M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 1 637 340 000 francs ;
« Crédits de paiement : 410 734 000 francs. »
Par amendement n° II-37, le Gouvernement propose :
I. - De majorer les autorisations de programme de 70 000 000 francs.
II. - De majorer les crédits de paiement de 17 500 000 francs et de minorer les crédits de paiement de 17 500 000 francs.
La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. Cet amendement vise à augmenter de 70 millions de francs les crédits consacrés à la loi de programme sur le patrimoine monumental. En effet, j'ai été sensible à la qualité de votre argumentation concernant les risques économiques et les risques sur l'emploi que fait peser l'étalement de cette loi sur le secteur spécialisé du bâtiment.
Aussi, au-delà des mesures de gestion que je vous ai longuement détaillées, je vous propose d'inscrire cette somme qui facilitera le maintien en 1997 du volume des chantiers. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Maurice Schumann, rapporteur spécial. L'avis de la commission sur cet amendement est, bien entendu, très favorable.
Je voudrais remercier M. le ministre de nous avoir présenté cette mesure dès aujourd'hui. Il me donne l'occasion de répondre en deux mots à l'argumentation développée par certains de nos collègues, en particulier par la plus agréable à regarder - sinon toujours à entendre - de nous tous, je veux dire Mme Pourtaud. (Sourires.)
Mme Pourtaud, comme nous tous, s'est inquiétée de voir la diminution considérable des crédits du patrimoine.
Devant une telle situation, trois attitudes sont possibles : la première consiste à jeter l'éponge ; la deuxième à se lancer dans l'invective, qui ne mène à rien, et à répandre ses larmes sur des ruines dont on ne manque d'ailleurs pas, par là même, d'aggraver la laideur ; la troisième solution consiste à négocier, à se battre et à obtenir un résultat.
Ce résultat est plus important encore que celui qu'a indiqué, voilà un instant, M. le ministre. En effet, avant même la présentation et le vote - dont je ne doute pas un instant - de cet amendement, nous avions obtenu le dégel de 50 millions de francs sur les 316 millions de francs qui, à mon grand regret et au grand regret de M. le ministre, avaient été gelés au cours de l'année 1996.
Cela représente donc 120 millions de francs, 120 millions de francs grâce auxquels, comme je l'ai dit tout à l'heure, il me paraît incontestable qu'environ 250 opérations pourront être tentées.
J'ajoute que les trois procédures auxquelles a fait allusion M. le ministre, qui confirment pleinement ce que j'ai cru comprendre et qui constituent d'excellentes réponses à mes questions, sont les bienvenues, et je suis sûr qu'elles seront efficaces.
Je me demande seulement, avec M. le président de la commission des affaires culturelles, si nous ne nous trouverons pas demain dans une situation plus difficile dans l'hypothèse où nous aurions, l'année prochaine, à compter encore sur d'autres reports pour parvenir à maintenir et à assurer la préservation des crédits du patrimoine, sinon en totalité du moins dans la plus large mesure.
Cette crainte, il n'est pas trop tôt pour l'évoquer et je crois que M. Gouteyron a eu raison de le faire ; nous aurons à en connaître en fin d'année.
Permettez-moi ce dernier mot, monsieur le ministre : c'est pour vous aider - vous n'en doutez pas un seul instant ! - que j'ai évoqué tout à l'heure la différence entre, d'une part, la surcharge que constitue pour vous un excès de transferts et, d'autre part, l'augmentation, au cours des deux dernières années - augmentation l'année dernière et diminution plus faible cette année que l'augmentation de l'année dernière - de votre budget.
Vous avez confirmé qu'il y avait un écart : 3 milliards de francs d'un côté, 1 milliard de francs de l'autre, si je m'en tiens à vos chiffres. Pour ma part, j'avais d'ailleurs parlé d'un écart de 1,3 milliard de francs seulement.
Je maintiens donc ce que j'ai dit tout à l'heure dans votre intérêt, dans notre intérêt commun. Je crois que, si vous demandiez et obteniez l'an prochain du Gouvernement - on a le droit de rêver ! - une augmentation globale de votre budget lorsque la situation générale se sera améliorée, et une augmentation portant non pas même sur les 2 milliards de francs que vous suggérez mais sur 1 milliard, voire sur 1,5 milliard de francs, vous auriez le droit de parler d'un rattrapage plutôt que d'une augmentation.
Vous voyez, par ce dernier exemple, combien nous sommes soucieux de seconder vos efforts. Je vous sais gré à la fin de ce débat, de m'avoir fourni l'occasion de vous remercier chaleureusement. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-37.
M. Jack Ralite. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Ralite.
M. Jack Ralite. Sur cet amendement, je souhaite intervenir parce que je ne suis pas de ceux qui font de Bercy un bouc émissaire. Il y a un Premier ministre, que diantre ! Mais il y a tout de même actuellement, c'est vrai, une pratique de ce côté de Paris qui est préoccupante.
Dans le rapport de Jacques Rigaud, il est bien noté que l'examen du budget de la culture est traité avec une « sévérité particulière du ministère du budget ». Il y a même une expression que je ne résiste pas à vous lire : « Il s'agit de le mettre à la toise dans un esprit que l'on n'hésitera pas à qualifier de punitif. »
Il y a donc là une bataille à mener. Bercy parle toujours du coût de la culture - en le traitant d'ailleurs d'un seul point de vue économique alors que, la culture, c'est beaucoup d'autres choses - mais Bercy ne se pose jamais la question du coût de l'absence de coût de la culture. Je crois, pour ma part, qu'il faut combattre la pensée qui émane de Bercy et qui, finalement, fait de l'économique un cheval de Troie, créant une sorte de fatalité qui entre en force dans la vie publique au point que l'inertie des choses l'emporte sur l'idée de volonté qui est la raison d'être du politique. Je l'ai dit tout à l'heure, « il est fatal qu'il soit fatal ».
Cela ne peut pas continuer ainsi, parce que l'homme et la femme, au regard des chiffres, n'ont plus qu'une fonction subsidiaire, voire de serviteur. Or je crois que, si l'on réduit la politique à une caisse enregistreuse, on tue la politique, et donc, un jour ou l'autre, la démocratie.
Je tenais à faire cette mise au point d'autant que, en feuilletant le journal Le Monde de ce soir - tout en écoutant les différents orateurs ! (Sourires.) - j'ai pu lire un article intitulé : « Comment le ministère de finances détourne la loi Malraux », au sujet des dations. C'est important, les dations ! C'est ainsi que le musée Picasso, par exemple, est le résultat de la loi Malraux sur les dations. Or voilà que le ministère des finances veut que le ministère de la culture lui rembourse chaque année le montant des dations !
« Notre peuple mérite qu'on se fie à lui et qu'on le mène dans la confiance », disait Marc Bloch. Or, sans qu'il en soit question nulle part, on fait à Bercy des tours de passe-passe par-derrière ou par-dessous.
Et que dire du titre, en page 27 du même quotidien : « La grande évasion des chefs-d'oeuvre de l'art français » ? Je suis pour le pluralisme, et, parmi les fleurs universelles, il en est quelques-unes qui sont de chez nous !
Vous voyez bien que c'est une grande bataille et qu'il faut la mener. Le ministère des finances doit servir la politique culturelle et non pas la piloter.
En ce qui concerne l'amendement, je n'arrive pas à être aussi enthousiaste que M. Schumann.
M. Maurice Schumann, rapporteur spécial. Je ne suis pas enthousiaste, je suis reconnaissant ; ce n'est pas pareil !
M. Jack Ralite. Disons « satisfait » !
En effet, on retire 558 millions de francs d'autorisations de programme, soit une diminution de 35 %, puis on ajoute 70 millions de francs, soit un peu plus de 10 %. Surtout, on retire 436 millions de francs de crédits de paiement et on rajoute 17,5 millions de francs, qui sont entièrement financés sur les crédits du ministère.
Bien évidemment, on ne peut pas être contre, mais je ne parviens pas à être pour : je crains un pilotage de Bercy, encore et toujours ! Pour renforcer le ministère de la culture, il faut parler haut et fort. Pour ma part, j'ai écouté M. Buren lors de la rencontre des arts plastiques de Tours ; il a beaucoup traité du patrimoine et des arts plastiques, en des termes que la situation exige, c'est-à-dire en parlant haut et fort.
Pour conclure, je dirai aussi que l'on oppose parfois patrimoine et création. Il faut cesser de traiter ces deux questions séparément. Je lis le patrimoine à travers les créations d'aujourd'hui. Je pense ici à Leroi-Gourhan et à ses si précieux ouvrages. « Pour inventer, écrit-il, il faut faire l'inventaire. » On a donc besoin des deux dimensions. Il ne faudrait pas qu'au nom du patrimoine on laissât la création de côté. C'est le patrimoine de demain !
Pour ce qui est de l'amendement, je le regrette, mais je ne peux que m'abstenir.
M. Maurice Schumann, rapporteur spécial. C'est déjà bien !
Mme Danièle Pourtaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Monsieur le ministre, vous êtes un véritable magicien, un as de l'illusionnisme ! En vous écoutant, on aurait pu penser que plusieurs centaines de millions de francs allaient être débloqués pour l'entretien ou la restauration du patrimoine.
Restons-en à la réalité ! Vous nous proposez une rallonge de 70 millions de francs en autorisations de programme et de 17,5 millions de francs en crédits de paiement, pour les crédits du patrimoine monumental. Soixante-dix millions de francs, mon collègue Jack Ralite vient de la rappeler, par rapport à une baisse prévue de 558 millions de francs, permettez-moi de considérer que ce n'est pas grand-chose.
Je m'étonne d'ailleurs que cela puisse satisfaire les rapporteurs de la commission et la commission dans son ensemble.
M. Denis Badré. Oui, tous les membres de la commission !
Mme Danièle Pourtaud. Sur ces 70 millions de francs, seuls les crédits de paiement correspondent en fait à du concret pour cette année, en particulier en regard de l'emploi : quelque 3 000 à 4 000 suppressions d'emplois sont à craindre dans le secteur de la restauration d'oeuvres d'art.
Monsieur le ministre, premièrement, vous nous proposez 17,5 millions de francs en crédits de paiement ; c'est carrément ridicule.
Deuxièmement, rien ne garantit que le reste des autorisations de programme sera bien honoré en crédits de paiement sur les trois prochaines années et que cette mesure ne restera pas un simple voeu pieux. J'ai cru comprendre que cette crainte était partagée par M. Schumann - que je remercie au passage de son compliment. (Sourires.)
Troisièmement, ces 17,5 millions de francs ne sont qu'un transfert. Or, comme aucun des chapitres de votre budget n'était déjà trop richement doté, nous ne pouvons nous satisfaire de la seule disposition que vous nous proposez, qui ne tend qu'à déshabiller Pierre pour habiller Paul. Je pense en particulier à la partie de ces crédits qui sera prélevée, si j'ai bien compris, sur l'enveloppe de rénovation du Centre national d'art et de culture Georges-Pompidou. Si je puis me permettre cette curiosité, monsieur le ministre, à quelle opération sont destinés ces 17,5 millions de francs miraculés ?
Une fois encore, il nous semble qu'il s'agit-là d'une curieuse façon d'honorer la mémoire d'André Malraux, lui qui fut si attaché à la mise en valeur du passé, lui qui fut l'inventeur d'une politique de restauration du patrimoine et de rénovation des centres historiques.
Monsieur le ministre, le groupe socialiste s'abstiendra sur cet amendement, sans que cela remette en cause le moins du monde sa position sur l'ensemble de ce budget.
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. Madame Pourtaud, lorsque l'on parle de patrimoine, il ne faut pas oublier que les lois de programme sur le patrimoine sont dues, la première et la deuxième, à André Malraux, la troisième, à François Léotard, la quatrième, à Jacques Toubon. Je ne vois pas beaucoup de socialistes dans cette liste !
Par ailleurs, le Centre national d'art et de culture Georges-Pompidou n'a évidemment rien à voir avec cette affaire.
Enfin, ces 70 millions de francs ne sont que très partiellement gagés. D'abord, il ne s'agit que de 17, 5 millions de francs, uniquement en crédits de paiement. Il n'y a pas de gage en autorisations de programme. La capacité d'engagement du ministère est donc réellement augmentée de 70 millions de francs. Le gage de 17,5 millions de francs en crédits de paiement se fera sur des crédits disponibles du chapitre 56-91. La somme correspond classiquement à un quart des autorisations de programme ouvertes. (Applaudissements sur les travées du RPR. - « Très bien ! » sur les bancs des commissions.)
M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles.
M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles. Je tiens à expliquer mon vote sur cet amendement, mais il ne surprendra personne !
Je souhaite moi aussi vous remercier de l'effort fait, monsieur le ministre, et dire à Mme Pourtaud comme à M. Ralite que, certes, 70 millions de francs, ce n'est pas à la hauteur de ce que nous aurions pu souhaiter ! Effectivement, l'amputation que nous avons les uns et les autres regrettée est largement supérieure à ce montant. C'est vrai, et personne ne le nie. Cela étant, ce qui est significatif, ce qui va permettre d'ouvrir les chantiers, ce sont bien les autorisations de programme, madame Pourtaud. Que demandons-nous d'autre ? Ces 70 millions de francs d'autorisations de programme nouvelles, c'est du net.
Il faut ajouter à ces 70 millions de francs, et M. le rapporteur spécial l'avait très bien exposé dans son rapport, les 50 millions de francs dont nous avons obtenu, ou plus exactement dont il a obtenu - et nous avons essayé de l'y aider - qu'ils ne soient pas gelés. L'ensemble fait donc bien 120 millions de francs.
Monsieur le ministre, je tiens ici particulièrement à saluer le véritable dialogue...
M. Maurice Schumann, rapporteur spécial. Voilà !
M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturellles. ... qui s'est instauré entre le Parlement et le Gouvernement.
M. Jacques Legendre. Très bien !
M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles. Je suis heureux de constater, à l'occasion de ce budget - cela n'a pas toujours été le cas - que le Gouvernement a fait un effort important pour aller dans le sens souhaité par le Sénat.
Monsieur le ministre, nous savons que nous vous le devons, et je tiens à vous en remercier. (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-37, accepté par la commission.
Mme Danièle Pourtaud. Le groupe socialiste s'abstient !
M. Claude Billard. Le groupe communiste républicain et citoyen également !

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V, modifiés.

(Ces crédits sont adoptés.)