RATIFICATION D'ORDONNANCES
RELATIVES À LA LÉGISLATION PÉNALE
APPLICABLE AUX TERRITOIRES D'OUTRE-MER

Adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 493, 1995-1996) portant ratification des ordonnances prises en application de la loi n° 96-1 du 2 janvier 1996 d'habilitation relative à l'extension et à l'adaptation de la législation en matière pénale applicable aux territoires d'outre-mer et à la collectivité territoriale de Mayotte et abrogeant certaines dispositions concernant les îles éparses et l'île de Clipperton [Rapport n° 65 (1996-1997).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Pierre-André Périssol, ministre délégué au logement. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de mon collègue Jean-Jacques de Peretti, ministre délégué à l'outre-mer, qui, comme vous le savez, se trouve aujourd'hui à Cayenne. Telle est la raison pour laquelle je défendrai ce texte devant vous.
Avant de présenter ce projet de loi de ratification, je tiens à remercier M. Jean-Marie Girault pour l'excellent rapport qu'il a déposé. La loi du 2 janvier 1996 a habilité le Gouvernement à prendre, par voie d'ordonnances, les mesures législatives nécessaires pour rendre applicables dans les territoires d'outre-mer et à Mayotte les dispositions du code pénal et du code de procédure pénale en vigueur en métropole et dans les départements d'outre-mer. Les deux ordonnances prises sur la base de cette habilitation - les ordonnances n° 96-267 et n° 96-268 en date du 28 mars 1996 - ont été publiées au Journal officiel du 31 mars 1996.
Le projet de loi que la Haute Assemblée examine aujourd'hui prévoit la ratification de ces deux ordonnances, qui ont étendu aux territoires d'outre-mer et à la collectivité territoriale de Mayotte le code pénal et le code de procédure pénale en vigueur à la date du 2 janvier 1996, ce qui représente plus d'un millier d'articles.
Ces ordonnances ont ainsi permis de mettre à jour le droit applicable dans un domaine essentiel pour les droits et libertés de nos concitoyens.
La première ordonnance relative au code pénal étend les dispositions contenues dans les livres Ier à V du code pénal, à l'exception de celles qui sont prévues par l'article 132-70-1.
En effet, cet article, relatif à la rétention judiciaire des étrangers, ne peut trouver à s'appliquer puisque l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative à l'entrée et au séjour des étrangers ne vise pas les territoires d'outre-mer et Mayotte.
Il a été procédé à certaines adaptations de nature essentiellement technique, puisque de nombreuses législations auxquelles fait référence le code pénal ne sont pas applicables dans les territoires d'outre-mer. L'ordonnance prévoit donc les substitutions de référence nécessaires. Ainsi, à titre d'exemple, le code pénal fait référence, dans certaines de ses dispositions, au code de la santé publique, lequel ne s'applique pas dans les territoires d'outre-mer, d'où la nécessité de prévoir des rédactions adaptées pour ces articles, en renvoyant aux réglementations territoriales.
L'entrée en vigueur dans les territoires d'outre-mer et la collectivité territoriale de Mayotte du nouveau code pénal rendait nécessaire l'extension totale ou partielle de lois importantes tant par leur contenu que par leur valeur symbolique : la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle et la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.
Enfin, la législation sur les jeux de hasard est modernisée grâce à l'extension et à l'adaptation des lois du 21 mai 1836 sur les loteries et du 12 juillet 1983 sur les jeux de hasard.
La seconde ordonnance concerne l'extension de la procédure pénale.
La dernière adaptation de ces textes dans les territoires d'outre-mer datait de l'ordonnance du 12 octobre 1992.
Devaient donc être étendues dans ces territoires les dispositions des lois des 4 janvier et 24 août 1993. Sont ainsi rendues applicables les nouvelles règles de la garde à vue, notamment avec l'intervention d'un avocat après la vingtième heure, la procédure de mise en examen, ainsi que les droits nouveaux des parties au cours de l'information préparatoire.
Les règles relatives aux nullités de procédure sont étendues. Le système dit des « privilèges de juridiction » est abrogé, de telle sorte que les procédures publiques puissent être instruites localement sauf, bien évidemment, en cas de dessaisissement dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice.
Par ailleurs, les dispositions de la loi du 10 août 1993 sur les contrôles d'identité et celles qui sont relatives à l'extension du champ de compétences du juge unique et qui résultent de la loi du 8 février 1995 seront désormais applicables dans les territoires d'outre-mer et à Mayotte.
A Mayotte, la dernière extension des dispositions de procédure pénale datait de l'ordonnance du 1er avril 1981. Outre les textes qui viennent d'être évoqués, y sont donc rendues applicables notamment les lois entrées en vigueur au cours des années quatre-vingt, qui régissent la détention provisoire.
Naturellement, cette ordonnance relative à la procédure pénale comporte certaines adaptations. C'est ainsi qu'en matière de garde à vue la situation géographique de certaines îles de Polynésie, l'absence d'avocats et de médecins sur ces territoires nécessitent que soient prévues des mesures particulières de substitution.
Ce même problème géographique oblige à adapter certains délais concernant l'exécution de mandats et la délivrance des citations.
Ces exemples montrent bien que ces adaptations ne sont que la conséquence de contingences locales impérieuses.
Nos concitoyens de l'outre-mer bénéficient ainsi, à compter du 1er mai, des droits reconnus en métropole depuis plus de deux ans.
Avec la création au sein du code pénal et du code de procédure pénale de livres regroupant les dispositions spécifiques aux territoires d'outre-mer et à Mayotte, les praticiens comme les justiciables disposent d'un outil moderne qui facilite l'accès à un domaine du droit essentiel pour les libertés publiques et individuelles.
Le projet de loi soumis à l'examen du Sénat a donc pour objet principal de ratifier ces deux ordonnances.
Cette ratification permet par ailleurs de corriger un point de détail en ce qui concerne l'article 5, qui a été ajouté à la loi du 12 juillet 1983 relative aux jeux de hasard par l'article 8 de l'ordonnance étendant le code pénal.
Cet article 5 nouveau, tel qu'il vous est présenté à l'article 2 du présent projet de loi, vise à autoriser le représentant de l'Etat en Nouvelle-Calédonie à réglementer, par voie d'arrêté, l'activité des casinos dans ce territoire d'outre-mer.
Il s'agit non pas de confier au haut-commissaire des pouvoirs nouveaux en cette matière, mais simplement de faire figurer dans la loi du 12 juillet 1983, en les modernisant, les dispositions d'un décret du 29 avril 1947, qui avait institué cette habilitation à la satisfaction de toutes les parties concernées par cette matière en Nouvelle-Calédonie.
Le projet de loi soumis à votre examen met fin également aux incertitudes qui ont pesé sur le régime législatif applicable dans les îles éparses et l'île de Clipperton.
Quelques avis soutenaient que le régime de spécialité législative y était applicable au motif notamment que trois lois de 1982 et de 1983 étendant dans les territoires d'outre-mer certaines dispositions de droit et de procédure pénale avaient expressément prévu leur applicabilité dans ces îles.
Il est inopportun de laisser subsister des dispositions qui pourraient laisser croire que la législation pénale qui y est applicable peut être différente de celle qui est en vigueur en métropole alors que ces îles ne sont pas soumises au principe de spécialité.
Tel est l'objet de l'article 3 du présent projet de loi. Il sera désormais établi que la loi s'applique de plein droit dans ces parcelles du territoire de la République.
Je demande à votre Haute Assemblée de bien vouloir adopter ce projet de loi.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Marie Girault, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des lois a, pour l'essentiel - elle le confirmera tout à l'heure - conclu à la ratification des ordonnances du 28 mars 1996. Elle a néanmoins déposé quelques amendements soit de forme, soit, pour tel ou tel problème, de fond, mais il ne faut pas en déduire qu'il y a de grandes divergences entre le Gouvernement et la commission des lois.
Je propose donc à la Haute Assemblée de passer d'ores et déjà à la discussion des articles, afin que, sur chacun des problèmes qui suscitent interrogations ou difficultés, un échange puisse s'établir entre le Gouvernement, la commission des lois et la Haute Assemblée.
Sous ces réserves, la commission des lois a conclu à l'adoption du présent projet de loi de ratification.
Enfin, j'indique d'ores et déjà que, saisie de deux amendements « extérieurs » de nos collègues MM. Lagourgue et Millaud, la commission des lois a conclu, lors de sa réunion de tout à l'heure à leur adoption. S'agissant des loteries et des jeux de hasard en Polynésie française, la commission des lois a en effet considéré qu'il était normal que les dispositions des ordonnances soient mises en harmonie avec l'article 65 du nouveau statut, qui est entré en vigueur quelque temps après la rédaction desdites ordonnances.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.

Article 1er