M. le président. « Art. 9. _ I. _ Le I de l'article 219 du code général des impôts est complété par un f ainsi rédigé :
« f) Les sociétés mentionnées aux 1 à 3 de l'article 206, soumises à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun, autres que les sociétés à capital variable et celles mentionnées à l'article 238 bis HE peuvent bénéficier, pour une série comprenant un exercice bénéficiaire et les deux premiers exercices bénéficiaires suivant celui-ci, du taux fixé au dixième alinéa du a bis, à hauteur de la fraction de leurs résultats comptables qu'elles incorporent à leur capital au cours de l'exercice suivant celui de leur réalisation. Cette fraction doit représenter, pour chacun des trois exercices et dans la limite du résultat fiscal, le quart au plus du résultat comptable sans excéder la somme de 200 000 francs.
« Les dispositions de l'alinéa précédent s'appliquent si les conditions suivantes sont remplies :
« 1° La société a réalisé un chiffre d'affaires de moins de 50 millions de francs et n'est pas mère d'un groupe mentionné à l'article 223 A, au cours du premier des exercices pour lequel le bénéfice du taux réduit est demandé ;
« 2° Le capital de la société, entièrement libéré, est détenu de manière continue, pour 75 % au moins par des personnes physiques ou par une société répondant aux conditions visées au 1° dont le capital est détenu, pour 75 % au moins, par des personnes physiques.
« Lorsque la société n'a pas dressé de bilan au cours d'un exercice, le bénéfice imposé provisoirement en application du deuxième alinéa de l'article 37 ne peut être soumis au taux réduit ; lorsqu'elle a dressé plusieurs bilans successifs au cours d'une même année, comme prévu au troisième alinéa de cet article, seule la fraction du bénéfice du dernier exercice clos au cours de ladite année est soumise aux dispositions du présent f.
« Si l'une des trois incorporations au capital mentionnées au premier alinéa n'est pas effectuée, la société acquitte, dans les trois mois suivant la clôture de l'exercice au cours duquel elle aurait dû procéder à cette incorporation, l'impôt au taux normal sur la fraction de résultat du ou des exercices qui a été soumise au taux réduit, diminué de l'impôt payé à ce titre, majoré de l'intérêt de retard mentionné à l'article 1727. Il en va de même en cas de réduction de capital non motivée par des pertes ou de survenance d'un des événements mentionnés aux 2 à 3 de l'article 221 avant la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle est intervenue la dernière des incorporations au capital ayant ouvert droit au bénéfice du taux réduit ; en cas de réduction de capital, le montant de la reprise est, le cas échéant, limité au montant de cette réduction. Toutefois, si la société est absorbée dans le cadre d'une opération soumise à l'article 210 A, les sommes qui ont été incorporées à son capital ne sont pas rapportées à ses résultats au titre de l'exercice au cours duquel intervient cette opération si la société absorbante ne procède à aucune réduction de capital non motivée par des pertes avant l'expiration du délai précité.
« Les dispositions du présent f sont également applicables sous les mêmes conditions et sanctions lorsque les sociétés visées au premier alinéa portent à une réserve spéciale la fraction du bénéfice mentionné à la dernière phrase de cet alinéa.
« Les sommes prélevées sur cette réserve sont rapportées aux résultats de l'exercice en cours lors de ce prélèvement, pour une fraction permettant leur taxation au taux prévu au deuxième alinéa du présent I ; cette disposition n'est pas applicable en cas d'incorporation de la réserve au capital. »
« II. _ A la première phrase du premier alinéa du I de l'article 220 quinquies du code général des impôts, après la référence : "208 sexies ", sont insérés les mots : "ou qui ont bénéficié des dispositions du premier alinéa du f du I de l'article 219".
« III. _ A l'article 1668 du code général des impôts, il est inséré un 4 ter ainsi rédigé :
« 4 ter. Le bénéfice de référence et le bénéfice prévisionnel visés au I et au a du 4 bis s'entendent des bénéfices soumis aux taux fixés au deuxième alinéa et au f du I de l'article 219 du code général des impôts. »
« IV. _ A la première phrase du 1 de l'article L. 442-2 du code du travail, les mots : "de l'impôt sur les sociétés ou de l'impôt sur le revenu" sont remplacés par les mots : "de l'impôt sur le revenu ou aux taux de l'impôt sur les sociétés prévus au deuxième alinéa et au f du I de l'article 219 du code général des impôts".
« V. _ Les conditions d'application du présent article ainsi que les obligations déclaratives qui en découlent sont fixées par décret.
« VI. _ Les dispositions du présent article s'appliquent pour l'imposition des résultats des exercices ouverts à compter du 1er janvier 1996. »
Sur l'article, la parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. L'impôt sur les sociétés est l'une des questions essentielles de toute réforme fiscale.
Il est d'ailleurs particulièrement significatif de constater que le gouvernement actuel n'a pas à proposer de nouvelles réductions du taux de l'impôt sur les sociétés dans la mesure où, depuis de longues années, c'est un mouvement d'allégement constant qui a affecté cet impôt.
Deux orientations fondamentales ont été dessinées dans ce mouvement : il s'agissait, d'une part, de réduire progressivement le taux de l'impôt dû et, d'autre part, d'aménager les conditions de son application au travers de dispositions spécifiques et ponctuelles.
Concernant le taux, le mouvement peut être considéré comme quasiment achevé puisque, après l'adoption d'un article de la loi de finances de 1994, il est aujourd'hui de 33,33 % du résultat imposable, résultat qui n'est d'ailleur, dans les faits, qu'un simple solde économique et ne reflète donc qu'imparfaitement la situaton réelle des entreprises assujetties.
Ce taux - il importe de le souligner - comporte plusieurs caractéristiques.
Tout d'abord, il est aujourd'hui très proche du taux minimal d'impôt sur les sociétés que souhaite voir appliquer la Commission européenne dans ses directives les plus récentes en la matière.
Par ailleurs, il est très sensiblement inférieur au taux marginal de l'impôt sur le revenu, et même au taux moyen maximal de pression fiscale des ménages pour cet impôt.
Cette remarque, qui ne vaut pas approbation de la démarche gouvernementale de refonte du barème de l'impôt sur le revenu, est importante dans un contexte où les contribuables physiques soumis au taux maximal de l'impôt sur le revenu peuvent très bien être d'abord titulaires de revenus sous forme de bénéfices d'exploitation individuelle.
Il existe donc une réelle distorsion de taux entre contribuables, selon qu'il s'agit de particuliers ou d'entreprises.
Le produit actuel de l'impôt sur les sociétés est somme toute marginal.
Il est, dans les comptes de la nation pour 1995, de 118 milliards de francs, somme qu'il convient par exemple de rapprocher des 1 311 milliards de francs d'excédent brut d'exploitation des sociétés et quasi-sociétés non financières.
La plus élémentaire honnêteté intellectuelle commande en effet d'ajouter à cet excédent brut le produit net bancaire des établissements de crédits, les excédents des compagnies d'assurances et, à plus forte raison, la masse considérable des produits financiers des entreprises dont le montant est en progression constante et qui atteint, par exemple, pour les seules entreprises non financières, un montant de plus de 400 milliards de francs.
On doit aussi constater dans les faits que le situation financière des entreprises françaises n'a que très rarement été aussi bonne, puisque nous connaissons depuis 1993 une situation de marge brute d'autofinancement particulièrement florissante, supérieure à 110 %.
En revanche, comme c'est l'habitude en pareil cas, certains secteurs d'activité sont confrontés à des situations moins favorables.
Les secteurs d'activité dont le développement est pleinement lié à la dépense publique - je pense au bâtiment et aux travaux publics, à la construction mécanique - ou à la réalité de la part du revenu des ménages consacrée à la consommation - je pense notamment à l'industrie textile - présentent aujourd'hui des situations plus complexes et sont frappés de plein fouet par la récession.
Ces situations sectorielles ne peuvent nous faire oublier l'essentiel.
L'impôt sur les sociétés est une contribution modique des entreprises à la prise en charge des besoins collectifs, moins importante en particulier que ne l'est aujourd'hui la taxe professionnelle.
Dans les faits, si le taux de l'impôt sur les sociétés était resté fixé à 50 %, nous aurions aujourd'hui près de 60 milliards de francs de recettes publiques complémentaires à utiliser entre le financement des fonctions collectives et la réduction des déficits.
Le deuxième grand domaine de correction de l'impôt sur les sociétés est l'ensemble des dispositions ponctuelles et particulières qui dérogent au droit commun.
Dans cet ensemble, il y a bien évidemment le taux d'imposition particulier des plus-values, qui a été largement aligné par le bas au cours des dernières années, quelle que soit la nature de la plus-value, ce qui pose d'ailleurs la question de l'opportunité de ce régime particulier, les matières fiscales concernées étant fortement différenciées.
Mais il y a aussi le problème des régimes spéciaux ou spécifiques, comme le régime des sociétés mères, sans cesse perfectionné grâce, notamment, à certains amendements inspirés des réflexions de l'institut de l'entreprise.
Le coût fiscal du régime concerné est aujourd'hui non chiffré par le document portant évaluation des voies et moyens, ce qui est bien regrettable !
Permettez-moi simplement de souligner ici que le coût réel de la mesure doit être au moins équivalent aux 30 milliards de francs de dépenses fiscales constatées en 1995 !
D'autres dispositions existent, de portée plus ou moins significative, comme, par exemple, celles qui concernent le problème des exonérations de provisions pour restructuration, terme que chacun est obligé de traduire aujourd'hui par « licenciements », ou encore le régime fiscal particulier des implantations dans les zones prioritaires d'aménagement du territoire ou dans les départements d'outre-mer.
Il nous paraissait important de rappeler ces quelques éléments au moment où s'engage la discussion sur l'article 9.
M. le président. La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Mes remarques ne s'inscriront pas, bien sûr, dans la même ligne que celles de notre collègue qui vient de s'exprimer.
Mme Marie-Claude Beaudeau. On s'y attendait !
M. Philippe Marini. Je veux saluer la disposition qui nous est proposée au travers de l'article 9, tout en essayant, brièvement, de la replacer dans son contexte.
En effet, cette mesure s'inscrit dans le plan d'action en faveur des PME, dont le principe a été annoncé il y a tout juste un an, à Bordeaux si je ne me trompe.
Elle nous permet de bien comprendre que le principal vecteur de la création d'emplois dans notre pays, ce sont les petites et moyennes entreprises, et elle vient à bon escient pour nous rendre conscients du fait que les PME ont d'abord besoin de fonds propres.
Elle vise à encourager l'incorporation aux fonds propres de l'entreprise des résultats mis en réserve par application d'un taux d'impôt sur les sociétés un peu plus faible, dans certaines conditions, certes, très limitatives.
Toutefois, le signal est intéressant, car il s'adresse aux très nombreuses petites et moyennes entreprises de ce pays qui, dans nos différents départements, peuvent, si la confiance est là, créer réllement un nombre significatif d'emplois.
Nous avons eu un débat sur les aspects techniques de la mesure au sein de la commission des finances. Ce débat est fort bien résumé par l'excellent rapport écrit de M. Lambert, qui craint que cette mesure ne soit quelque peu contraire au principe de neutralité du droit fiscal.
Sur le fond de l'analyse, il a tout à fait raison, même si l'on ne doit pas nier le caractère intéressant de la mesure et surtout, au-delà de la mesure, le caractère intéressant et positif du signal qui est ainsi donné.
Mais ce que je veux souligner, dans cette brève intervention, monsieur le ministre, c'est l'opportunité d'aller plus loin et de déclencher les réflexes propices à l'esprit d'entreprise dans notre pays.
Nous avons besoin d'entrepreneurs, nous avons besoin de gens qui risquent leurs capitaux dans des aventures industrielles ou commerciales, car c'est, bien sûr, seulement s'il y a de plus en plus d'entrepreneurs que la situation de l'emploi s'améliorera.
A ce sujet, il semble que l'on doive remédier à certaines rigidités, à certains archaïsmes, à certains formalismes et que le droit des sociétés mais aussi la fiscalité des sociétés aient un rôle important à jouer dans cette évolution.
C'est en vertu de cette analyse qu'au sein de la commission des finances nous avons souhaité que le statut fiscal des gérants de SARL soit simplifié, que l'on en finisse avec cette fiction selon laquelle seul le gérant minoritaire à moins de 35 % a le droit d'être salarié, avec la protection sociale et les garanties qui y sont attachées.
Cela, on le sait, conduit de nombreux créateurs d'entreprise, aujourd'hui, à mettre en place des associés de pure forme, car c'est bien le bénéficiaire du régime de salarié, en fait l'animateur de l'entreprise, qui sera le vrai patron de celle-ci ; les personnes placées à ses côtés pour constituer le capital seront là, dans bien des cas, seulement pour la forme, et surtout pour la forme fiscale.
Il y a certainement beaucoup à réaliser pour faire évoluer les mentalités, mais que le droit et la fiscalité puissent être organisés de façon plus neutre, afin que l'on voie surtout la réalité économique des projets, de l'entreprise et que l'on prenne un peu moins en compte un certain nombre de considérations, souvent issues du passé, qui peuvent être contestables dans leurs effets, voilà qui serait déjà une bonne chose !
Monsieur le ministre, c'est dans cet état d'esprit que, bien sûr, je vous renouvelle mon soutien pour ce qui est fait, notamment au travers du dispositif de l'article 9.
M. le président. Sur l'article 9, je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° I-141, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de supprimer cet article.
Par amendement n° I-82, M. Carle et les membres du groupe des Républicains et Indépendants proposent :
A. - Dans la seconde phrase du premier alinéa du texte présenté par le I de l'article 9 pour le f du I de l'article 219 du code général des impôts, de remplacer la somme : « 200 000 francs » par la somme : « 500 000 francs » ;
B. - Pour compenser la perte de ressources résultant du A ci-dessus, d'insérer, après le I de cet article, un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes résultant du relèvement du montant du plafonnement de l'application du taux réduit de l'impôt sur les sociétés est compensée à due concurrence par un relèvement du droit de consommation des tabacs visés à l'article 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-3, M. Lambert, au nom de la commission des finances, propose de rédiger comme suit le dernier alinéa du texte présenté par le I de l'article 9 pour le f du I de l'article 219 du code général des impôts :
« Cette réserve doit être incorporée au capital au cours de l'exercice suivant le troisième exercice ayant bénéficié des dispositions du premier alinéa du présent f . En cas de prélèvement sur cette réserve ou d'absence d'incorporation au capital dans ce délai, les dispositions du sixième alinéa du f sont applicables. »
Par amendement n° I-270, MM. de Villepin, Huriet et les membres du groupe de l'Union centriste proposent :
A. - Après le paragraphe I de l'article 9, d'insérer un paragraphe nouveau ainsi rédigé :
« Pour l'application des dispositions du I aux sociétés visées à l'article L. 322-26-1 du code des assurances :
« a) Les mots : "capital" et "bénéfice" désignent respectivement le "fonds d'établissement" et l'"excédent de recettes" ;
« b) La condition prévue au 2° est réputée satisfaite si la société n'appartient pas à un ensemble tenu de présenter des comptes combinés en application de l'article L. 345-2 du même code. »
B. - En conséquence, de compléter in fine le texte de l'article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - La perte de ressources résultant de l'extension aux sociétés d'assurance mutuelle des dispositions relatives à la réduction du taux de l'impôt sur les sociétés pour les PME renforçant leurs fonds propres est compensée, à due concurrence, par un relèvement du tarif des droits de consommation sur les tabacs visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Loridant, pour défendre l'amendement n° I-141.
M. Paul Loridant. L'article 9, seul article significatif portant sur l'impôt sur les sociétés dans ce projet, est, à nos yeux, d'un grand intérêt.
Il s'agit en effet de concrétiser un effort particulier en faveur des petites et moyennes entreprises, en leur permettant de bénéficier, pour une part réduite de leur résultat fiscal, dès lors qu'il y a constatation d'un report à nouveau des résultats, d'un taux d'imposition plus faible ramené à 19 %.
On l'a dit, c'est là un des éléments du plan Juppé destiné aux petites et moyennes entreprises de notre pays, plan annoncé à grand renfort de publicité dans la bonne ville de Bordeaux, à l'instar des mesures de lissage des effets de seuil des différentes contributions assises sur la masse salariale, que nous avions examinées lors de la discussion du texte portant DDOEF du printemps dernier, ou encore des dispositions relatives aux amortissements dégressifs sur certains investissements spécifiques.
Cette mesure s'inscrit aussi dans le prolongement des allégements de contributions patronales au financement de la protection sociale.
Bref, nous avons le sentiment qu'on recherche un effet d'annonce.
La proposition consiste, en effet, à favoriser, dans des limites réelles mais relativement réduites, le développement des fonds propres des entreprises par incorporation de résultats.
C'est vrai, monsieur le ministre, les fonds propres constituent la principale faiblesse de nos entreprises et il conviendrait de faire en sorte que notre législation accompagne réellement cette indispensable décision de renforcement des fonds propres.
Toutefois, traiter la question des fonds propres sous ce seul aspect ne suffit pas, monsieur le ministre, car, aujourd'hui, les difficultés essentielles de nos petites et moyennes entreprises, singulièrement de celles qui réalisent un chiffre d'affaires inférieur à 50 millions de francs par an, ne découlent pas du traitement fiscal de leurs résultats.
Elles résultent, d'abord et avant tout, de la faiblesse des débouchés, liée à l'insuffisance ou à la diminution de la demande, aux ponctions diverses et variées effectuées sur la consommation, à l'inégalité d'accès des entreprises, notamment les plus petites, au crédit, les règles imposées par les banques pour le financement d'un projet étant parfois trop rudes.
Au fond, la mesure proposée est intéressante, mais elle est insuffisante, elle vise à un effet d'annonce et elle ne répond pas au vrai problème des entreprises, qui est d'avoir une demande à laquelle répondre.
C'est pourquoi prenant acte du pas qui est fait, tout en le jugeant nettement insuffisant, je retire l'amendement.
M. le président. L'amendement n° I-141 est retiré.
L'amendement n° I-82 est-il soutenu ?...
L'amendement n° I-141 ayant été retiré et l'amendement n° I-82 n'étant pas soutenu, la discussion commune n'a plus de raison d'être s'agissant des amendements n°s I-3 et I-270.
La parole est à M. le rapporteur général, pour défendre l'amendement n° I-3.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Monsieur le président, ayant renoncé, tout à l'heure, à prendre la parole sur l'article pour faire gagner du temps au Sénat, je tiens à dire d'un mot, en l'instant, au Gouvernement qu'aux yeux de la commission des finances, ou plus précisément de son rapporteur général, il existait peut-être une solution plus simple pour atteindre l'objectif, très utile, visé par le Gouvernement au travers de l'article 9.
Le dispositif proposé, quels que soient les efforts consentis pour le rendre plus simple, est tout de même quelque peu complexe. Il aurait été beaucoup plus simple de supprimer la surtaxe de 10 % sur l'impôt sur les sociétés pour les PME. Le coût aurait été, me semble-t-il, à peu près identique et la lisibilité pour les PME aurait été totale.
M. Jacques Oudin. C'est évident !
M. Alain Lambert, rapporteur général. Cette démarche, j'en suis convaincu, aurait été comprise par les PME. Bien que le dispositif leur apparaisse comme différent de celui qui avait été annoncé, dès lors qu'il est plus simple, je n'imagine pas qu'elles s'y seraient opposées.
Quant à l'amendement n° I-3, il vise à aménager le dispositif de la réserve spéciale, introduit par l'Assemblée nationale, et rendant obligatoire l'incorporation des sommes versées à cette réserve.
L'Assemblée nationale a, en effet, omis de prévoir un délai pendant lequel l'entreprise devrait procéder à l'incorporation au capital des sommes portées à la réserve, de sorte qu'une entreprise qui prélèverait des sommes sur cette réserve encourrait une sanction disproportionnée par rapport à la défaillance qu'elle aurait commise.
Aussi, pour supprimer toute ambiguïté et encourager l'objectif de renforcement des fonds propres, auquel souscrit le Sénat, l'amendement vise à rendre obligatoire l'incorporation au capital de la réserve spéciale au cours de l'exercice suivant le troisième et dernier exercice ayant bénéficié du taux réduit de 19 %.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Je tiens, tout d'abord, à remercier M. Loridant d'avoir retiré son amendement.
Avant de donner mon sentiment sur l'amendement de la commission, je souhaite également répondre à M. le rapporteur général, qui estime qu'il aurait été préférable, pour encourager les petites et moyennes entreprises, de supprimer pour elles la majoration exceptionnelle d'impôt sur les sociétés plutôt que de mettre en place un mécanisme du type de celui qui est proposé.
Si nous ne l'avons pas fait, monsieur le rapporteur général, c'est pour deux raisons.
D'abord, si l'on avait voulu appliquer cette mesure de suppression de la majoration exceptionnelle de l'impôt sur les sociétés au même échantillon de petites et moyennes entreprises, définies de la même manière, le coût budgétaire aurait été beaucoup plus élevé, de l'ordre de 4 milliards de francs.
Naturellement, nous aurions pu prendre un autre échantillon, en le réduisant encore, mais comme la mesure est déjà calibrée pour profiter aux petites entreprises plutôt qu'aux moyennes petites ou aux moyennes grandes, cela paraissait difficile.
Ensuite, cette solution d'un taux différencié au profit des PME était vivement souhaitée par les organisations représentatives des PME.
J'observe d'ailleurs, que, dans un certain nombre de pays étrangers, les taux d'imposition varient selon le chiffre d'affaires ou selon le bénéfice et qu'il existe une certaine progressivité de l'impôt sur les bénéfices.
C'est le cas aux Etat-Unis, où le taux de l'impôt varie entre 15 % et 38 % des bénéfices ; c'est le cas également en Grande-Bretagne, où il varie entre 24 % et 33 %. L'Allemagne est un cas un peu particulier. Quant aux Pays-Bas, ils ont un système qui peut nous paraître curieux puisqu'ils ont un impôt sur les bénéfices dégressif : les bénéfices supérieurs à 100 000 florins sont taxés à 35 % et les bénéfices inférieurs à 100 000 florins le sont à 37%.
En adoptant la mesure proposée à l'article 9, la France s'engagerait dans une voie qui a déjà été empruntée par d'autres pays et accorderait, au regard de l'impôt sur les sociétés, un avantage aux petites et moyennes entreprises, et notamment, dans ce cas précis, aux petites.
Le Gouvernement comprend le souci de l'auteur de l'amendement n° I-3. Il s'agit ici de modifier une disposition qui, proposée par voie d'amendement à l'Assemblée nationale, avait reçu l'accord du Gouvernement et qui visait à assouplir le dispositif initialement envisagé par le Gouvernement. Or l'amendement proposé par M. Lambert introduit sinon une rigidité du moins une obligation nouvelle qui vient contrarier le souci de souplesse de l'Assemblée nationale.
Aussi, je ne peux que m'en remettre à la sagesse du Sénat, tout en comprenant l'esprit dans lequel M. le rapporteur général a fait adopter cet amendement par la commission des finances.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-3, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. La parole est à M. de Villepin, pour présenter l'amendement n° I-270.
M. Xavier de Villepin. Comme toutes les PME, les petites sociétés d'assurance mutuelle ont besoin de renforcer leurs fonds propres pour financer leur développement. Dans le cas particulier, cette préoccupation se trouve accentuée par le souci de conforter la marge de solvabilité prévue par le code des assurances. Dans la pratique, ces fonds propres complémentaires sont alors obtenus par prélèvement sur l'excédent d'exploitation.
Or, bien que soumises à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun, les sociétés d'assurance mutuelle se trouvent, de fait, exclues du champ d'application de l'article 9 pour des raisons liées à leurs caractéristiques juridiques particulières.
En effet, conformément à la législation, elles sont dépourvues de capital social. Celui-ci est remplacé par un « fonds d'établissement » qui joue un rôle identique, sans être divisé en parts sociales. Par voie de conséquence, ces sociétés ne disposent pas d'actionnaires, et le pouvoir de décision appartient aux assurés. Ainsi, deux des conditions prévues par le texte ne leur sont pas applicables en l'état.
Pour éviter une discrimination injustifiée, et sans doute non souhaitée, le présent amendement tend donc à adapter les conditions d'application de l'article 9 au cas de ces sociétés.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. La commission des finances a estimé qu'il n'était pas anormal d'inclure dans le champ d'application de l'article 9 les sociétés d'assurance mutuelle, considérant que ces dernières ont également des contraintes de financement. Il ne faudrait donc pas qu'elles se trouvent dans une situation moins favorable que les sociétés d'assurance qui, elles, entrent dans le champ d'application de cet article 9, dès lors qu'elles répondent aux conditions de chiffres d'affaires et de structure juridique.
Telle est la raison pour laquelle la commission des finances a émis un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Une fois n'est pas coutume, le Gouvernement est, sur cet amendement, en léger différend avec la commission des finances, et ce malgré l'amitié que je porte à ses auteurs, notamment à M. de Villepin.
En effet, si nous avons été conduits à proposer l'application d'un taux de 19 % sur les bénéfices incorporés au capital à une réserve spéciale, c'est pour inciter les sociétés à modifier leur politique de distribution de bénéfices, afin de renforcer leurs fonds propres.
Cette logique est difficilement transposable aux organismes mutualistes d'assurance, qui n'ont pas vocation à distribuer les excédents de recettes dégagés par leur activité.
En outre, juridiquement, la notion d'« excédent de recettes » n'est pas définie. Il s'ensuit que la mesure poserait des difficultés techniques d'application et serait source de complexité.
Par ailleurs, il est à craindre que cet amendement ne suscite des demandes reconventionnelles en faveur des autres mutuelles ou des associations soumises à l'impôt sur les sociétés.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement préférerait, quant à lui, que l'on s'en tienne à la liste de bénéficiaires qu'il avait prévue initialement.
M. le président. Monsieur de Villepin, maintenez-vous votre amendement ?
M. Xavier de Villepin. Absolument ! J'ai, certes, beaucoup d'amitié pour M. le ministre, mais j'en ai tout autant pour M. le rapporteur général, qui nous a donné son accord sur cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-270, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 9, modifié.

(L'article 9 est adopté.)

Articles additionnels après l'article 9