouveaux membres. L'élargissement sera donc notre deuxième rendez-vous capital pour la fin de l'année 1997 ou le début de l'année 1998.
La France a pris position clairement pour l'accueil, au sein de l'Union, de ces peuples qui font naturellement partie de notre communauté culturelle et historique. Le processus d'élargissement sera mené de façon à intégrer aussi vite que possible ceux qui ont déjà parcouru une grande partie du chemin. Mais il ne faudra exclure personne de ce projet, de cette perspective, de cet objectif. C'est pourquoi la France propose l'organisation d'une conférence européenne permanente réunissant l'Union et l'ensemble des pays candidats, afin de développer entre nous, dès maintenant, une coopération politique renforcée.
Aucun Etat d'Europe, fût-il aux marches de notre continent, avec ou sans vocation à entrer dans l'Union, ne doit se sentir menacé par ces évolutions.
Nous aurons donc - ce sera le troisième chantier - à jeter les bases d'une nouvelle architecture de sécurité européenne en 1997.
Cela nous conduit à faire trois paris.
Le plus fondamental consiste à transformer une Alliance atlantique, hier dirigée contre un ennemi identifié, en une alliance qui, à des degrés divers, accueillera les nouvelles démocraties européennes et coopérera avec tous : l'élargissement de l'OTAN franchira en 1997 une étape décisive.
En même temps seront définis, avec la Russie, mais aussi avec tous les pays qui le souhaiteraient - je pense, notamment, aux pays Baltes - des liens de coopération particuliers et adaptés aux besoins de sécurité de chacun.
L'élargissement de l'OTAN ne doit pas renforcer la sécurité de quelques-uns aux dépens des autres. Il faut qu'il n'y ait, dans cette affaire, ni vainqueur ni vaincu, et que la sécurité de tous, y compris de la Russie, s'en trouve renforcée.
Dans le même temps, nous voulons arriver à donner naissance, au sein de l'OTAN, à une véritable identité européenne de défense. Après le conseil ministériel de Berlin, qui s'est tenu le mois dernier, de nouvelles étapes importantes seront franchies, je l'espère, en 1997, avec pour horizon une alliance nouvelle, dans laquelle l'Europe pourra agir et se faire entendre.
Si une telle alliance voit le jour en 1997, la France est prête à y prendre toute sa place. Toutefois, si les choses ne devaient pas évoluer ainsi, bien entendu, nous en resterions là.
Enfin, nous sommes convaincus que, pour réussir, cette révolution tranquille doit s'accompagner de l'approfondissement d'un solide partenariat qui, à travers l'océan Atlantique, nous attache aux Etats-Unis.
Certains prennent grand plaisir à monter en exergue tous les dossiers sur lesquels les intérêts de la France paraissent entrer en conflit avec ceux des Etats-Unis. Je voudrais les détromper et, si c'était nécessaire, mesdames, messieurs les sénateurs, vous rassurer. Les relations franco-américaines sont profondes et confiantes. Le nombre de sujets de désaccord est limité au regard de la densité des relations. Le caractère en apparence contentieux de certains d'entre eux traduit la réalité de notre relation : celle de deux partenaires prêts à dialoguer sur tout, qui ont des liens d'amitié extrêmement forts et qui sont, naturellement, déterminés à surmonter leurs divergences.
Le sommet de l'Alliance qui se tiendra l'an prochain permettra, je l'espère, d'atteindre ces trois objectifs, avec un principe de base : que nul Etat en Europe ne se sente diminué dans sa sécurité, et que, au contraire, celle-ci ait progressé de façon décisive.
Cette exigence d'égalité entre Etats, cette conviction que la sécurité en Europe doit être égale pour tous, nulle institution ne les incarne mieux que l'OSCE. C'est pourquoi nous proposerons à l'occasion du sommet de Lisbonne, en décembre prochain, de raffermir l'OSCE et de prendre des mesures concrètes qui manifesteront qu'aucun Etat européen n'est, selon nous, « secondaire » ou « moins important » en matière de coopération et de sécurité.
Au terme de cette énumération, je me sens à la fois conforté dans mes convictions européennes et forcé de mesurer l'ampleur de la tâche. En effet, qui aurait pu, il y a quelques années, imaginer qu'avant la fin du siècle notre génération aurait à ouvrir à la fois les chantiers de l'Europe politique, de son élargissement à l'Europe entière, de l'accession de l'Union européenne à la souveraineté monétaire, ainsi que de l'établissement de l'alliance effective des peuples établis de l'Atlantique à l'Oural ?
La France ne peut laisser sa chance d'imprimer à cette oeuvre, par la force de sa persuasion, sa marque singulière. Ne laissons pas passer notre chance, ne laissons pas « l'éternelle alliance de la démagogie et de la routine », que dénonçait le général de Gaulle en 1964, nous priver des réformes indispensables.
Dans cette phase de transition, la volonté - qui est de notre part profonde et sincère - d'aboutir à ce que l'Europe adopte des positions communes ne privera pas la France de sa voix. Le succès de la politique étrangère et de sécurité commune se mesure non pas à l'effacement des politiques nationales, mais à son aptitude à les rapprocher et à en amplifier l'impact à l'extérieur.
Je pense en particulier, évidemment, au Moyen-Orient et à la Méditerranée.
Au Proche-Orient, selon la ligne qui vient d'être tracée par M. le Président de la République lors de son récent voyage dans la région, nous continuerons à soutenir tous les efforts visant à relancer le processus de paix. Nous sommes convaincus que l'Europe, qui est l'un des principaux contributeurs, a son mot à dire dans cette affaire, d'autant qu'il s'agit, pour elle, d'intérêts essentiels, d'intérêts vitaux, qui lui donnent non seulement le droit mais le devoir de s'en mêler.
Nos efforts visent à faciliter la reprise des négociations sur la base des accords déjà conclus et à tracer une perspective dans laquelle l'Europe trouvera naturellement sa place dans le cours des négociations.
Nous nous réjouissons, et nous considérons qu'il s'agit d'un succès pour nous aussi, que l'Union européenne, lundi dernier, ait nommé un émissaire spécial pour le Proche-Orient et comptons bien contribuer activement à la définition du mandat politique qui lui sera confié.
Sur le plan économique, nous sommes prêts à aider toutes les parties dans le cadre plus large du partenariat euro-méditerranéen. Celui-ci prévoit, vous le savez, avec le programme MEDA une aide de 5 milliards d'écus sur cinq ans et autant sous forme de prêts. Mais il vise aussi un véritable dialogue politique et culturel, en offrant une enceinte qui rassemble tous les Etats riverains. En 1997, la France propose qu'une conférence interministérielle, voire, si les conditions sont réunies, un sommet des chefs d'Etat des vingt-sept pays réunis voilà un an à Barcelone, adopte un pacte euro-méditerranéen, qui donne à cette relation nouvelle sa pleine dimension politique.
Au-delà de l'Europe, avec nos partenaires de l'Union européenne, notre ambition est de contribuer à l'instauration d'un monde plus démocratique, plus juste, plus sûr et qui ne perde rien de sa diversité.
La principale enceinte de dialogue et de promotion de la stabilité à l'échelle mondiale doit demeurer l'Organisation des Nations unies.
Les valeurs que nous défendons - Etat de droit, égalité souveraine des Etats, respect des droits et libertés - constituent son fondement.
C'est pourquoi en 1997, nous continuerons d'être actifs dans la rénovation des Nations unies. Nous soutenons le secrétaire général M. Boutros Boutros-Ghali dans l'oeuvre remarquable de réforme qu'il a entreprise, en dépit des bâtons dans les roues qu'il a pu rencontrer. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants et du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées socialistes.)
Face à la crise financière que connaissent les Nations unies, nous adoptons une attitude constructive : avec nos partenaires européens, nous avons fait des propositions concrètes destinées à assainir une situation obérée par d'énormes arriérés ; nous appelons nos amis américains à tenir leurs engagements pour contribuer à cet assainissement.
Nous sommes ouverts aux évolutions, y compris en ce qui concerne le Conseil de sécurité. La France soutient la candidature de son principal partenaire, l'Allemagne, ainsi que du Japon, au statut de membre permanent du Conseil de sécurité. De grands Etats « du Sud » appelés à jouer un rôle majeur à l'avenir devront également y trouver toute leur place.
Nous exerçons nos responsabilités, en dehors du Conseil de sécurité, dans toutes les enceintes de l'Organisation : nous encourageons tout particulièrement le patient travail accompli par la Commission des droits de l'homme qui, non sans mal, poursuit son effort quotidien contre les abus et fraye peu à peu la voie du droit.
A titre national, comme à travers l'Union européenne, nous continuerons à contribuer de façon significative à l'aide au développement. Nous avons été, en 1995, le deuxième contributeur mondial en valeur absolue - je dis bien « en valeur absolue » - immédiatement après le Japon et devant les Etats-Unis, avec une aide totale de 8,4 milliards de dollars, c'est-à-dire plus de 40 milliards de francs. A l'avenir, nous nous efforcerons de maintenir ces ordres de grandeur, mais nous aimerions bien nous sentir un peu moins seuls.
A cet égard, l'Afrique constitue toujours pour nous un objectif prioritaire. Pour la première fois, l'Afrique a connu, ces deux dernières années, une croissance de l'ordre de 5 % supérieure à la croissance démographique. Nous y voyons un encouragement à renforcer encore nos efforts. Si l'on additionne l'ensemble des aides bilatérales et multilatérales - notamment européennes - accordées par la France au développement, 60 % vont à l'Afrique, dont 47 % à l'Afrique subsaharienne, où les pays les moins avancés sont, hélas ! les plus nombreux.
Lors du G7 de Lyon, en juin dernier, nous avons insisté auprès de nos partenaires pour que, malgré les restrictions budgétaires pratiquées par tous les pays occidentaux, les plus pauvres ne soient pas, comme toujours, les plus oubliés. Tel n'est pas, hélas ! pas le cas et la France a réaffirmé la nécessité d'accorder à ces Etats un traitement plus généreux en ce qui concerne le remboursement de leur dette. Nous nous félicitons que nos partenaires aient confirmé leur participation à l'Agence internationale pour le développement, qui dépend de la Banque mondiale, et à la Banque africaine de développement.
Nous avons également plaidé pour que de nouveaux pays émergents adoptent la même politique de solidarité envers les moins avancés, comme le M. Président de la République l'a fait à Singapour, au printemps dernier.
Bien évidemment, dans notre esprit, le développement ne se réduit pas à un soutien financier, si important soit-il. Notre travail en faveur de la démocratie et du maintien de la paix demeure essentiel. Dans le cadre de « l'agenda pour la paix » du secrétaire général de l'ONU, les pays africains doivent être plus impliqués dans la prévention des crises qui secouent leur continent, ils doivent mieux protéger la stabilité politique sans laquelle il n'est pas de développement durable.
Nous voudrions aussi créer un monde plus prévisible.
La mondialisation ne doit pas servir d'exutoire à nos propres difficultés, à nos opinions désorientées. Elle nous impose d'être plus présents dans le nouveau paysage international et doit être vue comme une chance pour nos produits - puisque nous représentons le quatrième exportateur mondial - mais aussi pour nos idées et notre culture.
La mondialisation ne sera un facteur de stabilité pour notre société que si, au lieu de la subir, nous savons la maîtriser et faire en sorte que les rapports de forces soient encadrés par des règles du jeu claires et acceptées par tous. Promouvoir ces règles, notamment les règles sociales, et les faire respecter est l'un des enjeux essentiels de la mondialisation. Celle-ci n'est pas nécessairement un bien ; elle sera un bien à condition qu'elle suive des règles précises, coordonnées entre tous.
La France et l'Union européenne s'efforcent de renforcer les procédures de régulation que lui offrent les structures multilatérales mises en place au cours des dernières années, notamment l'Organisation mondiale du commerce. Sans loyauté, il n'y a pas d'échanges équilibrés. L'adoption par certains de mesures unilatérales et extraterritoriales nous a conduits à déclencher des procédures, et à nous doter d'instruments symétriques. C'est ce que nous avons fait lundi dernier à Bruxelles, pour répliquer à la loi Helms-Burton. Nous ferons le plein usage des voies de règlement des différends qui nous sont ouvertes, mais nous n'hésiterons pas, si nous y sommes contraints, à veiller par tous les moyens nécessaires au respect des règles du jeu.
En outre, la France utilisera toutes les enceintes multilatérales existantes, l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture - FAO - en vue du prochain sommet mondial sur l'alimentation et l'Organisation internationale du travail - OIT - où la France saura faire entendre son souci de cohésion et de justice sociale.
Dans le prolongement de cette action, notre diplomatie est également mobilisée pour soutenir concrètement nos entreprises à l'exportation, les grandes comme les moins grandes, lesquelles ne savent pas toujours suffisamment que nos ambassades peuvent les aider dans leur développement international.
C'est ainsi que, comme vous le savez, nous avons décidé de donner un nouvel élan à notre diplomatie économique, en faisant se rencontrer dans les régions françaises nos ambassadeurs et des chefs d'entreprise, notamment des PME et des PMI. Je lancerai bientôt cette opération à Nantes. Bien entendu, elle se poursuivra dans l'ensemble des régions de France.
Enfin, nous nous efforcerons de poursuivre la lutte contre les fléaux transnationaux qui posent un défi nouveau à la sécurité internationale et appellent des formes radicalement nouvelles de coopération internationale.
Le sommet du G7 a engagé une coopération en matière de lutte contre le terrorisme : vingt-cinq recommandations pratiques et concrètes ont été adoptées le 30 juillet à Paris, auxquelles nous entendons, bien sûr, donner suite.
La drogue est un autre sujet de préoccupation majeure : les Etats où se trouvent les consommateurs potentiels et ceux où s'effectue la production ont désormais conscience de l'imbrication des enjeux. L'union européenne a choisi de coordonner son action avec celle d'institutions multilatérales, comme le programme spécialisé des Nations unies. Ainsi, 1997 sera pour nous une année de préparation de la session extraordinaire de l'assemblée générale des Nations unies qui, l'année suivante, sera consacrée à la drogue.
En matière de désarmement, des voies nouvelles sont ouvertes. J'ai signé au nom de la France à New York, en septembre dernier, le traité d'interdiction complète des essais nucléaires. Après des décennies, nous voyons enfin la menace d'une guerre atomique s'estomper. Cette convention apporte une contribution importante à la non-prolifération. Nous devons la compléter par une négociation sur l'interdiction de la production de matières fissiles à des fins d'armement. Nous oeuvrerons également à la conclusion d'un accord d'interdiction générale des mines anti-personnel qui doivent être impérativement éradiquées.
Enfin, il est vital à nos yeux que le monde en train de se construire ne renonce pas à sa diversité.
La promotion de la francophonie n'est pas le combat égoïste d'une France attachée à la perpétuation de son prestige ou de sa culture, encore que ce serait un objectif en lui-même suffisant. Notre engagement est celui de tous ceux et celles qui refusent l'uniformité et l'existence d'une seule langue dans le monde,...
M. Jacques Legendre. Très bien !
M. Hervé de Charette, ministre des affaires étrangères. ... qui croient aux échanges entre cultures différentes et sont persuadés que le progrès s'appuie sur de telles constatations.
La diversité des Etats francophones en est le meilleur exemple : le prochain sommet francophone aura lieu en Asie, à Hanoi, en novembre 1997 ; il fera suite à celui de Cotonou, de décembre 1995, où deux priorités ont été définies : l'éducation de base et la place du français dans les réseaux modernes de communication.
Nous poursuivrons aussi notre politique d'extension des zones desservies par nos opérateurs de radio et de télévision, ainsi que notre réflexion sur l'adaptation de notre offre en la matière.
Le souci de la diversité nous anime aussi lorsque nous nous efforçons de renforcer nos liens avec des zones émergentes qui doivent être aujourd'hui les priorités de notre diplomatie : l'Asie et l'Amérique latine.
L'Asie doit être - je l'ai dit et je le répète - la « nouvelle frontière » de notre diplomatie. Lors de la visite du Président de la République à Singapour, au printemps dernier, la France a donné la mesure de cette ambition. Nos relations avec ce continent si dynamique, si riche aussi de ses traditions, de ses cultures et de ses savoirs, doivent être portées à un degré de qualité nouveau dans les domaines culturel, politique et naturellement économique.
Lors du sommet de Bangkok en mars dernier, qui a réuni les quinze Etats de l'Union européenne et dix pays d'Asie, le projet franco-singapourien de création d'une fondation euro-asiatique a été entériné. La mise en place de la fondation dans les prochains mois nous permettra d'encourager le rapprochement des chercheurs et des étudiants.
La priorité que nous attachons à l'Asie sera marquée par des visites importantes du Président de la République au Japon, en novembre prochain, et en Chine, en 1997.
Tout comme nos relations avec l'Asie, nos rapports avec l'Amérique latine doivent être renforcés. L'Union européenne est le premier partenaire commercial du marché commun d'Amérique du Sud, le MERCOSUR, qui rassemble l'Argentine, le Brésil, le Paraguay et l'Uruguay, et nous y enregistrons des excédents importants.
D'une manière générale, nous jouissons dans cette région du monde, avec nos partenaires européens, d'un capital de sympathie important, fait d'affinités latines et de liens humains et accru par la qualité exceptionnelle de la coopération à quinze.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, en un an, le Président de la République a marqué notre action extérieure d'un style nouveau, plus direct, plus simple, plus actif aussi, où les apparences protocolaires comptent peut-être moins qu'avant, mais la chaleur et la sincérité sans doute davantage.
M. Michel Caldaguès. Très bien !
M. Hervé de Charette, ministre des affaires étrangères. Ce style nouveau nous a permis de confirmer notre engagement européen, d'explorer les nouveaux champs de notre diplomatie et de créer une relation d'une qualité nouvelle avec de nombreux partenaires.
Ce style nouveau est celui d'une France fiable, consciente de ses responsabilités internationales, dénuée d'arrogance, ouverte au dialogue, capable de faire face aux nouveaux chantiers de la vie internationale d'aujourd'hui et - soyez-en sûrs - absolument déterminée à faire valoir ses intérêts, à faire rayonner son prestige et sa culture, à porter l'étendard de l'Europe sur tous les continents de notre planète : la planète des hommes de demain, où l'Europe peut prétendre occuper la première place, où la France peut encore vouloir jouer les premiers rôles, la France, la France d'hier et d'aujourd'hui, la France de toujours ! (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE).
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la coopération.
M. Jacques Godfrain, ministre délégué à la coopération. Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames, messieurs les sénateurs, la volonté du Gouvernement de maintenir et de renforcer son engagement en faveur de la coopération et de l'aide au développement s'inscrit dans le souci de solidarité exprimé de manière permanente par le Président de la République. Que ce soit à Cannes, au huitième sommet européen consacré en partie au Fonds européen de développement, à Halifax ou, plus récemment, à Lyon lors de la réunion du G7, ou encore lors de ses voyages en Afrique, il a fait en sorte que la France soit le défenseur de l'aide au développement et qu'au « mondialisme économique réponde aujourd'hui le mondialisme du développement ».
Certains, en effet, s'interrogent sur le bien-fondé d'une telle politique, notamment en faveur du continent africain.
D'une manière générale, il faut tout d'abord constater que, sous couvert d'un afro-pessimisme plus ou moins désabusé, se masque le plus souvent une volonté de désengagement de certains grands pays industrialisés.
La France renoncerait cependant à être elle-même si elle cédait à cette tentation de repli. Cette dernière doit être d'autant plus combattue que l'observation des faits nous confirme dans la conviction que les progrès importants constatés doivent être confortés : progrès économiques, fruits des efforts d'ajustement engagés depuis dix ans et permettant d'espérer une croissance annuelle supérieure à 5 % en 1996 ; progrès politiques en termes de liberté d'expression, d'amélioration de l'Etat de droit et, bien sûr, de démocratisation.
Des raisons économiques existent également : l'Afrique est et sera un marché porteur pour nos entreprises.
Il y a enfin les liens tissés par la culture et par l'histoire.
Par ailleurs, sans développement des pays africains, comment espérer réduire la pression migratoire dont les conséquences pèsent sur notre pays ?
Une politique de coopération forte et généreuse est donc bien une nécessité pour notre pays.
De plus, il s'agit véritablement d'un enjeu pour la construction européenne et pour l'avenir de l'Europe, car l'Europe ne peut se construire véritablement qu'autour d'une conception commune de l'homme qui doit se traduire dans les rapports Nord-Sud.
Dans ce contexte, quels sont les principaux objectifs et priorités autour desquels s'organise mon action ?
Tout d'abord, notre politique de coopération est guidée par la recherche d'un véritable partenariat ; nous avons à coeur de définir conjointement les priorités d'intervention, nous facilitons à nos partenaires l'appropriation des projets et nous établissons avec eux un véritable échange, en considérant que les relations ne doivent pas être à sens unique. Ce partenariat ne se limite d'ailleurs pas à l'aide au développement : il doit en effet inclure les relations culturelles et commerciales.
La finalité profonde de la coopération est l'amélioration de la vie quotidienne des personnes. Il faut donc que les populations, où qu'elles se trouvent, voient leur vie améliorée du fait de notre action de coopération.
Aujourd'hui, dans un contexte budgétaire rigoureux, pour les pays bailleurs comme pour les pays bénéficiaires, il est indispensable de définir de nouvelles formes de coopération aptes à compléter de manière efficace les politiques plus traditionnelles d'aide.
Il faut, bien sûr, poursuivre la politique d'assainissement et de rigueur entamée notamment avec la dévaluation du franc CFA, en confortant les progrès constatés et en renforçant au maximum notre coordination avec les autres bailleurs de fonds.
Dès que cela se révèle possible, cela se traduit par une priorité à l'aide-projet, c'est-à-dire par un effort accru en faveur des projets de développement remplaçant progressivement l'appui aux balances des paiements et les annulations de dettes.
Plus concrètement, cela se traduit par le renforcement à plusieurs niveaux du tissu et de la trame de ce continent.
Il convient tout d'abord de privilégier le développement de proximité, celui qui incite les populations à demeurer sur place et qui lutte autant contre l'exode rural que contre l'émigration excessive. Plus généralement, il faut encourager une politique de développement durable, soucieuse de préserver dès le départ l'aménagement du territoire et accordant la priorité au développement humain, richesse première de toute nation.
Ensuite, il s'agit de favoriser les mesures d'intégration régionale, tant par l'élaboration de projets de développement communs à plusieurs Etats que par le renforcement d'organisations d'intérêt régional.
Il faut, par ailleurs, renforcer l'appui à l'Etat de droit, dans toutes ses dimensions : droit public mais aussi droit privé, droit de la justice mais aussi droit des affaires, droit de l'Etat mais aussi droit du citoyen. En effet, seul le renforcement de l'Etat de droit permettra d'enraciner durablement le développement économique, lui-même indispensable à la stabilité des démocraties. C'est pourquoi, dans ce domaine, nous nous félicitons de la décision du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale de faire de la lutte contre la corruption un élément central de leur politique d'aide, ainsi que nous le demandions dès le mois de juin 1995, considérant que la coopération devait viser également la lutte contre les grands trafics.
Enfin, il est nécessaire - cela peut se faire grâce aux progrès de l'Etat de droit - d'encourager l'investissement privé et l'émergence d'un secteur privé dans les pays en voie de développement, et ce pour deux raisons principales : d'une part, si l'aide publique au développement est loin d'être suffisante, elle peut et doit cependant être le moteur qui entraîne derrière lui l'investissement privé ; d'autre part, la situation économique en Afrique offre des perspectives prometteuses en termes de croissance et d'opportunités d'investissements.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, comme vous le voyez, la France ne participe pas au scepticisme ambiant à l'égard de l'utilité de l'aide, et, pour ma part, avec beaucoup d'autres, je suis résolument optimiste. Je ne méconnais pas les difficultés, les crises - nous en vivons - voire les échecs ; mais il y a aussi les enjeux, les avancées, les progrès. Il faut, bien sûr, que nos actions et notre aide soient appréciées en fonction d'exigences d'efficacité et de transparence, mais il faut aussi qu'elles expriment, d'une manière certes modeste, une certaine vision française de l'avenir du monde. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du RDSE, ainsi que sur certaines travées socialistes.)
M. Philippe de Bourgoing. Bravo !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, en dépit de moyens budgétaires fortement contraints, dont nous débattrons ici même dans quelques semaines en examinant les crédits du ministère des affaires étrangères pour 1997, la France tient son rang, affirme sa place et défend ses intérêts sur la scène internationale. C'est avant tout affaire de volonté politique, dès lors que notre diplomatie est capable d'un effort permanent d'adaptation et fait preuve de la mobilité intellectuelle et stratégique nécessaire.
Cette démarche volontaire de la France n'est pas contradictoire, bien au contraire, avec l'affirmation et l'approfondissement de solidarités, avant tout européennes, dont dépend en réalité la capacité d'influence et de rayonnement extérieur de notre pays. C'est pourquoi je me félicite du fait que le Président de la République et le Gouvernement aient clairement réaffirmé et renouvelé, depuis dix-huit mois, l'orientation politique majeure de notre pays en direction de l'Europe et de l'Alliance atlantique.
En effet, le choix européen n'est plus, loin s'en faut, de nature rhétorique. Il est aujourd'hui décisif, au moment où s'annonce une série impressionnante d'échéances capitales pour l'avenir de la construction européenne : conférence intergouvernementale, union monétaire, élargissement et - ne l'oublions pas - révision du financement communautaire.
Je me réjouis que la France maintienne un haut niveau d'ambition aux négociations de la CIG pour conjurer le risque de voir les institutions européennes paralysées par un élargissement à dix ou douze nouveaux Etats membres. Mais peut-on être réellement optimiste alors que l'unanimité des Quinze est requise et que l'accord, pour être positif, doit être nécessairement global ? Je ne vous cacherai pas mon inquiétude, monsieur le ministre : le processus actuel de négociation pourra-t-il aboutir sans crise ? Le résultat de la CIG, si l'échec est évité, sera-t-il à la hauteur de nos espérances ? Et, si tel n'était pas le cas, l'Union pourra-t-elle pour autant éviter d'entamer les négociations d'élargissement ?
Les choses paraissent aujourd'hui se présenter sous de meilleurs auspices pour la mise en place de l'union économique et monétaire. Les grandes puissances financières mondiales, longtemps incrédules, en paraissent aujourd'hui convaincues. L'euro est désormais sur la bonne voie. Sa mise en place, qui constitue naturellement un défi pour nos sociétés, qui vivent un douloureux processus d'adaptation, constituera un événement d'une portée considérable. D'abord, parce que l'euro doit permettre enfin à l'Europe de disposer d'une monnaie mondiale capable de faire contrepoids au dollar et au yen. Ensuite, parce que la monnaie unique, qui est le grand projet fédérateur européen de cette fin de siècle, créera une solidarité nouvelle essentielle entre les pays concernés ; c'est un projet politique majeur, qui favorisera lui-même de nouveaux progrès dans la construction européenne.
L'Union doit, en particulier, donner corps - enfin - à l'identité européenne de sécurité et de défense. Mais peut-on encore y croire, après des décennies de discours aussi sincères que vains ? Ma conviction est que oui, à la condition de ne pas laisser passer l'occasion historique qui s'offre aujourd'hui à nous, en particulier pour la rénovation de l'Alliance atlantique qui s'impose depuis la chute du mur de Berlin.
La France l'a bien compris en donnant, en décembre dernier, un signal politique très fort - même si sa portée pratique demeure modeste - qui lui permet de jouer désormais un rôle moteur pour favoriser le processus d'adaptation indispensable pour préserver et rendre plus efficace le lien transatlantique. Parlons clair : il est désormais vain de vouloir opposer « l'Europe européenne » à « l'Europe atlantique ». La seule chance que se développe concrètement une politique étrangère et de sécurité européenne, inscrite de manière abstraite dans le traité de Maastricht, réside dans la vitalité et le caractère harmonieux mais équilibré des relations transatlantiques.
Des principes importants ont été retenus, en juin dernier, à Berlin. Ils constituent un succès majeur, qui n'a pas été assez souligné, pour notre diplomatie. Mais il faut aujourd'hui les traduire au plus vite dans les faits pour introduire dans le fonctionnement militaire de l'Alliance la flexibilité nécessaire. Pouvez-vous, monsieur le ministre, préciser devant le Sénat l'état actuel et les perspectives des discussions engagées avec nos partenaires ? Car l'affaire est capitale. Il y va de notre ambition en matière de sécurité européenne. Il y va aussi, à certains égards, de la cohérence et de l'efficacité de la profonde réforme que nous avons entreprise de notre défense et que notre commission des affaires étrangères, dans sa majorité, approuve complètement.
Le drame qu'a connu l'ex-Yougoslavie au cours des dernières années illustre, si besoin en était, les ravages partiellement imputables à l'impuissance européenne en matière de sécurité et la nécessité de faire aboutir la démarche entreprise. Mais il faut dès aujourd'hui consolider sur le terrain une paix encore bien précaire, fragile et menacée.
Je n'oublie pas, monsieur le ministre, l'ampleur du chemin parcouru : les armes se sont tues, l'IFOR a rempli sa mission. Les premières élections générales de l'après-guerre ont eu lieu le 14 septembre dernier et, quelles qu'en aient été les imperfections, elles marquent une étape importante dans la mise en oeuvre des accords signés en 1995.
Les craintes que j'exprimais déjà il y a un an, à cette tribune, sont cependant loin d'être dissipées. Beaucoup reste à faire pour consolider la paix, aider à la reconstruction des territoires dévastés, encourager le retour des réfugiés, reconstituer la société civile. Les forces qui succéderont à l'IFOR devront y contribuer, car chacun sait que les difficultés politiques et institutionnelles demeurent immenses pour éviter de sceller la division ethnique du pays. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous livrer votre analyse des perspectives qui s'offrent aujourd'hui pour préserver la Bosnie des germes d'éclatement qui la menacent et écarter définitivement le risque majeur de nouveaux affrontements ?
Le processus de paix au Proche-Orient se trouve, lui aussi, à un moment sans doute décisif de son évolution. J'exprimerai, ici encore, mon inquiétude. Car le processus de paix au Moyen-Orient est en danger. Les perspectives ouvertes par les accords de Madrid, d'Oslo et de Taba sont compromises. De nouveaux drames se sont déjà produits. Or, chacun le sait, il n'y a pas d'autre alternative à ces tensions que la reprise du processus de paix pour dégager des solutions à long terme. Ces solutions ne peuvent, en particulier, éluder les questions de Jérusalem, des réfugiés et des colonies de peuplement dans les territoires palestiniens. Tel doit être, à mes yeux, l'objectif commun des pressions que doit exercer la communauté internationale sur les parties, et d'abord sur les nouveaux dirigeants israéliens.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Très bien !
M. Xavier de Villepin, président de la commission. La France et l'Europe n'ont choisi qu'un camp, monsieur le ministre, et vous l'avez dit clairement : celui de la paix. Elles doivent être présentes et disponibles pour jouer un rôle utile dans cette région comme force de proposition, dans l'amitié avec les différentes parties. Il va de soi que cette contribution ne saurait se limiter à des communiqués diplomatiques sans lendemain et à une participation majeure et coûteuse à la reconstruction et au développement de la région, car l'Europe est directement concernée par la paix ou la guerre au Proche-Orient.
La France a manifesté dans ce sens beaucoup de détermination, de constance et de persévérance au cours des derniers mois. Je rappelle et salue à cet égard, monsieur le ministre, votre remarquable engagement personnel à l'occasion de l'intervention israélienne du mois d'avril au Sud-Liban. Le Président de la République a, une nouvelle fois, défendu cette orientation positive avec force, clarté et courage au cours de son tout récent déplacement dans la région. Bien au-delà de l'incident, désormais clos, de Jérusalem-Est, l'aspect très positif de cette action est que la France a repris place au Moyen-Orient. Elle a aussi réveillé l'Europe dans la région. Je me réjouis, à cet égard, de la désignation d'un homme de qualité comme émissaire de l'Union européenne au Proche-Orient, mais pouvez-vous nous préciser, monsieur le ministre, le contenu exact de sa mission ? Pouvez-vous aussi nous dire si la France envisage de prendre prochainement de nouvelles initiatives pour favoriser la sécurité et le développement de cette région ?
Les grands dossiers internationaux que je viens d'évoquer rappellent, si besoin était, l'importance de nos relations avec nos partenaires et alliés américains. Les Etats-Unis sont désormais la seule super-puissance mondiale ; elle est pleinement consciente de ses atouts, du rapport de forces réel, et déterminée à les exploiter pleinement.
Nous ne devons pourtant pas trouver là la limite, et encore moins une quelconque contradiction avec l'impératif, pour la France, de tenir pleinement son rang, dès lors qu'elle en a la volonté politique, sur la scène internationale.
J'en citerai brièvement, pour conclure, quelques exemples.
Il va de soi, d'abord, que la France doit continuer à défendre l'aide au développement et à l'orienter en priorité vers le continent africain. Il ne s'agit évidemment pas d'exclure quiconque de cet effort, bien au contraire : il s'agit de combattre inlassablement l'afro-pessimisme, qui dissimule le plus souvent, de la part des grandes puissances, une volonté de désengagement au moment même où l'Afrique progresse à sa manière sur la voie de la démocratie et s'est engagée, souvent avec courage, sur le chemin de l'ajustement et du redressement économiques.
Mais les difficultés demeurent immenses, les crises persistent, et la communauté internationale ne peut y demeurer indifférente. Je souhaiterais, à cet égard, recueillir l'analyse du Gouvernement sur la situation qui prévaut aujourd'hui au Zaïre. Elle peut faire craindre en effet un embrasement de cette région des Grands Lacs, transformée en poudrière par plus de trente ans d'affrontements et qui compte aujourd'hui plus de deux millions de réfugiés.
L'ensemble francophone a aussi une vocation particulière à marquer notre solidarité vis-à-vis de l'Afrique. Rassemblant désormais une cinquantaine de pays, l'espace francophone progresse et s'organise. Il doit, à mes yeux, être rapidement renforcé pour jouer un rôle politique capable de prendre des initiatives, de mener des actions de diplomatie préventive et d'agir en faveur de la diversité culturelle.
Enfin, je ne saurais mieux faire, monsieur le ministre, que de reprendre vos propres termes pour souligner que l'Asie doit être, aujourd'hui, « la nouvelle frontière de la diplomatie française ». La France, après y avoir tourné sa page coloniale, a trop longtemps oublié un continent qui constitue aujourd'hui la première zone d'expansion économique dans le monde. Il faut aujourd'hui y reprendre notre place dans tous les domaines. Nous ne manquons pas d'atouts pour y parvenir. Encore faut-il avoir la volonté de les exploiter pleinement, avec une stratégie cohérente et une véritable constance.
Je conclurai d'un mot. Partout où l'Europe saura s'exprimer d'une seule voix, la France sera plus forte et mieux entendue. C'est pourquoi nous devons peser de tout notre poids pour progresser sur la voie d'actions communes fortes en matière de politique étrangère. Notre liberté d'action n'en sera pas amoindrie : chacun le sait, une politique étrangère unique n'est pas pour demain. Mais ce sont nos intérêts que nous compromettrions en nous obstinant à agir seuls ou en ordre dispersé. Il y va du rôle et de l'influence de la France sur la scène internationale. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
(M. Jean Delaneau remplace M. René Monory au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU
vice-président

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 44 minutes ;
Groupe socialiste, 37 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 31 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 26 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 18 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 15 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 9 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Durand-Chastel.
M. Hubert Durand-Chastel. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, parmi les changements politiques annoncés par le candidat Jacques Chirac lors de sa campagne présidentielle, ceux qui sont intervenus dans la politique étrangère répondent bien aux attentes profondes de notre pays.
L'universalité de la pensée française, toujours très présente dans notre imaginaire collectif et dans notre culture, correspond d'ailleurs parfaitement à la mondialisation actuelle des échanges économiques, encouragés par les accords du GATT et par la création de l'Organisation mondiale du commerce, je dirai même au mondialisme qu'ils inspirent.
En effet, la France se doit de maintenir sa vocation d'universalité, qui a fait la grandeur de son histoire, et de tracer l'avenir en se référant à cette tradition toujours ancrée dans le peuple français.
C'est dans cet esprit que notre politique de coopération avec les pays du champ - essentiellement l'Afrique, avec laquelle nous avons des attaches profondes - constitue une priorité que la France se doit toujours d'assumer, quelles que soient les circonstances. Nous saluons, à ce propos, le volontarisme dont fait preuve M. le ministre chargé de la coopération dans la conduite de son action.
En ce qui concerne la politique étrangère dans son ensemble, la nouvelle orientation donnée à notre diplomatie est excellente, et nous soutenons votre action, monsieur le ministre.
Je voudrais insister sur deux zones en développement rapide : l'Asie et l'Amérique latine.
Au début de cette année, à la veille du sommet Europe-Asie de Bangkok, dans son discours de Singapour, le Président de la République a défini les bases d'un nouveau partenariat de la France et de l'Union européenne avec l'Extrême-Orient et l'Asie, la « nouvelle frontière », selon votre propre expression, monsieur le ministre. Le retentissement de ce discours en Asie, où est située la moitié de la population de la planète, a été considérable.
C'est en Asie que se trouvent, précisément, quatre des huit pays émergents retenus comme cibles pour le commerce extérieur : la Chine, la Corée, l'Inde et l'Indonésie. C'est aussi en Extrême-Orient que les taux de croissance économique progressent à un rythme moyen encore jamais égalé, plus de 8 % par an.
Si la France avait jadis, avec l'Indochine, une forte position en Asie, elle n'est plus représentée aujourd'hui sur ce continent que par des communautés numériquement très insuffisantes. Comme il existe une corrélation étroite entre les flux du commerce extérieur et le nombre de ressortissants dans une même zone, il conviendrait de faire un effort important pour combler notre grave déficit humain si nous voulons atteindre l'objectif fixé, à savoir tripler nos parts de marché dans cette région dans les dix prochaines années. Des mesures spécifiques peuvent-elles être envisagées, monsieur le ministre ?
La situation est très différente en Amérique latine, où la France jouit depuis longtemps d'un immense prestige que le voyage historique du général de Gaulle, en 1964, a bien illustré.
Après la décennie perdue des années quatre-vingt, d'immenses transformations y ont eu lieu : une démographie galopante, associée à une immigration massive, a fait passer le nombre d'habitants de 50 millions, en 1900, à 500 millions aujourd'hui, soit un décuplement en un siècle ; des regroupements régionaux importants se sont constitués, avec le MERCOSUR, qui concerne 200 millions d'habitants, le groupe andin, le Centre Amérique ; enfin, il y a eu le retour à la démocratie.
En même temps, l'économie s'est sensiblement améliorée, et on a pu noter des taux de croissance moyenne de 4 %, soit le double des taux de croissance européens.
Malgré cette conjoncture favorable, le développement des échanges avec les pays d'Europe est médiocre. La part de marché de la France avec l'Amérique latine ne dépasse pas 2 %, soit le tiers seulement de notre part de marché dans le monde, voisine de 6 %. En revanche, les Etats-Unis d'Amérique, qui ont conclu, en 1994, l'Accord de libre-échange nord-américain, l'ALENA, avec le Canada et le Mexique, prologue à l'union de l'Alaska à la Terre de Feu, ont obtenu une augmentation de leurs parts de marché avec le Mexique de 65 %, en 1993, à 80 % en 1995.
Une attention particulière est à donner, à la frontière du monde anglo-saxon, au Mexique, qui constitue un rempart pour la culture latine.
Des pourparlers pour un accord commercial entre le Mexique et l'Union européenne ont commencé le 14 octobre dernier ; leur aboutissement revêt une grande importance pour éviter une intégration totale dans les Etats-Unis, d'abord du Mexique, qui ne le souhaite pas, puis de tous les autres pays latino-américains.
La visite du Président de la République dans les grands pays latino-américains, prévue en mars 1997, peut, à cet égard, marquer le début d'un renouveau d'intérêt français dans cette région, si proche de notre pays par sa langue latine et sa religion catholique. N'y a-t-il pas là une opportunité à saisir, monsieur le ministre ?
J'en viens à quelques réflexions plus générales concernant l'action française à l'étranger.
L'image de la France à l'étranger reste trop traditionnelle, basée sur la culture, les droits de l'homme et le bien-vivre. Notre pays peut s'enorgueillir aussi d'une place de premier plan dans les domaines scientifique, technique et industriel. C'est là une réalité encore trop souvent méconnue à l'étranger, malgré nos brillantes réalisations dans l'aéronautique, les transports ferroviaires à grande vitesse, l'armement, les télécommunications, etc.
Nos agences de presse et nos médias ne devraient-ils pas s'efforcer de relayer davantage les performances techniques françaises, en référence aux nombreux salons où notre pays expose et aux réussites de nos entreprises tant en France qu'à l'étranger ?
Ne conviendrait-il pas également de renforcer, dans nos ambassades et nos postes d'expansion économique, le personnel possédant une formation technique et d'ingénieur, et même de priviliégier les nominations de diplomates présentant ces caractéristiques ? C'est en effet grâce à ses innovations technologiques que notre pays sera amené à gagner les parts de marché demandées l'été dernier à nos ambassadeurs.
Il est important de rechercher aussi de nouvelles formules pour remplacer les coopérants du service national à l'étranger, dans la perspective de l'après-conscription ; ces jeunes constituent un excellent vivier pour l'expatriation. Le Gouvernement a-t-il déjà défini des orientations à ce sujet, monsieur le ministre ?
Il nous faut absolument pallier le grand handicap que représente l'insuffisance de nos communautés françaises à l'étranger. Si, autrefois, les candidats au départ étaient peu nombreux, aujourd'hui, le phénomène s'est inversé : ce sont les offres d'emploi à l'étranger qui manquent.
A ce sujet, j'ai accueilli avec satisfaction la réponse que m'a faite Mme le ministre délégué pour l'emploi, il y a deux jours, au Sénat, annonçant la création d'un groupement d'intérêt public qui associera l'Office des migrations internationales, l'ANPE International et la Maison des Français de l'étranger pour une meilleure efficacité du soutien à l'emploi à l'étranger.
Il conviendra, monsieur le ministre, de bien coordonner les actions de ce groupement avec les comités consulaires pour l'emploi et la formation, les conseillers du commerce extérieur, les chambres de commerce et d'industrie française, les postes d'expansion économique, car c'est à l'étranger qu'existent les offres d'emploi.
S'agissant de l'enseignement français à l'étranger, trois orientations me paraissent souhaitables pour préparer l'avenir : d'abord, le redéploiement de nos implantations scolaires pour tenir compte des nouvelles zones économiques prioritaires ; ensuite, un réajustement des droits d'écolage des élèves non français pour les rapprocher des coûts réels de l'enseignement que nous dispensons dans les différents pays d'accueil, en même temps qu'un accroissement des bourses aux élèves français ; ainsi, le recrutement étranger de nos établissements se concentrerait mieux sur les véritables élites sociales des pays d'accueil, conscientes de la haute qualité de nos établissements ; enfin, l'intégration de la dimension européenne dans les pays où les communautés des Etats membres de l'Union européenne sont peu nombreuses.
Ces mesures, déjà préconisées dans l'excellent rapport présenté au Premier ministre par notre collègue député Pierre Lequiller, ont-elles votre approbation, monsieur le ministre, et seront-elles mises en application ?
Pour conclure, reprenant un voeu du Conseil supérieur des Français de l'étranger, la création d'une grande chaîne française de télévision, d'audience internationale, avec un journal sous-titré et des programmes français, ne correspond-elle pas à la première priorité pour le rayonnement de la France à l'étranger ?
L'ensemble de nos compatriotes de l'étranger appellent de leurs voeux une telle vitrine médiatique et, avec eux, toutes les populations francophones, francophiles et amoureuses de notre pays et de la culture française dans le monde.
Monsieur le ministre, j'écouterai avec attention les réponses que vous ferez à ces quelques questions. Je vous en remercie d'avance. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) M. le président. La parole est à M. Clouet.
M. Jean Clouet. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, appartenir à une majorité parlementaire requiert une certaine capacité de renoncement. (Sourires.) On la qualifie le plus souvent de témoignage de solidarité. Chacun de nous ici présent l'a éprouvé à un moment ou à un autre.
Si l'on perçoit aisément que cette capacité de renoncement n'anime pas actuellement au même degré tous les membres de la majorité, c'est dans le domaine de la politique intérieure que ce constat peut être dressé. L'expérience le démontre quotidiennement. Mais il s'agit là d'une affaire de famille et, fort heureusement, elle ne se prolonge pas dans le domaine de la politique extérieure,...
M. Hervé de Charette, ministre des affaires étrangères. Ouf ! (Sourires.)
M. Jean Clouet... où, à l'exception de quelques divergences techniques mineures, parfois gonflées par un effet d'optique, un quasi-consensus règne sur les grands axes d'action de notre diplomatie : comme il convient, nos dissensions s'arrêtent aux frontières.
A cet égard, monsieur le ministre, vous ne vous heurterez de la part du groupe des Républicains et Indépendants, au nom duquel je m'exprime, à aucune divergence notable.
Comment, d'ailleurs, pourrait-il en être autrement, dans la mesure où notre politique extérieure procède de quelques données simples, mais fortes, issues de notre long passé et qui se trouvent actuellement confrontées au nouvel état du monde ?
Ces données simples, mais fortes, chacun les connaît ; elles ont fait de la France, depuis des siècles et sans interruption, une puissance mondiale sur le plan de l'histoire comme sur le plan de la géographie. Il convient qu'elle le demeure, sans cocoricos déplacés, mais avec une totale détermination.
Pour ce faire, elle peut s'appuyer sur la persistance de son rayonnement intellectuel et sur la capacité de survie de sa langue, qui est aussi celle de millions d'hommes et de femmes, et je pense, en cette circonstance, à Léopold Sédar Senghor dont nous venons de célébrer le quatre-vingt-dixième anniversaire.
Le français est à la fois une langue véhiculaire et une langue de culture. De telles langues ne sont pas si nombreuses au monde que l'on puisse se désintéresser de l'avenir de l'une d'elles.
Elle peut s'appuyer, enfin, sur la légitimité de son combat, séculairement affirmé, en faveur du respect et de la défense des droits de l'homme, qui peuvent prendre des formes institutionnelles parfois différentes, mais que nous devons obstinément aider à survivre dans un monde qui en fait souvent peu de cas.
Toutes ces données essentielles qui ont constitué, avec des fortunes parfois diverses, au long des ans, la légitimité de notre action, se sont bruquement trouvées inscrites dans un contexte totalement nouveau avec l'implosion de l'URSS et la chute du mur de Berlin ; je me souviens que nous y avons assité côte à côte, monsieur le ministre.
La fin d'un demi-siècle de guerre, dite froide, mais dont l'intensité hypocritement meurtrière démentait l'épithète, a créé, c'est un euphémisme, une situation nouvelle sur le théâtre des nations. Depuis 1991, un acteur majeur a disparu. Il n'en reste désormais plus qu'un seul.
On ne peut, fût-il animé de ces bonnes intentions dont on dit que l'enfer est pavé, le laisser pratiquer sans réagir ce que le traité de Rome qualifie d'abus de position dominante.
En effet, et même si la nature a horreur du vide, il ne convient pas que ce vide ne soit comblé que par une seule puissance. Toutes doivent y trouver leur rôle, et singulièrement la France au sein de l'Europe. Une Europe dont le bon sens, bien au-delà d'une quelconque realpolitik , exige qu'elle comporte un noyau dur et moteur, sauf à ne devenir qu'une marmelade géographique, de l'Irlande aux pays Baltes et de la Finlande au Portugal ou à la Grèce.
Sans squelette et sans muscles, cette Europe ne serait qu'une attristante gélatine. Je mesure bien que la construction de ce pilier, indispensable à un véritable équilibre mondial, s'apparente à la tapisserie de Pénélope mais, après tout, Ithaque est en Europe et Ulysse a bien fini par rentrer au foyer ! (Applaudissements.)
M. Jacques Genton. Excellent !
M. Jean Clouet. L'édification de cet indispensable contre-pouvoir, non hostile, mais amicalement positif, et qui devra aider les Etats-Unis à ne pas céder à la tentation d'un impérialisme dominateur et sûr de lui, montre bien que c'est le monde entier, monsieur le ministre, qui s'offre à l'action du Président de la République et du Gouvernement, depuis le Proche-Orient jusqu'aux atolls du Pacifique, depuis le coeur meurtri de l'Afrique jusqu'à cette Algérie qui nous demeure si chère et, plus largement, partout où les hommes souffrent et où les frontières éclatent dans les excès d'un sanglant renouveau du chauvinisme.
M. Guy Penne. Très bien !
M. Jean Clouet. C'est alors qu'apparaît inévitablement la grande question qui domine nos débats : avons-nous les moyens de notre politique ?
Pour que la réponse à cette question puisse être positive, plusieurs conditions doivent être réunies : un solide réseau d'alliances soigneusement entretenues ; une structure diplomatique et culturelle solidement ancrée en des lieux judicieusement choisis et animée par des hommes et des femmes de qualité ; une capacité d'intervention efficace et toujours disponible ; une situation économique et financière solide et assurée.
Vaste programme, aurait dit celui qui a replacé la France à son rang dans le monde, vaste programme mais, sur plusieurs points déjà, bien amorcé.
Au surplus, ce n'est pas seulement quantitativement que l'on peut être puissant. L'histoire abonde en exemples qui montrent qu'on peut l'être aussi qualitativement. Nul n'a oublié la fameuse question de Staline : « Le pape, combien de divisions ? »...
M. Guy Penne. Plus que le dalaï-lama !
M. Jean Clouet. Rechercher le meilleur rapport efficacité-coût, c'est l'objectif, et non le moindre, de toutes les politiques.
Enfin, et en raison de son essence même et de la diversité de ses caractéristiques, la France semble, mieux que d'autres, à même de jouer, au sein des problèmes de notre époque, un véritable rôle de catalyseur.
Rappellerai-je qu'un catalyseur, s'il transforme les choses, reste finalement lui-même ? Ce qui veut dire que la France peut demeurer elle-même - elle le doit au monde - sans renier ni ses alliances ni ses amitiés, et sans perdre son âme.
M. Philippe François. Très bien !
M. Jean Clouet. Cette tâche est lourde, monsieur le ministre, et l'on peut certaines fois être tenté par le renoncement. C'est alors qu'il faut se souvenir de mère Teresa : « Je ne suis, a-t-elle dit, qu'une petite goutte d'eau dans l'océan mais, sans cette petite goutte, l'océan ne serait pas ce qu'il est. »
La France, elle, n'est démographiquement qu'une petite goutte d'eau dans l'océan du monde mais, sans elle, il ne serait pas ce qu'il est ni ce que nous devons l'aider à devenir.
Bon courage, monsieur le ministre, et bonne chance ! (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Dulait.
M. André Dulait. Messieurs les ministres, participant, comme M. Clouet, du consensus qu'il a évoqué, je souhaiterais, dans le cadre de ce débat, insister sur l'action originale, courageuse et novatrice que le Gouvernement et vous-même menez en matière de politique extérieure.
Malgré d'importantes contraintes financières, en quelques mois, vous avez su renouveler la politique extérieure de la France. A titre d'exemple, je m'attarderai sur trois régions du monde où votre action est particulièrement remarquable.
La première région du monde où un nouvel élan a été insufflé me paraît être l'Amérique latine. Vous avez récemment réuni, lors d'un voyage que vous avez effectué dans cette région, tous les ambassadeurs de la zone. Dans votre volonté de revivifier les liens économiques, culturels et politiques avec les « différentes Amériques latines », nous avons apprécié combien votre méthode était innovante.
Il ne s'agissait pas simplement de renouveler les liens plus ou moins distendus. Je crois que votre ambition, monsieur le ministre, a été que la France se tourne vers la nouvelle Amérique latine, celle qui émerge après des années de dictature et d'affrentements entre les nations, celle des regroupements régionaux, du MERCOSUR, de l'Union andine, du groupe de Rio, ou encore celle du Caricom.
Cette nouvelle Amérique latine, en gestation depuis une dizaine d'années, tente, un peu comme nous en Europe il y a quarante ans, la grande aventure des regroupements régionaux pour ainsi dépasser les protectionnismes économiques et les heurts nationalistes.
La France mène, avec cette Amérique, un triple niveau de relations. Outre des relations bilatérales, bien sûr, de pays à pays et des relations avec les organisations de regroupements régionaux en tant que tels, il existe aussi un troisième aspect original qui conduit la France à se trouver au coeur des relations multilatérales que l'Amérique du Sud entretient avec l'Europe prise, elle aussi, de façon globale.
Les accords de Madrid, signés au mois de décembre dernier, sont une innovation dans le domaine des relations internationales. Pour la première fois dans l'histoire, deux ensembles régionaux, l'Union économique et le MERCOSUR, qui regroupent quatre pays plus deux à titre d'observateurs, ont décidé d'établir des relations que l'on pourrait qualifier de « bloc à bloc », si, à ces termes, n'était attachée une connotation péjorative et qu'il est donc préférable de qualifier « d'ensemble à ensemble ». Et, dans ce dialogue entre ensembles régionaux, la France a aussi un rôle de médiateur à jouer.
Une nouvelle politique française pour une nouvelle Amérique latine, une nouvelle politique française à trois étages, en quelque sorte. Monsieur le ministre, vous en avez été l'un des principaux auteurs, et je tenais ici à vous en rendre hommage.
L'autre continent vers lequel je souhaite me tourner est celui auquel tant de liens nous unissent, je veux parler de l'Afrique. Combien est mal comprise la politique de la France en Afrique !
Cette politique, nous le savons bien, n'est ni un legs, ni une résurgence du colonialisme. La décolonisation a été entamée voilà bientôt plus de quarante ans, avec la loi-cadre Defferre, puis poursuivie sous la Ve République.
Dès cette époque, la France a souhaité accompagner cette décolonisation, ainsi d'ailleurs que celle de pays qui n'étaient pas dans son orbite politique, comme le Zaïre, le Rwanda ou le Burundi, puis, par la suite, des pays de l'Afrique francophone ou lusophone, voire hispanophone.
Je souhaiterais dire ici un mot sur le tragique retour à la une de l'actualité du conflit Hutus-Tutsis ; avec ses cohortes de réfugiés jetés sur les routes et ses horribles bains de sang, qui ne doit pas nous faire oublier l'essentiel : pourquoi cette nouvelle crise autour des grands lacs ?
Au-delà des rivalités ethniques exacerbées par une volonté identitaire dont la spontanéité n'est pas avérée, la déstabilisation de l'ensemble de cette zone serait dramatique pour l'Afrique.
Le passé nous enseigne que des intérêts financiers et stratégiques étrangers à ceux de la France peuvent conduire à des situations catastrophiques.
La France, par votre intermédiaire, monsieur le ministre, fidèle à sa vocation africaine et à son idéal humanitaire, j'en suis convaincu, se doit d'agir au service de la paix dans cette région du monde. Vous ne manquerez pas de nous indiquer quels voies et moyens vous comptez utiliser pour que nous soyons présents dans cette région.
La politique de la France en Afrique, que vous défendez courageusement avec M. le ministre délégué à la coopération, est une grande politique, bien au-delà d'une simple politique exclusivement au service de nos intérêts économiques. Elle a pour ambition de permettre aux sociétés africaines d'entrer de plain-pied, politiquement, économiquement et socialement, dans le XXIe siècle. Et, comme en Amérique du Sud, le rôle de la France en Afrique est également d'être le médiateur, pour ne pas dire l'intercesseur, de l'Afrique vis-à-vis de l'Union européenne.
L'actualité ne peut que renforcer cette attitude de la France au service de la paix.
Là aussi, votre action s'est caractérisée par des relations bilatérales et multilatérales de l'Europe avec le monde africain. J'en veux pour preuve certaines rationalisations administratives ou ministérielles, comme la redéfinition des pays du champ, qui regroupent désormais les pays ACP. Je vois, pour ma part, dans cette modification technique l'expression d'une prise de conscience de plus en plus européenne des relations franco-africaines.
L'Afrique n'est pas la chasse gardée de la France. Elle ne l'a jamais été, même à l'époque de l'Union française, voire à l'époque antérieure de l'empire colonial. Cette expression polémique dénature les quarante années de coopération et d'efforts menés par notre pays pour stabiliser politiquement l'Afrique, la développer économiquement et lui permettre de conserver ses racines tout en pesant davantage, tout en jouant de plus en plus un rôle international important.
La France s'intéresse et se passionne pour l'Afrique, non parce que l'Afrique serait à elle, mais parce que l'Afrique, à un moment de sa longue histoire, a rencontré le monde européen et, au sein de ce monde européen, la réalité française.
Indépendamment des motifs de cette rencontre, les résultats sont là, et je fais partie de ceux qui savent que les liens entre l'Afrique et la France ne sont pas purement conjoncturels. Une véritable osmose, faite d'influence réciproque, s'est forgée en un siècle. Ainsi, l'Afrique francophone, inspirée dans son organisation administrative et juridique par le droit français, s'est nourrie, depuis son indépendance, de cette amitié. Il y aura toujours chez des parlementaires, chez des universitaires et des scientifiques, des hommes et des femmes qui se prendront de grandes passions pour l'immense et diverse Afrique.
Le troisième thème que je souhaiterais évoquer à cette tribune, messieurs les ministres, concerne le monde arabe, ou plutôt les mondes arabes. Le monde arabe est l'un des horizons géopolitiques, historiques de la France depuis très longtemps, bien avant l'époque de l'expansion coloniale. Ce monde arabe, évoqué à l'instant, est divers, marqué par des régionalismes qui s'articulent en quatre ensembles : le Maghreb, la zone nilotique, la péninsule Arabique et le Croissant fertile.
Divers, le monde arabe l'est aussi dans ses définitions religieuses : il pratique plusieurs formes d'Islam dont le sunnisme et le chiisme. Sont présents aussi plusieurs milliers de chrétiens. Ces faits me conduisent à penser que nous ferons un grand pas le jour où nous cesserons de parler du « monde arabe », qui n'est unifié finalement que par sa langue, pour plutôt employer des termes plus appropriés aux diversités nationales arabes.
Ce sens de la réalité plurielle du monde arabe, la diplomatie, au gouvernement, a su en tenir compte. Aujourd'hui, la France peut s'enorgueillir d'avoir de bonnes relations avec chacun des pays arabes, de l'Atlantique au Golfe et de la Méditerranée à l'océan Indien. Nons entretenons des relations diplomatiques, économiques et culturelles avec tous ces pays, quelle que soit leur orientation politique.
Là aussi, la vocation de la France n'est pas simplement de réussir des relations bilatérales. Elles est aussi, comme nombre de nos amis arabes l'attendent, d'être l'élément avancé du dialogue euro-arabe. Cette rencontre de l'Europe et des pays arabes n'est pas simplement une réalité méditerranéenne. Le monde arabe ne se résume pas aux pays bordant cette mer. Aujourd'hui, émerge dans l'économie mondiale un pôle d'une fabuleuse concentration de richesses : le Golfe. Ce Golfe, riverain de l'océan Indien, vous avez su fort bien, messieurs les ministres, en prendre la mesure politique et y redynamiser une présence française à tous points de vue : militaire, économique et aussi culturel.
Je crois que, là aussi, messieurs les ministres, la politique de la France n'est pas une politique pour ou contre un camp. Les garanties ininterrompues données à l'Etat d'Israël quant à son droit à l'existence, son droit à la protection, attestent que la politique française n'est pas une politique pro-arabe et anti-israélienne.
Fidèle à sa grande tradition, la diplomatie française aspire à rétablir partout les équilibres, afin que les hommes puissent connaître la paix. Cela est particulièrement exemplaire dans le cas du monde arabe.
Le refus de certains de nos partenaires occidentaux de voir l'Europe prendre part à la négociation proche-orientale, est, comme l'a dit un de vos grands prédécesseurs, M. de Talleyrand : pire qu'une erreur, c'est une faute.
Ce n'est pas seulement la France qui est en cause, c'est l'ensemble des pays européens qui, eux aussi, ont des intérêts majeurs dans le monde arabe. Qu'il s'agisse de l'Italie, de l'Allemagne, de la Grande-Bretagne ou de l'Espagne, l'intérêt même des protagonistes serait que les pays de la vieille Europe, qui connaissent et comprennent le monde proche-oriental et moyen-oriental, puissent participer à la négociation, car eux seuls, finalement, sont à même d'engager un processsus de détente et de coexistence, afin de rapprocher les points de vue.
Dans les situations aussi tendues que celle de la crise israélo-palestinienne, l'humanisme européen ne sera pas de trop pour éviter les face-à-face identitaires et meurtriers.
De même, il est temps que les exclusions porteuses de nouvelles guerres cessent. Comme l'a dit le Président de la République, l'Irak doit un jour rejoindre la communauté internationale, sinon il n'y aura aucune stabilité politique dans cette région.
La France a choisi la paix et la coopération avec les pays arabes, que ceux-ci soient pauvres ou riches, progressistes ou conservateurs, sans jamais faillir à son idéal de démocratie.
Voilà, monsieur le ministre, ce que je souhaitais vous dire comme sénateur, et, au nom de mes collègues du groupe de l'Union centriste, je vous informe que nous approuvons fermement et publiquement les orientations de votre politique extérieure, qui nous rendent encore plus fiers d'être Français. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Guéna.
M. Yves Guéna. Au nom du groupe du RPR, je voudrais d'abord exprimer les satisfactions que nous éprouvons, s'agissant de la politique étrangère de notre pays, devant la détermination du Président de la République et le savoir-faire, je dirai le talent, de son ministre. Mais, comme je sais mal farder la vérité, monsieur le ministre, je me devrai aussi de vous livrer nos interrogations sur quelques points.
Il est vrai - et je me plais à le souligner - qu'après le flou crépusculaire d'où nous sortions, la diplomatie française a su s'affirmer dans des domaines essentiels. Vous avez évoqué le « style nouveau », c'est vrai !
Nul ne conteste aujourd'hui le bien-fondé de notre politique nucléaire. Les derniers essais, irremplaçables soit pour tester des armes, soit pour préparer les simulations futures, n'ont porté nul préjudice d'aucune sorte, ni moral ni économique, à notre pays. Et le traité d'interdiction a été adopté dans une version que, de ce fait, nous avons pu rendre plus exigeante.
En Bosnie, où certes tout n'est pas parfait, les armes se sont tues et des élections se sont tenues. C'est sur une initiative du Président de la République, avec la constitution de la Force de réaction rapide en lieu et place de l'impuissante mission de l'ONU, qu'a été étouffé ce foyer de guerre, avec son cortège de massacres et de déportations, tandis que les armes de la République étaient désormais respectées.
Au Liban, la France a été présente, et avec quel bonheur - nous vous y associons, monsieur le ministre - dans l'apaisement du heurt entre l'armée israélienne et le hezbollah. Je soulignerai au passage la prescience du Président de la République qui, faisant fi des critiques, s'était rendu à Beyrouth quelques semaines plus tôt, affirmant ainsi par avance la permanence de notre attention pour le Liban.
Puis, il y a quelques jours, dans les terres palestiniennes et en Israël, le Président a su s'adapter aux circonstances, ce que l'on ne peut faire que si l'on s'appuie sur des idées claires, en l'espèce la dignité de la France et sa place particulière sur la scène internationale comme membre permanent du Conseil de sécurité.
Puisque l'une des parties récusait son arbitrage, il était normal pour le Président, parlant au nom de la France, non seulement de marquer la nécessité de renouer le processus de paix, mais aussi de rappeler les droits des Palestiniens. « Il a pris parti » lui reprocherait-on... J'espère bien ! En diplomatie, demi-teinte et timidité n'ont jamais payé.
M. Michel Caldaguès. Bravo !
Mme Paulette Brisepierre. Très bien !
M. Yves Guéna. On a pu juger du bien-fondé de son attitude à l'accueil qui fut réservé à Jacques Chirac, non seulement dans les territoires palestiniens, mais dans les capitales arabes : Beyrouth, Amman, Le Caire, et, quelques jours plus tôt, Damas.
Naturellement, ce voyage, par son éclat même, conduit à poser la question, et le Président l'a évoquée : action de la France ou action de l'Europe ? Difficile débat ! Seul, on a plus de résolution, mais moins de poids. A quinze, on pèse plus lourd, mais l'on est moins déterminé. Quadrature du cercle !
Et cette question me conduit à rappeler, pour m'en féliciter, les propositions françaises lors de la Conférence intergouvernementale sur la révision de Maastricht. L'on comprendra que je me réfère à vos déclarations de Strasbourg du 20 septembre dernier.
D'abord, puisque nous y sommes, sur la politique étrangère et de sécurité commune, la PESC, puisqu'il faut l'appeler par son nom. Comment donc résoudre cette quadrature du cercle, comment atténuer d'abord la cacophonie, la confusion au moins verbale entre les Quinze, entre ceux qui veulent aller dans un sens, ceux qui souhaitent agir à rebours, ceux qui ne veulent rien faire du tout et ceux qui veulent empêcher qu'on fasse ? Comment museler les déclarations intempestives et inconvenantes de la Commission, laquelle n'est pas compétente, ou d'un sir Leon Brittan qui, piteux négociateur de Blair House, n'a vraiment plus de leçon à donner à quiconque ?
La création d'un poste de haut représentant, suggérée par la France, ne réglera sans doute pas le problème, mais elle peut y contribuer. Nous en sommes d'accord. Ce n'est qu'un pas au milieu de fourrés épais, mais c'est un pas, et dans la bonne direction. Il en va de même du choix de l'ambassadeur d'Espagne en Israël pour traduire la volonté de l'Union européenne d'être présente dans la négociation.
Toujours à propos de la Conférence intergouvernementale, vous n'avez pas perdu de vue, au contraire de bien d'autres délégations, que l'Union européenne devra accueillir de nouveaux membres - vous l'avez rappelé dans votre propos, monsieur le ministre - ces pays naguère dépendants, redevenus souverains et démocratiques, et qui frappent à notre porte. Il est temps, il n'est que temps de corriger ce pied de nez à l'histoire que fut à cet égard Maastricht, renforçant la petite Europe mercantile et atlantiste, alors que tout était remis en cause sur notre continent avec l'effondrement de l'Union soviétique.
Vous avez parfaitement souligné - et il eût été préférable de l'entreprendre, mais ce n'est pas une critique qui s'adresse à vous ni à la France, avant d'accueillir les trois derniers membres - que les institutions européennes doivent être réformées : Commission plus restreinte, extension du vote majoritaire, à une condition avez-vous dit : la pondération des voix au sein du Conseil. La seconde condition va sans dire, mais, le moment venu, vous la rappellerez, j'en suis sûr, c'est le maintien du compromis de Luxembourg.
Enfin, pour m'en tenir à l'essentiel sur la Conférence intergouvernementale, vous avez affirmé que l'Europe doit devenir plus démocratique, et vous avez souligné à cet égard le rôle irremplaçable des parlements nationaux. Nous en sommes d'accord, ô combien ! d'autant que le Sénat n'a cessé de se battre sur ce terrain. Or, la persévérance paie. La réunion de la conférence des organes spécialisés des assemblées de la communauté, la COSAC, se tenait à Dublin voilà quinze jours.
M. Xavier de Villepin, président de la commission. Vive la COSAC ! (Sourires.)
M. Yves Guéna. Nous avions par avance formulé nos propositions à la présidence irlandaise. Les délégués de l'Assemblée nationale et ceux du Sénat, M. Genton et moi-même, les ont défendues toute la journée...
M. Jacques Genton. C'est vrai !
M. Yves Guéna. ... et, au soir, nous n'avons pas été dévorés comme la chèvre de M. Seguin ! Nous avons obtenu des résultats, qui sont là.
Tous les délégués, et c'est la première fois, ont reconnu que la référence aux parlements nationaux devrait s'inscrire dans le texte même du traité - et non en annexe, à la suite d'une recommandation « contre les mauvais traitements aux animaux » (Sourires.) - que l'existence de la COSAC devrait être reconnue ; qu'elle pourrait jouer un rôle dans la définition de la subsidiarité, ce qui est normal puisque la subsidiarité s'analyse d'abord comme un dessaisissement des parlements nationaux ; qu'elle serait informée et consultée sur les actions relevant du second et du troisième pilier.
Nous sommes bien conscients que ce consensus n'aurait pu se dégager si nos collègues des autres parlements n'avaient su les intentions du Gouvernement français, qui ont pesé pour beaucoup, j'en suis sûr, dans cette évolution.
Maintenant, pour user d'une image familière aux gens du Sud-Ouest, monsieur le ministre, vos avants ont sorti le ballon de la mêlée, à vous d'aller le plaquer derrière la ligne d'en-but. (Sourires.)
Mais je vous ai dit en commençant que nous avons aussi des interrogations, voire des inquiétudes, que je ne puis passer sous silence.
Naturellement, je n'irai pas jusqu'à dire, comme Paul Valéry, que la part brillante de notre politique étrangère « suppose d'ombre une morne moitié ». Ce serait exagéré, ce n'est pas moitié-moitié.
Mais comment se satisfaire de ce que l'on sait de notre attitude vis-à-vis de l'OTAN ? J'avais posé le 1er février dernier une question d'actualité sur ce sujet ; M. Barnier me répondit ainsi : « Je serais tenté de vous dire : faites confiance au Président de la République et au Gouvernement. » C'est ce que nous souhaitons faire naturellement.
Il poursuivait : « Nous ne sommes prêts à aller de l'avant dans notre engagement qu'à la seule condition que notre engagement soit proportionnel à la disponibilité de nos partenaires à réformer en profondeur l'Alliance atlantique et à bâtir en son sein un "pilier européen" de défense, en accord naturellement avec les Américains...
« Nous devons également, me semble-t-il, faire plus confiance que par le passé à nos partenaires. Nous ne bâtirons pas seuls le "pilier européen de défense" ; nous avons besoin d'eux autant qu'ils ont besoin de nous. »
A travers la prudence du propos, je crois discerner la démarche. La France souhaite aller vers une identité européenne de défense ; et, pour vaincre les résistances ou les timidités de nos partenaires, elle essaie de les y entraîner par le détour de l'OTAN. Mais, de ce fait, nous y entrons.
Est-ce la bonne méthode ? Dans votre propos, vous avez employé le mot « pari ». Je me rappelle ce que nous avons demandé à Berlin en juin, et je crois bien que nous ne l'avons pas obtenu à Bergen en septembre, je veux dire essentiellement, et sans m'étendre sur l'hypothétique répartition des commandements, « la reconnaissance des forces interarmées multinationales - GFIM - avec une chaîne de commandement européenne autorisant les responsables politiques européens à disposer, lorsqu'ils le désirent, des instruments indispensables à la conduite de leur politique ». Je viens de citer les propos de M. Millon à cette tribune.
Je ne sache pas qu'on ait beaucoup avancé dans ce sens.
D'après ce que je sais, et qui est public, il a été convenu que cela ne serait possible qu'après une décision du Conseil atlantique, c'est-à-dire à la condition que les Etats-Unis en soient d'accord. Une discussion a eu lieu sur la formulation de cette condition. Il a été convenu que le verbe employé dans le texte anglais de l'accord serait to monitor .
Cela veut dire que les Etats européens ne pourraient employer leurs forces intégrées dans l'OTAN que si les Etats-Unis en sont d'accord, quand ils le seront et à leurs conditions.
Alors, allons-nous faire un pas de plus dans le système atlantique intégré ou allons-nous nous en tenir à ce que nous présentons comme un petit pas, mais les Américains, Britanniques et autres estiment que nous y sommes entrés complètement ? Ou bien allons-nous faire marche arrière, ce qui serait la conclusion logique des propos de M. Barnier ? Tout à l'heure, votre propos a été à cet égard plutôt elliptique, monsieur le ministre.
De toute façon, il est illusoire de penser que les Américains céderont sur quoi que ce soit. Leur hégémonie, la logique de leur puissance leur commandent, et ils l'ont affirmé sans vergogne, de tenir toutes les parties du monde sans que s'implante nulle part aucun pouvoir régional en dehors du leur. C'est vrai en Europe, avec leur volonté d'installer une nouvelle frontière militaire aux limites de la Russie. C'est vrai au Moyen-Orient, où ils ont diabolisé Saddam Hussein - je reconnais qu'il n'est pas un ange - pour garder sous leur aile protectrice les pays voisins prétendument menacés. Et on les voit braquer maintenant le projecteur sur l'Afrique comme si nos liens spéciaux avec tant d'Etats de ce continent les indisposaient ; je n'invente rien, ils l'ont dit, et le ministre délégué à la coopération a eu raison, de mon point de vue, de répliquer.
Je sais bien qu'on n'a pas bonne conscience à s'opposer à ce grand allié auquel on doit tant, mais rappelons-nous Fichte au pire moment de l'histoire de la Prusse, après Iéna : « On se pose en s'opposant ».
Reste un dernier dossier, plus préoccupant encore. Je ne parle pas de la monnaie unique, dont on peut considérer qu'elle n'est pas, d'abord, une affaire de politique étrangère. Mais je veux évoquer ses suites que nous venons de découvrir : le pacte de stabilité, qui est, comme je vais le démontrer je l'espère, indirectement mais gravement un problème de politique étrangère.
Comment ? Nous irions nous mettre sous la tutelle de la Banque centrale européenne, par avance et de notre plein gré ? Nous acceptons, si nous ne sommes pas de bons élèves, si nous ne sommes pas des comptables tatillons, de nous faire rappeler à l'ordre, tancer, morigéner, mettre à l'amende ! Cela veut dire, mes chers collègues, que nous renonçons à être maîtres de notre budget.
M. Michel Caldaguès. Très juste !
M. Yves Guéna. Je parie d'avance : quel est le fascicule budgétaire qu'on nous forcera à réduire en premier lieu ? Celui de la défense, bien entendu, atteinte indirecte à notre politique étrangère car, vous le savez mieux que personne, il n'est point de diplomatie sans canons : Ultima ratio regum.
Mme Paulette Brisepierre. Bravo !
M. Yves Guéna. Est-ce acceptable ?
Monsieur le ministre, la France a mille ans, peut-être plus. (M. le ministre sourit.) Je vois que vous souriez et que le qualificatif que je vais m'attribuer tout à l'heure, vous l'utilisez déjà. Peu importe !
En tout cas, depuis les premiers Capétiens, la France est identifiée : c'est une personne, « la madone aux fresques des murs ». Elle a connu des périodes superbes et d'autres tragiques, mais elle a toujours existé dans sa souveraineté et son indépendance. Elle n'a jamais accepté de fléchir le genou devant une puissance extérieure, ni le pape, ni l'empereur. Durant un quart de siècle, nous sommes passés comme un ouragan sur l'Europe, y laissant notre empreinte et nos lois. Et c'en serait fini ? On nous mettrait au piquet avec le bonnet d'âne ? Et qui donc le ferait ? Les gnomes de Düsseldorf ou de Francfort, je ne sais plus, peu importe, comme si la vie d'une nation et d'un peuple était faite de pourcentages et de courbes, et non d'orgueil, d'ambitions et de passions ?
Je ne pense pas que tenir ce langage ce serait, ainsi que le soutient un commissaire européen, se conduire comme un dinosaure.
Mais sur l'essentiel, nous sommes d'accord avec le Président de la République. La France ne saurait se dissoudre, s'abîmer dans une Europe sans visage et sans âme. Elle doit avoir pour ambition d'être le levain dans la pâte. Déjà des points ont été marqués ; il faut poursuivre. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Penne.
M. Guy Penne. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, quelles sont les grandes orientations de la politique extérieure de la France ? Nous avons du mal à en discerner les lignes directrices. On y voit beaucoup d'agitation avec peu de résultats.
Il existe une certaine confusion, au plus haut niveau de l'Etat, entre diplomatie et affaires de commerce extérieur. Il semble que le dogme du Gouvernement est que le rayonnement d'une nation se mesure, parfois exclusivement, à la présence économique. C'est une fausse bonne idée qui ne rend pas compte de la place et des ambitions de la nation française dans le monde. La baisse des crédits affectés au ministère de la coopération en est un témoignage supplémentaire.
La politique extérieure de la France se caractérise donc en ce moment par la confusion, l'ambiguïté, l'improvisation.
Confusion : la politique européenne et l'élargissement de l'Union.
Ambiguïté : l'attitude face à l'OTAN et à la question de l'identité européenne de défense.
Improvisation : la politique à l'égard de l'Algérie et de la rive sud de la Méditerranée ; la reprise des essais nucléaires - il a fallu attendre une année pour que les Français expatriés, particulièrement en Australie et en Nouvelle-Zélande, n'aient plus à en subir les conséquences redoutables ; enfin, l'accrochage récent avec nos amis italiens.
S'ajoute à tout cela la diminution constante des moyens budgétaires.
Mon intervention portera sur trois points : l'Europe, le Proche-Orient, le budget.
Les conditions dans lesquelles se préparent les prochains rendez-vous européens et celui de la monnaie unique me paraissent fort préoccupantes, pour les intérêts de la France, comme pour une certaine conception de l'Europe.
Je fais les constats qui s'imposent.
Premièrement, le projet d'union monétaire, une monnaie européenne incomplète, qui semble exclure l'Italie et l'Espagne, géographiquement et culturellement, n'exprime donc pas vraiment la vision française d'un certain équilibre de l'Europe.
Deuxièmement, le pacte de stabilité, dont le contenu n'est pas en tous points scandaleux et sur le caractère contraignant duquel on discute, porte une empreinte qui n'est pas la nôtre.
On ne comprend d'ailleurs pas comment des ministres des finances ont pu renégocié un traité ; il s'agit là d'une décision essentielle qui a largement dépassé le mandat du traité sur l'Union européenne.
En effet, le conseil Ecofin du 21 septembre dernier, de façon non démocratique, à fixé des critères nouveaux de passage à la monnaie unique ; on a ainsi subrepticement glissé vers les sanctions que souhaitaient les Allemands sans obtenir, me semble-t-il, aucune contrepartie politique.
Il s'agit bien de la stabilité budgétaire, mais celle-ci devra s'accompagner du développement de la croissance, sinon il n'y aura pas de stabilité budgétaire sans récession. Ce pacte de stabilité devrait utilement faire place à un pacte de solidarité et de croissance.
Troisièmement, l'euro sera un élément positif pour la France, d'une part en nous rendant moins dépendants du mark, pour l'Europe, d'autre part en nous affirmant face au dollar, mais à la condition, bien sûr, qu'on ne surévalue pas l'euro par rapport au dollar. La formule « un euro pour un dollar » lancée par Laurent Fabius me paraît être une bonne approche.
Quatrièmement, fait défaut un gouvernement économique, qui pourrait constituer le contrepoids nécessaire à la création d'une banque européenne. On a parlé d'un futur « comité informel de stabilité ». Finalement, il n'a pas été retenu. De toute façon, croit-on vraiment qu'un comité informel de stabilité pourrait faire le poids face à un gouverneur de Banque centrale européenne, qui ne sera pas du tout informel, lui ?
Cinquièmement, aucune réforme en profondeur des institutions ne figure dans les projets de la CIG. Quelle proposition française y a-t-il sur la table de la CIG ? Rien, si ce n'est cette histoire de troisième chambre pour contrer le Parlement européen.
Vous avez déclaré, monsieur le ministre, que vous vouliez militer en faveur de la désignation éventuelle d'un envoyé spécial de l'Union européenne au Proche-Orient, en soulignant que la France n'était pas minoritaire en Europe.
Il semble que seules l'Italie et la France étaient d'accord au départ pour désigner un tel envoyé spécial et vous n'avez pas réussi à obtenir l'accord de la Grande-Bretagne et de l'Allemagne. Le vice-président de la Commission européenne M. Leon Brittan a, dès la semaine dernière, rejeté toute idée de participation de l'Union européenne au processus de paix au Proche-Orient dans l'immédiat.
Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous éclairer sur le mandat de l'ambassadeur d'Espagne en Israël, qui, finalement, est investi du rôle de coordinateur des Etats membres de l'Union européenne dans la région.
Le Gouvernement se doit de faire très vite des propositions sur l'intégration politique nécessaire, sur l'extension du vote à la majorité, sur l'approfondissement du contrôle démocratique par le Parlement européen sur les institutions européennes et par les parlements nationaux sur les gouvernements nationaux.
Sixièmement, l'accélération improvisée et aventureuse d'un élargissement bâclé - je pense en particulier au discours du Président de la République sur l'entrée de la Pologne avant l'an 2000 - après une CIG insuffisante sonnerait le glas d'une Europe puissante et généreuse telle que nous la voulons. M. Barnier lui-même le reconnaissait en disant qu'« un élargissement s'effectuant dans le cadre des institutions actuelles serait un marché de dupes ! »
En effet, l'élargissement futur de l'Union doit être un enrichissement et non un affaiblissement. La décision politique d'ouvrir l'Union aux six pays d'Europe centrale et orientale et aux trois Etats baltes est prise. Les socialistes ne peuvent que s'en réjouir. Mais ils veulent que cet élargissement soit une réussite et un enrichissement mutuel. Il n'est donc pas question d'affaiblir à cette occasion la construction européenne ou de la faire régresser à une simple zone de libre-échange en liquidant au passage les politiques communautaires comme la PAC ou les fonds structurels. Pour cela, il faut une CIG solide et positive, et nous craignons qu'elle ne le soit pas.
Septièmement, il faut noter la réduction des ressources du budget communautaire ; je pense à l'agriculture, aux fonds structurels.
Le budget de l'Europe marque donc le pas. Les adversaires de l'Europe se réjouissent d'une évolution qu'ils interprètent ainsi : moins d'argent pour l'Europe, ce sera moins d'Europe ! Nous considérons, pour notre part, qu'un budget mieux maîtrisé, un contrôle plus rigoureux des crédits rendent l'Europe plus crédible ! Certes, au moment même où la plupart des Etats membres se sont engagés dans la réduction de leurs dépenses publiques, un accroissement du budget ne serait pas compris. Mais un consensus fort sur une initiative européenne de croissance nous aurait permis d'aborder autrement la question.
Hélas ! la France et l'Allemagne ont refermé le programme de grands travaux transeuropéens d'infrastructures qui figurait à la meilleure place dans le livre blanc de la commission Delors parmi les moyens à mettre en oeuvre pour renforcer la compétitivité des entreprises communautaires et pour favoriser l'emploi.
Les quatorze grands travaux européens définis par les chefs d'Etat et de Gouvernement lors du sommet d'Essen, qui auraient dû commencer avant la fin de 1996, ne sont plus une priorité pour notre gouvernement. L'augmentation de un milliard d'écus des perspectives financières, indispensable au bouclage financier de ces projets, a été refusée, enterrant pour longtemps, je crois, ces grands travaux.
Le projet de TGV Est, par exemple, si nécessaire à l'amélioration de la desserte de la capitale européenne de Strasbourg et au maintien dans cette ville du siège du Parlement européen, auquel la France est à juste titre très attachée, est reporté, à la suite d'une cacophonie gouvernementale, notamment à propos de la conception technique, à une date ultérieure inconnue.
Si j'ajoute à cela la réintégration progressive de la France dans l'OTAN, au mépris d'une approche européenne - et qui fait que nos partenaires de l'Union européenne considèrent aujourd'hui que tout est réglé et que le débat sur la PESC n'a plus de contenu - c'est bien une série d'évolutions très négatives qu'il me faut enregistrer.
Ce ne sont pas nos conceptions qui s'imposent en Europe, c'est la vision des autres qui s'impose à nous.
Je vois mal en quoi cette conception de l'Europe s'inspire de la vision historique, non pas seulement des socialistes, mais de la France. Une Europe élargie à vingt-cinq ou à trente, simple zone de libre-échange, réduite à la seule protection américaine et à un mark européanisé, même Mme Thatcher n'aurait pas osé en rêver !
Vous engagez le pays dans une direction qui, je le crois, n'est pas la bonne. Et si une fausse réforme nous est proposée, il faudra, avoir le courage de refuser le nouveau traité. Mieux vaudrait encore la crise plutôt que l'enlisement pour toujours de la construction européenne !
Nous pourrions, me semble-t-il, trouver une majorité chez nos partenaires européens pour approuver un corps de propositions en six points : l'introduction d'un chapitre « emploi » dans le traité, articulé avec un gouvernement économique ; l'élaboration d'une proposition sur les services publics qui aille au-delà du simple ajout au traité de Maastricht suggéré par la France ; l'abandon de l' opting out et la réintroduction du protocole social dans le corps du traité ; l'extension du vote à la majorité ; le renforcement des institutions communes en vue d'un meilleur contrôle démocratique et d'une efficacité accrue ; la définitiion d'une vraie politique étrangère et de sécurité commune.
Sur tous ces points je souhaiterais, messieurs les ministres, que vous nous éclairiez.
En ce qui concerne le Proche-Orient, il est évident que le rôle politique des Européens au sein du processus de paix enclenché à Oslo entre Israël et l'OLP est loin d'être proportionnel à l'ampleur du soutien financier qu'ils accordent à l'effort de stabilisation dans la région. L'Union européenne fournit en effet les trois quarts de l'aide internationale aux Palestiniens.
Elle a signé, il y a un an, un accord d'association très ambitieux avec Israël. Cet accord n'a pas encore été ratifié du côté européen. On ne peut pas ignorer le rôle politique de l'Europe dans cette région. C'est justement pourquoi il fallait oeuvrer de concert avec nos partenaires de l'Union, en évitant de donner l'impression de faire cavalier seul.
Bien entendu, il faut compter avec la volonté excessive et déterminée des Etats-Unis de régenter les affaires du monde à partir d'une impériale solitude. La France doit-elle s'accommoder du rôle qu'on veut bien prêter à l'Europe, celui d'assurer le service après vente ? Manifestement non !
Toutefois, tout le monde le savait, le gouvernement allemand, en particulier M. Klaus Kinkel, ministre des affaires étrangères, était très réticent quant au « coparrainage » du processus de paix au Proche-Orient. M. Kinkel expliquait au début du mois d'octobre que, « politiquement, les Américains jouent le rôle décisif dans le processus de paix ».
ll est de tradition que l'Allemagne s'interdise de prendre position chaque fois qu'Israël se trouve concerné et, depuis de nombreuses années, la Grande-Bretagne s'ingénie à ne jamais contrarier les Etats-Unis.
En France, le voyage du Président de la République, peut donner lieu à un large accord sur les objectifs de fond : relancer le processus de paix, assurer une place pour l'Union européenne, conforter la France dans le jeu proche-oriental.
J'émettrai cependant des réserves. S'agissant de la préparation du voyage, notamment, la chronolgie des étapes me semble discutable. On souhaite être médiateur, mais on risque d'apparaître comme étant trop engagé d'un seul côté. En outre, les désaccords européens ont été sous-estimés : le consensus, il fallait le rechercher et l'obtenir avant le voyage.
Cette épopée diplomatique mérite néanmoins d'être saluée pour ce qu'elle est. La France essaie de rester active dans cette partie du monde, que les Etats-Unis ont tendance à considérer comme leur chasse gardée. La France voudrait devenir l'interprète du monde arabe auprès de l'Union européenne. La France souhaite que l'Europe ne soit pas qu'un tiroir-caisse.
Toutefois cette politique, telle qu'elle est menée, comporte aussi des risques. La France pourrait être durablement récusée par Israël, donner le sentiment d'être partiale, d'être l'avocate des seules puissances arabes.
Espérons simplement que, dans quelques mois, nous n'aurons pas à dire : « Beaucoup de bruit pour rien ».
Je voudrais, à ce sujet, rappeler la position du président François Mitterrand telle qu'il l'a exprimée devant la Knesset, en 1982 : « Le dialogue suppose que chaque partie peut aller au bout de son droit, ce qui, pour les Palestiniens, peut, le moment venu, signifier un Etat... »
La France a fait apparaître les divisions de l'Europe au grand jour. Ce voyage a servi à démontrer qu'il n'y avait pas de politique européenne au Proche-Orient ; était-ce bien nécessaire d'en faire la démonstration sur place ?
Concernant le budget, peut-on parler de réussite ? Certes non ! Je suis convaincu que la France mérite mieux.
Les titres III - moyens des services - et V - investissements - sont en baisse sensible. Les titres IV - interventions publiques - et VI - subventions d'investissements - sont en chute libre.
Globalement, et compte tenu des missions imparties à votre département, monsieur le ministre, vous venez de dépasser l'extrême limite des efforts de rigueur. Le Quai d'Orsay ne peut fournir davantage d'efforts sans dommages graves pour notre action politique extérieure.
Déjà l'année dernière, nous tirions le signal d'alarme. Des membres de votre majorité partageaient alors nos inquiétudes. Et pourtant, la situation s'est aggravée ! Le « tour de vis » sur le budget de 1997 met votre département dans le rouge. Les syndicats de votre ministère ont donné l'alerte l'année dernière. Ils risquent, cette année, de sonner le tocsin.
La portion congrue que représente votre budget vous impose de recruter de plus en plus de personnels vacataires, auxquels vous n'offrez aucune formation, aucune reconnaissance sociale, et qui désespèrent d'obtenir un statut qui ferait cesser l'état de précarité dans lequel ils se trouvent.
Le Président de la République a exprimé devant la conférence des ambassadeurs sa volonté de développer « une politique étrangère ambitieuse et cohérente ». Force est de constater que le Gouvernement ne se donne pas les moyens budgétaires de concrétiser cette volonté.
Il faut bien lire entre les lignes budgétaires : les crédits pour les établissements culturels, alliances françaises et bureaux de coopération linguistique et éducative augmentent de 39 millions de francs. Mais, dans la même partie, les crédits destinés aux affaires francophones enregistrent une baisse de 2,7 millions de francs, ceux de la coopération éducative et linguistique une baisse de 56,8 millions de francs, ceux qui sont dévolus aux établissements de recherche et aux échanges scientifiques et technologiques une baisse de 9 millions de francs.
Triste image d'une France frileuse, qui se referme sur elle-même, qui n'a plus la volonté d'attirer les élites des pays étrangers !
Dans le titre IV, la ligne budgétaire « diffusion et coopération scientifique et technique » perd 131,9 millions de francs.
L'assistance aux Français à l'étranger est tout juste maintenue. Notons toutefois une légère augmentation - de un million de francs - des crédits pour l'emploi et la formation professionnelle des Français à l'étranger. Il reste que, chaque année, les besoins sont en augmentation.
Le budget de M. Godfrain n'est pas bon non plus et oblige le ministre délégué à supprimer de nombreux emplois de coopérant dans des postes qui étaient déjà au niveau le plus bas. Or il me semble que l'envoi de coopérants de haut niveau peut favoriser le développement de l'état de droit.
Un bon point peut être décerné en ce qui concerne les échanges et la coopération dans le domaine audiovisuel, dont les crédits augmentent de 64 millions de francs. Toutefois, nous aimerions avoir des précisions sur l'utilisation de ces crédits.
La France, en réduisant encore les sommes destinées à ses contributions bénévoles et à son action internationale se met dans une situation peu compatible avec son statut de membre permanent du Conseil de sécurité.
Je voudrais maintenant formuler quelques questions.
La tournée agressive de M. Warren Christopher en Afrique contre le renouvellement du mandat du secrétaire général de l'ONU, M. Boutros Boutros-Ghali, et ses déclarations sur la force interafricaine « à l'américaine » contrarient les projets français énoncés lors de la conférence de Biarritz.
Sur ces deux sujets, jusqu'où veut et peut aller le Gouvernement français ?
L'aide publique au développement chute encore. La fracture sociale entre le Nord et le Sud continue pourtant de se creuser, et vous pourrez en percevoir quelques échos, messieurs les ministres, lors de la prochaine conférence franco-africaine.
Dans le domaine de la rationalisation des services extérieurs de l'Etat, vous souhaitez le regroupement, en trois ans, des fonctions d'ambassadeur et de chef de mission de coopération et d'action culturelle dans cinq postes. Nous savons que les postes de Sainte-Lucie, du Cap-Vert et de la Guinée-Bissau sont programmés. Quels autres postes seront concernés par le nouveau dispositif ?
Vous envisagez la fermeture de l'ambassade de Freetown. Quelles seront les modalités d'attribution des responsabilités à Conakry - car je présume qu'il s'agira de Conakry - et quels moyens seront transférés ? Par exemple, la Caisse française de développement, qui intervient en Guinée, pourra-t-elle intervenir en Sierra Leone ?
Les restrictions budgétaires sont-elles compatibles avec le maintien d'un réseau diplomatique et consulaire qui est le plus important du monde ? Qu'adviendra-t-il si ce réseau est insuffisamment doté en ressources humaines ?
Il me semble qu'il faut songer à préserver, pour la défense des Français expatriés et pour le rayonnement de la France, nos consulats, nos postes d'expansion économique et nos écoles.
Le ministère des affaires étrangères et le ministère de la coopération devraient se tourner vers d'autres ministères plus riches, afin de pallier leurs propres difficultés ; c'est une suggestion. En ce qui concerne l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, par exemple, nous avons suggéré que l'éducation nationale soit sollicitée non seulement pour les contrôles pédagogiques mais aussi pour une contribution financière.
Afin de remédier aux difficultés que rencontrent dans leur fonctionnement les consulats, peut-être conviendrait-il que des fonctionnaires du ministère de l'intérieur ou du ministère de la justice fassent leur mobilité à l'étranger. Les agents de la direction centrale du contrôle de l'immigration et de la lutte contre l'emploi des clandestins, tout comme ceux qui sont chargés de l'immigration dans les préfectures, comprendraient mieux les difficultés rencontrées à l'étranger par les personnes qui sollicitent des visas, demandent des documents d'état civil ou souhaitent obtenir un certificat de nationalité.
Pour conclure, je poserai une question qui intéresse surtout les sénateurs représentant les Français établis hors de France : quelles dispositions comptez-vous prendre, monsieur le ministre, en ce qui concerne les prochaines élections des délégués au Conseil supérieur des Français de l'étranger, notamment en Algérie ? Pensez-vous proroger le mandat des actuels délégués, ou comptez-vous proposer une autre solution, par exemple le vote par correspondance ? En tout cas, une décision est nécessaire et, à mon sens, elle devra faire l'objet d'une loi. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
(M. Yves Guéna remplace M. Jean Delaneau au fauteuil de la présidence.)

présidence de m. yves guéna
vice-président

M. le président. La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous vivons depuis quelques années de gigantesques mutations. D'un monde bipolaire, où deux grandes puissances, dans un équilibre fragile, cherchaient à se neutraliser, nous sommes passés à un monde unipolaire, instable, où se développe un système de guerre économique sans merci, où la principale puissance capitaliste veut imposer son hégémonie en s'appuyant sur ses transnationales économico-financières.
Ce qui s'installe, c'est un monde dur, fondé sur la course sans fin à le rentabilité financière, sur la mise en concurrence des peuples entre eux, sur les ajustements structurels imposés par le plus fort. Voilà le contenu de ce que la pensée unique appelle « mondialisation ».
Ce monde est malade des injustices et des inégalités qu'il engendre.
Ce monde, nous voulons le changer.
En affirmant clairement que nous souhaitons défendre le respect de la souveraineté des nations et de l'égalité entre elles, favoriser la réduction des déséquilibres et des fractures économico-sociales par une véritable politique de développement, promouvoir la multiplication des coopérations dans la complémentarité et la solidarité, nous rejoignons les humanistes qui veulent construire un monde plus juste et plus humain.
Nous retrouverons aussi tous ceux qui pensent que des négociations menées avec des règles équitables et égales pour tous sont bien supérieures aux affrontements armés lorsqu'il s'agit de garantir durablement des espaces de sécurité et de paix.
C'est en fonction du respect de ces principes que nous apprécions et apprécierons positivement ou négativement les actions menées par le Gouvernement en matière de politique étrangère.
Pour illustrer mon propos, dans le temps qui m'est imparti, je me limiterai à trois dossiers : le Proche-Orient et, plus particulièrement, le conflit israélo-palestinien, les rapports Nord-Sud, envisagés à travers la situation de l'Afrique et, enfin, la construction européenne telle qu'elle est menée aujourd'hui.
Depuis l'élection de M. Netanyahou, la tension grandit de nouveau entre Palestiniens et Israéliens.
Après l'assassinat d'Yitzhak Rabin, il avait déjà fallu toute l'intelligence des hommes de paix israéliens et palestiniens pour dépasser ce drame et maintenir le processus de paix.
Le nouveau Premier ministre israélien s'écarte de ce chemin. Il refuse l'application des accords signés à Oslo, puis à Washington, favorise le développement de nouvelles colonies, renforce le bouclage militaire des zones palestiniennes et multiplie les provocations.
Afin de mieux apprécier la situation, les parlementaires communistes ont envoyé dans la région, à la mi-octobre, une délégation dont je faisais partie, avec mes amis Georges Hage, député, et Francis Wurtz, député européen.
A Jérusalem, à Ramallah, à Gaza, nous avons rencontré les représentants des forces de gauche. Nous avons écouté les positions d'un député du Likoud. Nous avons été reçus par M. Arafat.
Partout, nous avons ressenti la même angoisse, la même peur devant les risques de confrontation militaire. Nous avons pu constater la même aspiration profonde à vivre dans la sécurité chez les Israéliens et chez les Palestiniens. D'où l'importance de l'objectif : deux peuples, deux Etats.
Pour faire contrepoids à l'attitude dangereuse de M. Netanyahou, soutenue par les Etats-Unis, la plupart de nos interlocuteurs ont souhaité une pression internationale de l'Europe et de la France, ainsi qu'une aide économique pour les populations étranglées par le blocus.
Nous avons compris cet appel à l'aide.
Nous apprécions positivement le récent voyage du Président de la République et les déclarations qu'il a faites à cette occasion, tout comme la mission d'un « Monsieur Proche-Orient » européen qui consistera à établir et à maintenir les contacts entre Palestiniens et Israéliens pour mettre en oeuvre les accords déjà signés.
La France a donc réussi à convaincre ceux qui, en Europe, résistaient à cette demande palestinienne, laissant ainsi le devenir de la paix au bon vouloir des décisions du Président des Etats-Unis en pleine période électorale.
Ces faits illustrent bien le rôle et la place originale de la France quand elle ne renonce pas à être elle-même et qu'elle pèse de tout son poids historique, politique et économique pour un règlement juste et équilibré des conflits.
Le second point que je souhaite aborder est celui des rapports Nord-Sud, et plus particulièrement le cas africain. Les rapports Nord-Sud sont de plus en plus dominés par la prégnance des marchés financiers.
Des institutions, comme la Banque mondiale ou le Fonds monétaire international, sont des relais pour la mise en oeuvre de plans d'austérité qui affaiblissent les pays du tiers-monde. Désormais - cela commence à être su - ce sont les pays du Sud qui financent ceux du Nord.
Les transferts financiers se font du Sud vers le Nord pour un peu plus de 20 milliards de dollars par an depuis 1983, alors que c'était l'inverse dans la décennie précédente. Dans le projet de loi de finances pour 1997, les comptes spéciaux du Trésor font apparaître que notre pays devrait enregistrer 1,6 milliard de francs de recettes contre 1 milliard de francs de dépenses.
Enfin, comment ignorer les conséquences dramatiques de la dévaluation du franc CFA pour les peuples africains ?
La misère avive les fractures et développe les nationalismes souvent belliqueux et guerriers. Elle est un terreau de choix pour les intégrismes, parfois soutenus pour servir les intérêts des grandes puissances économiques. Je pense, bien sûr, en ce moment à la situation tragique des populations du Zaïre et du Rwanda.
La France pourrait prendre des initiatives et montrer le chemin, notamment en Afrique envers laquelle elle a une responsabilité particulière.
Tout d'abord, arrêtons le véritable pillage que constitue la dette. Les créances détenues par la France s'élèvent à quelque 200 milliards de francs, soit un budget militaire.
Cette question de la dette des pays du Sud est fondamentale, car c'est une charge qui plombe toute initiative de développement et place ces pays en situation de dominés. Un rapport de l'ONU notait d'ailleurs que « l'Afrique dépense quatre fois plus pour le service de sa dette que pour ses services de santé ». Voilà la réalité !
C'est pourquoi il est urgent que la France s'engage pour obtenir des pays créanciers l'abrogation de tout ou partie de la dette. Elle pourrait également annoncer qu'elle renonce à la sienne.
Il faut, ensuite, réparer les dégâts, c'est-à-dire participer au développement et au financement des infrastructures nécessaires, notamment pour les travaux d'irrigation. Ce sont des moyens de développement dont ont besoin tous les peuples du Sud.
Cette question du développement est indissociable du problème de l'immigration. L'immigration « zéro », il faut le dire, est un leurre dans la situation déséquilibrée que l'on connaît.
Le célèbre économiste Malthus expliquait : « La force d'inertie qui enchaîne l'homme et les liens d'affection qui l'attachent à son foyer sont si forts et si puissants, qu'on peut être certain qu'il ne songera à migrer que s'il y est contraint par des mécontentements politiques ou l'extrême pauvreté. »
Enfin, nous pourrions agir pour parvenir à de véritables coopérations mutuellement avantageuses permettant aux Africains d'assurer, en utilisant leurs matières premières, leur propre développement.
Ce développement renforcerait la sécurité du monde entier. Le codéveloppement est, bien entendu, un partage des connaissances, du coût des recherches, et le transfert de nouvelles technologies. Cela passe d'abord par des moyens favorisant l'autosuffisance alimentaire.
L'ONU estime à 200 milliards de francs par an le montant des dépenses nécessaires pour atteindre, d'ici à 2005, les objectifs essentiels du développement humain.
La taxe sur les mouvements de capitaux proposée par le prix Nobel américain d'économie, James Tobin, soit 0,5 %, rapporterait chaque année trente-sept fois plus que les fonds requis par les Nations Unies en faveur du développement.
Enfin, le Gouvernement français vient de décider, en pleine crise d'austérité, de mobiliser dans les années à venir, pour les seuls travaux de recherche sur un nouveau missile nucléaire, le M51, 30 milliards de francs.
Le financement du développement ne représente certes pas un effort négligeable, mais il est à coup sûr supportable, si la volonté politique existe de prendre à bras-le-corps et à temps un problème aussi crucial à notre époque.
Les organismes internationaux, tels que l'UNICEF, l'UNESCO et la CNUCED, doivent également jouer un rôle accru, et nous déplorons que la France ait décidé de réduire ses contributions volontaires. Celles-ci passent en effet de 405 millions de francs à 345 millions de francs, soit une diminution de 16 % en francs constants. Nous souhaitons, par ailleurs, voir l'ONU jouer un rôle accru, et ce en toute indépendance.
Quant à l'Europe, soyons clairs, si nous sommes favorables à une construction européenne respectueuse des besoins des hommes, nous sommes, en revanche, hostiles à celle qui se prépare, avec la monnaie unique et les discussions de Dublin.
L'existence du pacte de stabilité renforce les critères de convergence, qui deviennent encore plus contraignants puisque des principes de sanctions financières sont évoqués pour les pays qui ne pourraient remplir les conditions imposées.
La Banque centrale européenne a d'ailleurs été conçue indépendante afin d'accroître sa puissance et de réduire la souveraineté nationale. Elle place les parlements nationaux en position de subordination.
Quant à la monnaie unique, ne nous cachons pas la vérité ; elle risque d'être alignée sur le mark allemand et favoriser économiquement notre voisin. La présenter comme un contrepoids au dollar américain me paraît illusoire, car la puissance de feu de celui-ci est gigantesque et l'agressivité des multinationales américaines sans limite.
Nous voulons modifier la donne et permettre à l'Europe et aux nations qui la composent de s'extraire de la guerre économique.
C'est pourquoi nous estimons que la monnaie unique n'est pas une bonne réponse. M. Tietmeyer, président de la Bundesbank, l'explique franchement, à sa façon : « Les faux arguments et les illusions ne servent pas l'Union monétaire européenne... L'Union monétaire ne met pas un terme aux changements du cours des monnaies en Europe et sûrement pas au plan international. Elle ne peut pas être directement créatrice d'emplois puisqu'elle aiguise la concurrence entre chefs d'entreprise et lieux de production européens ».
Oui, la construction européenne telle qu'elle est conçue est un élément actif de la mondialisation financière, du cancer financier. Elle s'oppose à la création d'emplois et de richesses ainsi qu'à des coopérations mutuellement avantageuses tant à l'intérieur de ses frontières qu'en direction du Sud et de l'Est.
C'est pourquoi, au nom des sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen, je réaffirme notre exigence de voir consulter notre pays sur cette nouvelle échéance de la monnaie unique.
Quant à la position de La France sur son retour au sein de l'OTAN et à la réforme de cet organisme pour se dégager des Etats-Unis, il s'agit là d'une grande illusion. Washington n'acceptera pas de partager « sa chose » ni de mettre sa logistique au service d'une Europe réellement autonome.
Chacun s'accorde à reconnaître l'importance des enjeux de civilisation dans ce monde déstabilisé, porteur de contradictions pouvant déboucher sur des poussées de nationalisme, d'intégrismes divers et de tragiques conflits armés.
Cette situation, quelles que soient nos différences politiques, n'est plus vivable. Les communistes veulent travailler, avec d'autres, à l'instauration d'un nouvel ordre international juste et démocratique. Mais ce véritable nouveau monde reste à construire.
Il implique l'indépendance et la souveraineté des Etats caractérisées par la non-ingérence dans leurs domaines économique, politique et social. Il implique également le respect de la dignité des peuples dans leur difficile marche vers une plus grande humanité. Il s'agit d'une autre conception de la mondialisation et des rapports internationaux.
Tel est le sens de notre engagement. Mais nous sommes lucides. L'enjeu est considérable. Nous mesurons la lourdeur de la tâche à accomplir. Plus nous serons nombreux à emprunter ce chemin, ne fût-ce qu'un moment, plus vite nous progresserons. Nous le ferons avec la volonté de soutenir toutes les actions allant en ce sens mais nous combattrons tous les processus inverses.
Nous affirmons dans la clarté et l'honnêteté politique nos accords et nos désaccords. C'est ce que, au nom de mon groupe, j'ai tenté de faire aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Vigouroux.
M. Robert-Paul Vigouroux. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, lors de ce débat trois intervenants du groupe du RDSE s'exprimeront. Pour ma part, j'aborderai la politique étrangère au Moyen-Orient et au Proche-Orient, qui sont souvent confondus, mais que je continue à séparer, le second n'étant qu'une partie du premier.
Le Moyen-Orient a des dimensions variables selon les spécialistes des différents pays, ce qui tient sans doute aux éloignements relatifs et explique des différences de jugements, d'objectifs et donc de politique.
Ainsi, de nombreux spécialistes des Etats-Unis englobent dans un pseudo-continent de 538 millions d'habitants les pays du Maghreb. Pour d'autres, l'Egypte, le Soudan, la Turquie et le Pakistan y figurent ou non, ce qui, en ce dernier cas, réduit la population à 178 millions d'âmes.
De toute façon, le Moyen-Orient est une grande région du monde, des berges du Nil à celles de l'Indus, où s'affronte souvent, depuis l'Antiquité et en dehors des périodes de domination, une grande diversité de peuples avec une répartition religieuse hétérogène qui joue un rôle important, sinon essentiel, dans bien des pays et de véritables fossés entre les densités démographiques, ainsi qu'entre les ressources économiques, qui tiennent, pour une part, aux gisements pétroliers.
Le PNB par habitant varie, par exemple, de 23 350 dollars au Koweït à 520 dollars au Yémen, sans que les indicateurs de développement humain en suivent les paramètres, Israël se plaçant au 21e rang mondial, le Koweït au 61e et le Yémen au 137e.
Cela explique la diversité des approches en politique étrangère, d'autant que bien des régimes locaux sont loin de partager notre vision de la démocratie et que demeurent de nombreux conflits, patents ou larvés, entre les pays, ou à l'intérieur de leurs frontières, comme actuellement en Afghanistan.
Dans sa complexité, le Moyen-Orient demeure un marché économique intéressant pour la France, puisque 25,7 % de notre excédent commercial, qui s'élève à 52 milliards de francs, y est réalisé.
A la dénomination de Proche-Orient et à sa composition qui correspond au croissant fertile, auquel s'ajoute cependant l'Irak, ne vaut-il pas mieux substituer celle d' « Orient méditerranéen », en fonction de l'obligatoire insertion de ces pays dans son bassin ?
N'est-ce pas celui que le Président de la République, M. Chirac, a défini dans ses voeux devant le parlement jordanien le 24 octobre dernier, à savoir « un Orient réconcilié » avec un « Etat palestinien riche et prospère, un Israël accepté par tous et libéré du terrorisme, une Jordanie hachémite de démocratie et de développement, une Syrie maîtresse de son territoire et en paix avec l'ennemie d'hier, un Liban pleinement libre, souverain et dynamique, une Egypte forte et sage, pionnière de la paix ».
Il est évident que le conflit israélo-arabe avec ses rebondissements, les positionnements politiques des populations et leur intrication dans les territoires, avec des espoirs devenus plus incertains de paix, obère le développement de ces pays eux-mêmes et pose de difficiles problèmes diplomatiques.
L'Europe, victime après la guerre mondiale de son ancien colonialisme, a dû céder son influence après la nationalisation du canal de Suez en 1956 aux deux grands blocs, les Etats-Unis et l'Union soviétique, qui s'affrontèrent là comme ailleurs. Toutefois, l'Union européenne à Cannes et à Barcelone en 1995 a révisé son approche du monde méditerranéen et, dans ce secteur oriental, apporte son aide aux uns comme aux autres.
En effet, un accord d'association avec Israël signé par l'Union européenne en juin 1995 devra être ratifié à l'échelon national pour prendre effet en janvier prochain.
Israël bénéficiera d'un abaissement des droits de douane de l'Union européenne sur un volume de 16 milliards de dollars d'échanges, de la possibilité de participer à d'importants programmes de recherche et de développement et surtout d'une entrée garantie dans la future zone de libre-échange euro-méditerranéenne.
Par ailleurs, rappelons que l'Union européenne est le plus important bailleur de fonds de l'autorité palestinienne. Avec ses 120 millions de dollars d'aide à la Cisjordanie et à Gaza engagés en 1996, l'Europe joue un rôle que ne peut négliger Israël en matière d'apaisement des problèmes sociaux et sécuritaires dans les territoires.
Monsieur le ministre, j'en reviens au rôle que pourrait tenir l'Union européenne dans le cadre d'une politique étrangère commune. Existante, elle pourrait faciliter la recherche d'un processus de paix, non point en arbitre, mais en conciliateur, en tenant compte des opinions et oppositions locales et des si délicats problèmes humains et même religieux.
La très récente décision du 28 octobre par les quinze ministres des affaires étrangères de l'Union européenne à Luxembourg de nommer un émissaire au Proche-Orient avec mission de contribuer, autant que faire se peut, à la relance du processus de paix, est un premier pas, en sachant qu'il n'y a de bonne paix que celle qui dure.
Mais dans l'attente de cette politique européenne, la France doit poursuivre, comme avant et maintenant, sa mission historique par sa diplomatie, sans oublier sa défense de la francophonie, son maintien culturel et scientifique, accompagnée du développement de son potentiel économique dans le Moyen-Orient, dans le Proche-Orient et dans l'Orient méditerranéen.
M. le président. La parole est à M. Peyrefitte.
M. Alain Peyrefitte. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la nation française a-t-elle encore quelque chose à dire ? Ceux qui le pensent ne peuvent que se féliciter, monsieur le ministre, de la politique étrangère que vous conduisez, sous la haute autorité du Président de la République.
La preuve a été faite, depuis l'an dernier, en différents points névralgiques de la planète où notre pays a pris une position énergique et claire, qu'il pouvait substituer l'efficacité à l'impuissance et le dynamisme à l'inertie, qu'il pouvait même refuser de s'en remettre purement et simplement à ce qu'on pourrait appeler l'« hégémonie de velours » des Etats-Unis.
En donnant l'ordre à une unité française en Bosnie de reprendre le pont de Verbania, le Président de la République a, en quelque sorte, rompu le maléfice par lequel les forces de l'ONU s'étaient laissé anesthésier. Cette décision, et elle seule, a changé l'âme des combats. Les Britanniques ont accepté, sous cette impulsion, de constituer avec nous la Force de réaction rapide. La situation s'est retournée aussitôt.
En proposant à nos partenaires européens de se retrouver à Bangkok pour offrir un front uni face à l'Asie du Sud-Est, le Président de la République a montré à ces nations émergentes que les Etats-Unis et le Japon ne disposaient pas dans cette région d'un monopole.
En se rendant à deux reprises au Proche-Orient ; en affirmant le droit du Liban à l'indépendance ; en disant aux Syriens qu'ils devraient évacuer le Liban ; en disant aux Israéliens qu'ils devraient évacuer le plateau du Golan et reconnaître les droits des Palestiniens ; en affirmant aux Palestiniens qu'ils devraient respecter la sécurité d'Israël - le Président de la République, auquel vous aviez fort utilement préparé les voies, a fait progresser les idées-forces, à défaut desquelles il n'y aura pas de paix durable au Proche-Orient. Ici, il y a un paradoxe que je voudrais essayer d'éclairer.
Déjà, à la veille de la guerre du Golfe, le ministre des affaires étrangères d'Irak se déclarait prêt à voir à tout instant votre prédécesseur, M. Roland Dumas, mais il infligeait à la troïka hollando-italo-luxembourgeoise, qui demandait à le rencontrer au nom de la Communauté européenne, le camouflet de refuser de la recevoir.
Pourtant, votre prédécesseur ne représentait guère que cinquante millions de Français, alors que la troïka représentent trois cents millions d'Européens.
Pourquoi ce paradoxe ?
Parce que la France, forte de nombreux siècles d'influence dans le monde, compte plus, beaucoup plus, que si elle se confondait dans un magma, pour n'être plus qu'une province parmi quinze, dans un super-Etat fédéral.
Ce que vous avez démontré avec éclat, c'est l'efficacité de l'indépendance, dans la coopération avec nos partenaires européens, par opposition à l'Europe des eurocrates, où la France cesserait d'exister en tant que telle et se laisserait dissoudre dans la multilatéralité comme un morceau de sucre dans une tasse de café.
Du reste, à quoi aurait servi d'accepter de dresser contre nous, pendant quelques mois de l'an dernier, presque toute la communauté internationale, en vue d'assurer la modernisation et la crédibilité de notre force de dissuasion pour les trente ans à venir, si c'était ensuite pour renoncer à cette politique d'indépendance ?
A quoi servirait de mener une politique de défense et une politique étrangère indépendantes, si c'était pour perdre à tout jamais - j'y insiste - l'indépendance de notre politique financière, budgétaire, fiscale, économique, salariale, sans laquelle nous ne serions plus une nation indépendante, comme vous l'avez démontré tout à l'heure, monsieur le président ?
Or autant nous nous réjouissons de constater la cohérence entre notre politique étrangère et notre politique de défense, autant nous sommes fondés à nous inquiéter d'une certaine incohérence entre, d'une part, ces deux politiques et, d'autre part, les perspectives actuelles de l'application du traité de Maastricht, à la veille de la création de la monnaie unique.
Que la question doive être posée, monsieur le ministre, je n'en veux pour preuve que la prise de position pour le moins surprenante du président Giscard d'Estaing, lui qui a été, avec le chancelier Helmut Schmidt, à l'origine du projet d'Union monétaire, et qui a été le plus ardent défenseur en France de la monnaie unique et du traité de Maastricht.
Voici ce qu'il écrivait il y a quinze jours : « Est-il bon pour la France d'entrer dans un système monétaire durable, avec une économie languide, des chefs d'entreprise démoralisés et démotivés par l'excès de charges, des risques d'OPA internationales sur les fleurons de son industrie et un taux de chômage tristement inamovible ? Cette entrée contribuera-t-elle à la guérir de ses maux, ou à l'y enfoncer pour longtemps ? Cette question est centrale, vitale... Je ne crois pas souhaitable pour notre pays d'entrer dans la grande aventure monétaire européenne en état de faiblesse économique et sociale. »
Monsieur le ministre, vous n'êtes pas le ministre de l'économie et des finances, vous êtes le chef de notre diplomatie. Bien que vous soyez lié par la solidarité gouvernementale, je voudrais aborder devant vous l'aspect, non pas économique et financier, mais international de ce dossier, en évitant de répéter ce que vient de dire mon ami Yves Guéna.
M. Giscard d'Estaing pose une question à court terme, pour les dix-huit mois qui viennent, puisque la décision définitive doit être prise au printemps 1998 : l'entrée dans l'Union monétaire.
Mais pour qui réfléchit à long terme - et la vie d'une nation, au milieu des autres nations, appartient au long, au très long terme - la question qui doit se poser est non pas seulement celle de l'entrée, mais également celle d'une sortie éventuelle.
Un homme aussi expérimenté que M. Giscard d'Estaing, un an et demi avant la date prévue pour la décision ultime - alors que tout indique que nous satisferons bel et bien aux critères de Maastricht - s'aperçoit qu'il vaut mieux reculer la date jusqu'à ce que nous ayons retrouvé la croissance et enregistré une baisse significative du chômage.
A combien plus forte raison, à long terme ! Qui peut dire que nous ne nous trouverons pas, dans cinq ans, ou dans dix ans, ou dans vingt ans, dans une situation de crise plus grave encore que celle qui fait reculer aujourd'hui M. Giscard d'Estaing, par exemple si nos entreprises se délocalisaient à qui mieux mieux en Grande-Bretagne, comme certaines commencent déjà à le faire ?
N'éprouverions-nous pas alors le besoin urgent de nous débarrasser, fût-ce provisoirement, de cette rigide camisole de force que serait la monnaie unique, c'est-à-dire en fait une zone mark qui nous imposerait ses règles et où Francfort déciderait à la place de Paris ?
N'est-il pas évident que nous devrions bénéficier d'une possibilité de sortir du système si certaines de ses conséquences se révélaient à l'expérience désastreuses ? N'est-il pas évident que nous devrions nous ménager une sorte d'article 16, en cas de péril économique national ?
Nous ne pourrions plus mettre fin à une pareille hémorragie de nos forces vives si nous avions préalablement détruit notre monnaie nationale à usage interne, le franc, au profit de l'euro. Il faudrait plusieurs années, deux ou trois ans au moins selon les experts, pour graver ou frapper à nouveau le nombre de billets ou de pièces nécessaires au remplacement de l'euro, si l'euro était la seule monnaie ayant cours chez nous.
Si l'euro se substitue aux monnaies nationales pour la circulation interne, le piège se referme. Aucun pays ne peut plus se retirer du système, qui devient à tout jamais irréversible. Si, au contraire, les monnaies nationales subsistent pour la circulation interne, un droit de sécession reste ouvert ; la nation consent non plus un abandon définitif de sa souveraineté, mais une délégation révocable. Autrement dit, c'est le saut avec filet, au lieu du saut de la mort.
Or le traité de Maastricht, en instituant une monnaie unique, n'avait nullement disposé que celle-ci se substituerait aux monnaies nationales. Il avait seulement disposé que ces monnaies nationales seraient liées entre elles par un taux de change fixe, ce en quoi la monnaie unique diffère de la monnaie commune. De même, le Luxembourg et la Belgique, l'Angleterre et l'Ecosse - mais il y a beaucoup d'autres exemples - forment des unions monétaires, tout en continuant chacun à battre monnaie, sous des espèces différentes.
C'est depuis la ratification de Maastricht que les experts - ou les gnomes de Bruxelles, comme les a appelés M. Guéna - sont allés beaucoup plus loin que le traité dans le sens de l'intégration supranationale : ils ont engagé un processus de disparition pure et simple des monnaies nationales ; l'euro prendrait définitivement leur place, non seulement dans les échanges internationaux, ce qui était prévu, mais dans la vie quotidienne de chaque pays, ce qui ne l'était pas.
Cette dérive « maximaliste », non contente de détruire les monnaies nationales, est dangereuse pour la monnaie unique elle-même.
Et c'est ici que nous nous retrouvons, monsieur le ministre, au coeur de la politique étrangère. Beaucoup considèrent comme acquis que les Anglais ne vont pas manquer de se rallier à l'euro, dès que la décision sera prise. Eh bien ! monsieur le ministre, je suis prêt à prendre le pari !
Trois raisons, au moins, risquent d'empêcher Londres de rejoindre la monnaie unique, telle que la technostructure de Bruxelles l'a aujourd'hui conçue.
Une raison sentimentale, d'abord : les Britanniques répugneront à voir disparaître de leurs billets et pièces de monnaie les signes de leur identité nationale et historique, notamment l'effigie de la couronne.
Une raison politique, ensuite : la conception « fédérale », qu'ils ont fait rayer du traité de Maastricht en cours de négociation, est revenue en force, de toute évidence, dans les modalités d'application, et a changé la nature de la construction qui avait pourtant été ratifiée par tous les pays signataires.
Une raison pratique, enfin : une fois le sterling non seulement aboli comme monnaie internationale, mais détruit comme monnaie à usage interne, ils savent qu'ils ne pourraient plus sortir du système.
Aurait-on oublié, monsieur le ministre, que, en 1971, la motivation décisive du président Pompidou pour faire entrer la Grande-Bretagne dans le Marché commun était sa crainte, une fois le général de Gaulle disparu, de voir les mécanismes de Bruxelles grignoter et effacer la nation française ? Tandis que l'entrée de la Grande-Bretagne - seul État-nation millénaire et à responsabilités mondiales, en Europe, avec la France - garantirait à notre pays de n'être pas phagocyté par la « supranationalité technocratique » ?
Nous le savons bien, l'Angleterre est toujours écartelée entre son ralliement à l'Europe et son allégeance aux Etats-Unis. Qu'elle reste à l'écart de la monnaie unique, et rien ne l'empêchera de se lier au dollar. Cette nouvelle zone dollar-sterling élargie pourrait mener la vie dure à l'euro.
En fait, un système contraignant à l'égard des pays exclus de l'euro ne pourrait être mis en application par Francfort que si la Grande-Bretagne rejoignait le noyau initial. Son rapprochement récent des critères de convergence peut lui permettre de nous rejoindre, à condition que soit éliminé l'insurmontable obstacle de la disparition - sans retour - de la livre.
Si la Grande-Bretagne ne se joignait pas à l'euro, cela signifierait en pratique que la condition de réciprocité - c'est-à-dire l'adhésion de la plupart des signataires du traité - ne serait pas respectée. Comment pourraient coexister certains pays de la Communauté européenne qui appliqueraient les dures exigences du traité de Maastricht et d'autres qui s'en dispenseraient ? L'euro vers l'an 2000, cela signifierait alors que les dévaluations de certains de nos partenaires et compétiteurs feront tomber des pans entiers de notre industrie.
Il existe un moyen, dans le respect scrupuleux du texte de Maastricht, sans le soumettre à une nouvelle ratification, ni même à une nouvelle négociation, un moyen à l'origine duquel vous êtes, monsieur le ministre, un moyen de sauver les monnaies nationales à usage interne, tout en adoptant une monnaie internationale unique, dans les délais et selon les modalités prévus par le traité.
Au Conseil européen de Madrid, en décembre dernier, où vous représentiez la France, monsieur le ministre, les Quinze ont pris une décision fort importante, qui montre qu'une solution toute simple est à portée de la main. Les experts ont dû admettre qu'ils avaient commis une erreur technique ; ce n'est pas la première fois que cela arrive. Entre le moment où la décision d'établir la monnaie unique doit être définitivement arrêtée, au printemps 1998, et le moment où nous pourrons la mettre dans nos porte-monnaie, il faudra beaucoup plus de temps qu'ils n'avaient prévu. Trois années seront encore nécessaires au-delà du 1er janvier 1999. Vous avez donc décidé fort sagement à Madrid que, pendant ces trois années-là, les monnaies nationales continueraient d'avoir cours. Et pourtant, ce sera déjà la monnaie unique. Unique par des taux de change fixes, qui lieront les monnaies intégrées dans un rapport mathématique aussi étroit entre le franc français et le mark, par exemple, qu'entre le franc belge et le franc luxembourgeois ou qu'entre la livre anglaise et la livre écossaise qui sont pourtant tout à fait différentes dans leur aspect. Pourquoi ce qui durera trois ans ne pourrait-il durer dix ans, vingt ans ou trente ans ? Pourquoi ne pas pérenniser ce provisoire ? Laissons le temps agir. Franchissons les étapes sans les brûler.
Monsieur le ministre, derrière le chef de l'Etat qui nous parle à la télévision, nous voyons désormais le drapeau bleu à étoiles d'or voisiner avec le drapeau tricolore. Mais quel Français aimerait que nos trois couleurs disparaissent, pour que seul subsiste le drapeau bleu ? Cette nouveauté majeure que va constituer la monnaie unique peut exister en deux versions : entre Français, pour acheter la baguette de pain ou le paquet de cigarettes, le franc ; entre Allemands, le mark ; entre Néerlandais, le florin ; entre Britanniques, la livre ; entre Européens et entre citoyens du monde, l'euro.
Je le répète, il ne s'agit pas de revenir à l'idée de la « monnaie commune », simple monnaie de réserve s'ajoutant aux monnaies nationales - qui ne sont pas liées entre elles par un taux de change fixe.
Cette monnaie nouvelle, dans ses deux déclinaisons, jusqu'à ce que le temps ait permis de mettre à l'épreuve le système, nous permettrait de construite l'Europe sans détruire la France.
La politique étrangère d'indépendance que vous conduisez brillamment serait alors justifiée. Nous souhaitons qu'elle soit pleinement justifiée. (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Mauroy.
M. Pierre Mauroy. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, lorsque je suis intervenu l'année dernière, au même moment et sur le même thème, j'avais exprimé mon profond désaccord devant la reprise des essais nucléaires qui a terni l'image de la France. J'avais cependant jugé de manière positive certains aspects de la politique conduite alors par M. le Président de la République, notamment en Méditerranée ou dans l'ex-Yougoslavie.
J'interviens aujourd'hui avec la même tonalité : oui à l'esprit critique, par lequel l'opposition s'affirme ; non à la critique systématique dans laquelle l'opposition se perdrait.
Ainsi, je veux répéter ici ce que jai déjà déclaré ailleurs à propos du voyage de M. Jacques Chirac au Proche-Orient.
On peut, légitimement, regretter une offre de coparrainage européen sans concertation préalable avec nos partenaires de l'Union européenne.
On peut, davantage encore, déplorer que ce voyage ait débuté à Damas et que le Président de la République ait choisi ce pays pour être silencieux sur la démocratie en Syrie et prolixe sur l'obligation faite à Israël d'évacuer le Golan.
On peut, tout aussi légitimement, s'interroger sur la capacité future de la France à jouer un rôle d'arbitre après des discours déséquilibrés ou, en tout cas, considérés comme tels par l'un des protagonistes au Proche-Orient.
Parce que nous nous plaçons dans la continuité de la politique de François Mitterrand, parce que nous voulons être en accord avec nos propres positions passées et parce que nous savons les efforts accomplis depuis des années par les partis membres de l'Internationale socialiste - qu'ils soient Israéliens, Palestiniens ou Norvégiens - nous considérons que les perspectives dessinées par le Président de la République sont justes.
En revanche, et ce sera le coeur de ma brève intervention, nous voulons exprimer notre inquiétude sur la politique conduite en Afrique.
Les raisons de l'attention portée à l'Afrique vont au-delà de la compassion et de la colère que provoque le drame vécu ces jours derniers au Zaïre, après le génocide dont fut victime le Rwanda, voilà deux ans. Ces événements appellent une initiative forte de la communauté internationale, comme l'a demandé le Président de la République. Ils obligent, surtout, à réfléchir aux moyens de prévenir des tragédies qui, une fois déclenchées, laissent politiques et humanitaires désemparés.
Au-delà du Zaïre, nous avons le sentiment que l'Afrique se trouve aujourd'hui placée à un moment charnière, où l'inquiétude se mêle à l'espérance, et où, pour peu de temps encore, l'avenir reste ouvert alors que trois questions décisives se posent à nous.
Après une décennie de potions ultralibérales administrées par le Fonds monétaire international, la Banque mondiale elle-même vient de considérer la décennie écoulée comme celle « de la régression sociale ». La part de l'Afrique dans le commerce mondial - déjà si marginale - a encore baissé ; la production et la consommation par habitant ont encore chuté ; les investissements se sont encore raréfiés.
S'il faut écarter, comme le souhaitent les Africains eux-mêmes, cette espèce de mode de l'afro-pessimisme qui est déjà le début du renoncement, il faut se demander - c'est la première question - ce que compte faire la France pour contribuer à sortir le continent africain du cycle infernal de la dette et du sous-développement dans lequel les dictateurs des partis uniques l'ont enfermée depuis trop longtemps.
Après la chute du mur de Berlin, la démocratie a progressé dans le monde entier, et en Afrique, dans la foulée du discours de La Baule, comme jamais auparavant.
Or, depuis quelques mois, le mouvement semble interrompu quand il n'est pas purement et simplement inversé. D'où une deuxième question liée à la précédente : que compte faire la France pour encourager la reprise de la marche vers la démocratie ?
Chacun sent enfin que la moindre faiblesse de la présence de notre pays dans cette région du monde serait perçue comme le signe annonciateur d'un repli généralisé qui marquerait la fin de cette « exception française » qui fait notre force en Afrique et que nous voulons tous, j'en suis sûr, préserver.
Au moment précis où émergent en Afrique d'autres forces, celle, bienvenue, de la République Sud-africaine ou celle, plus récente, des Etats-Unis, se pose une troisième question : que compte faire la France pour conserver la place stratégique et morale qui est la sienne ?
Ces trois questions, qui sont autant de défis, appellent des objectifs clairs et une volonté ferme. Or, les socialistes jugent très insuffisante la politique du Gouvernement parce qu'elle n'apporte pas de réponses à la hauteur de ces défis, en tout cas pas de réponses satisfaisantes.
Nous la critiquons d'abord parce qu'elle s'appuie sur des crédits insuffisants.
Certes, la menace américaine est à nuancer quand on sait la faiblesse de son aide publique et, davantage encore, la part de cette aide consacrée à l'Afrique.
Il n'empêche ! Une nouvelle fois, vous annoncez que les crédits affectés à la coopération vont baisser : une diminution de 7,8 % par rapport à la loi de finances votée voilà un an, ce n'est pas rien !
Pis encore, ce sont sur les projets de développement, sur les crédits d'ajustements structurels, sur notre présence humaine que les restrictions vont, pour l'essentiel, peser.
Ajoutons, pour faire bonne mesure - c'est le cas de le dire ! - que la France a réintroduit dans le calcul de l'aide publique au développement les engagements financiers à destination des territoires d'outre-mer, ce qui est statistiquement faux et, surtout, politiquement inacceptable.
Au moment où il faudrait à la fois accroître l'effort quantitatif vers l'Afrique subsaharienne et réfléchir, sur le plan qualitatif, à de nouvelles modalités de répartition de l'aide publique, vous vous engagez très précisément dans la voie inverse !
Nous désapprouvons ces choix, et je suis persuadé que l'inquiétude que j'exprime est ressentie bien au-delà des travées socialistes. Mais disons-le clairement : notre inquiétude est plus vaste encore car elle touche le coeur même d'une politique qui s'appuie, comme je vais le montrer, sur des principes ambigus, des actes contestables et une stratégie incohérente.
L'ambiguïté des principes tient à la contradiction des discours.
D'un côté, on déclare fini le temps des coups de force ; d'un autre côté, on repousse à cinquante ans l'horizon de la démocratie.
D'un côté, on proclame notre attachement à l'universalité des droits de l'homme ; d'un autre côté, on évoque leur relativité.
D'un côté, on avance le concept d'une « bonne gouvernance » ; d'un autre côté, on récuse l'idée de conditionnalité de l'aide économique.
Au point qu'il est bien difficile aujourd'hui de savoir quelle est la doctrine de la France sur ces sujets majeurs : ou, plutôt, qu'il serait impossible de le savoir si une série d'actes contestables ne venait, malheureusement, apporter une réponse à cette interrogation. Car enfin !
Quand la France apporte sa caution au processus électoral au Tchad, pourtant entâché de fraudes manifestes, quand la France marque de sa présence l'investiture du président du Niger, après un coup d'Etat militaire, la dissolution de la commission électorale nationale indépendante pendant les opérations de vote et la mise en résidence surveillée des autres candidats - tout de même ! -, quand la France renoue d'excellentes relations avec les régimes les plus hostiles à l'ouverture démocratique comme le Togo, la Côte d'Ivoire ou le Cameroun, quand, à l'inverse, la France tient à l'écart la méritoire démocratie du Mali, ces choix et ces priorités-là ne sont pas les nôtres !
En définitive, au-delà des désaccords que je viens d'évoquer, notre inquiétude provient de la conviction que la France ne dispose pas d'une stratégie cohérente.
On ne peut pas, en effet, contester la présence américaine sans, au choix, assurer la présence française ou accepter une présence européenne.
On ne peut pas promouvoir l'image de la France comme patrie des droits de l'homme et la brouiller par les méthodes qui ont conduit à l'expulsion des « sans-papiers » de l'église Saint-Bernard.
On ne peut pas vouloir en même temps maîtriser les flux migratoires et réduire le budget de la coopération.
Mes chers collègues, je voudrais, pour conclure, citer ce que François Mitterrand disait dans le discours de La Baule, en 1990, tant ses propos sont plus que jamais d'actualité : « Je ne crois pas à l'Afrique perdue ; si l'on abandonne en chemin tel ou tel peuple, c'est une amputation pour le monde entier. » Et il terminait par cette citation que je crois pouvoir reprendre, s'agissant précisément de l'Afrique : « Souvenez-vous de ce titre de l'ouvrage d'Hemingway Pour qui sonne le glas. On croit qu'il sonne pour l'autre, il sonne toujours pour soi. »
Cet avertissement doit être entendu aujourd'hui encore par le Gouvernement français. Il est aussi un message : un message d'espoir, de solidarité et de démocratie. Les socialistes continueront de le porter. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du groupe communiste républicain et citoyen et du RDSE.) M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux. Nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à quinze heures.)

M. le président. La séance est reprise.

3

COMMUNICATION DU GOUVERNEMENT

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication, en date du 30 octobre 1996, relative à la consultation des assemblées territoriales de la Nouvelle-Calédonie, des îles Wallis-et-Futuna et de la Polynésie française sur le projet de loi modifiant les dispositions du code de la communication et du cinéma relatives à la communication audiovisuelle.
Acte est donné de cette communication.

4

DÉPÔT DE RAPPORTS DU GOUVERNEMENT

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre :
- le rapport présentant l'état d'exécution de la loi de programmation du « nouveau contrat pour l'école » ;
- et le rapport présentant un bilan de l'application de la loi n° 94-638 du 25 juillet 1994 tendant à favoriser l'emploi, l'insertion et les activités économiques dans les départements d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte.
M. le président du Sénat a également reçu de M. le président du conseil de surveillance et de M. le président du directoire du Centre national des caisses d'épargne et de prévoyance, en application de l'article 5 de la loi n° 91-635 du 10 juillet 1991, le rapport d'activité du groupe Caisse d'épargne pour l'exercice 1995.
Acte est donné du dépôt de ces rapports.

5

PACTE DE RELANCE POUR LA VILLE

Adoption des conclusions modifiées
d'une commission mixte paritaire

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport n° 37 (1996-1997) de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Gérard Larcher, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen des conclusions de la présente commission mixte paritaire constitue l'étape législative finale pour le projet de loi relatif à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville.
Permettez-moi, mes chers collègues, de vous rappeler les principales décisions de cette commission mixte, qui s'est déroulée dans un climat particulièrement constructif.
La commission mixte paritaire a retenu un nombre important d'articles dans le texte issu des travaux du Sénat.
Ainsi, elle a adopté le texte du Sénat pour l'article 1er, relatif à la définition même de la politique de la ville.
S'agissant de la définition des zones de redynamisation urbaine, figurant à l'article 2, elle a tenu à préciser que les zones seraient déterminées en fonction de leur « potentiel de développement économique » - nous y reviendrons tout à l'heure en examinant un amendement du Gouvernement - ce qui devrait permettre d'améliorer le jeu des critères objectifs définis par le texte, et elle a prévu, pour la définition des zones franches urbaines, une prise en compte des « éléments de nature à faciliter l'implantation d'entreprises ou le développement d'activités économiques ».
Elle a également prévu que les députés et les sénateurs du département intéressé seraient membres du comité d'orientation et de surveillance.
La commission mixte paritaire a adopté le texte du Sénat pour un certain nombre d'articles : il en est ainsi de l'article 3, relatif à l'exonération de la taxe professionnelle pour les entreprises existantes dans les zones de redynamisation urbaine ; de l'article 4, relatif aux dispositions fiscales applicables dans les zones franches urbaines ; de l'article 4 bis B nouveau, relatif à l'exonération de taxe sur le foncier bâti dans les zones franches urbaines ; de l'article 4 bis C nouveau, relatif à l'ouverture d'une nouvelle période de délibération pour les collectivités territoriales et leurs groupements ; de l'article 5, relatif à la possibilité d'imputer les déficits fonciers résultant de travaux de réhabilitation effectués sur des immeubles situés en zone franche urbaine ; de l'article 7, enfin, relatif au régime de l'exonération de cotisations sociales applicables à l'emploi de salariés dans les zones franches urbaines.
Dans le même esprit de coopération constructive que j'ai souligné, un amendement conjoint des deux rapporteurs a été adopté à l'article 13, qui prévoit le régime d'exonération des cotisations personnelles des commerçants et artisans. C'est un des acquis majeurs des travaux du Sénat.
Le champ d'application de cette mesure sera celui des cotisations d'assurance maladie et maternité. Le montant de cet allégement de charges sociales représentera environ 45 % du total des cotisations sociales. Nous nous étions fixé un objectif de 50 %, mais, grâce à la simplicité introduite par les travaux de la commission mixte paritaire, nous aurons pratiquement atteint l'objectif que nous visions.
Cette exonération sera accordée sans préjudice des droits des intéressés aux prestations ; elle s'appliquera pendant cinq ans au plus à compter de la délimitation de la zone franche urbaine pour les intéressés présents dans la zone à la date de cette délimitation, ou pendant cinq ans à compter du début de l'activité dans la zone si celle-ci intervient dans les cinq années suivant la date de délimitation.
La commission mixte paritaire a également adopté le texte du Sénat pour les articles 18 et 20 bis, relatifs respectivement à l'exonération de cotisations sociales patronales applicables aux embauches dans les zones de revitalisation rurale et dans les zones de révitalisation urbaine et à la possibilité, ouverte aux sociétés d'économie mixte, aux offices publics d'aménagement et de construction et aux sociétés anonymes d'HLM de mener des actions d'insertion à l'occasion des opérations d'aménagement.
Elle a rétabli, à l'article 26, la possibilité pour les promoteurs privés qui ont conclu un contrat de promotion immobilière de devenir mandataires d'un maître d'ouvrage public.
A l'article 27, elle a adopté un amendement prévoyant que l'établissement public d'aménagement et de restructuration pour les espaces commerciaux et artisanaux, l'EPARECA, pourrait passer convention avec les communes, établissements publics ou syndicats mixtes concernés.
La commission mixte paritaire a adopté dans la rédaction du Sénat les articles 28, relatif à la cession ou concession des immeubles expropriés par l'établissement public national ; 30, relatif à la compétence de la commission nationale d'équipement commercial pour l'autorisation des projets dont l'EPARECA assure la maîtrise d'ouvrage ; 31 A nouveau, relatif à l'introduction de l'objectif de mixité sociale dans les programmes locaux de l'habitat, point important sur lequel nous avions mis l'accent en première lecture ; 33, relatif aux mesures de sauvegarde visant à restaurer le cadre de vie ; 33 bis, relatif à l'assouplissement de la procédure de changement d'affectation ; 34, relatif à l'expropriation des copropriétés pour cause d'utilité publique ; 35, relatif à l'ouverture des fonds de solidarité logement aux propriétaires occupants ; 37, relatif aux comités consultatifs de quartiers ; 38, relatif aux fonds locaux associatifs ; 40, relatif aux groupements locaux d'employeurs dans les zones urbaines sensibles ; 43, relatif au plafond de pourcentage de logements sociaux pour l'attribution de prêts locatifs aidés ; 44 nouveau, enfin, relatif à la remise d'un rapport annuel.
Nous avons également adopté un amendement de précision important concernant une grande ville du Nord de la France, concernant la liste des zones franches urbaines.
Avant de conclure, j'aimerais insister sur l'un des articles adoptés par le Sénat, l'article 26 bis, que la commission mixte paritaire, après débat, n'a pas retenu.
Cet article avait pour origine un amendement présenté par notre collègue André Diligent et prévoyait d'ouvrir aux collectivités locales la possibilité de se faire rembourser dès l'exercice en cours par le Fonds national de compensation de la TVA leurs dépenses réelles d'investissement à caractère culturel dans les zones franches.
Je suis, pour ma part, convaincu de l'importance de la politique culturelle dans les quartiers difficiles : il est indispensable d'y encourager l'implantation d'équipements culturels, comme une bibliothèque, une médiathèque ou un musée. Il existe d'ailleurs là un gisement d'initiatives et d'emplois.
Il est néanmoins apparu à la commission mixte paritaire - et à l'auteur de cet amendement, qui participait à nos travaux - que ce texte présentait, dans sa rédaction, des difficultés techniques d'application. En accord avec notre collègue André Diligent, nous avons estimé que, une fois reformulé, il aurait sa place dans la loi sur l'exclusion, que nous examinerons prochainement. Si je le rappelle, monsieur le ministre, c'est pour prendre date avec le Gouvernement.
Par ailleurs, vous le savez, j'ai engagé avec le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation une réflexion sur la filière relative à l'animation.
Monsieur le ministre, je sais que vous êtes très désireux que ce texte entre en vigueur rapidement. Les travaux de la commission mixte paritaire ont montré que sénateurs et députés partageaient ce souhait. Il appartient désormais au Gouvernement de répondre à cette attente et à nos espoirs afin que, très vite, s'ouvre la période nouvelle de mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville. Pour notre part, nous vous y aiderons. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Eric Raoult, ministre délégué à la ville et à l'intégration. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, après le moment de la concertation, puis l'instant de l'annonce, nous voilà enfin, aujourd'hui, au terme de cette phase préparatoire du débat parlementaire qui va nous permettre de donner toute sa cohérence au pacte de relance pour la ville.
C'est donc, pour Jean-Claude Gaudin et moi-même, un moment fort ; c'est un peu le moment « pacte ».
Je sais l'attente des quartiers, car, même si l'efficacité du pacte s'y fait déjà sentir, c'est l'application de cette loi qui va nous permettre d'accélérer les choses.
Permettez-moi, tout d'abord, mesdames, messieurs les sénateurs, de vous remercier pour votre travail d'enrichissement et de rendre un hommage tout particulier au président de la commission spéciale, M. Jean-Pierre Fourcade, et à son rapporteur, M. Gérard Larcher.
Ce pacte doit beaucoup à leur compétence et à leur connaissance tant du dossier que du terrain. La globalité de leur vision comme l'autorité de leur jugement auront beaucoup contribué au succès du pacte.
Ces remerciements s'adressent aussi à vous tous parce que les difficultés de certains quartiers de nos villes imposent de dépasser les clivages, de travailler tous ensemble pour la cohésion sociale et territoriale de nos communes.
Je me réjouis donc, tout comme Jean-Claude Gaudin, de ces contributions et améliorations apportées au texte du Gouvernement.
Ces améliorations ont porté principalement sur trois points : la redynamisation des quartiers, leur restructuration, la mixité de l'habitat.
Sur le premier point, votre Haute Assemblée a, à juste titre, étendu les exonérations de charges sociales aux travailleurs indépendants des zones franches urbaines. C'était un point essentiel, tout d'abord, en raison des montants en jeu - c'est ce qui a expliqué le refus initial du Gouvernement, puis son appel à la « sagesse positive » du Sénat, concept que j'ai appris dans votre assemblée - mais aussi parce que, avec les commerces, ce sont les indépendants qui, pour l'essentiel, créeront de l'activité et de l'emploi dans ces zones.
Il y a eu aussi, tant au Sénat qu'à l'Assemblée, un véritable débat sur les compensations des exonérations apportées aux collectivités locales. C'est bien normal, dans la mesure où l'Etat a pris un engagement, où il a passé un pacte de stabilité avec vous !
Cette compensation figurait déjà à l'article 18 du projet de loi de finances pour 1997. Mais l'inscription dans le projet de loi de mise en oeuvre du pacte apparaît comme une garantie plus forte pour en assurer la pérennité, et je m'en réjouis avec vous.
Enfin, vous avez pris l'heureuse initiative de créer des comités d'orientation et de surveillance des zones franches urbaines, afin d'éviter des abus éventuels et de décourager les chasseurs de primes. Je ne doute pas que ce dispositif contribuera également à l'efficacité de notre relance par l'activité.
Sur le deuxième point, relatif à la restructuration des quartiers, le Sénat s'est attaché à mieux équilibrer le conseil d'administration de l'établissement public d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux, l'EPARECA, et à favoriser la déconcentration en passant des conventions avec les collectivités locales.
Enfin - c'est le troisième point - les deux assemblées ont renforcé les instruments de la politique de mixité de l'habitat que sont le plan local de l'habitat, la conférence communale du logement et la charte communale, en prévoyant, notamment, des sanctions en cas de retard dans leur mise en oeuvre.
Le Sénat comme l'Assemblée nationale ont souhaité favoriser les investissements locatifs privés dans les zones franches urbaines, en créant un véritable dispositif comparable à ce que la loi Malraux avait fait pour les secteurs sauvegardés.
Les travaux des deux chambres ont donc utilement complété tous les dispositifs essentiels du projet de loi.
Les apports de la commission mixte paritaire touchent, quant à eux, pour l'essentiel, aux titres Ier et II, consacrés à la nouvelle géographie prioritaire et à la redynamisation économique. C'est bien normal puisque c'est l'élément réellement innovant de notre pacte.
C'est ce que voulait le Président de la République, voilà près d'un an, lorsqu'il disait : « L'idée, c'est de jouer la carte économique, là où on a tendance à jouer seulement la carte sociale. »
Permettez-moi de relever, là encore, trois apports très précis de la commission mixte paritaire.
Tout d'abord, M. Pierre Bédier a souhaité insérer la notion de potentiel de développement économique pour déterminer les zones de redynamisation urbaine.
Il s'agit d'adosser à l'indice synthétique, composé du taux de chômage, de jeunes, de diplômés, du potentiel fiscal et de la population, un critère additionnel permettant de mieux tenir compte de la déshérence économique et commerciale de ces quartiers.
Cet objectif est tout à fait légitime et reconnu comme tel par le Gouvernement.
Cependant, pour prévenir le risque d'éventuels contentieux, le Gouvernement propose au Sénat de voter l'amendement, adopté par l'Assemblée nationale lundi dernier, substituant à la notion de « potentiel de développement économique », qui postule pour l'avenir, celle, plus établie, de « caractéristiques économiques et commerciales ». C'est donc bien un amendement de précision, qui tient compte des débats de la commission mixte paritaire.
Toujours sur la géographie prioritaire, la commission a adopté un amendement de M. Gérard Larcher prévoyant que la délimitation des zones franches, par décret en Conseil d'Etat, s'effectuerait en tenant compte des éléments de nature à faciliter l'implantation d'entreprises ou le développement d'activités économiques.
Cet amendement s'inscrit tout à fait dans l'esprit et dans la pratique qu'a retenus le Gouvernement pour la délimitation de ces zones.
Quant à son esprit, il s'agit d'une politique de développement social urbain, donc intéressant les quartiers.
Mais il faut aussi être réaliste. Dans la pratique, s'il n'est pas question de créer des zones d'entreprises, il est, bien entendu, possible d'inclure des réserves foncières dans les périmètres des zones franches, mais limitées en surface.
Enfin, la commission a retenu l'amendement de M. Claude Demassieux visant à prévoir la participation des députés et des sénateurs intéressés aux comités d'orientation et de surveillance chargés d'évaluer le dispositif mis en oeuvre dans les zones franches urbaines.
Voilà une mesure qui n'est pas seulement symbolique ! Bien entendu, ces comités ne doivent pas devenir trop lourds, au risque d'être ingérables. Cependant, je sais le rôle que, à côté des maires et des représentants de l'Etat, les parlementaires ont joué jusqu'à aujourd'hui dans la politique de la ville, et je sais que le Gouvernement leur doit, pour mettre en oeuvre son pacte de relance, un appui indispensable.
C'est pourquoi, avec Jean-Claude Gaudin, nous approuvons pleinement votre choix.
Mesdames, messieurs les sénateurs, notre projet de loi innove en faisant bouger certaines lignes, en donnant une cohérence à la politique de la ville, avec une nouvelle géographie prioritaire, et en privilégiant la carte économique.
Compte tenu de l'importance que revêt la définition de la géographie de la politique de la ville, les décrets seront prêts probablement avant la fin du mois de novembre.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission spéciale. Très bien !
M. Eric Raoult, ministre délégué. Le décret concernant l'établissement public d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux est déjà quasiment prêt, et sera pris dans les meilleurs délais.
Les autres décrets, notamment sur les mesures de sauvegarde et les fonds locaux associatifs, seront pris en tout début d'année prochaine. Nous avons tiré les leçons de certaines lenteurs du passé.
Mais le pacte de relance ne se réduit pas à cette loi, même si elle est indispensable. Comme l'avait dit le Premier ministre, le 18 janvier dernier, à Marseille, c'est « une démarche collective qui doit nous permettre de retrouver des quartiers plus actifs, des villes plus sûres et des citoyens plus solidaires ».
C'est donc un ensemble de réponses très concrètes aux attentes du terrain : l'emploi, la sécurité et le rétablissement des liens sociaux.
La volonté du Gouvernement est bien de restaurer la cohésion sociale au coeur de nos villes. Elle est de refaire fonctionner le « creuset intégrateur » qu'elles ont longtemps incarné au cours de notre histoire.
Or nul ne doutera qu'un tel souci de réunification passe, aujourd'hui, par un effort accentué en direction de certains quartiers et de certains publics.
Le Conseil constitutionnel a lui-même reconnu, l'année dernière, la légitimité d'un tel raisonnement, qui renoue avec le sage principe d'Aristote selon lequel on ne saurait traiter également des réalités inégales.
L'égalité des chances des citoyens ne gagnerait rien à n'être qu'un principe abstrait. Notre devoir, à tous, est d'en faire une réalité profondément vécue.
C'est pourquoi, mesdames, messieurs les sénateurs, M. Gaudin et moi-même vous remercions d'apporter par cette loi une contribution forte à notre idéal républicain. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste ; ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire sur le pacte de relance pour la ville ressemble, sur de nombreux points, à celui que le Sénat avait adopté le 10 octobre dernier, après un débat dans lequel nous étions largement intervenus.
Nos collègues députés ont en effet adopté les quelques modifications importantes que sont la création d'un comité d'orientation et de surveillance des zones franches urbaines, l'inscription de la compensation des exonérations aux collectivités locales ou les exonérations de charges pour les commerçants et artisans.
Toutefois, les remarques de fond que nous avions exposées lors de la première lecture restent pleinement d'actualité.
Ainsi, nous persistons à dire que ce projet n'a rien de commun avec ce que le candidat Jacques Chirac avait promis pour les banlieues. Il est vrai que nous sommes dans une période où, comme l'ont déjà dit certains, « les promesses n'engagent que ceux qui y croient » !
Le plan Marshall pour les banlieues est donc bien loin, oublié, enterré. Il a été remplacé par ce « pacte de relance pour la ville », qui ne correspond pas aux exigences des populations concernées, aux besoins à satisfaire.
Sur le fond, ce texte met en avant la discrimination positive. Mais la réponse aux problèmes ne peut être contenue dans cette stigmatisation, dans un zonage qui met en place des contrats de ville aujourd'hui, des contrats d'initiative locale demain.
Afin d'éviter que ces contrats ne correspondent très vite à des sous-emplois sous payés, il conviendrait de les pérenniser. Il faudrait surtout les doubler, au cours de ces cinq années, d'une véritable formation.
C'est là un besoin des populations de nos quartiers, qui veulent avoir les mêmes droits et les mêmes devoirs que les autres.
C'est dans cet esprit que nous demandons que l'Etat assume ses missions - sécurité des citoyens, justice, accès aux services publics, etc. - de la même manière sur tout le territoire. C'est l'un des actes essentiels qui changeraient la donne dans ces quartiers.
Certes, des engagements sont pris dans ce texte ; mais on ne peut annoncer le retour de l'Etat dans les quartiers et faire le contraire. Or, telle est bien la réalité. Nous sommes loin, finalement, des promesses faites. Chacun, dans sa propre ville, peut en faire l'expérience.
Ainsi, La Poste supprime des emplois. Je rappelle, à cet égard, que tous les amendements que notre groupe avait déposés en première lecture et qui auraient pu assurer aux élus une garantie quant au maintien et au développement du service public ont été refusés par la majorité de notre assemblée.
Le service public est essentiel. Comment pouvez-vous déconnecter à ce point la politique de la ville du contexte politique, économique et social général ?
Le contexte général, la discussion budgétaire le confirmera, c'est les coupes claires dans les budgets sociaux et utiles de la nation. C'est ce que M. Juppé appelle pudiquement la « politique de réduction et de rationalisation des dépenses publiques ».
Dans l'éducation nationale, ce sont 15 000 maîtres auxiliaires, par exemple, qui sont dans l'attente d'un emploi, alors que, par ailleurs, des postes ont été supprimés.
S'agissant de la police, alors que vous prétendez avoir conforté le nombre des fonctionnaires de police dans les grands ensembles, tout le monde s'accorde à dire que les effectifs sont notablement et notoirement insuffisants.
Vous enjoignez aux administrations publiques de réduire leurs effectifs, ce qui ne manquera pas de donner lieu, au cours des prochains mois, dans le cadre, notamment, de la réforme de l'Etat, à un véritable débat.
Comment voulez-vous réduire la fracture sociale et la fracture territoriale en procédant ainsi ?
Tout cela atténue la portée de vos déclarations sur ce projet de loi, monsieur le ministre.
L'autre grande question concerne les emplois. La création des emplois de ville, votée dans le cadre de la loi sur l'apprentissage, est un élément important du pacte que vous proposez. Mais ne trichons pas, il s'agit, encore une fois, d'emplois à durée déterminée - cinq années - qui font appel aux collectivités locales et organismes sociaux qui les créeront.
Les difficultés d'application sont si grandes que des maires sont intervenus auprès de vous, monsieur le ministre, pour demander un « assouplissement des critères de recrutement ».
Les difficultés ne découlent d'ailleurs pas seulement de l'application de ce projet de loi. Elles tiennent aussi, bien entendu, aux difficultés financières des collectivités locales.
C'est si vrai que les signatures effectives de contrats pour les emplois de ville sont loin des conventions d'objectifs des préfectures : 3 000 contrats ont été signés sur les 10 000 espérés en 1996. Mais, vous nous l'avez rappelé il y a quelques jours, vous êtes optimiste !
M. Eric Raoult, ministre délégué. Il reste deux mois !
M. Guy Fischer. Eh bien, il faudra « faire fort » !
Une question essentielle, qui préoccupe les maires, vous le savez, monsieur le ministre, est celle de la prise en charge des intéressés au titre du chômage.
En fait, le grand défaut de ce projet de loi c'est qu'il ne mobilise pas de moyens supplémentaires pour les villes.
Vous l'avez dit, le budget de la ville s'élève à 13,5 milliards de francs ; mais il y a des tours de passe-passe. Les financements sont assurés plus par des astuces budgétaires qu'au travers d'engagements véritablement nouveaux. Je le répète, il ne s'agit, en fait, que de redéploiements, si bien que l'Etat dépensera, en réalité, moins d'un milliard de francs par an pour mettre en oeuvre le présent projet.
L'exemple de la compensation des exonérations de taxe professionnelle, de taxe foncière, est caractéristique. Le texte issu du Sénat prévoit que ce soit le Fonds national de péréquation qui soit sollicité.
En fait, les subsides seront pris « dans les poches » des communes. On déshabille Pierre pour habiller Paul !
Vous savez que, pour notre part, nous avions demandé qu'à une charge supplémentaire pour les communes, les départements et les régions correspondent des ressources supplémentaires.
Vous n'avez pas voulu et nous craignons que la politique européenne et le respect des critères de la monnaie unique, qui sous-tend toute la politique budgétaire, ne nous enfonce un peu plus dans la récession et l'austérité.
Force est de constater - et nous le regrettons vivement - que, dans les grands ensembles, la ségrégation se renforce et que l'exclusion se concentre de plus en plus dans certains quartiers.
Enfin, le dernier point sur lequel je souhaiterais revenir concerne la démocratie et la transparence.
J'avais expliqué en première lecture combien l'utilisation du vocable « pacte » me paraît spécieuse, car elle tend à faire croire que tout le monde serait d'accord sur la philosophie de votre texte. Mais je voudrais surtout insister sur la composition du comité d'orientation et de surveillance : nous persistons à dire qu'en exclure les organisations syndicales et les associations revient à se priver du concours de forces vives qui jouent un rôle incomparable dans ces quartiers.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ne trouvent pas dans ce texte le véritable souffle nouveau qui conviendrait à une vraie politique de la ville. En effet, la sectorisation à outrance ne permet pas une approche globale des problèmes de la ville, et le contexte budgétaire ainsi que la course à la monnaie unique imposent des restrictions préjudiciables à la satisfaction des besoins humains et sociaux.
Sous le bénéfice de ces observations, notre groupe confirme son vote de la première lecture et se prononcera donc contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission spéciale. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission spéciale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ajouterai quelques mots pour conclure notre débat avant que n'intervienne le vote.
Un certain nombre de journalistes et de médias s'interrogent souvent sur le point de savoir à quoi sert le Sénat, et j'ai lu récemment, sous la plume de journalistes chevronnés et compétents, qu'il ne servait à rien.
M. Emmanuel Hamel. Qui peut le penser ? (Sourires.)
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission spéciale. Or le Sénat a introduit dans ce texte un certain nombre de dispositions majeures.
C'est le Sénat qui a introduit la compensation pour l'ensemble des collectivités ; c'est le Sénat qui s'est préoccupé du sort des travailleurs indépendants ; c'est le Sénat, qui a mis en place, à l'instigation de notre excellent rapporteur, le comité d'orientation et de surveillance pour éviter le débordement des nouvelles procédures.
Dans un autre ordre d'idée, monsieur le ministre, je veux remercier le Gouvernement d'accepter le texte tel qu'il ressort des débats très francs et très cordiaux de la commission mixte paritaire à une réserve près, à savoir un amendement qui ne touche pas au fond et auquel, bien entendu, nous ne serons pas opposés.
Enfin, monsieur le ministre, je crois que personne ne refusera les crédits supplémentaires qui découleront de la prochaine publication de ce texte au Journal officiel.
Bien entendu, selon les populations qu'ils représentent, certains voteront ce texte et accepteront cependant les crédits, et d'autres voteront contre ce texte et accepteront les crédits.
La raison est-elle dans l'approbation ou dans le refus ? L'avenir jugera. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel. Etant donné la gravité des problèmes de la ville et de nombre de quartiers concernés, notamment dans l'Est lyonnais, je comprends certains des propos et la tonalité du discours de notre collègue M. Guy Fischer, qui, à notre regret, annonce qu'il ne votera pas ce texte parce qu'il considère que celui-ci ne va pas assez loin.
Mais, pour tempérer son pessimisme et fortifier son espérance, je lui demande de lire le compte rendu des déclarations qui ont été faites avant-hier en commission des finances par M. Jean-Claude Gaudin. Celui-ci nous a en effet assuré, avec toute l'autorité morale qui s'attache à ses propos et avec une conviction véritablement communicative, que, contrairement à ce qu'affirment certains, la lecture de tous les postes budgétaires lui permet d'affirmer de la manière la plus solennelle, la plus certaine et la plus sûre qu'il y aura augmentation des moyens mis au service de la politique de la ville.
Donc, mon cher collègue, lisez ce compte rendu, vous serez probablement moins inquiet, et l'espérance même en vous naîtra.
M. le président. La parole est à M. Richard.
M. Alain Richard. A mon tour, je vais confirmer la position des sénateurs du groupe socialiste.
Nous avons participé, dans un esprit aussi positif que possible, à la discussion de ce projet de loi. Mais, naturellement, je confirme notre position de principe, qui est bien logique, puisque nous sommes dans l'opposition, situation que, les uns et les autres, nous avons connue : en raison de la politique générale du Gouvernement, nous ne pouvons pas approuver ce texte et nous émettrons à nouveau un vote négatif.
Comme l'ensemble de nos collègues, nous avons essayé de participer à la définition de modalités aussi concrètes et aussi applicables que possible. A ce titre, nous regrettons que l'amendement de M. Diligent en faveur des investissements à caractère culturel et sportif dans les quartiers - qui est une vraie question d'aménagement du territoire - n'ait pu recueillir le succès qu'il méritait. Il faut espérer qu'une solution sera trouvée à l'occasion de la discussion d'un prochain projet de loi.
Sur d'autres domaines particuliers, en revanche, le travail parlementaire nous paraît avoir eu des résultats positifs.
Notre position de principe ne nous empêchera pas, comme l'a dit M. Fourcade, d'accepter des crédits. Mais je note que cette remarque peut s'appliquer à toutes les périodes politiques !
Ainsi, lors de la discussion de la première loi d'orientation sur la ville et de l'instauration de la dotation de solidarité urbaine, l'ambiance avait été beaucoup moins confraternelle.
M. Gérard Larcher, rapporteur. Pas au Sénat, où - je m'en souviens bien puisque j'étais rapporteur - un climat sympathique régnait !
M. Alain Richard. Je siégeais à l'époque à l'Assemblée nationale et je peux vous assurer, monsieur le rapporteur, de la tonicité des discussions !
Pourtant, toutes les communes concernées ont accepté de bénéficier des dispositions prises en 1991 et la dotation de solidarité urbaine, même si les parlementaires qui étaient à leur tête avaient exprimé un vote hostile. Cela fait partie des « équilibres » de la République !
Je tenais à insister à mon tour sur l'intérêt et le caractère fructueux des travaux parlementaires concernant l'élaboration de ce projet de loi.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle qu'en application de l'article 42, alinéa 12, du règlement, lorsqu'il examine après l'Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, le Sénat se prononce par un seul vote sur l'ensemble du texte.
Je donne lecture du texte de la commission mixte paritaire :

« Projet de loi relatif à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville.

« TITRE Ier

« PRINCIPES GÉNÉRAUX

« Art. 1er. _ La politique de la ville et du développement social urbain est conduite par l'Etat et les collectivités territoriales dans le respect de la libre administration de celles-ci et selon les principes de la décentralisation et dans le cadre de la politique d'aménagement du territoire.
« Outre les objectifs de diversité de l'habitat et de mixité sociale définis par la loi n° 91 662 du 13 juillet 1991 d'orientation pour la ville, elle a pour but de lutter contre les phénomènes d'exclusion dans l'espace urbain et de favoriser l'insertion professionnelle, sociale et culturelle des populations habitant dans des grands ensembles ou des quartiers d'habitat dégradé.
« A cette fin, des dispositions dérogatoires du droit commun sont mises en oeuvre, dans les conditions prévues par la présente loi, en vue de compenser les handicaps économiques ou sociaux des zones urbaines sensibles, des zones de redynamisation urbaine et des zones franches urbaines.
« Art. 2. _ Le 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire est ainsi rédigé :
« 3. Les zones urbaines sensibles sont caractérisées par la présence de grands ensembles ou de quartiers d'habitat dégradé et par un déséquilibre accentué entre l'habitat et l'emploi. Elles comprennent les zones de redynamisation urbaine et les zones franches urbaines. Dans les départements d'outre-mer et la collectivité territoriale de Mayotte, ces zones sont délimitées en tenant compte des caractéristiques particulières de l'habitat local. La liste des zones urbaines sensibles est fixée par décret.
« A. _ Les zones de redynamisation urbaine correspondent à celles des zones urbaines sensibles définies au premier alinéa ci-dessus qui sont confrontées à des difficultés particulières, appréciées en fonction de leur situation dans l'agglomération, de leur potentiel de développement économique et d'un indice synthétique. Celui-ci est établi, dans des conditions fixées par décret, en tenant compte du nombre d'habitants du quartier, du taux de chômage, de la proportion de jeunes de moins de vingt-cinq ans, de la proportion des personnes sorties du système scolaire sans diplôme et du potentiel fiscal des communes intéressées. La liste de ces zones est fixée par décret.
« Les zones de redynamisation urbaine des communes des départements d'outre-mer et de la collectivité territoriale de Mayotte correspondent à celles des zones urbaines sensibles définies au premier alinéa du présent 3 qui sont confrontées à des difficultés particulières appréciées en fonction du taux de chômage, du pourcentage de jeunes de moins de vingt-cinq ans et de la proportion de personnes sorties du système scolaire sans diplôme. La liste de ces zones est fixée par décret.
« B. - Des zones franches urbaines sont créées dans des quartiers de plus de 10 000 habitants particulièrement défavorisés au regard des critères pris en compte pour la détermination des zones de redynamisation urbaine. La liste de ces zones est annexée à la loi n° du relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville. Leur délimitation est opérée par décret en Conseil d'Etat, en tenant compte des éléments de nature à faciliter l'implantation d'entreprises ou le développement d'activités économiques.
« Les zones franches urbaines des communes des départements d'outre-mer sont créées dans des quartiers particulièrement défavorisés au regard des critères pris en compte pour la détermination des zones de redynamisation urbaine des communes de ces départements. La liste de ces zones est annexée à la loi n° du précitée. Leur délimitation est fixée par décret en Conseil d'Etat, en tenant compte des éléments de nature à faciliter l'implantation d'entreprises ou le développement d'activités économiques. »
« Art. 2 bis. - Il est institué, dans chaque zone franche urbaine définie au B du 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 précitée, un comité d'orientation et de surveillance chargé d'évaluer les conditions de mise en oeuvre des mesures dérogatoires prévues au profit de ces zones au regard des objectifs définis par l'article premier de la présente loi.
« A cette fin, le comité d'orientation et de surveillance examine les effets de ces mesures sur le rétablissement de l'équilibre économique et social de la zone franche urbaine, sur les conditions d'exercice de la concurrence et sur l'appareil commercial et artisanal de cette zone et de l'agglomération concernée. Il établit, chaque année, un bilan retraçant l'évolution des activités économiques de ladite zone au cours de l'année écoulée. Il peut présenter aux pouvoirs publics toute proposition destinée à renforcer l'efficacité des dispositions législatives et réglementaires.
« Le comité d'orientation et de surveillance est présidé par le représentant de l'Etat dans le département. Il comprend, en outre, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, les députés et sénateurs intéressés du département, le ou les maires de la ou des communes d'implantation de la zone franche urbaine, le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'aménagement et de développement pour ladite zone, le président du conseil général ou son représentant, le président du conseil régional ou son représentant, des représentants des chambres consulaires départementales et des services de l'Etat.
« Le comité d'orientation et de surveillance peut faire appel, en tant que de besoin, aux services déconcentrés de l'Etat dont le ressort géographique comprend le périmètre de la zone franche urbaine.

« TITRE II

« DISPOSITIONS SPÉCIFIQUES RELATIVES AU MAINTIEN ET À LA CRÉATION D'ACTIVITÉS ET D'EMPLOIS DANS CERTAINES ZONES URBAINES »

CHAPITRE Ier

Dispositions relatives au régime fiscal
applicable dans certaines zones urbaines.

« Art. 3 A. - Supprimé.
« Art. 3. - A. - L'article 1466 A du code général des impôts est ainsi modifié :
« 1° Dans la première phrase du I, les mots : "dégradés dont la liste sera fixée par décret" sont remplacés par les mots : "dégradé mentionnés au 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire".
« 2° Au premier alinéa du I bis, le mot : "dégradés" est remplacé par le mot : "dégradé", et les mots : "à compter du 1er janvier 1995" sont remplacés par les mots : "entre le 1er janvier 1995 et le 31 décembre 1996".
« 3° Après le I bis, il est inséré un I ter ainsi rédigé :
« I ter. - Sauf délibération contraire de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales, les créations, extensions d'établissement ou changements d'exploitant intervenus à compter du 1er janvier 1997 dans les zones de redynamisation urbaine définies au A du 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 précitée sont exonérés de taxe professionnelle dans la limite du montant de base nette imposable fixé au I.
« Sauf délibération contraire de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales, les établissements existant au 1er janvier 1997 dans les zones de redynamisation urbaine visées à l'alinéa précédent, quelle que soit la date de leur création, bénéficient, à compter du 1er janvier 1997, de l'exonération de taxe professionnelle dans les conditions prévues au quatrième alinéa et dans la limite d'un montant de base nette imposable fixé à 50 % du montant prévu au I. Dans cette limite, la base exonérée comprend, le cas échéant, les éléments d'imposition correspondant aux extensions d'établissement intervenues en 1996.
« Pour ceux d'entre eux, qui remplissaient les conditions mentionnées au I bis, l'exonération s'applique dans la limite prévue au I aux éléments d'imposition correspondant aux opérations visées au I bis.
« Les exonérations prévues aux premier et deuxième alinéas portent sur la totalité de la part revenant à chaque collectivité territoriale ou groupement de collectivités territoriales. Elles ne peuvent avoir pour effet de reporter de plus de cinq ans l'application du régime d'imposition de droit commun. Seuls les établissements employant moins de cent cinquante salariés peuvent en bénéficier.
« Pour l'application des dispositions ci-dessus, les délibérations des collectivités territoriales et de leurs groupements dotés d'une fiscalité propre ne peuvent porter que sur l'ensemble des établissements créés, étendus, existants ou changeant d'exploitant. »
« 4° Avant le II, il est inséré un I quater ainsi rédigé :
« I quater . _ Sauf délibération contraire de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales, les entreprises employant cinquante salariés au plus au 1er janvier 1997 ou à la date de leur création, si elle est postérieure, bénéficient de l'exonération de taxe professionnelle à compter du 1er janvier 1997 dans les conditions prévues au I ter, pour leurs établissements situés dans les zones franches urbaines définies au B du 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 précitée.
« Cette exonération, qui s'applique, quelle que soit la date de création de l'établissement, est accordée dans la limite d'un montant de base nette imposable fixé à 3 millions de francs. Ce seuil est actualisé chaque année dans les conditions prévues au I. Dans cette limite, la base exonérée comprend, le cas échéant, les éléments d'imposition correspondant aux extensions d'établissement intervenues en 1996.
« Pour les établissements existant dans les zones franches urbaines au 1er janvier 1997, visés au premier alinéa, l'exonération s'applique :
« _ aux bases d'imposition de tous les établissements appartenant à des entreprises qui exercent leur activité dans les secteurs dont la liste définie selon la nomenclature des activités françaises est annexée à la loi n° du relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville ;
« _ pour les autres secteurs d'activité, aux bases d'imposition des établissements appartenant à des entreprises dont la part du chiffre d'affaires afférent aux livraisons intra-communautaires et à l'exportation, réalisé au cours de la période du 1er janvier 1994, ou de la date de leur début d'activité si elle est postérieure, au 31 décembre 1996, n'excède pas 15 pour cent du chiffre d'affaires total hors taxes réalisé pendant la même période ;
« _ quel que soit le secteur d'activité, aux bases d'imposition correspondant aux extensions réalisées à compter du 1er janvier 1997.
« Les conditions visées aux quatrième et cinquième alinéas ne sont pas opposables aux établissements situés dans les zones franches urbaines des communes des départements d'outre-mer.
« L'exonération ne s'applique pas aux bases d'imposition afférentes au personnel et aux biens d'équipement mobiliers transférés par une entreprise, à partir d'un établissement qui, au titre d'une ou plusieurs des cinq années précédant celle du transfert :
« _ a donné lieu au versement de la prime d'aménagement du territoire ;
« _ ou a bénéficié, pour l'imposition des bases afférentes au personnel et aux biens transférés, de l'exonération prévue, selon le cas, à l'article 1465 A ou aux I bis ou I ter du présent article. »
« 5° Le II est ainsi rédigé :
« II. _ Pour bénéficier des exonérations prévues aux I, I bis, I ter et I quater , les contribuables déclarent, chaque année, dans les conditions prévues à l'article 1477, les éléments entrant dans le champ d'application de l'exonération.
« Lorsqu'un établissement remplit les conditions requises pour bénéficier de l'une des exonérations prévues aux articles 1464 A, 1464 B, 1464 D, 1465, 1465 A ou 1465 B et de celles prévues aux I, I bis, I ter ou I quater , le contribuable doit opter pour l'un ou l'autre de ces régimes. L'option qui est irrévocable doit être exercée, selon le cas, dans le délai prévu pour le dépôt de la déclaration annuelle ou de la déclaration provisoire de taxe professionnelle visée à l'article 1477.
« Pour l'application des I, I bis, I ter et I quater :
« a) Deux périodes d'exonération ne peuvent courir simultanément ;
« b) L'extension d'établissement s'entend de l'augmentation nette des bases par rapport à celles de l'année précédente multipliées par la variation des prix à la consommation hors tabac constatée par l'Institut national de la statistique et des études économiques pour l'année de référence définie à l'article 1467 A ;
« c) Le montant des bases exonérées ne peut excéder chaque année, pour un même établissement, le montant prévu aux I ou I quater , sauf dans les cas visés au troisième alinéa du I ter. »
« B. _ Dans les conditions prévues par la loi de finances, l'Etat compense, chaque année, à compter du 1er janvier 1997, la perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales et leurs groupements dotés d'une fiscalité propre et les fonds départementaux de péréquation des exonérations liées aux créations d'établissements mentionnées aux I bis, I ter et I quater de l'article 1466 A du code général des impôts.
« Le fonds national de péréquation de la taxe professionnelle compense, chaque année, à compter de 1997, la perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales et leurs groupements dotés d'une fiscalité propre et les fonds départementaux de péréquation des exonérations accordées au titre :
« _ des établissements créés avant le 1er janvier 1997 dans les zones visées aux I ter et I quater de l'article 1466 A du code général des impôts, à l'exception de ceux créés dans les zones visées au I bis en 1995 et 1996 ;
« _ des extensions d'établissement mentionnées aux I bis, I ter et I quater de l'article 1466 A du code général des impôts.
« Les compensations prévues aux alinéas précédents sont égales au produit obtenu en multipliant la perte de base résultant, chaque année et pour chaque collectivité ou groupement de collectivités, de l'exonération par le taux de la taxe professionnelle appliqué en 1996 dans la collectivité ou le groupement.
« Pour les communes qui appartenaient en 1996 à un groupement sans fiscalité propre, le taux voté par la commune est majoré du taux appliqué au profit du groupement en 1996.
« Pour les groupements qui perçoivent pour la première fois à compter de 1997 la taxe professionnelle au lieu et place des communes en application des dispositions de l'article 1609 nonies C ou du II de l'article 1609 quinquies C du code général des impôts, cette compensation est égale au produit du montant des bases exonérées par le taux moyen pondéré des communes membres du groupement constaté pour 1996, éventuellement majoré dans les conditions fixées à l'alinéa précédent.
« Chaque année, la charge supportée par le fonds national de péréquation de la taxe professionnelle à ce titre ne peut excéder le surcroît, par rapport à l'année précédente, de la différence du produit d'impositions définie au deuxième alinéa du 6° de l'article 21 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications.
« Lorsque la perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales et leurs groupements dotés d'une fiscalité propre des exonérations mentionnées aux deuxième, troisième et quatrième alinéas est supérieure à la charge supportée, dans les conditions fixées à l'alinéa ci-dessus, par le fonds national de péréquation de la taxe professionnelle, l'Etat compense la différence dans les conditions prévues par la loi de finances.
« C. _ A la fin de la deuxième phrase du dernier alinéa (2°) du I de l'article 1648 B du code général des impôts, sont insérés les mots : "ainsi qu'à l'application des dispositions du B de l'article de la loi n° du relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville".
« D. _ Dans le deuxième alinéa du III de l'article 52 de la loi n° 95 115 du 4 février 1995 précitée après les mots : "sont compensées" sont insérés les mots : ", pour les zones de redynamisation urbaine, par le fonds national de péréquation de la taxe professionnelle, conformément aux dispositions du B de l'article de la loi n° du et, pour les zones de revitalisation rurale,".
« E. _ Les obligations déclaratives des personnes et organismes concernés par les exonérations prévues au présent article sont fixées par décret.
« Art. 4. - A. - Il est inséré, dans le code général des impôts, un article 44 octies ainsi rédigé :
« Art. 44 octies. - I. _ Les contribuables qui exercent ou créent des activités avant le 31 décembre 2001 dans les zones franches urbaines définies au B du 3 de l'article 42 de la loi n° 95 115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire sont exonérés d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices provenant des activités implantées dans la zone jusqu'au terme du cinquante-neuvième mois suivant celui de la délimitation de la zone pour les contribuables qui y exercent déjà leur activité ou dans le cas contraire, celui de leur début d'activité dans l'une de ces zones.
« Le bénéfice de l'exonération est réservé aux contribuables exerçant une activité industrielle, commerciale ou artisanale au sens de l'article 34 et du 5° du I de l'article 35, à l'exception des activités de crédit-bail mobilier et de location d'immeubles à usage d'habitation, ainsi qu'aux contribuables exerçant une activité professionnelle non commerciale au sens du 1° de l'article 92.
« L'exonération ne s'applique pas aux créations d'activités dans les zones franches urbaines consécutives au transfert d'une activité précédemment exercée par un contribuable ayant bénéficié au titre d'une ou plusieurs des cinq années précédant celle du transfert, des dispositions de l'article 44 sexies dans les zones de revitalisation rurale définies à l'article 1465 A ou dans les zones de redynamisation urbaine définies aux I bis et I ter de l'article 1466 A, ou de la prime d'aménagement du territoire.
« II. _ Le bénéfice exonéré au titre d'un exercice ou d'une année d'imposition est celui déclaré selon les modalités prévues aux articles 50-0, 53 A, 96 à 100, 102 ter et 103, ou fixé conformément à l'article 50, ou évalué conformément aux articles 101, 101 bis et 102, diminué des produits bruts ci-après qui restent imposables dans les conditions de droit commun :
« _ produits des actions ou parts de sociétés, résultats de sociétés ou organismes soumis au régime prévu à l'article 8, lorsqu'ils ne proviennent pas d'une activité exercée dans l'une des zones franches urbaines, et résultats de cession des titres de ces sociétés ;
« _ produits correspondant aux subventions, libéralités et abandons de créances ;
« _ produits de créances et d'opérations financières pour le montant qui excède le montant des frais financiers engagés au cours du même exercice ou de la même année d'imposition, si le contribuable n'est pas un établissement de crédit visé à l'article premier de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit ;
« _ produits tirés des droits de la propriété industrielle et commerciale, lorsque ces droits n'ont pas leur origine dans l'activité exercée dans l'une des zones franches urbaines.
« Lorsque le contribuable n'exerce pas l'ensemble de son activité dans une zone franche urbaine, le bénéfice exonéré est déterminé en affectant le montant résultant du calcul ainsi effectué du rapport entre, d'une part, la somme des éléments d'imposition à la taxe professionnelle définis à l'article 1467, à l'exception de la valeur locative des moyens de transport, afférents à l'activité exercée dans les zones franches urbaines et relatifs à la période d'imposition des bénéfices et, d'autre part, la somme des éléments d'imposition à la taxe professionnelle du contribuable définis au même article pour ladite période. Pour la fixation de ce rapport, la valeur locative des immobilisations passibles d'une taxe foncière est celle déterminée conformément à l'article 1467, au 1er janvier de l'année au cours de laquelle est clos l'exercice ou au 1er janvier de l'année d'imposition des bénéfices et, par dérogation aux dispositions du b du 1° de l'article 1467, les salaires afférents à l'activité exercée dans les zones franches urbaines sont pris en compte pour 36 pour cent de leur montant.
« Par exception aux dispositions de l'alinéa précédent, le contribuable exerçant une activité de location d'immeubles n'est exonéré qu'à raison des bénéfices provenant des seuls immeubles situés dans une zone franche urbaine. Cette disposition s'applique quel que soit le lieu d'établissement du bailleur.
« En aucun cas, le bénéfice exonéré ne peut excéder 400 000 F par période de douze mois.
« III. _ Lorsque le contribuable mentionné au I est une société membre d'un groupe fiscal visé à l'article 223 A, le bénéfice exonéré est celui de cette société déterminé dans les conditions prévues au II du présent article et au 4 de l'article 223 I.
« Pour l'ensemble des sociétés d'un même groupe, le montant de l'exonération accordée ne peut excéder le montant visé au huitième alinéa du II du présent article, dans la limite du résultat d'ensemble du groupe.
« Lorsqu'il répond aux conditions requises pour bénéficier des dispositions du régime prévu à l'article 44 sexies et du régime prévu au présent article, le contribuable peut opter pour ce dernier régime dans les six mois qui suivent celui de la délimitation de la zone s'il y exerce déjà son activité ou, dans le cas contraire, dans les six mois suivant celui du début d'activité. L'option est irrévocable. »
« B. _ L'article 223 nonies du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Sont également exonérées de l'imposition forfaitaire annuelle prévue à l'article 223 septies les sociétés dont les résultats sont exonérés d'impôt sur les sociétés par application de l'article 44 octies , lorsqu'elles exercent l'ensemble de leur activité dans des zones franches urbaines. »
« C. _ Les obligations déclaratives des personnes et organismes concernés par les exonérations prévues au présent article sont fixées par décret.
« Art. 4 bis A. _ I. _ Au second alinéa de l'article 722 bis du code général des impôts les mots : « au I bis de l'article 1466 A » sont remplacés par les mots : « au I ter de l'article 1466 A et dans les zones franches urbaines définies au B du 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire. »
« II. _ Pour l'application des articles 39-10, 39 quinquies D, 44 sexies , 239 sexies D et 1469 A quater du code général des impôts, les zones de redynamisation urbaine visées par ces articles sont, à compter du 1er janvier 1997, celles qui sont mentionnées au I ter de l'article 1466 A du même code.
« Art. 4 bis B. _ I. _ Il est inséré, dans le code général des impôts, un article 1383 B ainsi rédigé :
« Art. 1383 B . _ Sauf délibération contraire de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales, à compter du 1er janvier 1997, les immeubles situés dans les zones franches urbaines définies au B du 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire et affectés, au 1er janvier 1997, à une activité entrant dans le champ d'application de la taxe professionnelle, sont exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties pour une durée de cinq ans, sous réserve que les conditions d'exercice de l'activité prévues aux premier et troisième alinéas du I quater de l'article 1466 A soient remplies.
« Pour les immeubles affectés, après le 1er janvier 1997, à une activité entrant dans le champ d'application de la taxe professionnelle, l'exonération prévue à l'alinéa précédent s'applique à compter du 1er janvier de l'année qui suit celle où est intervenue cette affectation sous réserve que la condition d'effectif prévue au premier alinéa du I quater de l'article 1466 A soit remplie.
« L'exonération prévue aux premier et deuxième alinéas cesse de s'appliquer à compter du 1er janvier de l'année suivant celle où les immeubles ne sont plus affectés à une activité entrant dans le champ d'application de la taxe professionnelle.
« En cas de changement d'exploitant, l'exonération s'applique pour une durée de cinq ans à compter du 1er janvier de l'année suivant celle où est intervenu le changement.
« L'exonération porte sur la totalité de la part revenant à chaque collectivité ou groupement de collectivités territoriales et ne peut avoir pour effet de reporter de plus de cinq ans l'application du régime d'imposition de droit commun.
« Lorsque les conditions requises pour bénéficier de l'exonération prévue à l'article 1383 A et celles prévues au présent article sont remplies, le contribuable doit opter pour l'un ou l'autre de ces deux régimes avant le 1er janvier de l'année au titre de laquelle l'exonération prend effet. L'option est irrévocable. »
« II. _ L'article 1383 A du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque les conditions requises pour bénéficier de l'exonération prévue à l'article 1383 B et celles prévues au présent article sont remplies, le contribuable doit opter, pour l'un ou l'autre de ces deux régimes avant le 1er janvier de l'année au titre de laquelle l'exonération prend effet. L'option est irrévocable. »
« III. _ Dans les conditions prévues par la loi de finances, l'Etat compense, chaque année, la perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales ou leurs groupements dotés d'une fiscalité propre, de l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties mentionnée à l'article 1383 B du code général des impôts.
« La compensation est égale au produit obtenu en multipliant la perte de base résultant chaque année et pour chaque collectivité de l'exonération, par le taux de la taxe foncière sur les propriétés bâties appliqué en 1996 dans la collectivité ou le groupement.
« IV. _ Les obligations déclaratives des personnes et organismes concernés par les exonérations prévues au présent article sont fixées par décret.
« Art. 4 bis C. - I. _ Pour l'application, en 1997, de l'article 1469 A quater du code général des impôts dans les zones de redynamisation urbaine définies au A du 3 de l'article 42 de la loi n° 95 115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, les collectivités territoriales et leurs groupements dotés d'une fiscalité propre peuvent prendre leur délibération dans le délai de trente jours à compter de la publication des décrets mentionnés au A du 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 précitée.
« II. _ L'article 1639 A bis du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour l'application, en 1997, des dispositions prévues à l'article 1383 B et aux I ter et I quater de l'article 1466 A du code général des impôts, les collectivités territoriales et leurs groupements dotés d'une fiscalité propre peuvent prendre leur délibération dans un délai de trente jours à compter de la publication des décrets mentionnés au A et au B du 3 de l'article 42 de la loi n° 95 115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire. »
« Art. 5. _ I. _ Après le quatrième alinéa du 3° du I de l'article 156 du code général des impôts, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« L'imputation exclusive sur les revenus fonciers n'est pas applicable aux déficits résultant de dépenses autres que les intérêts d'emprunts effectuées sur des locaux d'habitation par leurs propriétaires en vue du réaménagement d'un ou plusieurs immeubles situés dans une zone franche urbaine telle que définie au B du 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire. Les travaux doivent faire l'objet d'une convention approuvée par le représentant de l'Etat dans le département par laquelle le propriétaire de l'immeuble ou les propriétaires dans le cas d'un immeuble soumis à la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis s'engagent à procéder à la réhabilitation complète des parties communes de l'immeuble bâti. Le ou les propriétaires doivent s'engager à louer les locaux nus à usage de résidence principale du locataire pendant une durée de six ans. La location doit prendre effet dans les douze mois qui suivent la date d'achèvement des travaux. Ce dispositif s'applique dans les mêmes conditions lorsque les locaux d'habitation sont la propriété d'une société non soumise à l'impôt sur les sociétés si les associés conservent les titres pendant six ans.
« En cas de non-respect, par le contribuable, de l'un de ses engagements, le revenu global de l'année au cours de laquelle la rupture intervient est majoré du montant des déficits qui ont fait l'objet d'une imputation au titre des dispositions de l'alinéa précédent. Pour son imposition, la fraction du revenu résultant de cette majoration est divisée par le nombre d'années civiles au titre desquelles un déficit a été imputé sur le revenu global ; le résultat est ajouté au revenu global net de l'année de rupture de l'engagement et l'impôt correspondant est égal au produit de la cotisation supplémentaire ainsi obtenue par le nombre d'années pris en compte pour déterminer le quotient. Cette majoration n'est pas appliquée lorsque le non-respect de l'engagement est dû à l'invalidité correspondant au classement dans la deuxième ou la troisième des catégories prévues à l'article L. 341-4 du code de la sécurité sociale, au licenciement ou au décès du contribuable ou de l'un des époux soumis à imposition commune. »
« I bis. _ Après le b ter du 1° du I de l'article 31 du code général des impôts, il est inséré un b quater ainsi rédigé :
« b quater. _ Dans les zones franches urbaines telles que définies au B du 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, les travaux de démolition rendus nécessaires par le réaménagement d'un ou plusieurs immeubles, dès lors que le représentant de l'Etat dans le département a donné son accord à la convention mentionnée au cinquième alinéa du 3° du I de l'article 156, à l'exclusion des travaux de construction, de reconstruction ou d'agrandissement. Toutefois, constituent des charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net les travaux de reconstitution de toiture ou de murs extérieurs d'immeubles existants prévus par la même convention et rendus nécessaires par ces démolitions. Pour l'application de ces dispositions, les conditions mentionnées au cinquième alinéa du 3° du I de l'article 156 doivent être remplies ; ».
« II. _ Les obligations déclaratives incombant aux contribuables concernés par les dispositions prévues au présent article sont fixées par décret.
« III. _ Les dispositions du présent article s'appliquent aux dépenses payées à compter du 1er janvier 1997.

« Chapitre II

« Dispositions relatives
aux exonérations de cotisations sociales

« Art. 7. _ I. _ Les gains et rémunérations, au sens de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale ou de l'article 1031 du code rural, versés au cours d'un mois civil aux salariés employés dans les zones franches urbaines mentionnées au B du 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 précitée sont, dans les conditions fixées aux II, III et IV, exonérés des cotisations à la charge de l'employeur au titre des assurances sociales, des allocations familiales, des accidents du travail ainsi que du versement de transport et des contributions et cotisations au Fonds national d'aide au logement dans la limite du produit du nombre d'heures rémunérées par le montant du salaire minimum de croissance majoré de 50 %.
« II. _ L'exonération prévue au I est applicable aux gains et rémunérations versés par les entreprises exerçant les activités visées au deuxième alinéa du I de l'article 44 octies du code général des impôts, dont un établissement au moins est situé dans la zone franche urbaine à la date de sa délimitation et qui emploient, à cette date, un effectif total de cinquante salariés au plus, déterminé selon les modalités prévues à l'article L. 421-2 du code du travail, sous réserve de remplir l'une des conditions suivantes :
« 1° Soit leur activité relève des secteurs dont la liste, définie selon la nomenclature des activités françaises, est annexée à la présente loi ;
« 2° Soit, si leur activité relève d'autres secteurs que ceux mentionnés au 1°, la part du chiffre d'affaires afférent aux livraisons intracommunautaires et à l'exportation réalisé au cours de la période du 1er janvier 1994, ou de la date de début d'activité si celle-ci est postérieure, au 31 décembre 1996, n'excède pas 15 pour cent du chiffre d'affaires total hors taxes réalisé pendant la même période.
« Les conditions visées aux deux précédents alinéas ne sont pas opposables aux établissements situés dans les zones franches urbaines des communes des départements d'outre-mer.
« III. _ L'exonération prévue au I est également applicable :
« _ aux gains et rémunérations des salariés embauchés par les entreprises visées au premier alinéa du II qui ne remplissent pas les conditions fixées par les deuxième et troisième alinéas du II, si ces embauches ont pour effet d'accroître l'effectif employé dans la zone franche urbaine à la date de sa délimitation ;
« _ aux gains et rémunérations des salariés des entreprises exerçant les activités visées au deuxième alinéa du I de l'article 44 octies du code général des impôts qui s'implantent ou sont créées dans une zone franche urbaine ou y créent un établissement postérieurement à la date de sa délimitation, si leur effectif total, déterminé selon les modalités prévues à l'article L. 421-2 du code du travail, n'excède pas cinquante salariés à la date de l'implantation ou de la création. »
« L'exonération prévue au I n'est pas applicable aux gains et rémunérations afférents aux emplois transférés par une entreprise dans une zone franche urbaine postérieurement à la date de sa délimitation et pour lesquels l'employeur a bénéficié, au titre d'une ou plusieurs des cinq années précédant celle du transfert, soit de l'exonération prévue à l'article L. 322-13 du code du travail, soit du versement de la prime d'aménagement du territoire.
« IV. _ L'exonération prévue au I est applicable aux gains et rémunérations versés aux salariés au titre desquels l'employeur est soumis à l'obligation édictée par l'article L. 351-4 du code du travail et dont le contrat de travail est à durée indéterminée ou a été conclu pour une durée déterminée d'au moins douze mois, dans une limite de cinquante salariés appréciée au premier jour de chaque mois, les salariés employés à temps partiel étant pris en compte au prorata de la durée du travail prévue à leur contrat.
« V. _ L'exonération prévue au I est applicable pendant une période de cinq ans à compter de la délimitation de la zone franche urbaine dans laquelle sont employés les salariés visés au IV ou de la date de l'implantation ou de la création dans le cas visé au troisième alinéa du III. Toutefois, en cas d'embauche, au cours de cette période, de salariés qui n'étaient pas déjà employés par l'entreprise dans les conditions fixées au IV, l'exonération est applicable, pour ces salariés, pendant une période de cinq ans à compter de la date d'effet du contrat de travail.
« VI. _ Le droit à l'exonération prévue au I est subordonné à la condition que l'employeur soit à jour de ses obligations à l'égard de l'organisme de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales ou ait souscrit un engagement d'apurement progressif de ses dettes.
« Le bénéfice de l'exonération ne peut être cumulé, pour l'emploi d'un même salarié, avec celui d'une aide de l'Etat à l'emploi ou d'une autre exonération totale ou partielle de cotisations patronales de sécurité sociale ou l'application de taux spécifiques, d'assiettes ou montants forfaitaires de cotisations.
« VII. _ Les établissements situés dans les départements d'outre-mer qui bénéficient des exonérations de cotisations sociales prévues par les articles 3, 4 et 5 de la loi n° 94-638 du 25 juillet 1994 tendant à favoriser l'emploi, l'insertion et les activités économiques dans les départements d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte, et qui remplissent les conditions fixées par le présent article peuvent opter, dans un délai de trois mois à compter de la délimitation des zones franches urbaines, soit pour le maintien de leur régime d'exonérations, soit pour le bénéfice des dispositions prévues au présent chapitre, sans préjudice du bénéfice des dispositions prévues au chapitre premier du présent titre.
« Art. 7 bis. _ Supprimé.

« Art. 13. _ Lorsque l'employeur a déjà procédé, depuis la délimitation de la zone franche urbaine, à l'embauche de deux salariés ouvrant droit à l'exonération prévue à l'article 7, le maintien du bénéfice de l'exonération est subordonné, lors de toute nouvelle embauche, à la condition qu'à la date d'effet de cette embauche :
« _ le nombre de salariés embauchés depuis la délimitation de la zone franche urbaine, employés dans les conditions fixées au IV de l'article 7 et résidant dans cette zone, soit égal à au moins un cinquième du total des salariés embauchés dans les mêmes conditions, au cours de la même période ;
« _ ou le nombre de salariés remplissant les conditions fixées au IV de l'article 7 et résidant dans la zone franche urbaine, soit égal à un cinquième du total des salariés employés dans les mêmes conditions.
« Les dispositions du présent article s'appliquent pendant une période de cinq ans à compter soit de la délimitation de la zone franche urbaine pour les entreprises visées au II et au deuxième alinéa du III de l'article 7, soit de l'implantation ou de la création pour les entreprises visées au troisième alinéa.
« En cas de non-respect de la proportion mentionnée aux deuxième et troisième alinéas constaté à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date d'effet de l'embauche, l'exonération n'est pas applicable aux gains et rémunérations versés jusqu'à la date d'effet des embauches nécessaires au respect de cette proportion.
« Le maire peut fournir à l'employeur, à sa demande, des éléments d'information relatifs à la qualité de résident dans la zone nécessaires à la détermination de la proportion mentionnée aux deuxième et troisième alinéas.
« Art. 13 bis. _ I. _ Les personnes exerçant une activité non salariée non agricole mentionnée aux a et b du 1° de l'article L. 615-1 du code de la sécurité sociale et qui sont installées dans une zone franche urbaine définie au B du 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 précitée sont exonérées, dans la limite d'un plafond de revenu fixé par décret, et sans préjudice de leurs droits aux prestations, du versement de leurs cotisations sociales au titre de l'assurance maladie et maternité pendant une durée d'au plus cinq ans à compter de la délimitation de la zone franche urbaine ou à compter du début de la première activité non salariée dans la zone franche urbaine s'il intervient dans les cinq années suivant cette délimitation.
« II. _ Le droit à l'exonération prévue au I est subordonné à la condition que les intéressés soient à jour de leurs obligations à l'égard des organismes de recouvrement des cotisations d'assurance maladie ou aient souscrit un engagement d'apurement progressif de leurs dettes.

« Art. 18. _ I. _ Il est inséré, après le chapitre II bis du titre II du livre III du code du travail, un chapitre II ter ainsi rédigé :

« Chapitre II ter


« Dispositions relatives aux embauches dans les zones de redynamisation urbaine et dans les zones de revitalisation rurale
« Art. L. 322-13 . _ I. _ Les gains et rémunérations, au sens de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale ou de l'article 1031 du code rural, versés au cours d'un mois civil aux salariés embauchés dans les zones de redynamisation urbaine définies au A du 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire et dans les zones de revitalisation rurale définies à l'article 1465 A du code général des impôts sont, dans les conditions fixées aux II et III, exonérés des cotisations à la charge de l'employeur au titre des assurances sociales, des allocations familiales et des accidents du travail dans la limite du produit du nombre d'heures rémunérées par le montant du salaire minimum de croissance majoré de 50 pour cent.
« II. _ Ouvrent droit à l'exonération prévue au I, lorsqu'elles n'ont pas pour effet de porter l'effectif total de l'entreprise à plus de cinquante salariés, les embauches réalisées par les entreprises et les groupements d'employeurs exerçant une activité artisanale, industrielle, commerciale, au sens de l'article 34 du code général des impôts, une activité agricole, au sens de l'article 63 du même code, ou non commerciale, au sens du 1 de l'article 92 du même code, à l'exclusion des organismes mentionnés à l'article premier de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications et des employeurs relevant des dispositions du titre premier du livre VII du code de la sécurité sociale.
« Pour bénéficier de cette exonération, l'employeur ne doit pas avoir procédé à un licenciement dans les douze mois précédant la ou les embauches.
« III. _ L'exonération prévue au I est applicable pour une durée de douze mois à compter de la date d'effet du contrat de travail aux gains et rémunérations versés aux salariés au titre desquels l'employeur est soumis à l'obligation édictée par l'article L. 351-4 et dont le contrat de travail est à durée indéterminée ou a été conclu en application du 2° de l'article L. 122-1-1 pour une durée d'au moins douze mois.
« IV. _ L'employeur qui remplit les conditions fixées ci-dessus en fait la déclaration par écrit à la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle dans les trente jours à compter de la date d'effet du contrat de travail.
« Le bénéfice de l'exonération ne peut être cumulé, pour l'emploi d'un même salarié, avec celui d'une aide de l'Etat à l'emploi ou d'une autre exonération totale ou partielle de cotisations patronales de sécurité sociale ou l'application de taux spécifiques, d'assiettes ou montants forfaitaires de cotisations. »
« II. _ Les dispositions du I s'appliquent aux embauches prenant effet à compter du 1er janvier 1997. »

« TITRE III

« DISPOSITIONS RELATIVES
À L'AMÉNAGEMENT URBAIN ET À L'HABITAT

« Chapitre Ier

« Dispositions relatives à l'aménagement urbain.


« Art. 20 bis . _ I. _ Après le deuxième alinéa de l'article L. 300-4 du code de l'urbanisme, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la concession porte sur une opération de restructuration urbaine, l'organisme concessionnaire se voit confier la réalisation de toutes opérations ou actions ou de tous aménagements ou équipements de nature à favoriser une politique de développement social urbain telle que définie à l'article 1er de la loi n° du relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville. Dans ce cas, la concession peut inclure des actions d'insertion professionnelle et sociale en faveur des habitants des grands ensembles ou quartiers d'habitat dégradé mentionnés au 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire. »
« II. _ Le troisième alinéa de l'article L. 422-2 du code de la construction et de l'habitation est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Lorsqu'elles se voient confier par convention la réalisation d'une opération de restructuration urbaine, celle-ci comprend toutes opérations ou actions ou tous aménagements ou équipements de nature à favoriser une politique de développement social urbain telle que définie à l'article premier de la loi n° du relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville : dans ce cas, la convention peut inclure des actions d'insertion professionnelle et sociale en faveur des habitants des grands ensembles ou des quartiers d'habitat dégradé mentionnés au 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire. »

« Art. 26. - I. - Le e de l'article 4 de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'ouvrage privée est complété par les mots : « ainsi que les associations foncières urbaines autorisées ou constituées d'office en application des articles L. 322-1 et suivants du code de l'urbanisme.
« II. - Le même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« h) Les sociétés concluant le contrat prévu à l'article L. 222-1 du code de la construction et de l'habitation, pour la réalisation d'opérations de restructuration urbaine des grands ensembles et quartiers d'habitat dégradé mentionnés au I de l'article 1466 A du code général des impôts. »
« Art. 26 bis. - Supprimé.

CHAPITRE II

Dispositions relatives à l'aménagement
et à la restructuration
des espaces commerciaux et artisanaux

« Art. 27. - Le titre II du livre III du code de l'urbanisme est complété par un chapitre V ainsi rédigé :

CHAPITRE V

Établissement public d'aménagement
et de restructuration des espaces commerciaux
et artisanaux

« Art. L. 325-1 . _ Il est créé un établissement public national pour l'aménagement et la restructuration des espaces commerciaux et artisanaux.
« Cet établissement à caractère industriel et commercial est doté de la personnalité morale et de l'autonomie financière.
« Il a pour objet de favoriser l'aménagement et la restructuration des espaces commerciaux et artisanaux dans les zones urbaines sensibles, mentionnées au 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire. A cette fin, il assure, après accord des conseils municipaux des communes ou des organes délibérants des établissements publics de coopération communale ou des syndicats mixtes visés à l'article L. 5711-1 du code général des collectivités territoriales concernés, la maîtrise d'ouvrage d'actions et d'opérations tendant à la création, l'extension, la transformation ou la reconversion de surfaces commerciales et artisanales situées dans ces zones. Il peut passer convention avec les communes, établissements publics ou syndicats mixtes concernés.
« L'établissement public peut recevoir des dotations financières prélevées sur l'excédent du produit de la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat, prévue au 2° de l'article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et d'artisans âgés. Le prélèvement effectué sur l'excédent constaté au 31 décembre 1995 est fixé à 130 millions de francs. Les prélèvements effectués sur les excédents ultérieurs seront fixés par décret sur la base du montant du prélèvement initial.
« Art. L. 325-2 . - L'établissement public peut accomplir tous actes de disposition et d'administration nécessaires à la réalisation de son objet et notamment :
« a) Acquérir les fonds commerciaux ou artisanaux ainsi que, le cas échéant, par voie d'expropriation, les immeubles ou droits réels immobiliers nécessaires aux opérations correspondant à son objet ;
« b) Céder les immeubles ou les fonds acquis ;
« c) Confier la gestion des fonds commerciaux ou artisanaux acquis à un ou plusieurs locataires gérants.
« Art. L. 325-3 . - L'établissement public est administré par un conseil d'administration composé en nombre égal de représentants de l'Etat, d'une part, d'un membre du Sénat, d'un membre de l'Assemblée nationale, de représentants des collectivités territoriales, des professions commerciales et artisanales et du secteur associatif, de personnalités qualifiées, d'autre part.
« Art. L. 325-4 . - Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités d'organisation et de fonctionnement de l'établissement public ainsi que la composition de son conseil d'administration. »
« Art. 28. - L'article L. 21-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique est complété par un 8° ainsi rédigé :
« 8° Les immeubles expropriés par l'établissement public créé par l'article L. 325-1 du code de l'urbanisme en vue de la création, l'extension, la transformation ou la reconversion des espaces commerciaux et artisanaux dans les zones urbaines sensibles définies au 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire.

« Art. 30. - Par dérogation à l'article 29 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 d'orientation du commerce et de l'artisanat, les projets visés audit article dont l'établissement public national pour l'aménagement et la restructuration des espaces commerciaux et artisanaux assure la maîtrise d'ouvrage sont, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, soumis pour autorisation à la Commission nationale d'équipement commercial après consultation de la commission départementale d'équipement commercial, qui rend son avis dans un délai d'un mois à compter de sa saisine. Passé ce délai, l'avis est réputé rendu.
« Il en est de même lorsque la maîtrise d'ouvrage est assurée par un établissement public d'aménagement par délégation de l'établissement public national pour l'aménagement et la restructuration des espaces commerciaux et artisanaux. »

CHAPITRE III

Dispositions relatives à l'habitat, aux copropriétés
et ensembles d'habitat privé en difficulté

« Art. 31 A. - Au deuxième alinéa de l'article L. 302-1 du code de la construction et de l'habitation, les mots : "et à assurer" sont remplacés par les mots : "et à favoriser la mixité sociale en assurant".
« Art. 31. - Le chapitre II du titre préliminaire du livre III du code de la construction et de l'habitation est complété par une section 3 ainsi rédigée :

« Section 3

« Dispositions particulières aux communes comprenant une ou plusieurs zones urbaines sensibles

« Art. L. 302-10 . - Toute commune comprenant sur son territoire tout ou partie d'une zone urbaine sensible définie au 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire doit être dotée d'un programme local de l'habitat dans un délai de deux ans.
« Ce délai court, soit à compter du 1er janvier 1997, si la zone urbaine sensible est inscrite à cette date sur la liste prévue au 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 précitée, soit à compter de la date de l'inscription de la zone urbaine sensible sur cette liste lorsque celle-ci est postérieure.
« Le délai de deux ans prévu au premier alinéa est porté à trois ans lorsque l'établissement du programme local de l'habitat relève d'un établissement public de coopération intercommunale en application de l'article L. 302-1.
« Lorsque au terme des délais ci-dessus mentionnés, aucun programme local de l'habitat n'a été adopté, le préfet se substitue à la commune concernée ou à l'établissement public de coopération intercommunale. Les dépenses afférentes à son élaboration sont obligatoires pour la commune au sens de l'article L. 2321-1 du code général des collectivités territoriales. »
« Art. 32. - La section 1 du chapitre Ier du titre IV du livre IV du code de la construction et de l'habitation est complétée par un article L. 441-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 441-2-1 . _ Toute commune comprenant sur son territoire une ou plusieurs zones urbaines sensibles définies au 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire doit créer une conférence communale du logement. Lorsque la zone urbaine sensible est située sur le territoire de plusieurs communes, celles-ci doivent créer une conférence intercommunale du logement.
« La conférence du logement doit être créée dans le délai d'un an commençant à courir, soit à compter du 1er janvier 1997, si la zone urbaine sensible est inscrite à cette date sur la liste prévue au 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 précitée, soit à compter de la date de l'inscription de la zone urbaine sensible sur cette liste lorsque celle-ci est postérieure. Lorsque la conférence du logement n'a pas été créée dans ce délai par le ou les maires concernés, le représentant de l'Etat dans le département prend l'initiative de la créer.
« La conférence du logement rassemble, outre le maire de la ou des communes concernées, le représentant de l'Etat, les bailleurs sociaux possédant ou gérant des logements dans la ou les communes, les représentants des associations agréées dont l'un des objets est l'insertion ou le logement des personnes défavorisées et, lorsqu'ils sont titulaires de droits de réservation dans la ou les communes, les organismes collecteurs de la participation des entreprises à l'effort de construction et le conseil général représenté par un de ses membres.
« Elle est présidée par le maire ou le représentant des maires des communes intéressées désigné par ceux-ci.
« La conférence élabore la charte communale ou intercommunale des attributions de logements et veille à son application. La charte fixe notamment les objectifs généraux d'attribution, le cas échéant quantifiés, visant à l'amélioration de l'équilibre résidentiel au sein des communes concernées et, en premier lieu, dans la zone urbaine sensible. Les dispositions de la charte doivent être compatibles avec celles du règlement départemental prévu à l'article L. 441-2.
« La charte doit être élaborée dans le délai de deux ans commençant à courir, soit à compter du 1er janvier 1997 si la zone urbaine sensible visée au premier alinéa est inscrite à cette date sur la liste prévue au 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 précitée, soit à compter de l'inscription de la zone urbaine sensible sur cette liste dans le cas contraire.
« Lorsque au terme du délai mentionné à l'alinéa précédent, aucune charte n'a été élaborée, le représentant de l'Etat dans le département assure, nonobstant les dispositions du troisième alinéa du présent article, la présidence de la conférence du logement jusqu'à la publication de la charte.
« Les bailleurs sociaux informent, deux fois par an, la conférence du logement des caractéristiques des attributions de logements effectuées au cours du semestre écoulé, des demandes en attente, des logements vacants, du niveau et de l'évolution des loyers, dans les zones urbaines sensibles concernées et dans chaque commune de la conférence. Ils rendent compte dans le même temps de la politique d'entretien, de réhabilitation et d'aménagement de leur patrimoine. Le président du conseil général et le préfet informent deux fois par an la conférence du logement des garanties et aides accordées par le fonds de solidarité pour le logement dans les zones urbaines sensibles concernées et dans chaque commune de la conférence. »
« Art. 33. - Le titre Ier du livre VI du code de la construction et de l'habitation est complété par un chapitre V ainsi rédigé :

« Chapitre V

« Mesures de sauvegarde.

« Art. L. 615-1 . _ Le représentant de l'Etat dans le département peut confier à une commission qu'il constitue à cet effet le soin de proposer un plan de sauvegarde visant à restaurer le cadre de vie des occupants d'un groupe d'immeubles bâtis ou d'un ensemble immobilier déterminé, à usage d'habitation ou à usage mixte professionnel, commercial et d'habitation, situé dans les zones urbaines sensibles définies au 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire ou dans le périmètre d'une opération programmée d'amélioration de l'habitat défini à l'article L. 303-1, limitée à un groupe d'immeubles bâtis en société d'attribution ou en société coopérative de construction donnant vocation à l'attribution d'un lot ou soumis au régime de la copropriété.
« Le projet de plan est soumis à l'avis du maire de la commune et à l'approbation du représentant de l'Etat dans le département.
« Les dispositions de l'alinéa précédent ne s'appliquent pas aux immeubles appartenant en totalité aux organismes d'habitations à loyer modéré mentionnés à l'article L. 411-2.
« Art. L. 615-2 . _ Le plan de sauvegarde fixe les mesures nécessaires pour, dans un délai de deux ans, sur la base des engagements souscrits par les collectivités publiques, les organismes publics ou les personnes privées concernés :
« _ clarifier et simplifier les règles de structure et d'administration du groupe d'immeubles bâtis ou de l'ensemble immobilier ;
« _ clarifier et adapter le statut de biens et équipements collectifs à usage public ;
« _ réaliser des travaux de conservation de l'immeuble ou tendant à la réduction des charges de fonctionnement ;
« _ assurer l'information et la formation des occupants de l'immeuble pour restaurer les relations sociales ;
« _ organiser la mise en place de mesures d'accompagnement.
« Il précise l'échéancier de ces mesures ainsi que les conditions de leur financement.
« Art. L. 615-3 . _ La commission mentionnée à l'article L. 615-1 est présidée par le représentant de l'Etat dans le département et comprend notamment le président du conseil général et le maire de la commune dans laquelle sont situés des immeubles ou ensembles immobiliers concernés par le plan de sauvegarde, ou leurs représentants.
« Art. L. 615-4 . _ Il est procédé à la suppression des aides correspondant aux mesures mentionnées à l'article L. 615-2 et au recouvrement, comme en matière de contributions directes, des aides financières accordées aux personnes qui, après mise en demeure, n'ont pas respecté les engagements qui leur incombent, dans le délai prévu au plan de sauvegarde.
« Art. L. 615-4-1 . _ Pour l'application des dispositions du présent chapitre, les occupants sont les propriétaires occupants, les locataires, les occupants de bonne foi maintenus dans les lieux et les preneurs de baux professionnels ou commerciaux.
« Les propriétaires occupants sont les personnes copropriétaires, les associés de sociétés d'attribution ou de sociétés coopératives de construction donnant vocation à l'attribution d'un lot, qui occupent l'immeuble dont elles ont la propriété ou la jouissance.
« Art. L. 615-5 . _ Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités d'application des articles L. 615-1 à L. 615-4-1. »
« Art. 33 bis. _ Il est inséré, après l'article L. 631-9 du code de la construction et de l'habitation, un article L. 631-10 ainsi rédigé :
« Art. L. 631-10 . _ Les dispositions de l'article L. 631-7 ne sont pas applicables dans les zones franches urbaines définies au B du 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire. »
« Art. 34. _ I. _ Dans le chapitre premier de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, il est inséré un article 16-2 ainsi rédigé :
« Art. 16-2 . - L'expropriation pour cause d'utilité publique d'un immeuble bâti, d'un groupe d'immeubles bâtis ou d'un ensemble immobilier soumis à la présente loi est poursuivie et prononcée lot par lot à l'encontre des copropriétaires et titulaires de droits réels immobiliers concernés, ainsi que, lorsqu'elle porte également sur des parties communes en indivision avec d'autres copropriétaires, à l'encontre du syndicat.
« Lorsque l'expropriation porte uniquement sur des parties communes à l'ensemble des copropriétaires, elle est valablement poursuivie et prononcée à l'encontre du syndicat représentant les copropriétaires et titulaires de droits réels immobiliers.
« Lorsque l'expropriation est poursuivie et prononcée à l'encontre du syndicat, les dispositions de l'article 16-1 sont applicables pour la répartition des indemnités compensatrices. »
« I bis. - Il est inséré dans la section 1 du chapitre Ier du titre Ier du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique un article L. 11-5-1 ainsi rédigé:
« Art. L. 11-5-1 . - Lorsque les immeubles expropriés sont soumis à la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, la déclaration d'utilité publique peut prévoir que les emprises expropriées seront retirées de la propriété initiale. »
« I ter. - L'article L. 11-8 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la déclaration d'utilité publique prévoit, conformément à l'article L. 11-5-1, le retrait des emprises expropriées de la propriété initiale, l'arrêté de cessibilité précise l'emplacement de la ligne divisoire. »
« II. - Il est inséré, dans la section 1 du chapitre II du titre premier du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, un article L. 12-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 12-2-1 . - Lorsque la déclaration d'utilité publique a prévu le retrait de la propriété initiale des emprises expropriées, conformément à l'article L. 11-5-1, le juge de l'expropriation constate, dans l'ordonnance portant transfert de propriété, l'existence de cette décision de retrait. »
« III. - Il est inséré, dans la section 2 du chapitre III du titre Ier du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, un article L. 13-7-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 13-7-1 . - Lorsqu'il est fait application des dispositions de l'article L. 11-5-1 et du deuxième alinéa de l'article L. 11-8, le juge de l'expropriation fixe, dans son jugement, à la demande de tout intéressé, outre les indemnités principales et accessoires, les indemnités relatives aux conséquences préjudiciables du retrait. »
« Art. 35. - Il est inséré, après le premier alinéa de l'article 6 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement, cinq alinéas ainsi rédigés :
« Le plan départemental prévoit en particulier les conditions générales dans lesquelles une garantie de paiement des loyers peut être accordée aux personnes ou familles résidant dans une zone urbaine sensible définie au 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire.
« Le fonds de solidarité peut également accorder des aides à des personnes propriétaires occupants au sens du dernier alinéa de l'article L. 615-4-1 du code de la construction et de l'habitation, qui remplissent les conditions de l'article premier de la présente loi et se trouvent dans l'impossibilité d'assumer leurs obligations relatives au paiement de leurs charges collectives ou au remboursement d'emprunts contractés pour l'acquisition du logement dont ils ont la propriété ou la jouissance, si celui-ci est situé dans le périmètre :
« - soit d'une zone urbaine sensible mentionnée au 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire ;
« _ soit d'une opération programmée d'amélioration de l'habitat définie à l'article L. 303-1 du code de la construction et de l'habitation, limitée à un groupe d'immeubles bâtis en société d'attribution ou en société coopérative de construction donnant vocation à l'attribution d'un lot ou soumis au régime de la copropriété.
« Que l'aide ait été accordée sous forme de cautions, prêts, garanties ou subventions, son remboursement est immédiatement exigible, comme en matière de contributions directes, en cas de mutation de lot de copropriété ou de cession de parts ou d'actions de sociétés intervenant dans les dix ans suivant l'obtention de l'aide. »

« TITRE IV

« DISPOSITIONS
RELATIVES À LA VIE ASSOCIATIVE

« Art. 37. _ Les deux derniers alinéas de l'article L. 2143-2 du code général des collectivités territoriales sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :
« Chaque année, il en fixe la composition sur proposition du maire.
« Chaque comité est présidé par un membre du conseil municipal, désigné par le maire.
« Les comités peuvent être consultés par le maire sur toute question ou projet intéressant les services publics et équipements de proximité et entrant dans le domaine d'activité des associations membres du comité. Ils peuvent par ailleurs transmettre au maire toute proposition concernant tout problème d'intérêt communal pour lequel ils ont été institués. »
« Art. 38. _ Il peut être institué par convention entre l'Etat, une ou plusieurs communes ou groupements de communes et, le cas échéant, le département et la région, des fonds locaux associatifs destinés à assurer, pour le compte et sous le contrôle des différentes parties à la convention qui en assurent le financement, le paiement des subventions aux associations qui contribuent à la mise en oeuvre des actions ou opérations relevant de la politique de la ville et du développement social urbain, notamment dans le cadre des contrats de ville conclus en application des contrats de plan liant l'Etat et les régions.
« Les fonds locaux associatifs sont institués dans le même ressort géographique que les actions ou opérations mentionnées à l'alinéa précédent.
« Un décret en Conseil d'Etat définit les modalités d'application du présent article. »

« TITRE V

« DISPOSITIONS DIVERSES


« Art. 40. _ Au premier alinéa de l'article L. 127-8 du code du travail, les mots : "au titre des projets industriels" sont supprimés et après les mots : "contrats de plan" sont insérés les mots : "ou à l'intérieur d'une zone urbaine sensible mentionnée au premier alinéa du 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire". »
« Art. 41. _ Supprimé. »

« Art. 43. _ Dans le premier alinéa de l'article L. 301-3-1 du code de la construction et de l'habitation, les mots : "au 2° du III de l'article L. 234-12 du code des communes, représente plus de 40 % des résidences principales" sont remplacés par les mots : "à l'article L. 2334-17 du code général des collectivités territoriales, représente plus de 35 % des résidences principales." »
« Art. 44. _ A compter de l'entrée en vigueur de la présente loi, le Gouvernement déposera chaque année sur le bureau de chacune des assemblées, un rapport sur son application et notamment sur les effets de la création des zones franches urbaines. »

ANNEXE

I. - Liste des communes où sont instituées des zones franches urbaines et des quartiers ayant justifié cette création
a) Métropole :
Amiens : Quartier Nord ;
Belfort : Les Résidences ;
Bondy : Quartier Nord ;
Bourges : Bourges Nord : Chancellerie, Gibjoncs, Turly, Barbottes ;
Calais : Beau Marais ;
Cenon/Floirac/Lormont/Bordeaux : Hauts de Garonne, Bastide ;
Champigny-sur-Marne/Chennevières-sur-Marne : Le Bois l'Abbé, Les Mordacs ;
Charleville-Mézières : Ronde Couture ;
Chenôve : Le Mail ;
Clichy-sous-Bois/Montfermeil : grands ensembles du haut et du bas Clichy et de Montfermeil ;
Creil/Montataire : plateau Rouher ;
Dreux/Saint-Gemme-Moronval : Plateau Est : Chamards, Croix Tiénac, Lièvre d'or, Le Moulec, Haricot, Feilleuses ;
Garges-lès-Gonesse/Sarcelles : Dame Blanche Nord et Ouest, La Muette, Lochères ;
Grigny/Viry-Châtillon : La Grande Borne ;
La Seyne-sur-Mer : ZUP de Berthe ;
Le Havre : Mont Gaillard, La Forêt (Bois de Bléville), Mare Rouge ;
Le Mans : Les Sablons ;
Les Mureaux : Cinq Quartiers (ZAC du Roplat) ;
Lille/Loos-lès-Lille : Lille Sud, Faubourg de Béthune, Moulins ;
Mantes-la-Jolie : Le Val Fourré ;
Marseille : Nord Littoral (Plan d'Aou, La Bricarde ; La Castellane), Le Vallon, Mourepiane ;
Meaux : Beauval, La Pierre Collinet ;
Metz : Borny (Hauts de Blémont) ;
Montereau-Fault-Yonne : ZUP de Surville ;
Montpellier : La Paillade ;
Mulhouse : Les Coteaux ;
Nice/Saint-André : L'Ariane ;
Nîmes : ZUP Pissevin, Valdegour ;
Octeville/Cherbourg : Les Provinces ;
Perpignan : Le Vernet ;
Reims : Croix Rouge ;
Roubaix/Tourcoing : La Bourgogne, Alma, Cul-de-Four, Fosse aux Chênes, Epidème, Roubaix centre, Epeule, Sainte-Elisabeth ;
Saint-Dizier : Le Vert Bois, Le Grand Lachat ;
Saint-Etienne : Montreynaud ;
Saint-Quentin : Le Vermandois ;
Strasbourg : Neuhof (cités) ;
Valence : Valence-le-Haut (Fontbarlette, Le Plan) ;
Vaulx-en-Velin : ex-ZUP, Grappinière, Petit Pont.
b) Départements d'outre-mer :
Pointe-à-Pitre/Les Abymes : Boissard, Mortenol, les Lauriers, sortie Sud-Est ;
Basse-Terre : Rivière des Pères, centre ville ;
Saint-Laurent-du-Maroni : Charbonnière, centre bourg ;
Fort-de-France : Dillon ;
Saint-Denis : Chaudron, Moufia, CERF ;
Cayenne : village chinois, Quartiers Sud.
I bis. - Secteurs d'activités visés aux articles 3 et 7 (références aux codes de la nomenclature des activités françaises)

45. - Construction ;
50. - Commerce et réparation automobile ;
52. - Commerce de détail et réparation d'articles domestiques ;
55. - Hôtels et restaurants ;
602 E. - Transports de voyageurs par taxis ;
85. - Santé et action sociale ;
90. - Assainissement, voirie et gestion des déchets ;
91. - Activités associatives ;
92. - Activités récréatives, culturelles et sportives ;
93. - Services personnels.
II. - Suppression maintenue.
Quelqu'un demande-t-il la parole sur l'un de ces articles ?...

Article 2
(et dispositions annexées)

M. le président. Par amendement n° 1, le Gouvernement propose dans la première phrase du troisième alinéa de l'article 2, remplacer les mots : « de leur potentiel de développement économique » par les mots : « de leurs caractéristiques économiques et commerciales ».
La parole est à M. le ministre.
M. Eric Raoult, ministre délégué. Il y a quelques jours, à l'Assemblée nationale, j'expliquais le sens de cet amendement en précisant que le potentiel est un concept virtuel, alors que les caractéristiques constituent une donnée plus actuelle.
Je crois en effet que si la commission mixte paritaire souhaite tenir compte de la capacité de revitalisation économique, il est plutôt souhaitable qu'elle utilise l'expression de « caractéristiques économiques et commerciales », qui correspond mieux à la donnée de bas d'immeuble ou de revitalisation plutôt que celle de « potentiel de développement économique », qui, pour être plus précise, ne fait cependant pas référence à une donnée statistique connue.
Le Gouvernement propose donc ici un amendement de précision et de clarification.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Larcher, rapporteur de la commission spéciale. Ce texte traduit bien les préoccupations de la commission mixte paritaire, et la commission ne peut donc qu'émettre un avis favorable.
Je voudrais maintenant présenter un souhait : que chaque maire ne reste pas seul pour affronter la promotion et la mise en place des zones franches.
Monsieur le ministre, je souhaiterais donc que vos services puissent réellement « porter » ces zones franches urbaines pendant un temps, contribuer à leur promotion et aider nos collègues à les mettre en place.
Les élus se sont déjà organisés. Mais, j'y insiste, au nom de la commission spéciale, après la loi, après le règlement, il y aura la dimension de promotion, de mise en place.
Je sais que vous partagez nos préoccupations. Je sais aussi que, au Sénat, malgré nos diversités d'approche, nous voulons tous que, grâce aux zones franches urbaines, grâce aux emplois de ville, la politique de relance pour la ville soit un succès.
M. Fischer, qui sera rapporteur pour avis, dans quelques semaines, lors de la discussion budgétaire, publiera d'ailleurs un rapport qui, je n'en doute pas, sera assez comparable à celui du rapporteur au fond de la commission des finances.
Je relève toutefois, pour reprendre ce que disait notre collègue M. Hamel, que, selon le « jaune budgétaire », il est prévu d'augmenter de 29,7 % les moyens affectés à la politique de la ville. Nombre de ministres en rêveraient !
C'est dire que, dans le cadre du nécessaire réalisme budgétaire, que nous soutenons et approuvons, une priorité a été accordée à l'ensemble de la politique de la ville par le Gouvernement. Il nous faut le reconnaître, le dire et lui apporter notre soutien.
Sur ce sujet, j'eusse préféré que, quels que soient les clivages, nous ne nous opposions pas sur des chiffres qui ne reflètent pas la réalité. Je peux comprendre l'avis des uns et des autres. Je le respecte profondément. Mais la vérité, c'est près de 30 % d'augmentation.
Voilà ce que je souhaitais indiquer à ce moment du débat. J'aurais l'occasion, lors de la discussion budgétaire, de le rappeler au banc de la commission. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)

Vote sur l'ensemble

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Diligent pour explication de vote.
M. André Diligent. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mes premiers mots seront pour joindre mes félicitations à celles qui ont déjà été adressées à M. le rapporteur et à M. le président de la commission. Mes félicitations iront également au Gouvernement, ainsi qu'à mes collègues, de l'opposition comme de la majorité.
En effet, on pouvait craindre beaucoup de ce débat mais, finalement, un consensus a émergé. Je n'ai entendu ni injures ni imprécations, ces dernières n'étant pas il est vrai, le genre de la maison ! (Sourires.)
Les propos tenus par l'opposition démontrent qu'il existe une bonne volonté réciproque. Même si nous ne sommes pas toujours d'accord sur tout, nous sommes d'accord sur l'essentiel, à savoir sur la nécessité d'agir et d'aller plus loin.
Pour toutes ces raisons, et parce que j'ai obtenu satisfaction sur deux points, je voterai ce texte.
Le premier point concerne le problème des quartiers.
Comme je l'ai expliqué, les quartiers sont souvent mal déterminés. Une certaine confusion règne dans la mesure où ce qui figure sur les cartes, telles qu'elles ont été longuement négociées, ne correspond pas tout à fait à la réalité des quartiers. Ainsi, sont dessinées sur la carte des parties de quartier qui n'ont pas de nom.
Finalement, il a été décidé que tout ce qui figurait sur la carte y resterait et que, notamment, serait pris en compte le dernier quartier de la banlieue lilloise - on me rendra hommage de défendre la banlieue de Lille - de façon que ne surgisse pas de difficulté in extremis .
Le second point a trait à l'article 26 bis, d'origine sénatoriale.
Je rappelle que le dépôt de l'amendement tendant à l'insertion de cet article avait soulevé un certain nombre d'objections et que nous avions fait l'objet de pressions pour le retirer. On avait avancé que son application entraînerait un coût considérable pour le budget et que des difficultés surgiraient, notamment dans l'établissement des comptes administratifs. Enfin, on nous avait opposé qu'en cette période budgétaire un tel amendement pourrait faire figure de précédent et entraîner le dépôt d'autres amendements de même nature.
Vous le savez, je n'entends pas créer de difficultés supplémentaires au Gouvernement. C'est la raison pour laquelle je me suis rallié à l'idée de M. le président de la commission et de M. le rapporteur de renvoyer le traitement de ce problème au prochain débat sur l'exclusion.
En tout cas, je les remercie tout deux d'avoir bien voulu en parler, car c'est évidemment extrêmement important pour nous. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. La parole est à Mme Olin.
Mme Nelly Olin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous allons adopter, à titre définitif, le texte proposé par la commission mixte paritaire pour le projet de loi relatif à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville, qui sera appliqué dès l'année prochaine, respectant ainsi les engagements du Gouvernement.
II tend à redonner espoir aux quartiers en difficulté et vient encourager les efforts déjà entrepris et les initiatives à venir.
Je me félicite de la qualité des travaux du Sénat ainsi que de ceux de la commission spéciale. Je voudrais tout particulièrement remercier son président M. Fourcade et notre excellent rapporteur, M. Gérard Larcher, dont les analyses et les propositions ont permis d'améliorer le texte initial.
Les débats ont donc permis d'élaborer un texte cohérent et opérationnel.
Je constate avec plaisir que les propositions adoptées par le Sénat en première lecture ont été largement reprises dans le texte élaboré en commission mixte paritaire et que les différents apports de notre Haute Assemblée constituent une partie significative du texte définitif.
Pour toutes ces raisons, le groupe du RPR votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Conformément à l'article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l'ensemble du projet de loi, dans la rédaction résultant du texte proposé par la commission mixte paritaire, modifiée par l'amendement n° 1 du Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe du RPR.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 23:

Nombre de votants 244
Nombre de suffrages exprimés 238
Majorité absolue des suffrages 120
Pour l'adoption 223
Contre 15

M. Emmanuel Hamel. Il a bien fait !

6

AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Suite du débat sur une déclaration
du Gouvernement

M. le président. Nous reprenons le débat consécutif à la déclaration du Gouvernement sur les affaires étrangères.
Dans la suite du débat, la parole est à M. Collin.
M. Yvon Collin. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, en complément des interventions de mes collègues du groupe du Rassemblement démocratique, social et européen et compte tenu du temps de parole qui m'est imparti, je limiterai mon propos à deux aspects.
Dans une premier temps, je formulerai quelques remarques sur les orientations budgétaires pour 1997. Ensuite, je livrerai mon sentiment sur la nature de notre coopération et plus spécialement sur celle qui nous lie au continent africain.
Poursuivant sa logique de réduction des déficits publics, le Gouvernement n'a pas épargné, vous le savez mieux que moi, messieurs les ministres, les domaines des affaires étrangères et de la coopération.
S'élevant, dans le projet de loi de finances pour 1997, à 14,44 milliards de francs, le premier est en recul d'environ 4 % par rapport à 1996. Que ce soit parmi les dépenses ordinaires ou les dépenses en capital, tous les titres connaissent une diminution de leurs crédits. Passant de 7,2 milliards de francs en 1996 à 6,7 milliards cette année, le budget de la coopération baisse de presque 8 %. Cette tendance, je vous l'avoue, messieurs les ministres, m'inquiète un peu.
Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le système international a évolué. Il ne s'est pas pour autant stabilisé. De l'antagonisme entre l'Est et l'Ouest, on est passé à un monde multipolaire aux contours encore fluctuants.
La France, qui participe à l'instauration et au maintien de la paix dans de nombreuses régions du monde, doit se donner les moyens de sa politique. Or, soumis à une rigueur trop forte, le budget des affaires étrangères risque, je le crains, de compromettre cette volonté.
Sans entrer dans le détail des deux budgets précités qui, de toute façon, ne représentent pas le poids réel des actions extérieures, ces dernières étant également inscrites aux charges communes et dans divers comptes spéciaux, je ferai deux observations. Puisque l'on s'oriente vers des économies, sachons les faire dans le bon sens !
S'agissant des crédits affectés aux services diplomatiques, consulaires et culturels, je pense qu'il est essentiel de maintenir un réseau suffisamment dense, d'une part pour répondre aux besoins de nos concitoyens où qu'ils soient, d'autre part pour assurer le rayonnement de la France dans toutes les régions du monde.
Dans ce contexte de restriction, nos moyens doivent être redéployés en fonction de la nouvelle donne géopolitique et économique, en gardant toutefois à l'esprit que cette dernière n'est pas immuable.
L'avancée de la construction communautaire et le développement de nouveaux moyens de communication devraient nous inciter à réduire davantage les réseaux diplomatiques et culturels dans les pays européens.
En revanche, pour des raisons économiques évidentes, certaines zones, comme l'Asie pacifique, méritent que l'on envisage un renforcement de notre présence.
Le deuxième point que je souhaite évoquer concerne l'aide au développement, pour constater que la plupart des pays industrialisés se désengagent dans ce domaine. Or le développement économique est un facteur d'intégration à l'ordre mondial.
La France, premier contributeur, doit continuer à donner l'exemple afin de désarmorcer le recul observé. Cependant, afin d'éviter les gaspillages, elle doit redéfinir ses outils de coopération, ce qui passe, préalablement, par une clarification de ses relations politiques avec l'extérieur. Je pense ici, en particulier, à nos liens avec le continent africain, puisque c'est précisément cela que je veux évoquer ici.
Monsieur le ministre, il faudrait une fois pour toutes lever les ambiguïtés qui planent autour de notre politique africaine. Le soutien plus ou moins aveugle à des régimes autoritaires, adeptes du clientélisme, et l'absence de projet clair à l'égard de l'Afrique ne favorisent pas, chez celle-ci, l'installation durable et effective de la démocratie.
Le principe qui consiste à lier l'aide au développement aux pratiques démocratiques ne fait pas suffisamment la preuve de son efficacité.
Nous devons nous efforcer de chercher des solutions spécifiques à la réalité des pays africains, sans être obnubilés par nos intérêts postcoloniaux. Il s'agit finalement de mieux apprécier la société africaine, sa dimension humaine, sa diversité et ses disparités, facteurs essentiels d'un développement harmonieux de ces pays.
Dans cette perspective, deux écueils doivent être évités.
Le premier concerne le type d'organisation institutionnelle dont doivent se doter les pays africains pour établir un régime pacifique et démocratique.
La méthode consistant à greffer artificiellement des institutions occidentales souvent étrangères aux réalités sociologiques du continent mérite, à l'évidence, d'être revue. Il faudrait réfléchir à un système qui, sans renier la tradition et la solidarité, prenne pour base les droits de l'homme et privilégie des points incontournables tels que la primauté de l'individu.
Par ailleurs, il faudrait trouver une voie qui associe toutes les couches sociales au processus de démocratisation, la difficulté étant, je vous l'accorde, d'intégrer culturellement des populations souvent hétérogènes.
En tout cas, il serait préférable, monsieur le ministre, de rechercher une solution au cas par cas plutôt que d'essayer d'imposer un modèle préétabli.
La multiplication des jumelages entre villes occidentales et africaines constitue, selon moi, une piste intéressante dans l'optique du développement de la citoyenneté locale.
Le deuxième écueil dont il faut se garder, car il constitue un frein au développement de ces pays, est la façon dont nous considérons notre sphère d'influence. Nos affinités historiques nous autorisent, certes, à maintenir des liens très forts avec ce continent, mais cela ne doit pas pour autant nous inciter à la paranoïa.
Ainsi, la récente querelle franco-américaine n'avait, à mon avis, pas lieu d'être. En effet, les investissements américains progressent bien plus vite en Asie que sur le continent africain. De plus, l'aide publique accordée à l'Afrique par les Etats-Unis ne représente que 0,15 % de leur PNB quand l'effort français en direction de ce continent atteint 0,64 % de la richesse nationale.
Par ailleurs, eu égard à la construction européenne, la France devra se résoudre à partager sa sphère d'influence. L'instauration de la monnaie unique risque d'impliquer mécaniquement un plus grand nombre de pays européens en Afrique. Par le biais du fonds européen de développement, ce lien existe déjà, et la France n'est pas perdante. Par exemple, à contributions au FED à peu près équivalentes, la France obtient un retour d'investissement deux fois plus important que l'Allemagne. Nous ne devrions donc pas envisager avec appréhension la mise en place d'une vision européenne de la politique africaine.
Enfin, je souhaite évoquer...
M. le président. Mon cher collègue, je vous signale que si vous ne concluez pas assez rapidement M. Demilly ne pourra pas intervenir, car vous avez épuisé le temps de parole de votre groupe.
M. Yvon Collin. Je vais conclure, monsieur le président.
J'évoquerai donc rapidement le problème de la dette.
Il est indispensable de mettre en place une stratégie viable et réaliste du traitement de la dette, car, contrairement à ce que l'on pense souvent, l'économie des pays africains est loin d'être sur la bonne voie.
La globalisation de l'économie et l'émergence de quelques « dragons » asiatiques ne doivent pas occulter l'aggravation des difficultés sur le continent africain, en dépit de quelques frémissements observés depuis l'année dernière. C'est pourquoi le problème de la dette nous occupera, hélas ! encore longtemps.
Au moment de la révision de la dette d'un pays, il serait souhaitable de prendre en compte les nouveaux facteurs qui le fragilisent.
Il est temps de jeter les nouvelles bases de la politique africaine. Le défi est à relever sur tous les fronts, notamment sur celui de l'Europe. Le rayonnement de la France passe par une politique extérieure volontaire et lisible. (M. Guy Penne applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Biarnès.
M. Pierre Biarnès. Monsieur le ministre des affaires étrangères, le Quai d'Orsay, j'ai le regret de vous le dire, est « dans la dèche » !
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Oh !
M. Emmanuel Hamel. Dites « dans la pauvreté » !
M. Pierre Biarnès. Il s'y enfonce même de plus en plus.
Même si, résignés, ses collaborateurs, par longue habitude de situations semblables, s'accommodent de celle-ci, cette déchéance n'est pas supportable, en tout cas n'est plus du tout supportable pour tous ceux qui ont la passion de la présence française dans le monde.
La France se considère toujours comme une « grande moyenne puissance » ; en maintes circonstances, ses dirigeants ont même la prétention de lui faire jouer encore un rôle de grande puissance.
Pour tenir ce rang, elle dispose de très importants atouts, économiques, militaires, intellectuels et moraux, qu'elle a entrepris avec raison de mettre progressivement au service de l'Union européenne, une des trois ou quatre superpuissances de demain, peut-être bien même la première de celles-ci, sur laquelle elle est en train de transférer ses ambitions pluriséculaires et au sein de laquelle elle entend légitimement jouer un rôle moteur.
Mais, faute de moyens suffisants, dans la phase de transition actuelle et dans l'attente de futures économies d'échelle européenne, son outil diplomatique est de moins en moins à la hauteur des missions qu'elle a héritées du passé et que, pour quelques années encore, elle doit continuer à assumer en l'état.
Il y a des ambassades françaises dans pratiquement tous les pays du monde et, malgré de nombreuses fermetures ces années-ci, notre réseau consulaire est beaucoup plus dense encore ; en dehors des Etats-Unis d'Amérique, aucun autre pays ne dispose d'autant de postes. Quant à nos réseaux scolaires et culturels, ils sont sans équivalent, là encore en nombre d'établissements.
Hélas ! pour financer tout cela, le ministère des affaires étrangères dispose de moins en moins de moyens. Son budget, rogné année après année, est déjà passé en 1996 au-dessous de la barre du 1 % du budget national, avec à peine plus de 15 milliards de francs. Et l'on nous annonce à présent près de 4 % de réduction en 1997 par rapport au budget voté l'an dernier, vos crédits tombant de 15,34 milliards de francs à seulement 14,438 milliards de francs ! Cela, évidemment, sans préjuger des gels de crédits - en fait, des annulations de crédits - qui risquent fort d'être décidés par le Gouvernement, au mépris du Parlement, dans les mois qui viennent, comme les années précédentes.
Désormais, on entre dans le mur ! Toujours entourés de beaux jardins, nos vieux châteaux diplomatiques vont être presque tous conservés ; mais leurs maîtres ne vont plus pouvoir ouvrir au public étranger narquois que les quelques pièces dont les tableaux, les meubles et la vaisselle n'auront pas été vendus. Comment rester crédibles dans de telles conditions ? Le Gouvernement sait-il encore ce qu'il veut ?
Pour les Français de l'étranger, que je représente ici et qui dépendent exclusivement de ce ministère devenu, malgré ses plafonds dorés, un des plus crottés de la République, la situation est en passe de devenir dramatique.
Le ministère des affaires étrangères est de moins en moins en mesure d'assurer la charge de l'enseignement des enfants français à l'étranger, et il est urgent, vu la dégradation accélérée de la situation en ce domaine, sans aucune perspective de redressement, de confier cette charge au ministère de l'éducation nationale, dont, à vrai dire, c'est bien plus la vocation naturelle.
Dans le système actuel, et dans l'état actuel des choses en tout cas, l'Etat, par l'intermédiaire de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, qui relève exclusivement du budget de plus en plus réduit de votre direction générale des relations culturelles, ne contribue que pour 10 000 francs par an en moyenne à la couverture du coût de la scolarisation d'un enfant français à l'étranger, qui est de l'ordre de 22 000 francs, alors que, avec l'aide pour un tiers environ des collectivités locales, il couvre en totalité le coût de la scolarisation des enfants de la métropole, pourtant sensiblement supérieur : de l'ordre de 33 000 francs. Le reste, pour ce qui est des enfants français à l'étranger, est à la charge des parents, qui doivent débourser chaque mois, en moyenne internationale, 1 200 francs par enfant. Inégalité injustifiable et injustifiée !
Au surplus, du fait, notamment, de la suppression de près d'une centaine de postes de professeurs expatriés, c'est-à-dire les seuls qui sont pris totalement en charge par l'Etat, même si les crédits consacrés aux bourses scolaires, toujours très insuffisants, sont à peu près maintenus en valeur nominale, cette dotation va être encore diminuée en francs constants si votre budget est adopté.
On peut faire un constat analogue en ce qui concerne l'aide sociale dispensée aux Français de l'étranger démunis par ce même ministère, qui l'est tout autant qu'eux, mais dont ils relèvent néanmoins exclusivement.
L'an dernier, avec une dotation de 103 millions de francs à peine, il n'était affecté à ces Français pauvres vivant à l'étranger que le dixième de l'aide sociale distribuée en moyenne par un département métropolitain d'importance démographique analogue, c'est-à-dire d'environ un million et demi d'habitants.
Cette année, cette dotation, dérisoire et scandaleusement insuffisante, va, au mieux, être maintenue à peu près en l'état, en valeur nominale également ; mais, en réalité, elle va être à nouveau fortement diminuée du fait de la forte inflation qui sévit de manière endémique dans les pays de résidence de la plus grande partie des Français nécessiteux, ceux du tiers monde.
Il y a beaucoup à dire aussi sur les réductions budgétaires drastiques dont ont souffert gravement ces années-ci nos réseaux culturels à l'étranger, qui seront de nouveau gravement touchés en 1997. Là comme en France, le Gouvernement a beaucoup « privatisé », faisant passer dans le domaine des alliances françaises, qui relèvent juridiquement du bénévolat étranger et où le pire, de ce fait, côtoie le meilleur, un très grand nombre de centres et d'instituts qui, eux, relèvent de la responsabilité directe de l'Etat. Cette défausse a bien sûr accentué jusqu'à l'extrême limite la réduction du nombre des fonctionnaires titulaires affectés à tous ces établissements. Le fonctionnement de ceux-ci repose à plus de 95 %, à présent, sur des vacataires aux statuts aussi précaires que divers, la plupart étant payés à l'heure et dépourvus de couverture sociale.
La France, quelle honte, diffuse à l'étranger sa langue et sa culture avec des soutiers ! Cela ne durera pas éternellement.
Le sort des personnels de nos consulats, enfin, tend de façon très inquiétante à n'être guère plus enviable et, là, c'est le coeur de notre service public à l'étranger qui est touché, parfois déjà mortellement.
L'Association démocratique des Français à l'étranger, l'ADFE, qui a fait de cette défense du service public à l'étranger le thème de sa principale campagne de l'année qui s'achève, souligne à ce propos dans un document récent que, en dix ans, le ministère des affaires étrangères a perdu 15 % de ses effectifs et que ce sont nos consulats qui ont été le plus touchés.
Dans ceux-ci, en outre, et c'est tout aussi grave, sinon plus, il manque de plus en plus de personnel d'encadrement de catégories A et B et de personnel d'exécution de métier, notent les auteurs de ce document, qui poursuivent :
« Dans un consulat, il y a de moins en moins d'agents qui connaissent parfaitement les règles relatives à l'état civil, au notariat, les instructions du ministère sur l'immatriculation, la délivrance des cartes nationales d'identité, des passeports. Il en résulte des erreurs, des exigences administratives à l'égard des usagers qui varient d'un agent à l'autre, d'un jour à l'autre.
« Les fonctionnaires sont progressivement remplacés par des contractuels recrutés localement, privés de toute formation professionnelle et sans encadrement suffisant. La bonne volonté manifeste et les capacités de nombre d'entre eux ne suffisent pas. Elles suffisent d'autant moins que la précarité de leur situation professionnelle, l'absence de protection sociale, de perspective de promotion sont démotivantes pour eux. Ce sont d'ailleurs ces agents, les moins bien payés, qui sont d'ordinaire affectés aux postes les plus éprouvants, les services de délivrance des visas par exemple. En amont du mauvais accueil d'un Français ou d'un étranger au guichet d'un consulat, il y a une cascade de frustrations professionnelles, salariales, d'angoisses face à une tâche trop lourde pour laquelle trop d'agents ne sont pas formés. »
En fin de compte, ce sont les usagers qui sont les premières victimes de tout cela, et c'est l'image de la France à l'extérieur qui se dégrade ainsi peu à peu, inexorablement. Le dernier incident - mais il y en a eu d'autres auparavant -, survenu ces jours-ci à notre consulat de France en Côte d'Ivoire, n'en n'est qu'une illustration de plus, humiliante, accablante, pour notre pays. Qu'on arrête de se faire des illusions tricolores sur ce que les étrangers pensent de nous. C'est de plus en plus désolant. Les bonnes paroles que, par politesse, on vous réserve d'ordinaire dans vos déplacements officiels ne vous permettent malheureusement pas, monsieur le ministre, de vous en faire la moindre idée.
En conclusion, je ne puis donc que vous dire, avec toute la force de ma conviction, que le service public à l'étranger doit, comme en France, être effectué par des agents titulaires de la fonction publique, affectés à des tâches correspondant à leur qualification. Si un recrutement de contractuels est nécessaire, il doit avoir lieu dans la transparence, ouvrir le droit à une formation, à une protection contre l'arbitraire hiérarchique, à des perspectives de carrière et à une protection sociale de niveau français.
Or vos services, hélas ! tournent de plus en plus le dos à ces exigences-là, et le budget que vous nous présentez marque une nouvelle étape dans leur dégradation, dans leur « médiocrisation ». En décembre, je ne voterai donc pas ce budget, mes amis du groupe socialiste non plus, et pas davantage ceux des parlementaires des autres groupes qui, comme nous, ont vraiment la passion de la France et de son rayonnement au-dehors. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Demilly.
M. Fernand Demilly. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je souhaite profiter de ce débat sur la politique étrangère pour évoquer la question de l'option possible entre la dissuasion et le désarmement nucléaires dans le monde, l'éventualité d'un choix entre ces deux extrêmes ou le maintien d'un équilibre entre ces deux tendances.
La négociation et la mise en oeuvre des traités de désarmement, notamment le traité sur « l'option nucléaire zéro » dans le monde, figurent parmi les grandes missions que la France s'est fixées dans le cadre de sa politique étrangère. Vous nous l'avez d'ailleurs rappelé ce matin, monsieur le ministre.
Je rappellerai à ce propos les déclarations du Président de la République qui affirmait, le 11 juin dernier, à Genève : « La conclusion du traité d'interdiction complète des essais nucléaires constitue un objectif majeur de la communauté internationale. »
En cohérence avec ces propos, nous avons noté la diminution de la part allouée à la dissuasion nucléaire dans les dépenses militaires inscrites dans la loi de programmation 1997-2002.
Quels constats pouvons-nous dresser aujourd'hui ? Le projet de désarmement nucléaire se situe à un tournant majeur de son histoire, tout à la fois décisif et dangereux.
La France, avec la plupart des grandes nations développées, estime que l'heure de « l'après-nucléaire » est venue. L'arme nucléaire a démontré, certes, sa puissance mais aussi ses faiblesses, notamment son inutilité en ce qui concerne la nature des conflits, le plus souvent régionaux, qui déchirent le monde de « l'après-guerre froide ».
Faut-il pour autant s'acheminer vers un désarmement nucléaire total ?
Le Président de la République et « chef constitutionnel des armées » affirmait, le 23 février 1996, devant les représentants des trois armées que « la dissuasion nucléaire garde son impérieuse nécessité ».
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. Fernand Demilly. Nous voyons bien devant quel dilemme vous vous trouvez, monsieur le ministre : vous souhaitez tout à la fois répondre positivement aux propositions de la commission internationale de Canberra sur l'élimination des armes nucléaires et tenir compte de la situation internationale et des oppositions à ces propositions.
Nous nous réjouissons de la signature du traité d'interdiction complète des essais nucléaires le 25 septembre dernier à l'ONU.
Cependant, bien que les cinq grandes puissances nucléaires, à savoir la Chine, les Etats-Unis, la France, la Grande-Bretagne et la Russie, se soient solennellement engagées, d'autres Etats doivent les rejoindre, parmi lesquels l'Inde qui ne cache pas son opposition totale au traité. Nous espérons, monsieur le ministre, que les talents de votre diplomatie permettront de venir à bout de l'intransigeance indienne, mais nous estimons que de tels résultats demanderont certainement beaucoup de temps.
En signant le traité de dénucléarisation du Pacifique, notre pays a voulu manifester sans ambiguïté son désir d'en finir avec les essais nucléaires. La France a rapidement entrepris le démantèlement du site de Mururoa et accueilli les experts de l'Agence internationale de l'énergie atomique, sur ses deux anciens sites.
Cette attitude claire nous a permis de regagner la confiance des Etats du Pacifique, l'Australie et la Nouvelle-Zélande, dont les intérêts économiques vont dans le sens d'une ouverture accrue à la France et aux membres de l'Union européenne.
La reprise des exportations d'uranium australien vers la France en est un bon exemple, car ces exportations profitent aussi bien à notre pays, dont les besoins en ce minerai sont très élevés, notamment pour ses centrales nucléaires, qu'à l'Australie, qui exporte 10 % de sa production vers la France, depuis la reprise des exportations.
L'enseignement que nous pouvons tirer de ces quelques observations est que, dans l'attente d'une alternative à l'arme nucléaire, d'une part, et de la signature du traité d'interdiction complète des essais nucléaires par l'ensemble des Etats concernés, d'autre part, la détention de l'arme nucléaire reste le garant de la stabilité et de la sécurité de la France et de ses voisins européens.
MM. Xavier de Villepin, président de la commission, et Emmanuel Hamel. Très bien !
M. Fernand Demilly. Si notre pays vient de faire un grand pas vers la dénucléarisation des conflits, nous attendons maintenant que vos efforts diplomatiques, monsieur le ministre, tant à l'échelon européen et transatlantique qu'à l'échelon international, permettent de réaliser un progrès concerté dans le sens d'une dénucléarisation accrue.
Cette évolution pourrait prendre des formes concrètes, selon un programme et un calendrier précis, par exemple, et donner naissance à de nouveaux partenariats stratégiques européens et transatlantiques.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, les éléments que je viens d'aborder, bien qu'ils soient soumis à la souveraineté de la France, doivent également être compris par nos voisins de l'Union européenne. Il sera nécessaire d'en tenir compte lors de la Conférence intergouvernementale qui se tiendra à Turin en 1997.
La dissuasion comme le désarmement nucléaire nous placent aujourd'hui à un tournant de notre politique étrangère, qui doit, en tout état de cause, assurer la sécurité de la France et de l'Europe dans le monde.
Nous vous souhaitons, monsieur le ministre, de réussir pleinement dans les négociations que vous êtes appelé à mener pour la mise en oeuvre de cette grande mission de la France. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste.)
M. Jacques Godfrain, ministre délégué à la coopération. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jacques Godfrain, ministre délégué à la coopération. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis particulièrement heureux de participer, au côté de M. de Charette, auprès de qui je suis chargé de suivre les questions relatives à la coopération et au développement, à ce grand débat de politique étrangère. Je me réjouis donc de l'initiative prise par la Haute Assemblée. Je serais donc heureux, en réponse aux orateurs qui se sont succédé à cette tribune, de vous faire part des principes et des actions réalisées en matière de coopération.
Comme l'a si justement souligné le président de la commission des affaires étrangères, M. de Villepin, « il va de soi que la France doit continuer à défendre l'aide publique au développement et à l'orienter en priorité vers l'Afrique ».
Vous savez qu'il s'agit d'une des priorités que le Président de la République a défendue devant nos partenaires des pays développés, que ce soit dès sa prise de fonctions au sommet européen de Cannes, au premier G7 auquel il a participé à Halifax, ou plus récemment à Lyon.
La France, par l'action déterminée du Président de la République, a montré le chemin à ses partenaires européens et du G7.
Cette priorité se fonde non pas sur de simples discours ou sur une mode, mais sur une histoire partagée, un sang versé en commun et une culture commune.
Au risque de surprendre certains d'entre vous, je dirai que l'Afrique ne va pas simplement mieux : elle va bien. Et le Zaïre, me direz-vous ? Je vous répondrai : et la Yougoslavie ? Ce n'est pas pour autant que l'on a abandonné l'Europe.
Au contraire, je pense, et je ne suis pas le seul, que l'Afrique, qui est à nos portes, telle qu'elle est et telle qu'elle a envie de devenir, est une chance pour l'Europe, donc un défi pour la France qu'il lui appartient de relever.
Je remercie M. Dulait de sa confiance et de sa compréhension de la politique que nous menons en Afrique.
Je remercie aussi M. Guéna de l'analyse exacte qu'il a faite de mes propos sur l'intervention de M. Warren Christopher. Je me réjouis en effet de ce nouvel intérêt d'un grand pays à l'égard de l'Afrique. Nous ne serons jamais assez pour aider ce continent, et mieux vaut parfois tard que jamais !
S'agissant de la situation éminemment douloureuse de la région des Grands Lacs, je laisse à M. Hervé de Charette, chef de notre diplomatie, le soin d'exprimer les préoccupations et les objectifs du Gouvernement.
A ceux qui, comme M. Penne ou Mme Bidard-Reydet, s'inquiètent de la baisse du budget de la coopération, j'en rappellerai les véritables raisons, même si nous aurons l'occasion d'y revenir lors du débat budgétaire qui se tiendra le 7 décembre.
Si ce budget diminue, c'est parce qu'il est, au fond, victime de son succès. La baisse des concours financiers à l'« ajustement structurel » s'explique tout simplement par le fait que nous ne finançons plus les « fins de mois » des pays africains. En effet, ces pays ont su mieux se gérer en adoptant les préceptes de bonne gestion internationale.
Par ailleurs, la dévaluation du franc CFA, grâce aux mesures d'accompagnement que nous avons prises, a produit ses premiers effets positifs.
Le Sénégal, par exemple, affiche un déficit budgétaire de l'ordre de 2,3 % par rapport à son produit intérieur brut.
Ce taux se situe au-dessous de celui qui nous est imposé en Europe par le traité de Maastricht.
Par ailleurs, la diminution du nombre de coopérants traduit la fin de la coopération dite de substitution. Cela signifie que nous sommes parvenus à former des cadres et des techniciens africains de bon niveau qui permettent à ces pays de pouvoir se gérer. Le sommet, qui se tiendra au début du mois de décembre, au Burkina, et qui réunira la France et les pays africains est d'ailleurs intitulé : « La bonne gouvernance ».
Je précise à M. Guy Penne, comme je l'ai fait hier devant la commission des affaires étrangères, que la suppression des postes de chef de mission ne concerne que trois pays, à savoir Sainte-Lucie, les îles du Cap-Vert et la Guinée-Bissau. Elle s'inscrit dans la logique de la décision de M. le Premier ministre de coordonner les efforts et d'être simples, efficaces et transparents.
Enfin, je précise qu'il s'agit seulement de supprimer le poste de chef de mission qui fait double emploi avec celui de l'ambassadeur. Nous continuerons bien évidemment à assurer des relations de coopération suivie avec ces pays.
Il est important, je le reconnais, de faire appel à des fonctionnaires des ministères de l'intérieur, de la justice, de la défense ou de l'éducation nationale. C'est même la spécificité du ministère de la coopération que de recourir à des personnels d'origine et de professions diverses mais qui ont une vocation commune, celle de la coopération et de l'aide au développement.
J'indique d'ailleurs que, à ce jour, dix-sept magistrats sont présents sur le terrain pour le compte du ministère de la coopération en tant qu'assistants auprès des ministères ou des administrations chargées de la justice. Par ailleurs, dix personnes, parmi lesquelles se trouvent des sous-préfets ou des administrateurs territoriaux, sont issues du ministère de l'intérieur.
Plus généralement, je rappelle, notamment à M. Mauroy, qui s'inquiétait des efforts entrepris en faveur de la démocratisation et de l'Etat de droit, que c'est pour le Gouvernement une priorité concrète, qui va au-delà des simples propos ou des pétitions de principe.
Permettez-moi de citer quelques chiffres. De 1992 à 1996, les crédits consacrés au renforcement de la coopération juridique et judiciaire ont doublé, passant de 74 millions de francs à 125 millions de francs. Parallèlement, nous avons accentué notre effort en faveur de la sécurité civile qui est devenue l'une des actions prioritaires de nos missions militaires de coopération.
En effet, sans sécurité, sans Etat de droit et sans sécurité juridique ou judiciaire, il ne peut pas y avoir de développement. C'est notre doctrine, et les pays africains la partagent entièrement.
Permettez-moi maintenant de citer quelques chiffres concernant la présence de nos troupes.
Actuellement, 167 officiers et sous-officiers de la gendarmerie française servent dans les gendarmeries africaines, dont une trentaine en détachement temporaire ; 250 officiers et sous-officiers africains suivent des stages dans les écoles de la gendarmerie française.
En 1995, sur les crédits du ministère de la coopération, un cours spécial international a été ouvert à l'école de Melun, permettant d'accueillir 30 élèves officiers africains supplémentaires par an.
Cet automne, un cours spécial de formation à la lutte contre les trafics, notamment ceux des stupéfiants, a été ouvert à Fontainebleau et a accueilli 25 stagiaires africains.
En 1996, le montant des sommes consacrées à la formation des cadres des gendarmeries africaines a été en augmentation de 68 %.
Ainsi sont traduites en chiffres les premières déclarations que j'ai faites lorsque j'ai pris mes fonctions.
En effet, la coopération, c'est aussi la lutte contre les grands trafics internationaux : il est donc normal que nous agissions en partenariat avec ces pays dans ce domaine.
L'aide en matériel s'élève chaque année, depuis quatre ans, à quelque 80 millions de francs, dont la moitié provient du fonds d'aide et de coopération, le FAC. Cet effort a permis d'équiper les unités de gendarmerie mobile qui luttent contre les grands trafics. Les principales capitales en sont dotées, et l'autorité de l'Etat peut s'exercer dans ces pays.
Je citerai également l'appui aux missions d'assistance militaire, pour lesquelles nous pouvons prévoir à trois ans, dans chaque pays, quels seront les axes de l'effort du ministère.
Enfin, nous veillons à ce que les actions des gendarmeries et des polices dans ces pays soient complémentaires et non pas concurrentes.
Je voudrais aussi répondre aux orateurs qui ont évoqué la dévaluation du franc CFA, et rassurer notamment Mme Bidard-Reydet et M. Mauroy.
En réalité, malgré les craintes de quelques-uns, dont je faisais partie, la dévaluation du franc CFA se révèle être un succès. En effet, les gouvernements africains, qui ont décidé eux-mêmes cette dévaluation, ont accompli un effort considérable de rigueur en matière de gestion de leur budget et d'extinction des déficits, effort qui a été soutenu par les mesures d'accompagnement que nous avons prises.
Les résultats qu'ont permis d'obtenir les sacrifices momentanés qui ont été consentis sont sous nos yeux : le taux de croissance moyen de l'Afrique francophone est de 5 % en 1995 ; il frôlera les 6 % en 1996 et la Côte d'Ivoire connaîtra une croissance d'environ 8 % cette année. Avouons que beaucoup de pays européens aimeraient parvenir à ce niveau !
L'épargne elle-même est passée de 7 % du produit intérieur brut en 1993 à 22 % en 1996, ce qui prouve que le pouvoir d'achat s'est amélioré : il n'y a pas eu paupérisation.
L'inflation sur les produits dits de la « ménagère » africaine est maîtrisée - elle atteint 5 % par an - et la production agricole vivrière a explosé : les revenus des agriculteurs africains ont atteint un tel niveau, qu'ils permettent à ceux-ci de rester sur leurs terres, qu'ils n'abandonnent plus pour la bande côtière urbanisée.
C'est la traduction - et cela aussi a été l'un des premiers propos que j'ai tenus il y a quatorze mois - du fait que la coopération française, c'est aussi l'aménagement du territoire par le biais des revenus que les agriculteurs tirent de leurs propres terres.
Parallèlement, la France ne ménage pas ses efforts - vous avez évoqué le problème de la dette - pour diminuer le surendettement issu de l'histoire contemporaine des pays africains.
Dans les pays les plus pauvres, les plus démunis, nous avons annulé 100 % de la dette bilatérale qui avait été contractée en janvier 1994, ce qui a représenté 6,7 milliards de francs. Après la dévaluation, nous avons également annulé 50 % de la dette des pays à revenus intermédiaires.
A l'heure actuelle, nous sommes le pays qui fait le plus en matière d'aide à l'extinction des dettes.
Le fonds de conversion des créances de Libreville a également permis d'annuler des dettes contre des investissements, notamment sociaux. C'est au Président de la République française que nous devons cette proposition faite aux Etats africains d'annuler les dettes, moyennant des investissements, en particulier dans le domaine social.
Au sommet de Lyon, nous avons obtenu la possibilité d'un traitement par le Club de Paris de 80 % du stock de la dette bilatérale.
De même, la France a incité le Fonds monétaire international et la Banque mondiale à prendre une initiative pour le traitement de la dette multilatérale des pays les plus endettés, initiative qui vient d'être officiellement approuvée à Washington à l'occasion des assemblées annuelles du FMI et de la Banque mondiale.
Cela me permet de dire à M. Biarnès que l'influence de la France au sein de ces grandes organisations internationales est considérable : non seulement nous sommes l'un des principaux bailleurs de fonds, mais notre avis est écouté, partagé et appliqué.
Toutes ces décisions représentent un effort budgétaire considérable pour la France. Ainsi, nous avons consacré presque le quart de notre aide publique au développement à ces registres.
Je souhaite préciser à M. Mauroy les raisons de ma présence à l'investiture du président Baré au Niger. Je me félicite d'avoir représenté le Président de la République. Notre défense de la démocratie ne se borne pas, en effet, à la seule défense des présidents démocratiquement élus. Ce serait insuffisant ! La réalité est tout autre.
Le président Baré a succédé à un régime dans lequel le fonctionnement des mécanismes remis de la démocratie et le respect de ses principes n'étaient plus assurés.
Nous étions devant une situation de blocage. J'ajoute que, dans le nord du pays - là où se trouvent les Touareg - la guerre sévissait. Me rendant au Niger aux environs du 28 décembre 1995, j'y ai trouvé une situation où la négociation était complètement bloquée entre les Touareg. Depuis lors, c'est la paix et les coupeurs de routes cessent de gêner les voyageurs.
Aujourd'hui, nous devons faire face à d'autres préoccupations dans l'ensemble des pays de la zone subsaharienne, notamment à la poussée de l'intégrisme islamiste dans certains pays voisins du nord de l'Afrique. Par conséquent, tout ce qui peut conforter notre présence est, me semble-t-il, nécessaire si l'on veut éviter de tels errements.
L'histoire est sévère avec ceux qui choisissent d'être absents et, être absents au Niger, comme peut-être dans d'autres pays - peut-être le souhaitez-vous - serait une grave erreur.
Quant au Mali, je ne puis laisser dire que l'expulsion de l'église Saint-Bernard est contraire aux droits de l'homme. La France est le pays des droits de l'homme ; elle les applique. Mais la France est aussi un pays de droit, qu'il importe de respecter. On ne peut faire des termes « droits de l'homme » une simple incantation. Quand on défend le fait que la France est le pays des droits de l'homme, il faut également dire que tout être humain se doit de défendre le droit, donc de le respecter.
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. Jacques Godfrain, ministre délégué. Seul ce respect peut apporter une garantie véritable et durable à la liberté de chacun. D'ailleurs, le Mali lui-même est un Etat de droit, et nous lui apportons notre aide en tant que tel.
Par conséquent, nous défendons prioritairement les citoyens qui respectent le droit. C'est ainsi que nous avons effectivement priviligié, comme c'est notre devoir, les citoyens maliens respectueux de notre droit. Ils ont droit, eux, à notre protection. Quant à ceux qui ne respectent pas nos lois, ils ne peuvent que gêner ceux qui les respectent.
C'est la raison pour laquelle ce propos très clair a été parfaitement bien entendu, lorsque je me suis moi-même rendu dans la région de Kayes au Mali. J'ai expliqué la politique que nous conduisons dans ce pays et que nous espérons y mener pour favoriser le développement local et, ainsi, éviter ces voyages un peu inutiles, qui ne peuvent conduire ces femmes et ces hommes qu'à des désillusions.
Ce que je m'efforce de faire aujourd'hui à la tête de ce ministère, ce n'est pas simplement de l'incitation au retour, c'est également de l'incitation au non-départ. Les actions que je mène visent à favoriser le maintien équilibré des individus dans leur environnement, à limiter l'exode rural comme la tentation de l'émigration, grâce à des mesures de désenclavement et au développement des communications et des réseaux de santé et d'éducation.
Ce n'est pas suffisant, mais ce n'est qu'un début ! M. Mauroy serait bien avisé de soutenir cette politique de développement local pour un mieux-être social. Les résultats actuels de l'Afrique, si peu de temps après l'alternance, n'ont rien à envier aux résultats passés.
En ce qui concerne le passage à la monnaie unique, monsieur Collin, celui-ci n'aura aucune influence sur le franc CFA. Le franc CFA ne dépend pas de la Banque de France ; il fait l'objet d'une convention bilatérale qui lie l'Etat français aux Etats de la zone franc. C'est donc le Trésor français qui assure une convertibilité avec le franc CFA. Ce message sera très largement diffusé auprès des pays africains qui, au début du mois de décembre, participeront au sommet franco-africain au Burkina.
D'ailleurs, le traité de Maastricht prévoit le maintien des accords bilatéraux de chaque Etat européen ; le franc CFA correspond à l'un d'eux. Par conséquent, rien ne changera. Simplement, à partir du 1er janvier 1999, la parité franc CFA-franc français sera mécaniquement une parité franc CFA-euro ; ce sera la seule différence !
Avant de conclure, je prie les orateurs auxquels je n'ai pas répondu, en particulier M. Clouet, dont j'ai beaucoup apprécié le propos, de m'en excuser.
Monsieur Biarnès, la France et l'Afrique font bloc dès que nos intérêts partagés sont en cause, notamment sur le plan culturel et linguistique. Les faits, hélas ! et vous donnent tort ! A force de vouloir prouver l'invraisemblable, le discours perd un peu de crédibilité.
Toutes les décisions que viennent de prendre les pays africains, dont nous sommes proches, le démontrent, que ce soit à l'occasion de leur prise de position dans l'affaire des Nations unies ou lors de leur soutien à l'égard de notre propre défense nationale.
Systématiquement, ces pays se sont montrés solidaires de notre politique, de la même manière que nous le sommes de la leur.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la coopération française a ceci d'original par rapport à bien d'autres dans le monde qu'elle ne décide rien toute seule : elle agit conjointement avec d'autres ; c'est une oeuvre partagée. Il s'agit d'une autre conception du rapprochement des peuples. Bref, ce ministère baptisé « de la coopération » pourrait aussi s'appeler ministère « de la paix ». (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Hervé de Charette, ministre des affaires étrangères. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
M. Emmanuel Hamel. Et de la paix ! (Sourires.)
M. Hervé de Charette, ministre des affaires étrangères. J'ose à peine parler après le ministre de la paix, mais, s'il m'y autorise, je m'efforcerai de répondre à vos brillantes et nombreuses interventions, mesdames, messieurs les sénateurs, dans ce débat extrêmement riche que nous conduisons depuis ce matin.
J'ai apprécié, bien sûr, comme chacun d'entre vous, les propos, l'ampleur de vue de M. de Villepin, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, qui a abordé de façon significative les principaux sujets de la diplomatie française pour les mois à venir. Naturellement, l'essentiel de ma réponse y sera consacré.
Auparavant, je voudrais dire, aux uns et aux autres, tout l'intérêt que j'ai pris à les écouter et à évoquer avec eux les préoccupations qui sont les nôtres.
M. Clouet nous a indiqué qu'appartenir à la majorité parlementaire imposait une certaine capacité de renoncement. C'est possible ! Pas trop, je l'espère, monsieur le sénateur ! Cependant, ayant été député de la majorité, je le comprends. J'ajouterai très modestement qu'être membre d'un gouvernement impose aussi, de temps en temps, une certaine capacité de renoncement. Après tout, c'est la vie ! Toutefois, pour l'essentiel, ce qui compte, c'est notre détermination à agir et à réussir en commun, pour le service de nos compatriotes.
J'ai bien apprécié ce que vous avez dit, monsieur le sénateur, en ce qui concerne la défense de la langue française. Elle est menacée, c'est exact ! Il n'y a aucun doute sur ce point ! En vérité, nous sommes menacés par la perspective de l'utilisation d'une seule langue mondiale, laquelle aura probablement été détruite au passage par un usage approximatif dans tous les points de la planète.
Mais notre objectif est, sans aucun doute, que d'autres langues - la nôtre, mais d'autres aussi - puissent continuer d'exister et de rayonner, parce qu'elles apportent avec elles aux peuples du monde la diversité des cultures et des civilisations dont elles sont l'expression. C'est pourquoi la défense de la langue française se confond très souvent avec l'idée de défendre un monde ouvert, un monde divers, dans lequel toutes les cultures, toutes les civilisations sont considérées comme égales en droit, en dignité, et utiles à l'épanouissement et au progrès de l'humanité.
Vous vous êtes demandé, monsieur le sénateur, si nous avions les moyens de notre politique ; j'aurai l'occasion d'y revenir dans un instant.
M. Durand-Chastel nous a fait part de son intérêt pour l'Amérique latine. Cet intérêt, c'est celui de la diplomatie française ; c'est aussi celui du Président de la République.
La France, que de profondes affinités culturelles et des liens historiques unissent à l'Amérique latine, ne peut pas rester indifférente face à la métamorphose économique et politique de ce continent. Nos entreprises l'ont bien compris, qui sont très actives au Mexique, en Argentine, au Brésil et dans beaucoup d'autres pays.
La part de l'économie française sur les marchés de l'Amérique latine reste encore faible ; elle doit s'accroître. Mais il faut aussi en profiter pour développer les relations politiques. C'est pourquoi, dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne, nous avons, voilà un an, donné un nouvel élan aux rencontres ministérielles avec le groupe de Rio, avec l'Amérique centrale. C'est pourquoi aussi nous avons mis en chantier, comme vous le savez, des accords de coopération ambitieux entre l'Union européenne et le Mercosur, le Mexique et le Chili.
Je crois qu'il faut aller plus loin. La France, entraînant sans doute assez largement l'Union européenne, l'Espagne et le Portugal exceptés, doit se tourner vers l'Amérique latine où existe à l'évidence un appel vers notre continent et particulièrement vers la France, ne serait-ce que parce que les pays d'Amérique latine ayant trouvé leur équilibre politique, étant engagés dans un effort de progrès économique, cherchent à ne pas dialoguer avec un seul partenaire - les Etats-Unis - mais à ouvrir le champ de leur dialogue et de leur partenariat économique. La France est prête s'agissant de cette démarche.
Comme vous l'avez évoqué, monsieur le sénateur, le Président de la République se rendra en mars 1997 en Amérique latine et ira au moins dans les plus grands pays. Il s'agira sans nul doute du voyage présidentiel le plus long et le plus important dans cette région depuis le voyage historique du général de Gaulle, en 1964.
M. Dulait a évoqué l'Amérique latine et l'Afrique dont mon collègue M. Godfrain a indiqué à l'instant les perspectives. Il a également évoqué, comme plusieurs d'entre vous, l'avenir de la place et du rôle de la France dans le monde arabe.
Il est tout à fait clair que cette région connaît actuellement une tension exceptionnelle. Il ne fait aucun doute que le processus de paix est aujourd'hui menacé, et que chacun s'interroge sur les conditions dans lesquelles il pourrait être relancé. La France, comme je l'ai dit tout à l'heure, y apportera sa contribution. Naturellement, elle ne demandera la permission à personne, parce qu'il y va de ses propres intérêts, de sa propre sécurité.
La Méditerranée est notre environnement proche. Nous sommes la première puissance méditerranéenne. Nous avons donc des responsabilités vis-à-vis de ceux qui vivent autour de cette mer, où tant de conflits ont existé dans le passé. Nous avons aussi des intérêts qu'il nous appartient de défendre.
Nous avons écouté M. Guéna avec attention - je dis « nous » car j'ai observé que, vous aussi, vous l'avez écouté attentivement. Je reviendrai sur les questions qu'il a évoquées. En cet instant, je voudrais simplement acter que je partage avec lui l'idée selon laquelle les parlements nationaux doivent jouer un rôle important dans la construction européenne et dans la vie de l'Europe. Il est une thèse aux termes de laquelle seul le Parlement européen serait l'instance législative dans le fonctionnement et la vie de l'Europe. Sans doute cette thèse a-t-elle pour elle la cohérence théorique, mais ce n'est pas ainsi que sont les choses.
Je crois que la légitimité vient à la fois des parlements nationaux et du Parlement européen. En effet, le Parlement européen, qui est encore une institution récente, progresse sans aucun doute mais n'est pas aujourd'hui le seul représentant, y compris dans le domaine de la construction européenne, de l'aspiration des peuples. Aussi est-il légitime d'associer dans un même effort l'action des parlements nationaux et celle du Parlement européen. C'est la raison pour laquelle je m'efforce, dans la négociation de la Conférence intergouvernementale dont je vous dirai quelques mots tout à l'heure, de faire en sorte que ce rôle des parlements nationaux soit mieux reconnu qu'il ne l'est aujourd'hui.
M. Guéna, avec brio, a expliqué qu'il soutenait la politique étrangère du Gouvernement. Toutefois, M. Guéna - on sait à quel mouvement politique il appartient - s'adressant à moi - et vous savez qui je suis - a ajouté : « Oui, mais... ». Cela m'a rappelé quelques souvenirs. Et, bien des années après, ses propos m'ont paru chargés d'humour,...
M. Xavier de Villepin, président de la commission. D'histoire !
M. Hervé de Charette, ministre des affaires étrangères. ... et je les ai appréciés.
M. Emmanuel Hamel. Le sujet est trop grave pour prêter à l'humour !
M. Hervé de Charette, ministre des affaires étrangères. Monsieur Guy Penne, vous avez évoqué une série de questions portant, notamment, sur l'Afrique et sur lesquelles je ne reviendrai pas. Vous vous interrogez sur le renouvellement du Conseil supérieur des Français de l'étranger : il aura lieu le 8 juin prochain. Vous avez évoqué le cas particulier de l'Algérie. Je reconnais qu'il existe là une difficulté, qu'il conviendra d'apprécier ensemble le moment venu. En tout cas, j'ai pris note de vos préoccupations sur ce point.
En ce qui concerne la négociation européenne, vous avez parlé « d'accélération aventureuse de l'élargissement ». Je ne crois pas que cela soit juste. Cet élargissement a été décidé en 1994, à Essen, par les chefs d'Etat et de gouvernement. A l'époque, que je sache, c'était François Mitterrand qui était Président de la République. Le débat existait alors dans l'opinion publique française : fallait-il conditionner cet accord donné à l'approfondissement de l'Union ? Le choix qui a été fait, pour des raisons que je ne veux pas juger, a été différent. Il engage la France et nous a conduits aujourd'hui à mener les discussions dans l'esprit que vous savez.
Mme Bidard-Reydet a fait part de son sentiment sur le budget, l'Union européenne et la monnaie, qui ne m'a pas surpris.
S'agissant de la diminution des contributions volontaires, j'en suis, madame Bidard-Reydet, le premier navré. Je ne peux, dans un même budget, inscrire plus de dépenses que je n'ai de recettes. Naturellement, il est des moments où il faut choisir, arbitrer entre le renoncement à telle dépense ou à telle autre. Il est vrai que j'ai demandé un certain effort au chapitre des contributions volontaires. En effet, il me semblait que, dans ce domaine, nous avions fait, dans le passé, des efforts considérables et fait preuve d'une disponibilité que sans doute très peu de pays au monde ont manifestée. Dans ces conditions, il ne nous a pas paru illégitime que, pendant quelques années, eu égard à la conjoncture budgétaire, nous prenions de telles dispositions.
M. Vigouroux a évoqué la politique française au Proche-Orient. J'ai apprécié ses jugements et sa contribution.
J'ai écouté, bien sûr, avec beaucoup d'attention M. Peyrefitte. Il nous a tous interpellés en disant : la nation française a-t-elle encore quelque chose à dire ? Oui, je l'espère. En fait, je n'en doute pas. Pour ma part, je poserai la question d'une autre manière : en avons-nous les moyens et jusqu'où ? Notre détermination doit sans aucun doute être totale, et je vous remercie, ainsi que M. Guéna, du soutien que le groupe du RPR apporte à la politique conduite par la France.
M. Mauroy m'a interrogé sur l'Afrique. Mon collègue M. Godfrain a, pour l'essentiel, répondu à ses interrogations, et je ne crois pas nécessaire d'insister sur ce sujet.
Je répondrai maintenant à MM. Collin et Biarnès. Monsieur Biarnès, vous avez parlé des questions budgétaires. Je n'aborderai pas aujourd'hui ce débat et je n'évoquerai pas les chiffres puisque l'examen du budget des affaires étrangères viendra en son temps. Cependant, je ne peux vous laisser dire que nous sommes dans la « dèche », ni, surtout, qu'il y aurait une déchéance du Quai d'Orsay. Franchement, c'est aller trop loin. Aucun diplomate, même ceux qui pourraient être tentés de considérer comme insuffisants les crédits qu'on leur attribue - aucun fonctionnaire, bien sûr, ne se permettrait de le faire (Sourires) - ne considère que le Quai d'Orsay est atteint de déchéance.
Il y a, certes, des moments difficiles. Il est, bien sûr, plus agréable d'avoir un budget en augmentation qu'un budget en diminution. Pour autant, je vous le dis comme je le pense : je n'ai pas l'ombre d'un doute que la France soit tout à fait capable de conduire une politique étrangère ambitieuse avec les crédits dont je dispose. D'ailleurs, je ne pense pas qu'il s'agisse principalement d'une affaire de crédits. Il s'agit d'une question d'énergie, de volonté et, si possible, de talent, c'est là que cela se joue.
Certes, il est des seuils en deçà desquels on a du mal à faire face. Cependant - et M. Collin qui a évoqué le sujet le sait bien - s'il est vrai que nous fermons tel ou tel consultat, nous en ouvrons d'autres. Je voudrais vous rappeler que nous fermerons cette année les consulats généraux de Mons, Florence, Honolulu et Porto Rico. Nous fermerons aussi les ambassades de Freetown - vous y avez fait allusion, monsieur le sénateur - de Monrovia et de Lilongwe. Dans le même temps, nous allons ouvrir une ambassade à Chisinau, à Achkabad au Turkménistan, à Oulan-Bator et à Asmara. Bref, nous menons une politique que nous essayons de conduire de façon rigoureuse, ce qui ne nous empêche pas de faire face aux exigences de la diplomatie française.
Enfin, je remercie M. Demilly de ses considérations qui m'ont paru très pertinentes sur la question du désarmement nucléaire. C'est une question très importante pour laquelle, en dépit des nombreuses étapes qui restent à franchir et des difficultés qui se présentent, notamment celles qui résultent de l'attitude du gouvernement indien, la France a apporté sa contribution tout à fait remarquable au cours des derniers mois.
Permettez-moi maintenant, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, de présenter quelques réflexions complémentaires sur les sujets principaux de notre débat.
J'évoquerai, d'abord, la Conférence intergouvernementale. Il est vrai qu'elle n'a pas bien commencé. La discussion a été entreprise dans des conditions qui ne m'ont pas semblé très positives.
Il est vrai aussi, je l'avoue, que dans cette négociation je ne vois guère, sauf à faire un certain effort, s'exprimer le sentiment collectif d'un intérêt commun à défendre, dont les quinze gouvernements ont pourtant la charge. Je vois davantage les préoccupations nationales, parfois étroitement nationales, les arguments de campagne électorale, alors que nous avons des priorités. Les priorités françaises sont très claires : ce ne sont pas les priorités de l'égoïsme français, ce sont les priorités de ce que nous croyons être l'intérêt général de l'Union européenne.
Les institutions constituent une priorité. En effet, elles fonctionnent mal à quinze. Je ne vois pas comment elles fonctionneront après de nouveaux élargissements. La sécurité constitue aussi une priorité. En effet, si l'on veut rendre plus libre la circulation des personnes au sein de l'Union européenne, il faut d'abord progresser sur le plan de la sécurité intérieure, qu'il s'agisse de la lutte contre la drogue ou de la répression des trafics en tout genre et du crime organisé. La subsidiarité constitue également une priorité, et j'espère que vous ne m'en voudrez pas si je vous dis que j'en fais une exigence forte. Voilà des années que l'on parle de subsidiarité sans la mettre en pratique. Voilà des années que l'on inscrit ce principe dans les textes, y compris dans le traité de Maastricht. Or on n'a toujours pas progressé sur ce sujet. On rencontre toujours les mêmes difficultés. Aussi, je souhaite que l'Union européenne soit capable de régler une fois pour toute cette question de la subsidiarité par des méthodes pratiques.
Enfin, la politique extérieure et de sécurité commune constitue évidemment un point très important. Après la Conférence intergouvernementale qui, j'espère, sera réussie - nous verrons bien ! - il y aura l'élargissement de l'Union européenne. Soyons lucides, mesdames, messieurs les sénateurs : la grande Europe est en marche. Je ne crois d'ailleurs pas que cette perspective doive nous inquiéter. Pour ma part, je ne vois que des avantages à ce que, pour la première fois dans l'histoire de l'Europe, le continent européen se prépare à se rassembler au sein de l'Union européenne par des voies démocratiques, par la volonté des peuples et des gouvernements. Il s'agit, à mon avis, d'un événement historique de toute première importance.
Mais, en même temps, il nous faut être clairs : cette grande Europe-là ne sera pas tout à fait l'Europe que nous avons contribué à bâtir depuis trente ans. Si nous voulons une Europe forte, puissante et volontaire, il faudra bien que s'organisent la volonté et la détermination du petit nombre de pays qui voudront poursuivre cette route et conserver cette ambition.
Cette question-là n'est pas encore réglée, elle n'a pas encore fait l'objet de décisions, mais elle fera partie du débat au cours des mois et des années qui viennent ; connaissant mon engagement européen personnel, ne doutez pas que j'irai dans cette voie avec détermination.
MM. Guéna et Peyrefitte m'ont entraîné sur le terrain de l'Union économique et monétaire. Je ne m'attendais pas à aborder ce point ; mais ils ont démontré avec habileté qu'il s'agissait d'un débat de politique étrangère et ont ainsi subtilement augmenté le champ de mes responsabilités. Je ne vois pas pourquoi je m'en plaindrais, et je suis donc tout à fait prêt à parler de cette question avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs.
Je crois que la troisième phase, c'est-à-dire la création, au 1er janvier 1999, d'une nouvelle monnaie dans le monde, création extrêmement originale qui constitue une véritable novation historique, est un élément positif pour nous.
Bien entendu, il faudra assortir cette création, comme c'est déjà prévu, d'un pacte de stabilité budgétaire - va pour le nom ! -, pacte utile, qui n'est pas contraire à la souveraineté nationale, sauf à considérer que la souveraineté est le droit sacré de faire des bêtises, ...
M. Emmanuel Hamel. Oh !
M. Hervé de Charette, ministre des affaires étrangères. ... puisque le pacte de stabilité budgétaire a précisément pour objet de décider ensemble que l'on conduira une politique sage et raisonnable.
De là à dire que cela empêcherait chaque pays de conduire sa politique, il y a un pas que je ne franchirai pas, tant s'en faut ! Le conseil de stabilité évoqué par la France permet précisément de laisser aux gouvernements pris ensemble la responsabilité de coordonner leurs efforts nationaux par l'intermédiaire de leurs politiques budgétaires et macro-économiques. C'est donc l'organisation commune de notre volonté autour de la monnaie que nous avons décidé de construire ensemble.
M. Peyrefitte a développé une thèse tout à fait remarquable, et somme toute assez intéressante : et si l'on décidait de prolonger la période de trois ans ? Vous avez fait plusieurs propositions, monsieur le sénateur, commençant par cinq ans et finissant, si j'ai bien compris, par trente ans, ce qui n'est naturellement pas tout à fait la même chose. Mais je mesure la portée de votre position : vous souscrivez à l'objectif de la monnaie unique, mais vous proposez une modalité pratique laissant certaines portes ouvertes.
Personnellement, je vois à cette formule quelques inconvénients. Tout d'abord, elle fragiliserait le système : celui qui prend une décision dont il veille à ce qu'elle soit réversible montre en effet qu'il se réserve la possibilité de faire demi-tour. Cette formule marquerait donc le côté temporaire d'une décision. Or il me semble que ceux qui ont le plus à perdre à un tel choix se trouvent plutôt de ce côté-ci du Rhin que de l'autre.
Ainsi, par exemple, le fait que la Belgique et le Luxembourg soient deux Etats membres de l'Union monétaire ne les empêche pas de mener des politiques budgétaires radicalement différentes.
Autrement dit, la remise en cause de cet aspect de la monnaie unique nous amènerait à prendre des responsabilités contraires à nos intérêts, alors qu'en acceptant de faire ce que nous avons décidé ensemble - j'ai d'ailleurs bien observé que vous étiez d'accord sur le principe - nous gardons, me semble-t-il, la responsabilité éminemment gouvernementale de mener ensemble des politiques budgétaires et macroéconomiques coordonnées, et ce pour le plus grand bien - c'est ce que j'espère - de l'économie de chacun de nos pays.
J'en viens maintenant, mesdames, messieurs les sénateurs, à l'Alliance atlantique, à propos de laquelle beaucoup d'entre vous ont exprimé leurs préoccupations, voire parfois leurs interrogations. Je voudrais donc m'efforcer de vous apporter quelques réponses.
La vraie question porte en fait non pas sur l'Alliance, qui est un moyen, mais sur la sécurité de tous les peuples en Europe, qui constitue l'objectif à atteindre.
Or cette question se pose dans des termes nouveaux. Hier, en effet, nous avions affaire à une situation d'affrontement entre deux alliances militairement organisées, l'une face à l'autre, alors que, aujourd'hui, il s'agit de régler en commun des questions de sécurité entre pays dont le régime est démocratique ou sur la voie de la démocratie, pays entre lesquels il n'y a pas de conflit qui n'affichent pas d'hostilité mutuelle, bien au contraire, et qui ont tous droit à la même garantie, à la même qualité de sécurité à laquelle chaque pays peut légitimement aspirer.
Dès lors, notre projet est le suivant : en premier lieu, le cadre général de cette politique de sécurité est l'OSCE.
En deuxième lieu, nous sommes désireux que l'Alliance atlantique soit rénovée et nous acceptons qu'elle soit élargie.
En troisième lieu, nous souhaitons la signature d'une charte ou d'un traité entre l'Alliance atlantique et la Russie de façon à engager des discussions entre les uns et les autres, un travail en commun, une coopération dans le domaine essentiel pour chacun de la sécurité.
Où en est, dans ce cadre, la rénovation de l'Alliance atlantique, puisque telle était la question ? Je voudrais à ce sujet faire deux observations.
Tout d'abord, l'initiative française doit être bien mesurée dans ce qu'elle est. Voilà trente-cinq ans environ, un président américain, M. Kennedy, avait parlé du « pilier européen de défense ». On peut trouver curieux qu'une telle idée ait été exprimée de ce côté-là de l'Atlantique ; mais on avait vécu dans l'idée qu'il faudrait un jour organiser le pilier européen, c'est-à-dire la structure européenne de défense, qu'il y aurait la structure américaine et que tout serait coordonné dans un scénario. Or tel n'est pas le dispositif que nous avons présenté.
La proposition française que j'ai faite à l'Alliance atlantique au mois de décembre 1995 est la suivante : un système dans lequel, au sein de l'Alliance atlantique, s'exprime et s'organise l'identité européenne de défense par le biais de procédures telles que les forces européennes soient détachables, pour le cas où l'Europe déciderait d'entreprendre une action par elle-même, sans le concours des Etats-Unis, mais qu'elles ne soient pas détachées. Là se trouve le point essentiel.
C'est à cela que nous travaillons depuis un an et, à Berlin, nous avons enregistré un certain nombre de satisfactions.
Nous avons tout d'abord obtenu qu'il y ait un adjoint européen au commandement SACEUR ; ce serait, par définition, l'homme appelé à commander les forces détachables si elles devaient être détachées : ce commandement s'organise, monte des scénarios, travaille, fait des manoeuvres, prend toutes initiatives lui permettant d'être prêt à tout moment. Il a donc une responsabilité propre, et n'est pas simplement l'adjoint de SACEUR.
Par ailleurs, il est entendu que ces forces détachables pourraient être mises à la disposition de l'Union de l'Europe occidentale, car c'est dans ce cadre que s'exprimerait la capacité européenne d'intervention et d'action.
Il a également été convenu que des états-majors se mettraient en place au sein de groupes interarmées multinationaux afin d'organiser cette capacité militaire de l'Europe.
Enfin, une discussion est entamée sur la réforme des commandements.
L'identité européenne de défense n'est donc pas sous le contrôle des Etats-Unis ; par définition, elle est dans un système qui est destiné à vivre sa propre vie dès lors qu'elle serait amenée à agir elle-même.
Ce mécanisme suppose certes que les moyens de l'Alliance soient mis à la disposition de ces forces appelées à agir de leur propre chef, ce qui nécessite le concours de chacun dans l'Alliance atlantique, y compris celui des Etats-Unis. Mais il serait erroné de dire que, pour autant, l'identité européenne de défense serait placée sous le contrôle des Etats-Unis.
Certes, les discussions ne sont pas terminées, et elles sont même serrées sur la question importante du commandement Sud de l'Alliance, point sur lequel j'ai entendu exprimer, du côté américain, une opposition nette. Mais il s'agit pour nous d'une question essentielle, et le débat continue donc !
M. Emmanuel Hamel. Il ne faut pas réduire les crédits militaires, pour renforcer votre force de négociation !
M. Hervé de Charette, ministre des affaires étrangères. Ne doutez cependant pas de notre détermination à faire valoir ce que nous croyons utile, c'est-à-dire une alliance nouvelle à laquelle, alors - et alors seulement - nous serions prêts à participer pleinement.
Enfin, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais évoquer brièvement la question du Zaïre, puisque plusieurs d'entre vous m'ont interrogé sur la crise qui touche ce pays.
C'est une crise une fois de plus désolante, qui date, comme vous le savez bien, de la grande crise de 1994 au Rwanda. Elle résulte en particulier de l'afflux des réfugiés - ils sont aujourd'hui deux millions - sur les territoires avoisinants, à l'Est et à l'Ouest. Elle prend - il suffit de voir, hélas ! les tragiques images télévisées pour le constater - une tournure qui éprouve ces malheureuses populations déjà réfugiées, déjà exilées, déjà meurtries.
Je vous confirme, mesdames et messieurs les sénateurs, que nos ressortissants ont été évacués, et il est clair qu'une intervention armée du Rwanda se déroule désormais.
Nous avons pris un certain nombre d'initiatives qui nous paraissaient entrer dans le champ de nos responsabilités. Nous sommes ainsi intervenus auprès de l'Union européenne sur le plan humanitaire pour que, le plus vite possible, l'envoyé de l'Europe, M. Ajello, se rende sur place. Il y est actuellement pour étudier et faciliter toutes les solutions propres à permettre l'acheminement de vivres et de secours aux personnes qui ont été jetées sur les routes.
De même avons-nous soutenu les initiatives du secrétaire général de l'ONU, qui vient de désigner un représentant personnel dans la région pour faciliter la reprise des contacts et du dialogue, car il n'y aura pas de solution en dehors du dialogue.
En ce qui nous concerne, nous redisons avec force qu'une conférence des Grands Lacs est aujourd'hui indispensable pour réunir autour de la même table les pays de la région, sous l'égide des Nations unies, sur cinq sujets qu'il convient de traiter enfin : le retour des réfugiés chez eux, le jugement nécessaire des auteurs des massacres de 1994, l'organisation des pouvoirs dans ces pays ébranlés, les garanties à donner aux minorités et, enfin, l'aide que, dans ces conditions, la communauté internationale pourrait apporter pour permettre aux uns et aux autres de retrouver la paix.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à vous confirmer que notre ambition est d'être présents partout où sont nos intérêts, et ils sont eux-mêmes présents partout. Notre ambition est d'être présents dans tous les grands débats du monde, et je crois que c'est possible. Cela dépend, pour l'essentiel, s'agissant de la France, de sa volonté, de sa détermination et de sa capacité à s'engager elle-même.
Vous le savez, le monde nous regarde comme un pays différent des autres. Nous en tirons souvent de la fierté, mais cela nous donne aussi des devoirs. En effet, ce ne sont pas seulement nos cinquante-huit millions d'habitants que le monde regarde, ce sont nos valeurs, c'est notre histoire. Et c'est ce que nous sommes dans le regard des autres qui nous fait obligation.
M. Alain Peyrefitte. Très bien !
M. Hervé de Charette, ministre des affaires étrangères. C'est pour toutes ces raisons que la France doit avoir une politique étrangère mondiale et être présente, y compris là où, parfois, on ne la souhaite pas et on ne l'attend pas, mais où elle a des responsabilités car elle en a vis-à-vis de tous les citoyens du monde.
Voilà pourquoi nous agissons, et les encouragements ainsi que les appuis que vous avez apportés à la politique que conduit le Gouvernement, sous l'autorité spécifique du Président de la République s'agissant de la politique étrangère, me sont allés droit au coeur. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Le débat est clos.
Acte est donné de la déclaration du Gouvernement, qui sera imprimée sous le numéro 59 et distribuée.

7

MISE AU POINT
AU SUJET D'UN VOTE

M. Guy Penne. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Guy Penne.
M. Guy Penne. Monsieur le président, lors du scrutin n° 23, qui est intervenu sur les conclusions de la commission mixte paritaire relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville, le groupe socialiste souhaitait voter contre, mais la plupart d'entre nous n'ont pas pu participer au vote.
M. le président. Mon cher collègue, vous le savez, le résultat du vote est acquis, mais je vous donne bien volontiers acte de votre déclaration, qui figurera au Journal officiel.

8

COMMUNICATION DE L'ADOPTION
DE PROPOSITIONS D'ACTE COMMUNAUTAIRE

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication, en date du 30 octobre 1996, l'informant que la proposition d'acte communautaire E 686 - proposition de règlement (CE) du Conseil modifiant le règlement (CEE) n° 2454/93 de la Commission du 2 juillet 1993 fixant certaines dispositions du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil établissant le code communautaire des douanes - a été adoptée définitivement par les instances communautaires par décision du Conseil du 25 octobre 1996.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication, en date du 30 octobre 1996, l'informant que la partie de la proposition d'acte communautaire E 695 - proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord sous forme d'échange de lettres relatif à l'application provisoire du protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues dans l'accord entre la CE et le Gouvernement de la République démocratique de Sao Tomé e Principe concernant la pêche au large de Sao Tomé e Principe pour la période du 1er juin 1996 au 31 mai 1999 - a été adoptée définitivement par les instances communautaires par décision du Conseil du 25 octobre 1996.

9

DÉPÔT D'UN RAPPORT

M. le président. J'ai reçu de M. Georges Othily, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la détention provisoire.
Le rapport sera imprimé sous le numéro 60 et distribué.

10

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 5 novembre 1996, à neuf heures trente, à seize heures et le soir :
Discussion du projet de loi d'orientation (n° 511, 1995-1996) sur la pêche maritime et les cultures marines.
Rapport (n° 50, 1996-1997) de M. Josselin de Rohan, fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 4 novembre 1996, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 4 novembre 1996, à seize heures.
Délai limite pour les inscriptions de parole :
1° Déclaration du Gouvernement sur l'agriculture :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 5 novembre 1996, à dix-sept heures.
2° Question orale avec débat n° 9 sur les moyens de la justice :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion : mercredi 6 novembre 1996, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée à dix-sept heures vingt.)



NOMINATIONS DE RAPPORTEURS
COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

Gérard César a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 23 (1996-1997) de M. Jean-Marc Pastor et les membres du groupe socialiste et apparentés tendant à organiser la lutte contre les termites.
M. Marcel-Pierre Cleach a été nommé rapporteur du projet de loi n° 58 (1996-1997) relatif à l'Union d'économie sociale du logement.

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

57 (1996-1997) relatif à l'extension et à l'adaptation à la collectivité territoriale de Mayotte des dispositions législatives du titre Ier du livre VII du code de la santé publique, au statut du personnel et au financement de l'établissement de santé territorial de Mayotte ainsi qu'à la réforme du statut de la caisse de prévoyance sociale.



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Problèmes posés par la commercialisation
des boissons de type « premix »

494. - 31 octobre 1996. - M. Franck Sérusclat souhaite interroger M. le secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale sur la commercialisation des boissons de type « prémix » ; le phénomène lancé pendant l'été est manifestement poursuivi aujourd'hui. Non seulement les affichages muraux vantent les mérites de ces boissons mais on voit aussi tous les vendeurs de grandes surfaces arborer des tee-shirts publicitaires. L'avis qu'il avait sollicité du Conseil supérieur d'hygiène publique avait mis en évidence que si « la commercialisation de ces produits (était) poursuivie », des mesures s'imposeraient. Le maintien de cette commercialisation étant maintenant parfaitement établi, il souhaite connaître les mesures qu'il compte prendre pour éviter que, par le biais de ces boissons, les plus jeunes ne soient attirés par des alcools forts.

Lutte contre le tabagisme

495. - 31 octobre 1996. - M. Franck Sérusclat souhaite interroger M. le secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale sur la lutte contre le tabagisme. Il souhaiterait plus particulièrement attirer son attention sur le fait que le tabac à rouler est manifestement commercialisé à des prix trop bas, étant devenu beaucoup moins cher que les cigarettes. Le tabac à rouler est en revanche plus nocif, sa teneur en goudron étant supérieure. Il lui demande s'il envisage une augmentation plus substantielle de cette sorte de tabac afin que le prix, comme pour les cigarettes, soit un élément restreignant la consommation, notamment chez les plus jeunes. Il profite de cette question pour lui demander de veiller à une application plus stricte du décret prévoyant la protection des non-fumeurs et plus précisément en ce qui concerne les écoles et les hôpitaux.

Relance du secteur du bâtiment

496. - 31 octobre 1996. - M. Léon Fatous attire l'attention de M. le ministre délégué au logement sur les difficultés rencontrées par les professionnels du bâtiment. En effet, ceux-ci connaissent une situation dramatique, puisque 20 000 emplois ont été supprimés au premier semestre 1996. Même si la signature de plus de 130 000 prêts à taux zéro peut constituer un espoir, il n'en reste pas moins que les perspectives sont particulièrement négatives. Il lui demande quels sont ses projets pour relancer le bâtiment. Enfin, il souhaite connaître le nombre de PLA (prêts locatifs aidés) qui seront affectés à la région Nord - Pas-de-Calais, et plus particulièrement à son département.



ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL
de la séance du jeudi 31 octobre 1996


SCRUTIN (n° 23)



sur l'ensemble du projet de loi relatif à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville, dans la rédaction résultant du texte proposé par la commission mixte paritaire, modifié par l'amendement n° 1 du Gouvernement (vote unique en application de l'article 42, alinéa 12, du réglement).


Nombre de votants : 243
Nombre de suffrages exprimés : 237
Pour : 222
Contre : 15

Le Sénat a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (15) :
Contre : 15.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (23) :

Pour : 18.
Abstentions : 5. _ MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin et Mme Joëlle Dusseau.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (94) :

Pour : 93.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Yves Guéna, qui présidait la séance.

GROUPE SOCIALISTE (75) :

Abstention : 1. _ M. Pierre Biarnès.
N'ont pas pris part au vote : 74.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (60) :
Pour : 59.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. René Monory, président du Sénat.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (44) :

Pour : 44.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (10) :

Pour : 8.
N'ont pas pris part au vote : 2. _ MM. Jean-Pierre Lafond et Paul Vergès.

Ont voté pour


Nicolas About
Philippe Adnot
Michel Alloncle
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Philippe Arnaud
Alphonse Arzel
Denis Badré
Honoré Bailet
José Balarello
René Ballayer
Bernard Barbier
Janine Bardou
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Henri Belcour
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
François Blaizot
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Yvon Bourges
Philippe de Bourgoing
Jean Boyer
Louis Boyer
Jacques Braconnier
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Guy Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Camoin
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Jean Cluzel
Henri Collard
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Pierre Croze
Charles de Cuttoli
Philippe Darniche
Marcel Daunay
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Charles Descours
Georges Dessaigne
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
André Egu
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
Hilaire Flandre
Jean-Pierre Fourcade
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yann Gaillard
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Jacques Genton
Alain Gérard
François Gerbaud
François Giacobbi
Charles Ginésy
Jean-Marie Girault
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Jean Grandon
Francis Grignon
Georges Gruillot
Jacques Habert
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Bernard Hugo
Jean-Paul Hugot
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Pierre Lagourgue
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Edouard Le Jeune
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Marcel Lesbros
François Lesein
Maurice Lombard
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Jean Madelain
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
François Mathieu
Serge Mathieu
Jacques de Menou
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Daniel Millaud
Louis Moinard
Georges Mouly
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Sosefo Makapé Papilio
Charles Pasqua
Michel Pelchat
Jean Pépin
Alain Peyrefitte
Bernard Plasait
Régis Ploton
Alain Pluchet
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Christian Poncelet
Jean Pourchet
André Pourny
Jean Puech
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Philippe Richert
Roger Rigaudière
Guy Robert
Jean-Jacques Robert
Jacques Rocca Serra
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Maurice Schumann
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Alex Türk


Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Jean-Pierre Vial
Robert-Paul Vigouroux
Xavier de Villepin
Serge Vinçon

Ont voté contre



Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Danielle Bidard-Reydet
Claude Billard
Nicole Borvo


Michelle Demessine
Guy Fischer
Jacqueline Fraysse-Cazalis
Félix Leyzour
Paul Loridant


Hélène Luc
Louis Minetti
Robert Pagès
Jack Ralite
Ivan Renar

Abstentions


MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, Pierre Biarnès, André Boyer, Yvon Collin et Mme Joëlle Dusseau.

N'ont pas pris part au vote


Guy Allouche
François Autain
Germain Authié
Robert Badinter
Monique ben Guiga
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Jacques Bialski
Marcel Bony
Jean-Louis Carrère
Robert Castaing
Francis Cavalier-Benezet
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
William Chervy
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Léon Fatous
Aubert Garcia
Claude Haut
Roland Huguet
Philippe Labeyrie
Jean-Pierre Lafond
Dominique Larifla
Guy Lèguevaques
Claude Lise
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Michel Manet
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Pierre Mauroy
Georges Mazars
Jean-Luc Mélenchon
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean Peyrafitte
Jean-Claude Peyronnet
Louis Philibert
Bernard Piras
Danièle Pourtaud
Claude Pradille
Gisèle Printz
Roger Quilliot
Paul Raoult
René Régnault
Alain Richard
Roger Rinchet
Michel Rocard
Gérard Roujas
René Rouquet
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Fernand Tardy
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber

N'ont pas pris part au vote


MM. René Monory, président du Sénat, et Yves Guéna, qui présidait la séance.


Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : 244
Nombre de suffrages exprimés : 238
Majorité absolue des suffrages exprimés : 120
Pour l'adoption : 223
Contre : 15

Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés, conformément à la liste ci-dessus.