M. le président. Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la poste, les télécommunications et l'espace.
Mes chers collègues, je vous indique dès maintenant que nous interrompons nos travaux à zéro heure trente car nous ne pouvons pas prendre de retard pour les débats de demain. Les dispositions du projet de loi de finances qui ne pourraient être examinées ce soir seront reportées à samedi prochain.
La parole est à M. Billard.
M. Claude Billard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget pour 1997 de la poste, des télécommunications et de l'espace, bien qu'en hausse de 6,6 % par rapport à 1996 et s'élevant à 11 milliards de francs, n'estompe pas pour autant nos inquiétudes face au processus de libéralisation engagé dans ce secteur. C'est une logique que, vous le savez, monsieur le ministre, notre groupe refuse.
En effet, le budget présenté porte l'empreinte d'une volonté politique de déréglementation et de privatisation et traduit les profonds bouleversements introduits dans le domaine des télécommunications. L'augmentation de 6,6 % est essentiellement imputable aux moyens accordés à la mise en place de l'autorité de régulation des télécommunications, de l'agence nationale des fréquences et à la prise en charge par l'Etat de l'enseignement supérieur et de la recherche des télécommunications.
Quant aux crédits relatifs aux télécommunications, ils doivent s'apprécier par rapport au cadre législatif et réglementaire dans lequel ils seront utilisés. A cet égard, les échos que l'on trouve dans la presse sur l'actuelle préparation des décrets d'application de votre réforme sont particulièrement inquiétants.
Ceux-ci, en l'état, contrairement à vos intentions proclamées de respecter un équilibre entre le secteur public et la concurrence et de le réaliser dans des conditions équitables et transparentes, donnent la fâcheuse impression de défavoriser France Télécom par rapport à ses concurrents futurs.
Je pense en particulier au décret relatif à l'interconnexion, c'est-à-dire à ce que devront payer les opérateurs privés pour utiliser le réseau existant. Certes, les montants ne sont pas encore fixés, mais la volonté exprimée d'un plafonnement minimal de ces versements afin de garantir une concurrence loyale et le rappel insistant que ces tarifs devraient être comparables à ceux qui sont pratiqués dans d'autres pays me font craindre qu'il s'agisse de permettre aux entreprises privées de bénéficier de l'accès au réseau public au moindre coût.
Il est d'ailleurs révélateur que, dans la première partie du projet de loi de finances, la contribution des opérateurs privés ne soit prévue qu'à concurrence de 15,5 millions de francs. Cette somme doit être rapprochée des investissements annuels effectués par l'opérateur public si on veut mesurer combien elle est dérisoire et inégale.
Le paiement par les opérateurs privés des frais d'interconnexion doit participer au financement du service universel qui incombe à France Télécom. Mais, revue au minimum, la charge essentielle, évaluée à plus de 9 milliards de francs, risque à ce compte d'être supportée par France Télécom et les abonnés.
J'en veux pour preuve les mesures qui prévoient une augmentation mensuelle de l'abonnement des familles de 54 % d'ici à quatre ans, la fin de la gratuité de l'annuaire papier et des trois premières minutes du Minitel, la diminution du nombre de cabines téléphoniques, l'augmentation de certains tarifs de raccordement.
Autre point qui constitue cette année pour France Télécom un lourd handicap par rapport à ses concurrents : la fameuse soulte de 37,5 milliards de francs que l'entreprise versera cette année à l'Etat pour qu'il puisse rémunérer les retraites des fonctionnaires des PTT jusqu'à extinction de leurs droits.
Le niveau de cette soulte, mais surtout les modalités de son versement, qui s'effectuera en une seule fois alors qu'il avait été envisagé qu'il ait lieu en plusieurs, sont discutables. Il est permis de penser, monsieur le ministre, que ce versement unique est en fait destiné à permettre au budget de 1997 de respecter les critères de convergences fixés par Maastricht. Cela ne peut être que néfaste pour France Télécom, qui n'avait provisionné que 22 millions de francs et devra donc puiser dans ses réserves pour verser la somme demandée.
Quant aux crédits consacrés à la poste, ils reflètent la « marchandisation » de ce qui est encore un service public. L'établissement public procède à une profonde réorganisation de ses modes de fonctionnement interne, conformément aux impératifs de production et de rentabilité qui lui sont imposés. Ainsi, par exemple, par dizaines de milliers, des emplois de titulaires ont été supprimés et partiellement remplacés par des emplois précaires.
Les réformes de structures en cours au sein de La Poste vont dans le sens des objectifs européens de libéralisation du secteur postal.
Si le Gouvernement déclare ne pas être prêt à accepter dans l'immédiat l'ouverture à la concurrence de l'activié courrier, il encourage toutefois la direction de La Poste à anticiper sur l'application de la directive de Bruxelles en procédant tel qu'elle le fait.
Certes, monsieur le ministre, vous vous êtes opposé jusqu'ici, encore récemment au conseil des ministres européens de la poste et des télécommunications, aux prétentions de la Commission de mettre fin au monopole sur le courrier. Irez-vous jusqu'à opposer votre droit de veto si, parmi les quinze pays européens, une majorité se prononce un jour en faveur des propositions de la Commission ?
Dans ces conditions, vous comprendrez, monsieur le ministre, que le groupe communiste républicain et citoyen vote contre votre budget. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà dix ans, le Sénat a créé une mission sur l'avenir des télécommunications en France et en Europe, mission que j'ai eu l'honneur de présider et à la suite de laquelle j'ai déposé une proposition de loi pour transformer la direction générale des télécommunications en société nationale.
Monsieur le ministre, après un certain nombre d'évolutions, vous êtes parvenu à réaliser ce grand projet et à mettre en oeuvre l'essentiel de la grande réforme qui était nécessaire pour mettre en place une structure permettant de lutter à armes égales avec d'autres grandes structures sur le plan international, car il est certain que les télécommunications deviennent mondiales. Sur le plan politique, l'essentiel a été fait : nous entrons dans la société de l'information avec une nouvelle dynamique.
Après M. Trégouët, rapporteur spécial, dont je partage les analyses, je formulerai trois remarques qui correspondent à trois inquiétudes.
Ma première remarque concerne l'information.
En effet - cela est capital compte tenu de la rapidité explosive du progrès technique et du retard des applications qui s'ensuit les éventuels usagers ignorent souvent ce qu'ils peuvent recevoir comme services. Aussi le marché est-il en retard sur la technique. Comment développer la sensibilisation ? Comment développer de nouvelles expérimentations et leurs évaluations ? Ces phases sont en cours et sont parfois financées ; l'évaluation reste encore relativement faible et l'information trop partielle.
Ma deuxième remarque a trait à la formation.
Les écoles qui, auparavant, étaient financées par France Télécom relèvent désormais de votre ministère. Quelle est la stratégie développée concernant leur ouverture tant sur le plan national, vers les autres écoles d'ingénieurs, vers le système universitaire et vers l'ensemble des industriels, que sur le plan international ? Je pense que les exemples d'EURECOM et de THESEUS pourraient être heureusement médités, notamment une fois que le décret d'application sera pris.
Ma troisième remarque portera sur la recherche.
A l'intérieur de France Télécom, le CNET va évoluer. Il comportera probablement moins de recherche fondamentale et plus de sciences humaines - en liaison avec le marketing, a dit le président - mais je pense qu'il faudrait constituer un potentiel à la mesure de l'importance des objectifs extérieurs pour répondre aux évolutions vers les multiples opérateurs français, vers le domaine fondamental, où s'allient l'informatique, les techniques de télécommunication, les mathématiques de base et la physique théorique. Nous avons des moyens, nous avons des hommes, nous avons des compétences. Peut-être faudrait-il créer une agence de moyens permettant d'assurer, d'une part par redéploiement des moyens existants, au CNRS, dans les écoles d'ingénieurs, les CEA, les universités, d'autre part par une augmentation des moyens, notamment de ceux qui sont destinés à l'INRIA, une orientation plus forte vers des expérimentations et leur suivi.
Enfin et surtout, je crois qu'il faudra recenser et aider les clubs et organismes divers qui s'occupent de sensibiliser et de former les publics variés concernés par la société de l'information. A cet égard, je pense que la formation systématique des agents de La Poste, notamment en zone rurale, serait une opportunité à ne pas oublier. Les bureaux de poste devraient devenir des points-contacts et des zones de compétences pour toutes les activités concernant les téléservices dans les zones rurales, de façon à faciliter l'usage à la fois d'Internet et de tout ce qui est lié aux inforoutes. La Poste est effectivement un des seuls réseaux qui participe à l'aménagement du territoire. Cela lui permettrait de conserver un rôle de guichet de banque, mais aussi de diffuser une compétence pour les technologies de l'avenir.
M. le président. La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits prévus en 1997 pour le ministère délégué à la poste, aux télécommunications et à l'espace représentent plus de 11 milliards de francs. Ils augmentent de 6,6 % par rapport à ceux de 1996, comme les rapporteurs, MM. Trégouët et Hérisson, nous l'ont dit.
Cet accroissement, surtout dans le contexte budgétaire actuel, marque la volonté du Gouvernement de mettre le maximum en oeuvre pour le développement des nouvelles technologies.
Cependant, MM. les rapporteurs ont noté aussi que cette hausse provenait surtout de transferts, de transferts d'emplois notamment. Elle doit donc être relativisée et placée dans la perspective de la baisse du budget général de l'industrie.
Pourtant, c'est bien de moyens nouveaux et de moyens accrus dont nous aurions besoin, car, dans le processus de développement de la concurrence qui doit conduire à la libéralisation totale des télécommunications en 1998, notre pays malheureusement est en retard, non seulement vis-à-vis des Etat-Unis, ce qui n'est pas surprenant, mais aussi par rapport à nos partenaires européens, ce qui est plus anormal.
Quelques exemples et quelques chiffres en témoignent. Ils m'ont été fournis par notre collègue Alex Türk, qui devait intervenir ce soir, au nom de notre groupe, mais qui n'a pas pu être présent. Il est, comme vous le savez, le rapporteur de la mission commune d'information sur l'entrée dans la société de l'information, mission que préside notre ami M. Laffitte, orfèvre en la matière, chacun le sait.
Il est un fait que nous nous équipons en technologies nouvelles beaucoup moins vite que nos voisins, et ce dans de nombreux domaines.
En matière de téléphonie mobile, la France occupe l'avant-dernière place en Europe avec un taux de pénétration qui était de 2,9 % en juillet 1996, soit le quart du taux britannique et le dixième du taux suédois. Ah ! les Suédois ! (Sourires.)
S'agissant de la télévision par câble ou par satellite, le rapport entre la France et l'Allemagne est de 1 à 10, en ce qui concerne le nombre de foyers abonnés à des services audiovisuels payants.
S'agissant des communications téléphoniques, le rapport en volume et par ligne principale est de 1 à plus de 3,5 entre la France et les Etats-Unis.
Pour ce qui concerne les ordinateurs, 14 % des foyers français en sont équipés contre 20 % en Grande-Bretage, 30 % en Allemagne et plus de 35 % aux Etats-Unis.
Or, l'ordinateur est indispensable à l'usage de la technologie de pointe qui effectue actuellement une progression des plus spectaculaires. Je veux, bien évidemment, parler d'Internet. Son évolution paraît tellement rapide que l'on sait déjà que la conquête économique reposera non plus seulement sur les richesses du matériel, mais aussi sur les énormes possibilités offertes par l'immatériel.
Les Français ont bien compris l'intérêt d'Internet. Le nombre des abonnés français à ce réseau est considérable, puisqu'il a dépassé le chiffre de 500 000 pour approcher celui de 600 000. Toutefois, ils ne représentent encore que 1 % de la population. Notre pays est quasiment en queue de peloton des pays européens, derrière la Suisse, la Belgique et l'Autriche.
Le taux de pénétration d'Internet s'élève à 47 % - c'est un taux non négligeable - mais il atteint 95 % dans plusieurs autres pays d'Europe occidentale ; 80 % des serveurs sont nord-américains et 90 % des échanges se font en anglais. Notre langue française en prend un grand coup !
Dans la conjoncture commerciale actuelle et la lutte pour les marchés, la possession et la maîtrise d'Internet est indispensable. Les entreprises françaises l'ont compris. Le nombre de celles qui sont raccordées à ce réseau s'est accru de 223 % en un an ; mais, dans d'autres pays européen, cette progression est bien supérieure puisqu'elle avoisine 400 %.
A quoi est due cette relative lenteur ? Les responsables des petites et moyennes entreprises expliquent que pour avoir accès à Internet en sollicitant les aides de l'Etat, elles doivent suivre un véritable parcours du combattant. Il faut, d'abord, s'adresser à l'ANVAR, l'Agence nationale de valorisation de la recherche, à la DRIRE, la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement et, enfin, à la SOFARIS, la Société française pour l'assurance du capital-risque, pour la garantie des financements et des prêts.
Le Gouvernement a engagé, nous dit-on, une opération de simplification des relations avec l'administration. Il est question de créer un « guichet unique », c'est-à-dire un seul organisme qui prendrait en main l'ensemble de la procédure. Où en est-on, monsieur le ministre, de ce projet qui présente un grand intérêt ?
En terminant, je rappellerai qu'Internet a eu un précurseur, toutes proportions gardées d'un point de vue technique, dont nous pouvons être fiers. Je veux parler du minitel qui est une invention française. On en compte plus de 6 millions dans notre pays.
Les Français ont acquis une véritable « culture minitel » qui prélude à ce qu'ils pourraient faire avec Internet, mais, malheureusement, nous n'avons pas su exporter ce bel outil.
Des amis américains m'expliquent fièrement que, maintenant, grâce à Internet, ils peuvent sans se déranger commander leurs billets de train ou d'avion. Ils se montrent surpris, voire incrédules, lorsque je leur explique que nous pouvons faire de même par minitel depuis dix ans.
Telle est la situation dans laquelle nous nous trouvons, monsieur le ministre. Quel paradoxe ! Alors que nous étions des précurseurs dans de nombreux domaines très importants, nous risquons maintenant de figurer parmi les lanternes rouges dans le domaine essentiel des technologies d'avenir.
Il faut réagir ! Nous comptons sur le Gouvernement pour redresser cette situation et, bien sûr, à cette fin, nous voterons le budget qui nous est proposé.
M. le président. La parole est à M. Revol.
M. Henri Revol. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l'occasion de l'examen des crédits du projet de budget pour la poste, les télécommunications et l'espace, je souhaite évoquer plus particulièrement le chapitre relatif à l'espace.
Je me réjouis, monsieur le ministre, que, tout en respectant la rigueur qui s'impose pour tous les chapitres du projet de loi de finances pour 1997, l'espace occupe une place prépondérante dans le projet de budget de votre ministère.
La politique spatiale française bénéficiera ainsi d'un soutien continu du Gouvernement, dans la droite ligne des orientations définies le 4 octobre 1994, confirmées et précisées par le conseil ministériel de l'Agence spatiale européenne qui s'est tenu à Toulouse en octobre 1995.
Faut-il rappeler que, le 26 octobre 1965, à quinze heures quarante-sept, la France est devenue la troisième puissance spatiale du monde, avec la satellisation réussie de la capsule technologique Astérix lancée depuis Hammaguir par une fusée Diamant ?
Depuis plus de trente ans, notre pays a remarquablement tenu son rang, dans un domaine au début réservé aux seules organisations étatiques pour des applications de défense et de recherche, et progressivement conquis, pour une part chaque jour plus importante, par le secteur privé, en vue d'applications grand public relevant du marché et peu à peu banalisées. Je songe ici à la télévision, au téléphone ou à la cartographie, pour ne citer que quelques exemples.
Si nous avons pu tenir notre rang, c'est bien évidemment grâce à l'intelligente coopération européenne, clé des succès remportés dans la compétition internationale face aux géants américain et russe.
Mais ne nous y trompons pas, d'autres puissances spatiales sont apparues, et nous nous trouvons à ce jour face à une nouvelle donne géopolitique.
Derrière les Etats-Unis, le Japon pourrait atteindre à brève échéance le deuxième rang, tant il développe rapidement un programme particulièrement complet. La Chine, en dépit de retentissants échecs, met progressivement en place un ambitieux programme.
S'agissant des applications, le phénomène nouveau réside dans l'émergence du marché : il y a à la fois multiplication des applications et des acteurs.
Citons le positionnement par satellites ; les Taxis bleus, à Paris, sont gérés grâce à l'utilisation des satellites, par le biais du système américain GPS. Citons, bien entendu, la télévision, la téléphonie et bientôt la téléphonie mobile, la radio FM. On ne connaît pas aujourd'hui, dit-on, la moitié des applications spatiales qui seront exploitées dans vingt ans !
L'évolution du domaine spatial est également visible à travers une nouvelle approche des aspects économiques. Il s'agit aujourd'hui de fournir des services de qualité au moindre coût, d'où la nécessité de faire appel à un partenariat avec les entreprises. L'industrie apporte sa connaissance du marché pour mieux discerner les limites technologiques et économiques.
Face à cette nouvelle situation, la France doit valoriser ses acquis et être le fer de lance de la mise en oeuvre d'une politique spatiale européenne ambitieuse. A cet égard, nous devons d'abord développer l'autonomie d'accès à l'espace.
Après les succès d'Ariane 4, le lanceur Ariane 5 de nouvelle génération doit rapidement achever sa qualification. En dépit de l'échec de son premier vol d'essai le 4 juin dernier, Ariane 5 doit rester un programme prioritaire pour la France dans le cadre de la coopération communautaire.
Il faut souligner que la dotation au titre de l'année 1997 devrait permettre de prendre en compte les conséquences budgétaires de l'échec de ce premier lancement. Il faut toutefois espérer que nos partenaires de l'Agence spatiale européenne apporteront leur juste contribution au surcoût engendré par cet accident de parcours.
A côté d'Ariane 5, qui permettra le lancement double de satellites lourds, la nécessité d'un plus petit lanceur se fera de plus en plus sentir après l'arrêt du programme d'Ariane 4, tant le marché des petits satellites est important. On parle maintenant de constellations de dizaines, voire de centaines de satellites pour des applications de télécommunications.
Je me réjouis, monsieur le ministre, de l'initiative que vous avez prise de sceller un accord avec la Russie pour l'exploitation commerciale du lanceur Soyouz dans le cadre d'une relance de notre coopération avec ce grand pays.
Dans un rapport que m'avait confié l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques sur les « Enjeux des coopérations et des échanges de technologies avec les pays de l'Europe centrale et orientale », rapport publié à la fin de l'année 1994, j'avais attiré l'attention sur les accords américano-russes de création d'une société mixte Loockeed, Khrunitchev Energia, avec un siège social en Californie, pour exploiter le lanceur russe Proton.
De même, j'avais signalé les accords de coopération signés entre la firme allemande DASA et la société russe Khrunitchev pour développer en commun de petits lanceurs légers.
Compte tenu de ce constat, je recommandais alors « de prendre une initiative pour organiser la concurrence du Proton et conclure des coopérations technologiques pour s'assurer la disposition de lanceurs intermédiaires ».
La création de la société Starsem, qui, au travers d'Arianespace, permettra à l'Europe d'exploiter le lanceur Soyouz me semble bien répondre à cette nécessité, mais peut-être pourrez-vous, monsieur le ministre, me le confirmer.
La participation active à la station spatiale internationale constitue un autre volet fondamental de notre politique spatiale.
Lorsque l'on observe, comme j'ai eu la possibilité de le faire, la maquette de cette station, un constat s'impose. Dans l'immeuble, le laboratoire européen s'apparente à un studio. Certes, la mise au point d'un véhicule de transport de fret représente un programme intéressant pour développer les compétences européennes en matière d'accès à la station, mais je pense que si nous voulons être des partenaires à part entière, nous devons développer un véhicule de transport d'équipage.
Il ne faudrait pas que les Européens ne soient que des « intérimaires » dans cette station internationale à bord de laquelle se développeront les bases des étapes suivantes de la conquête de l'espace.
Bien entendu, il faudra aussi - et je sais que le projet de budget le permet - poursuivre les programmes de recherche extrêmement importants pour les applications de l'avenir.
Dans les programmes nationaux, il est intéressant de noter que l'observation de la terre, avec la poursuite du programme Spot, et le développement des radiocommunications, avec le programme Stentor, figurent parmi les priorités.
Je ne voudrais pas terminer sans saluer l'effort de réflexion et de dialogue tout à fait remarquable et innovant réalisé par le Centre national d'études spatiales avec la définition et la présentation tout récemment de son « plan stratégique ».
L'élaboration de ce plan a été fondée sur une consultation très complète du personnel du CNES et de ses partenaires : il s'agit d'une nécessité face aux évolutions que j'évoquais au début de mon intervention.
Plus que jamais, le CNES, à partir duquel s'est créée l'industrie spatiale de notre pays, doit être un lieu de réflexion et d'excellence, en amont de la mise en oeuvre de la politique spatiale définie par le Gouvernement.
Telles sont, monsieur le ministre, les quelques brèves réflexions dont je voulais vous faire part au nom du groupe des Républicains et Indépendants, qui votera le projet de budget que vous nous présentez aujourd'hui.
M. le président. La parole est à M. Lagourgue.
M. Pierre Lagourgue. Lors de la discussion devant le Sénat de la loi de réglementation des télécommunications du 26 juillet 1996, j'avais attiré votre attention, monsieur le ministre, sur la nécessité d'accélérer la politique d'alignement des tarifs téléphoniques applicables dans les départements d'outre-mer sur ceux qui sont en vigueur en métropole.
En effet, d'une part, la libéralisation du secteur des télécommunications qui interviendra dès le 1er janvier 1998 menace directement la place, excellente, qu'occupe actuellement France Télécom parmi les opérateurs mondiaux.
D'autre part, compte tenu de ses bénéfices - j'ai relevé dans le rapport de la commission des finances que le résultat après impôt de l'entreprise pour 1995 s'élevait à 9,2 milliards de francs - France Télécom a les moyens de procéder à cet alignement des coûts.
Les tarifs abusivement supérieurs pratiqués par France Télécom outre-mer, par rapport à ceux qui sont appliqués en métropole, relèvent, je ne le répéterai jamais assez, d'une attitude non seulement inéquitable sur le plan social et économique, mais également injustifiable d'un point de vue technique. Cette attitude relève d'ailleurs d'un malthusianisme désuet qui me fait penser à celui qu'avait manifesté notre compagnie nationale lorsqu'elle avait le monopole sur nos lignes.
M. le Président de la République lui-même, je vous l'avais dit, a reconnu que l'écart des prix en la matière est anormalement élevé, au détriment des départements d'outre-mer, et s'est clairement engagé en faveur d'un alignement.
En cette année du cinquantenaire de la départementalisation de l'outre-mer, la volonté politique du chef de l'Etat et celle du Gouvernement ont permis l'alignement de la quasi-totalité des prestations sociales servies dans les départements d'outre-mer sur celles de métropole, au nom de l'égalité sociale et de la solidarité nationale.
J'aurais souhaité que cette année symbolique s'achève aussi par l'instauration de l'égalité des citoyens de métropole et d'outre-mer face à leur facture téléphonique !
Voilà presque un an, jour pour jour, à cette même tribune, à l'occasion du débat budgétaire également, je vous faisais part de ce problème ; je ne reviendrai donc pas sur le catalogue des disparités constatées.
Je ne voudrais pas non plus établir une comparaison hasardeuse, car nous ne sommes pas au cinéma et cela n'est pas un feuilleton. Pourtant, par rapport à l'an dernier, les acteurs n'ont pas changé. Qu'en est-il du scénario ? Il a à peine évolué, puisque des baisses sont intervenues. Mais nous attendons avec impatience le dénouement, c'est-à-dire l'achèvement de l'alignement des tarifs téléphoniques.
Monsieur le ministre, je tiens ici à rendre publiquement et officiellement hommage à votre action, qui a permis, ces derniers mois, des baisses sensibles des coûts des communications téléphoniques au départ des DOM. Depuis que vous êtes à la tête de ce ministère, j'ai pu apprécier votre vigilance constante sur ce dossier.
C'est pourquoi je vous accorde toute ma confiance et voterai votre budget.
Mais, de grâce ! monsieur le ministre, faites en sorte que, l'année prochaine, la politique tarifaire inégalitaire de France Télécom dans les DOM ne soit plus qu'un mauvais souvenir. (M. Othily applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis dix ans, je n'ai jamais manqué un rendez-vous du budget de La Poste et des télécommunications. Or, jamais comme aujourd'hui, je n'ai abordé cette discussion avec autant d'appréhension quant à l'avenir des deux services publics.
La Poste, malgré l'énergie de sa direction et le dévouement de ses salariés, se débat dans un environnement de plus en plus hostile. France Télécom sera privatisée à la fin de l'année. Le service universel du téléphone, cet ersatz de service public, est encore incertain tant la pression des concurrents est forte.
L'autorité de régulation, signe de la démission de l'Etat et victoire de l'idéologie libérale, se met en place dans un climat de suspicion. De quoi sera fait 1997 ? Comment, monsieur le ministre, honorerez-vous les engagements que vous avez pris ? C'est autour de ces questions que je m'exprimerai au nom du groupe socialiste.
Le volet « télécommunications » du projet de loi de finances est examiné dans un contexte très particulier : l'entreprise France Télécom est en passe d'être transformée en société anonyme et les décrets qui détermineront son avenir et définiront la physionomie du marché français des télécommunications sont en cours d'élaboration.
Nous partons d'un socle minimal, celui que vous avez fait adopter en trois textes législatifs, et nous craignons que les décrets d'application ne restreignent encore le champ du service public dans sa réalité quotidienne.
Par exemple, nous nous étions opposés à votre « loi d'expérimentation des autoroutes de l'information », non pas par principe, mais pour dénoncer une décision prise sans réflexion préalable. C'était, en fait, l'alibi d'une déréglementation qui n'osait pas dire son nom.
L'actualité confirme nos craintes : Cégétel, filiale de la Compagnie générale des eaux, la CGE, a choisi Nice - c'est écrit dans Le Figaro du 20 novembre dernier - pour s'attaquer au monopole de France Télécom sur les communications locales. Il est question non plus de tester une utilisation originale de la téléphonie ou d'expérimenter une amorce d'autoroute de l'information, mais simplement de prendre une place sur le marché local avant même que la loi de réglementation soit applicable.
Avez-vous connaissance, monsieur le ministre, de ce projet ? Allez-vous le laisser aller à son terme ? Dans l'affirmative, en quoi la qualité d'opérateur de la CGE justifierait-elle une telle entorse ? Que pensez-vous de ce cas d'écrémage d'un marché juteux ?
Par ailleurs, je note que le Parlement a été peu, voire pas informé. Quels critères ont été retenus pour la labellisation des 244 projets ? Aurons-nous la liste des heureux élus ? Quels enseignements tirer des expérimentations lancées en 1994 ? Où en est l'élaboration du schéma sectoriel des télécommunications prévu par l'article 20 de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire ?
S'agissant des dotations budgétaires, le Gouvernement n'a pas tenu ses promesses. En 1995, il s'était engagé à consacrer 500 millions de francs aux autoroutes de l'information. En raison des régulations budgétaires, les crédits de paiement s'élèvent à 291 millions de francs, y compris les crédits inscrits pour l'année 1997. Il est vrai que les autorisations de programme atteignent 500 millions de francs. Mais on sait qu'elles n'engagent pas vraiment ceux qui les inscrivent dans une loi de finances.
Je ne reviendrai pas sur la loi de déréglementation des télécommunications ; nous l'avons combattue de toutes nos forces. J'observe seulement que les quelques éléments de service public qu'elle prétend sauvegarder, une sorte de « RMI du téléphone », sont menacés par les conditions dans lesquelles s'effectue la privatisation de l'entreprise nationale, qui apparaît comme sacrifiée à une opération financière pour boucler un budget et donner le change sur l'un des critères de convergence de Maastricht. Quelle gestion de boutiquier ! Quel mépris de l'intérêt de la France !
Quant à l'autorité de régulation, qui se voit attribuer 125 emplois provenant de l'actuelle direction générale des postes et télécommunications, la DGPT, si respectée, plus les crédits afférents à 13 créations de postes, nous ne sommes pas sûrs que sa mise en place offre toutes les garanties que l'on peut attendre dans un moment crucial.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous assurer que cette instance sera dirigée par un vrai professionnel, une « pointure » comme il y en eut tant à la tête de France Télécom ! N'y a-t-il pas le risque que, une fois de plus, vous ne nommiez l'un de vos obligés ? Cela ne pourrait que réjouir BT, Bouygues SFR et autres et consterner les Français !
Nous avons également des craintes pour l'Agence nationale des fréquences, qui aura à jouer un rôle de gestion et de contrôle : 227 emplois sont transférés du ministère de l'industrie. Dans quelles conditions et avec quelles directives ?
Enfin, l'enseignement supérieur, désormais à la charge de l'Etat, est toujours financé, pour l'essentiel - à 75 % - par France Télécom. Pouvez-vous m'expliquer ce tour de passe-passe et rassurer les personnels sur la pérennité de leurs établissements ?
Reste le financement du service universel, qui fait l'objet d'âpres tractations. C'est la clé de voûte de ce qui reste du service public et tout particulièrement du principe de péréquation géographique. France Télécom estime son surcoût à 7 milliards de francs ; les opérateurs privés à 2 milliards de francs. Les bons apôtres ! Pouvez-vous vous engager, monsieur le ministre, à faire pencher la balance du bon côté ?
Le peu de temps laissé pour la première fois aux groupes pour s'exprimer dans le débat sur le projet de loi de finances - huit ou dix minustes pour deux budgets : quelle dérision ! - m'oblige à survoler l'examen des crédits affectés à la poste. Pourtant, à la lumière de 1996, il y aurait tant à dire sur ce qui sera, pour l'entreprise publique, l'année de tous les dangers.
J'articulerai mon propos autour de trois défis, qui, chacun, menace à terme l'existence même du service postal, pour peu que la collectivité nationale ne se mobilise pas suffisamment : la décrue continue de l'activité « courrier », métier de base de La Poste, socle de sa légitimité ; la volonté dérégulatrice de la Commission européenne, acharnée à démanteler nos entreprises publiques ; enfin, la mauvaise foi du lobby bancaire qui trouve jusqu'au sein du Gouvernement des oreilles complaisantes.
La Poste est d'abord, c'est vrai, victime des nouvelles technologies. La généralisation de la télécopie et du téléphone explique la baisse inexorable de l'échange épistolaire et, plus récemment, le moindre volume de correspondances entre entreprises, d'où un chiffre d'affaires en recul de 3,2 % et un manque à gagner évalué à 2,5 milliards de francs en 1994 et qui, sur la pente actuelle, pourrait atteindre 5 milliards de francs en 1998. Difficile à compenser dans un contexte de récession !
La Poste a pris quelques initiatives heureuses pour contrecarrer ce déclin, notamment l'offre d'enveloppes préaffranchies parfois joliment ornées. Souhaitons-lui bonne chance ! Encore faut-il que la Commission européenne n'impose pas tout à coup l'ouverture à la concurrence du seul segment « courrier » encore en croissance : le publipostage.
De même serait désastreuse la libéralisation du courrier transfrontalier entrant, ce qui donnerait aux entreprises françaises le moyen de réexpédier à moindre coût, de l'étranger, leurs envois à leurs clients.
Réserver le service public, comme la Commission européenne le propose, à la lettre et au petit colis, c'est, compte tenu des évolutions récentes, condamner La Poste à brève échéance. Entre la France et Bruxelles, l'affrontement est rude ! Tour à tour, le Sénat, le Parlement européen, l'Assemblée nationale et, récemment, le Président de la République ont pris position.
Mais qu'en est-il aujourd'hui alors que le Conseil « Poste » vient de se réunir sans conclure ? En effet, malgré l'appui de l'Allemagne, nous n'avons pu convaincre nos partenaires, ce qui laisse le champ libre à une décision juridiquement possible de la Commission pour imposer son point de vue. Que comptez-vous faire, monsieur le ministre ?
Le Président de la République a-t-il l'intention de proposer la mise à l'ordre du jour de cette question lors du Conseil européen de Dublin ? Une défaite de la France sur un sujet aussi sensible serait vécue comme un cataclysme et déclencherait chez les salariés sans doute, mais aussi chez les élus locaux, de vives réactions. Nous avons, mon groupe et moi, soutenu le Gouvernement sur ce dossier. Nous sommes en droit de demander aujourd'hui quel est votre degré de détermination, monsieur le ministre, et quelles armes vous vous donnez pour arracher la bonne décision.
Tout ce qui précède montre à quel point l'équilibre de La Poste est précaire. Raison de plus pour ne pas la fragiliser encore dans ses services financiers : ces derniers représentent 25 % de son chiffre d'affaires et 70 % des recettes des bureaux en milieu rural. En effet, sur ce point, La Poste s'est ressaisie récemment : elle a stabilisé à quelque 10 % sa part sur le marché.
Mais vous avez déjà porté un mauvais coup à La Poste en permettant aux établissements commerciaux d'ouvrir un livret jeunes, mieux rémunéré que le livret A, ce qui a entraîné une décollecte de 74 milliards de francs.
Le bruit court que la banalisation complète du livret A serait considérée comme inéluctable par le ministre des finances. Qu'en est-il exactement ? En mesurez-vous le prix en termes de fermetures au sein du réseau ? Mes collègues, si attachés à leur recette rurale ou même à leur bureau de plein exercice, n'imaginent pas l'hécatombe qui en résulterait.
A l'autre bout de la chaîne, comment ferez-vous pour assurer la fonction de « banque sociale » discrètement tenue par La Poste aujourd'hui ? Trois millions de Français y ont recours pour toucher leurs prestations ou se servir du livret A comme d'un compte bancaire. Il s'agit de RMIstes, de chômeurs, ou tout simplement de salariés à petits revenus, à qui les banques refusent un chéquier par crainte du manque de rentabilité. Quand les mettra-t-on au pied du mur ? A quand une évaluation objective de ce coût ? A quand une reconnaissance explicite de ce rôle de cohésion sociale assumé sans tapage par les postiers ?
Est-ce le rapport du Gouvernement au Parlement prévu par la loi de 1990 pour la fin de 1996 - nous y sommes ! - qui fera justice de ces attaques et qui, surtout, offrira à La Poste une rémunération équitable pour ses missions d'aménagement du territoire ? Nous attendons sur ce point, comme sur ce qui se passera à l'issue du moratoire, à la fin de l'année 1997, un certain nombre d'éclaircissements. Ce sont là autant de questions décisives pour l'avenir.
Vous comprendrez, monsieur le ministre, que, dans ces conditions, nous ne puissions approuver les projets de budgets que vous nous présentez, tant celui de la poste que celui des télécommunications.
Le groupe socialiste, en désaccord profond avec votre politique, se prononcera contre. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Othily.
M. Georges Othily. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est avec une certaine satisfaction, pourtant mêlée d'inquiétude, que j'ai pris connaissance du montant de l'enveloppe budgétaire allouée notamment au Centre national d'études spatiales pour l'année 1997.
Celle-ci traduit, en effet, une progression de 1,44 % par rapport à l'exercice de 1996, ce qui, à une époque où nous devons faire face à de sérieuses difficultés financières, constitue un effort.
Cette augmentation budgétaire, destinée à corriger les effets de l'inflation, assurera donc au Centre national d'études spatiales, pour 1997, le maintien du budget spatial français à son niveau actuel.
Si 1996 nous avait complètement souri, nous ne pouvons pas en dire autant de la dotation budgétaire pour 1997, qui aurait certainement assuré la poursuite sans encombre des engagements pris l'année passée et aurait ainsi permis à la France et à l'Europe d'asseoir leur supériorité dans le domaine spatial.
C'était, hélas ! sans compter avec l'échec retentissant rencontré par le premier tir de qualification d'Ariane V. Je sais, pour avoir vécu sur place ce moment difficile, avec quelle déconvenue la communauté industrielle et spatiale, ainsi que les habitants de la Guyane ont perçu cet incident.
Leur inquiétude est bien légitime lorsqu'on sait combien le poids de l'activité spatiale sur l'emploi est considérable : 27 % de la population guyanaise travaillent, en effet, au coeur de cette industrie.
Ainsi, les crédits accordés au « poste espace » du budget discuté aujourd'hui, bien qu'importants puisqu'ils s'inscrivent dans la continuité des efforts déjà entrepris, se révèlent cependant insuffisants au regard de la charge imprévue - 1,8 milliard de francs - consécutive à cet échec.
En conséquence, l'exercice 1997 sera complexe. C'est la raison pour laquelle le CNES devra consentir bien des efforts, afin de résorber cette charge supplémentaire.
Quoi qu'il en soit, cet imprévu de taille dans le programme spatial européen, imprévu auquel - je n'en doute pas - il sera prochainement remédié, ne doit pas nous faire oublier l'ensemble des succès rencontrés jusqu'alors par le Centre national d'études spatiales et par l'Agence spatiale européenne.
On ne peut en effet balayer d'un revers de la main toutes les réussites qu'a connues, et que connaîtra encore Ariane IV dans l'attente du nouveau lanceur, avec vingt-deux tirs prévus jusqu'à la fin 1999.
Cela étant, nous souhaitons vivement que la qualification d'Ariane V, dont le vol est prévu entre avril et juin 1997, parvienne à redonner au domaine spatial l'espoir que l'accident survenu, relayé par la presse internationale, avait quelque peu entamé.
De plus, à l'heure où nous parlons, les Etats-Unis songent à la mise en place d'un programme spatial baptisé Sea Launch, qui, s'il aboutit, se révélera être un concurrent extrêmement dangereux. En effet, à l'heure actuelle, il est bien plus avantageux de lancer les satellites géostationnaires depuis l'équateur.
Or, à l'exception de Kourou en Guyane, tous les cosmodromes du monde se trouvent à une latitude élevée. Pour mettre fin au monopole de fait dont nous bénéficions aujourd'hui, les Etats-Unis devraient donc procéder à la construction au niveau de l'équateur d'une plate-forme en mer, au large d'Hawaï, à partir de laquelle des tirs pourraient être effectués.
Nous devons donc nous battre sur tous les fronts et donner ainsi à l'Europe les moyens de faire aboutir le projet de vol spatial habité. Je sais que le Président de la République et les ministres européens de l'espace sont très favorables à ce projet. Je souhaite donc appeler leur attention sur le fait que, pour y parvenir, une pérennisation des budgets correspondants est indispensable, compte tenu de la situation économique actuelle.
Dans le cadre de cette coopération européenne, je me réjouis de constater que le programme ATV - cargo automatique - est en passe d'aboutir, et je souhaite vivement que soit décidée cette année l'élaboration du véhicule de transport d'équipage.
Je constate enfin que les crédits alloués par votre ministère permettront la poursuite des programmes spatiaux français tels que Spot 5, domaine dans lequel nous sommes largement en tête ; je m'en félicite d'autant plus que Spot 3 a rendu l'âme.
Permettez-moi, monsieur le ministre, d'attirer votre attention sur l'inquiétude de la communauté scientifique après l'échec de la mission « Mars 96 » et sur la poursuite de ce programme. Qu'en sera-t-il ?
En conclusion, la majorité des membres du Rassemblement démocratique social et européen vous apportera son soutien en votant les crédits de votre ministère, même si ces derniers risquent de se révéler limités lorsqu'il s'agira de régler les dépenses imprévues que j'évoquais précédemment. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Bergé-Lavigne.
Mme Maryse Bergé-Lavigne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'espace est entré dans l'ère de la concurrence internationale. Or, le secteur spatial demeure un domaine stratégique de souveraineté nationale, qui nécessite une action déterminée de l'Etat.
Aujourd'hui, ce secteur est confronté à de profonds bouleversements liés autant à l'émergence d'un marché à fortes potentialités, notamment dans le domaine des applications spatiales, qu'à une concurrence intercontinentale caractérisée par son agressivité. A titre d'exemple, le nouveau plan de politique spatiale, présenté au Président Clinton le 19 septembre dernier, met l'accent sur la volonté américaine de dominer le marché spatial et, pour cela, de saper le lanceur européen qui, fort de plus de 50 % des parts de marché libre, est un concurrent puissant pour les lanceurs américains, et donc une cible toute désignée.
Pour faire face, le budget consacré à l'espace devrait donc permettre aux différents établissements concernés de répondre aux missions qui leur sont confiées, en maintenant notamment notre avance technologique.
Quel avenir pour Spot et Stentor ? Mon inquiétude rejoint celle qui a été précédemment exprimée par notre collègue M. Trégouët, rapporteur spécial.
L'augmentation de 1,4 % du budget du Centre national d'études spatiales ne couvre pas l'inflation et correspond en réalité à une diminution de l'ordre de 1 %, qui s'ajoute aux réductions précédentes.
Sans entrer dans un détail chiffré, c'est en réalité d'une réduction programmée des effectifs du Centre dont il s'agit, réduction qui se traduira par un déficit d'embauche de quinze à vingt nouveaux ingénieurs et techniciens, éléments majeurs de préparation de l'avenir dans ce secteur de pointe. Ce choix budgétaire, monsieur le ministre, provoquera donc une perte de compétence dans l'immédiat et à terme.
S'agissant de la contribution aux programmes spatiaux européens et nationaux, s'il est exact que l'augmentation du premier poste - les programmes européens - compense la diminution du second - les programmes nationaux - cet équilibre comptable me paraît quelque peu néfaste pour notre activité spatiale nationale. Il faut, en effet, examiner ces crédits en fonction de leurs conséquences réelles.
Les programmes européens assurent un « retour » de l'ordre de 30 % maximum vers l'industrie spatiale française, alors que les programmes nationaux ont un retour de 80 %.
Ce choix budgétaire se traduira donc à nouveau par une perte d'activité de l'ordre de 50 %, c'est-à-dire une perte de plan de charge - activité et embauche - de l'ordre de 100 à 150 postes.
Cette perte de charge est d'autant plus préoccupante qu'elle va toucher - cela a déjà été constaté cette année - un tissu de PME et de PMI performantes, entreprises et laboratoires dynamiques et porteurs d'avenir, essentiellement implantés dans la région de Toulouse.
Alors que les Etats-Unis continuent à consacrer un demi-point de leur produit intérieur brut au budget spatial, que le Japon double son budget « recherche » pour préparer la sortie de la crise, votre budget de l'espace, monsieur le ministre, traduit des choix « négatifs » conduisant à une réduction d'activité dans un secteur où nous avons démontré nos compétences, et où un effort continu reste nécessaire.
Pour ces raisons, le groupe socialiste votera contre le projet de budget de l'espace. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre délégué à la poste, aux télécommunications et à l'espace. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, voilà un an, à l'occasion de ce même débat sur le projet de budget des télécommunications, de la poste et de l'espace, nous nous posions deux questions : à l'issue de cette année 1996, année importante dans le monde entier dans le domaine des télécommunications, la France serait-elle au rendez-vous de la révolution qui est en train de transformer profondément ce secteur ? Comment et sous quelles conditions notre pays allait-il organiser le passage d'un secteur monopolistique à un secteur concurrentiel ?
Ces deux questions constituaient un défi que nous avons décidé de relever au cours de l'année 1996, grâce au vote de deux projets de loi relatifs aux télécommunications : l'un qui a fixé le cadre dans lequel s'exercera désormais la concurrence ; l'autre qui a placé France Télécom en position d'affronter cette concurrence.
Nous pouvons donc désormais aborder avec sérénité l'échéance du 1er janvier 1998, décidée à l'unanimité par les pays de l'Union européenne. En effet, la concurrence dans le domaine des télécommunications ne sera pas subie ; elle aura été préparée et choisie selon nos objectifs et nos contraintes.
J'ai donc la conviction que la France sera au rendez-vous de la révolution des télécommunications. D'ailleurs, cette révolution est dès à présent en marche : la concurrence s'organise sur le plan industriel comme on le voit chez les opérateurs ; des alliances se sont précisées au cours de l'année 1996, particulièrement depuis que notre nouvelle réglementation est connue : France Télécom avait déjà construit son alliance avec Deutsche Telecom ; la Générale des eaux vient de le faire avec British Telecom ; Bouygues Télécom est en pourparlers avec la STET, la SNCF et la RATP, de leur côté, s'organisent pour louer leurs capacités de télécommunications aux futurs opérateurs.
France Télécom se prépare. Le ministère de l'économie et des finances a annoncé qu'il mettrait sur le marché, à partir du printemps 1997, environ 20 % du capital de l'entreprise créée au 1er janvier 1997. En outre, comme j'ai eu l'occasion de le dire devant la Haute Assemblée au moment du débat sur l'avenir de France Télécom, le Gouvernement veut que cette mise sur le marché soit l'occasion d'une grande opération d'actionnariat populaire.
M. Gérard Delfau. Comme pour Eurotunnel ?
M. François Fillon, ministre délégué. J'ai délivré, voilà quelques jours, les deux premières licences d'infrastructures alternatives : la première à la société qui exploite le tunnel sous la Manche, la seconde à la société créée par la SNCF pour l'exploitation de ses capacités dans le domaine des télécommunications.
Enfin, nous assistons, en cette fin d'année, à une véritable explosion du téléphone mobile. M. Habert évoquait tout à l'heure les retards accumulés par notre pays dans ce domaine. C'est l'absence de concurrence qui avait conduit notre pays à développer moins que les autres Etats ses réseaux en matière de téléphone mobile. L'arrivée de la concurrence a produit les effets que nous en attendions ; aujourd'hui, avec 2 millions d'abonnés et, surtout l'un des plus forts rythmes de croissance du téléphone mobile en Europe, nous sommes sur la bonne voie pour rattraper notre retard : je n'ai, sur ce point, aucune inquiétude.
Comme vous pouvez le constater, mesdames, messieurs les sénateurs, un stimulant remue-ménage a commencé, et le marché des télécommunications français est en train de se structurer, comme nous le souhaitions, autour de trois grands pôles : l'opérateur historique France Télécom et deux pôles qui sont en train d'émerger.
Les signes du changement se font également sentir sur le plan de l'offre et des tarifs. Les communications nationales ont baissé de 25 % depuis 1995, ce qui se traduit par une baisse de 6 % de la facture moyenne des ménages français. Le processus est lancé ; il va s'accélérer au fur et à mesure que la date de l'ouverture du marché à la concurrence va approcher.
Pour parachever la mise en oeuvre de cette réforme, le Gouvernement s'est engagé, d'une part, à publier l'ensemble des décrets d'application des deux textes adoptés par le Parlement avant la fin de l'année 1996, voire au tout début de l'année 1997 pour quelques-uns d'entre eux, et, d'autre part, à inscrire dans le budget de l'Etat les conséquences de cette réforme ; c'est ce qui a été fait.
Une trentaine de décrets sont aujourd'hui prêts. Leur philosophie générale - vous aurez l'occasion de le vérifier - respecte parfaitement les engagements pris devant le Parlement, c'est-à-dire, en particulier, l'équilibre entre le service public et la concurrence. Nous avons voulu éviter le maquis administratif qui surchargerait de contrôles réglementaires le jeu de la concurrence, parce que nous voulons un marché français attractif et que nous sommes disposés à tout faire pour qu'il le soit.
Le décret fondamental sur l'interconnexion sera conforme aux engagements que j'ai pris devant vous à l'occasion des deux débats sur la réglementation et sur le statut de France Télécom, mesdames, messieurs les sénateurs. Plusieurs orateurs ont évoqué ce décret, et M. Billard a semblé considérer que ce texte était quasiment connu, alors que nous sommes aujourd'hui dans une phase de consultation de l'ensemble des partenaires du secteur des télécommunications.
L'élaboration de ce texte fait l'objet d'un travail très approfondi : « En effet, nous avons procédé à une mission d'audit des comptes de France Télécom. Par ailleurs, France Télécom a préparé un catalogue d'interconnexion, et une consultation publique est en cours, à laquelle peuvent participer tous les acteurs du marché, y compris les organisations syndicales. Le décret sera soumis pour avis à l'autorité de régulation des télécommunications dès qu'elle sera mise en place, c'est-à-dire à compter du 1er janvier 1997, et il devrait donc paraître en février prochain.
Ce projet de budget traduit les engagements qui ont été pris à l'occasion de la réforme relative à la réglementation des télécommunications, puisque la création de l'autorité de régulation sera effective au 1er janvier 1997. Le projet de budget qui vous est soumis comporte à cet effet 70 millions de francs de crédits et prévoit le financement de 138 emplois, dont 125 proviendront de la DGPT, car c'est un choix que je revendique : je n'ai pas voulu que deux services s'occupant de la régulation des télécommunications coexistent. L'Etat assumera ses responsabilités d'actionnaire de France Télécom et son rôle en matière de réglementation, et l'autorité de régulation indépendante, que nous avons voulue et que le Parlement a créée, disposera des moyens techniques pour assumer ses responsabilités.
Je voudrais sur ce point rassurer M. Delfau, en lui indiquant que le président de l'autorité de régulation sera bien, comme il le souhaite, un professionnel, puisqu'il s'agira ni plus ni moins du président du conseil de gestion du corps des ingénieurs des télécommunications.
La création de l'Agence nationale des fréquences sera également effective au 1er janvier 1997. Vous savez qu'il était nécessaire, pour mieux gérer un spectre qui était beaucoup trop morcelé entre huit ministères, de mettre en place cette agence, qui sera dotée de 200 millions de francs en 1997 et qui comptera 262 emplois.
M. Laffitte a posé, à propos des conséquences de la réforme des télécommunications, une question sur l'avenir des écoles et sur la recherche.
En ce qui concerne l'avenir des écoles, il s'est notamment inquiété de leur ouverture internationale. Je voudrais lui dire que je partage pleinement son avis, et je considère qu'une initiative comme EURECOM est un exemple qui devra être suivi dans ce domaine. M. Laffitte a eu raison de souligner l'importance de la recherche, pour la compétitivité économique de France Télécom, de nos industriels et des opérateurs nouveaux qui vont apparaître sur le marché.
Vous savez que j'ai confié une mission à M. Lombard, directeur général de l'industrie. Cette mission est aujourd'hui achevée et je serai prochainement conduit à présenter nos orientations dans ce domaine.
Je peux vous indiquer dès à présent que le rapport qui m'a été remis souligne la nécessité, d'une part, de conserver un CNET ouvert sur l'extérieur et se préoccupant de recherche fondamentale - y compris pour l'opéateur France Télécom - et, d'autre part, de mettre en place - et je sais que cela va complètement dans le sens de vos préoccupations et de ce que vous avez déjà réalisé vous-même - un réseau national regroupant les divers laboratoires concernés, qu'il s'agisse des laboratoires universitaires ou des organismes de recherche, et concentrant les efforts financiers de l'Etat.
Toujours au sujet de la réforme des télécommunications, plusieurs questions ont été posées sur les impayés de l'Etat.
Le montant total des impayés de l'Etat à l'égard de France Télécom est d'environ 2,2 milliards de francs. Cette dette émane, pour la majeure partie, de quelques ministères : intérieur, équipement, logement, transports et tourisme, défense et affaires étrangères.
M. Lamassoure, ministre du budget, a eu l'occasion, lors du débat au Sénat sur la première partie de la loi de finances, de préciser, à propos d'un amendement de M. Gérard Larcher, la position du Gouvernement. Compte tenu de l'importance des montants en cause, le collectif de fin d'année ne prévoira pas de mesures d'apurement général. Toutefois, il est prévu de dégager cette année 103 millions de francs pour permettre d'engager - certes modestement - l'apurement progressif de cette dette et le Gouvernement étudie différentes mesures pour accélérer cet apurement, notamment dans le cadre d'une convention commerciale qui pourrait être passée entre France Télécom et l'Etat.
De la même façon, M. Hérisson m'a interrogé sur la question de la taxe professionnelle payée directement à l'Etat par France Télécom et par La Poste. Je ne puis que le renvoyer à la réponse que je lui avais adressée lorsqu'il avait déposé un amendement sur ce sujet, réponse qu'il a d'ailleurs citée lui-même tout à l'heure : le Gouvernemnt et le Premier ministre se sont engagés à ce que cette question soit étudiée dans le cadre de la réforme fiscale actuellement en cours de réflexion, notamment s'agissant de la fiscalité locale.
Enfin, M. Hérisson a évoqué l'impact des téléphones mobiles sur la santé.
Je voudrais d'abord, si vous êtes utilisateur, vous rassurer : aucun effet nocif direct ou indirect du téléphone mobile n'a été mis en évidence, que ce soit par les études approfondies menée à ce jour ou à l'occasion de l'examen de cas individuels. Aucun cas clinique n'ayant été diagnostiqué, nous sommes donc aujourd'hui face à des conjectures sans fondement scientifique.
Néanmoins, il faut être prudent. J'ai donc demandé au ministre de la santé d'engager des travaux sur ce sujet. Plusieurs études en cours vont nous permettre de confirmer, je l'espère, les propos rassurants que je viens de tenir. C'est le cas, notamment, au centre hospitalier de Nîmes, qui effectue des recherches sur les effets sur l'homme des rayonnements électromagnétiques. Quant à l'université de Bordeaux, elle travaille également sur ce sujet et le Conseil européen du 28 novembre dernier a lancé plusieurs études sur ce même thème. Nous sommes donc extrêmement vigilants.
Au-delà de la réforme des télécommunications et des effets bénéfiques de l'ouverture à la concurrence, l'un des enjeux du budget qui vous est présenté est l'ouverture de notre pays aux nouvelles technologies de l'information, et plus largement son entrée dans la société de l'information.
Je crois d'abord qu'il faut rejeter les discours par trop pessimistes sur ce sujet. Certes, notre pays n'est pas au premier rang des pays européens ou des pays développés s'agissant de l'utilisation de ces nouvelles technologies, et en particulier de l'appropriation par la population du réseau Internet. Mais il y a à cela quelques explications, en particulier le fait que nous étions, en matière de télématique, en avance grâce au Minitel.
Il nous faut gérer maintenant la transition entre un système qui a donné entière satisfaction et qui nous a placés pendant dix ans au premier rang des utilisateurs de la télématique et un réseau mondial dont les contours ne sont pas, aujourd'hui encore, complètement stabilisés.
Nous avons beaucoup d'atouts pour réussir cette évolution : nos éditeurs de logiciels sont parmi les meilleurs du monde, nos industriels et nos opérateurs sont extrêmement bien placés. Toute la question, aujourd'hui, est de savoir si nous saurons transférer nos compétences sur ces nouvelles technologies, en particulier sur l'utilisation du réseau Internet ou des futurs réseaux tels qu'ils sont en train de se dessiner.
Pour y parvenir, je crois beaucoup plus aux effets de la concurrence et du marché qu'à ceux des aides publiques. Ainsi, à ceux qui, tout à l'heure, évoquaient les pays qui sont plus avancés que nous dans ce domaine, je ferai remarquer qu'il s'agit de pays où les aides publiques sont quasiment inexistantes, du moins pour ce qui est de la mise en oeuvre de ces programmes.
Quant à la complexité qu'il y aurait à mettre en oeuvre un site Internet, pour en avoir créé déjà quatre, je puis vous assurer qu'il s'agit d'une opération d'une extrême simplicité, dont le coût ne dépasse pas 300 000 francs. C'est donc tout à fait à la portée d'une entreprise, y compris d'une petite entreprise.
Quoi qu'il en soit, ni aux Etats-Unis ni en Suède - puisque vous avez cité ces deux exemples - il n'y a d'aide publique pour aider les entreprises à créer des serveurs sur Internet.
En revanche, là où l'Etat a toute sa place et tout son rôle à jouer, c'est dans la stimulation de la recherche sur ces sujets et dans l'encouragement des expérimentations dans les domaines qui sont les plus innovants, afin que les entreprises puissent tester sans trop de risques les marchés et les technologies.
C'est ce que nous avons voulu faire en vous proposant le projet de loi sur les autoroutes de l'information, que vous avez voté en 1996 et qui a permis la mise en oeuvre des 244 projets qui ont été labellisés par le Gouvernement.
A ce sujet, monsieur Delfau, la liste de ces projets n'est pas tenue secrète : elle est disponible sur Internet. Je vous invite donc à consulter le serveur du ministère des télécommunications pour avoir connaissance de l'ensemble de ces projets.
Mieux, nous avons créé un observatoire des autoroutes de l'information, où plusieurs membres de votre Haute Assemblée siègent et qui a justement pour mission de suivre les expérimentations et d'en faire le bilan.
M. Tregouët m'a demandé tout à l'heure si je pouvais présenter ce bilan aujourd'hui. C'est réellement trop tôt compte tenu du moment où la plupart de ces expérimentations ont débuté - ce qui explique d'ailleurs qu'il n'y ait pas besoin de crédits de paiement supplémentaires en 1997 - puisqu'elles n'ont réellement démarré qu'en cette fin d'année 1996.
Je confirme que l'engagement pris par le Gouvernement en 1995 de consacrer 500 millions de francs à ce dossier est tenu, puisque nous avons inscrit 50 millions de francs en 1995, 270 millions de francs en 1996 et 210 millions de francs en 1997.
Au-delà de cet effort, pour promouvoir l'innovation et encourager les entreprises et les collectivités locales à lancer des expérimentations - et elles sont nombreuses à le faire - il convient, si nous voulons que les nouvelles technologies se développent dans notre pays, d'agir sur les prix des services et sur l'éducation.
Sur les prix, je l'ai déjà dit, les choses évoluent dans le bon sens. Aujourd'hui - ce n'était pas le cas il y a un an - l'accès à Internet est possible sur tout le territoire métropolitain au coût d'une communication locale et nous avons pris, monsieur Lagourgue, des mesures en faveur des départements d'outre-mer afin que l'accès y soit possible à des coûts également raisonnables.
Cela étant, même si le coût des matériels informatiques a baissé depuis trois ans, il reste élevé, ce qui explique pour une part le faible équipement des ménages français. Nous avons pris quelques mesures dans le cadre du plan d'aide à la consommation sur la durée d'amortissement des micro-ordinateurs, mais il faudra aller plus loin et réfléchir - et nous le faisons - à un certain nombre de mesures d'incitation, en ce qui concerne tant les équipements que les logiciels.
Voilà qui répond à la demande que formulait tout à l'heure M. Trégouët au sujet d'une politique de soutien à l'ensemble du secteur de l'industrie du signal.
J'ai également la conviction - et je l'ai déjà dit devant votre assemblée - que, sans une action énergique dans le domaine de la formation et de l'éducation, nous ne parviendrons pas à rattraper complètement notre retard.
C'est incontestablement sur ce point que notre faiblesse est la plus criante : nos établissements scolaires sont beaucoup moins bien équipés en matière informatique et en matière de communication que ceux de nos voisins allemands ou britanniques et nous avons le plus grand mal à convaincre l'ensemble des responsables de l'éducation nationale de mettre en oeuvre des formules souples et décentralisées permettant aux établissements scolaires, en liaison avec les régions et les départements, de développer des expérimentations sans s'enfermer dans un cadre national trop étroit.
Je travaille donc avec le ministre de l'éducation nationale sur ce sujet, car j'ai la conviction qu'aucun plan national rigide, long à mettre en oeuvre et rapidement dépassé par les évolutions technologiques, ne nous permettra de réagir d'une manière efficace pour relever le défi qui est le nôtre dans ce domaine.
S'agissant des mesures d'encouragement à prendre dans le domaine du développement des nouvelles technologies, vous m'avez interrogé sur le cryptage, qui est effectivement l'une des clés du développement du commerce, notamment sur le réseau Internet.
Dans ce domaine, je vous indique que les décrets qui ont été préparés en liaison avec le SGDN viennent d'être transmis au Premier ministre ; ils sont conformes à l'esprit du texte que vous avez voté et je veille tout particulièrement à ce qu'ils prennent en compte les enjeux économiques du cryptage.
J'ai demandé au Premier ministre un certain nombre d'ajustements en ce sens, afin que les règles en matière de cryptage dans notre pays soient du même ordre que celles qui existent aux Etats-Unis, par exemple, puisque, dans le domaine du commerce électronique, c'est ce marché qui sera le marché de référence.
M. Trégouët m'a interrogé - je simplifie - sur les initiatives prises par le gouvernement français en matière de réglementation sur Internet. A cet égard, j'ai pris deux initiatives. Premièrement, sur le plan international, j'ai proposé que se tienne, dans le cadre de l'OCDE, un forum sur les questions liées à la réglementation sur Internet. Cette proposition a été extrêmement bien accueillie par la plupart des pays développés, y compris les Etats-Unis. Nous allons donc mener, dans le cadre de l'OCDE, une réflexion tout à la fois sur les définitions des acteurs et de leurs responsabilités, et sur l'élaboration d'une sorte de code de bonne conduite qui pourrait servir de repère aux professionnels et aux utilisateurs de ces réseaux.
Deuxièmement, sur le plan national, cette fois, j'ai demandé à un groupe de professionnels et d'utilisateurs d'élaborer un certain nombre de règles qui pourraient être mises en place dans l'esprit du texte qui, voté par le Parlement, a fait l'objet de la censure du Conseil constitutionnel pour un certain nombre de ses dispositions. Il visait, je le rappelle, à mettre en place sur le réseau Internet des règles en matière d'éthique et de contrôle s'inspirant du dispositif qui avait été imaginé pour le minitel en son temps, mais en l'adaptant.
M. Trégouët m'a également interrogé sur les risques que pouvait présenter le développement par les grands opérateurs de téléphone d'une sorte de « super-Internet », l'Internet des riches, qui serait accessible à un tarif élevé, mais qui proposerait de très hauts débits.
Tous ceux, et ils sont nombreux, qui observent Internet depuis ses débuts savent bien que la situation ne pourra pas rester ce qu'elle est aujourd'hui et que nous allons progressivement vers la mise en place de ce que j'appellerai trois planètes Internet : une planète destinée au commerce et aux échanges économiques ; une planète destinée aux chercheurs, aux laboratoires publics, aux bibliothèques, aux administrations ; enfin, une planète réservée à l'Internet « sauvage », qui doit être préservé parce qu'il est un véritable espace de liberté mais qui ne pourra jamais complètement satisfaire ceux qui veulent développer des services rentables, en particulier dans le domaine du commerce électronique.
Il conviendra, bien entendu, de veiller à ce qu'à côté des deux premières planètes puisse subsister la troisième, mais ma conviction est qu'elle présente trop d'intérêt pour les opérateurs, en raison du trafic qu'elle génère, pour qu'ils puissent complètement s'en désintéresser.
J'en viens maintenant à la politique spatiale.
M. le président. Monsieur le ministre, puis-je vous rappeler à la concision ?
M. François Fillon, ministre délégué. Je conclus, monsieur le président, mais les membres de la Haute Assemblée m'ont posé beaucoup de questions !
L'année 1996, dans le domaine spatial, a été contrastée. Nous avons connu des réussites avec la mission Cassiopée, la suite des succès d'Ariane 4, le lancement de plusieurs satellites français. Nous avons aussi enregistré un échec, celui d'Ariane 5. Aujourd'hui, la priorité absolue pour le gouvernement français, comme d'ailleurs pour ceux des pays membres de l'Agence, c'est de réussir le deuxième vol de qualification d'Ariane 5. C'est la clé de la poursuite de toute l'aventure spatiale européenne.
Nous avons tout mis en oeuvre pour que ce deuxième tir de qualification soit une réussite, tirant les leçons de l'échec qu'a enregistré Ariane 5 au printemps dernier. Nous avons mis en place une série de structures de contrôle qui devraient nous permettre à la fois de corriger les défauts qui ont été décelés dans le lanceur et d'éviter que d'autres incidents ne se produisent.
Cette priorité a été acceptée par l'ensemble des pays membres de l'Agence, qui sont en train de mettre en place un plan de financement des surcoûts liés à l'échec d'Ariane 5 moyennant un redéploiement sur les programmes de l'Agence spatiale européenne. Autrement dit, aucun Etat n'aura à accroître sa participation au financement du budget de l'Agence. Le plan visera en réalité à décaler un certain nombre de programmes pour permettre le financement des deuxième et troisième vols de qualification d'Ariane 5.
Au-delà de cette priorité, nous voulons appliquer les décisions qui ont été prises dans le cadre de l'accord de Toulouse. Ces décisions se sont d'abord traduites, comme vous l'avez souligné tout à l'heure, par la mise en place d'un nouveau plan stratégique pour le Centre national d'études spatiales.
Ce plan stratégique affirme la priorité donnée à la politique des lanceurs et la nécessité d'une participation de l'Europe à la station spatiale internationale. Cette participation de l'Europe se concrétisera dans plusieurs réalisations : le COF, qui est un laboratoire orbital, un véhicule automatique de fret et un véhicule de transport d'équipage européen.
A cet égard, la France a la ferme volonté de tout faire pour aboutir. Nous avons engagé des discussions avec les Etats-Unis et nous étudions également des solutions strictement nationales.
Nous poursuivons notre programme de vols habités et nous prévoyons le passage des vols habités de courte durée à des vols habités de longue durée. Nous avons négocié avec la Russie la présence d'un Français sur la station orbitale Mir pendant quatre mois en 1999.
Pour mettre en oeuvre l'ensemble de ces programmes et poursuivre, dans nos priorités nationales, le programme Stentor pour les télécommunications et le programme Spot 5 pour l'observation de la Terre ainsi que la plate-forme Proteus, les crédits du CNES inscrits dans le budget sont stabilisés à 8,3 milliards de francs. Je l'ai déjà dit à plusieurs reprises, notamment devant le personnel du CNES, le Gouvernement a pris l'engagement que ce budget resterait stable et serait maintenu à ce niveau pendant cinq ans à compter de 1995.
J'ai bien entendu les inquiétudes de Mme Bergé-Lavigne. Je voudrais lui faire remarquer que les budgets de toutes les agences spatiales du monde sont en diminution, et en forte diminution. Ainsi, aux Etats-Unis, qui, certes, ont une politique spatiale de grande ambition, le budget de la NASA a été réduit de plus de 30 % depuis cinq ans. De même, le budget de l'agence spatiale japonaise a baissé en 1996 et devrait être étale en 1997. Telle est la réalité. On prétend toujours que les autres pays - notamment le Japon et les Etats-Unis - font beaucoup mieux que nous en matière spatiale et en matière de recherche. Or, en réalité, le budget de la NASA baisse et le budget de l'agence spatiale japonaise a été stabilisé en 1996 compte tenu des difficultés économiques et financières rencontrées par le Japon.
Au demeurant, le budget spatial français est de très loin le premier en Europe : près du double du budget allemand, près de dix fois le budget de la Grande-Bretagne. Nous allons poursuivre nos efforts pour rationaliser notre politique spatiale et remplir nos engagements avec le budget qui nous est alloué. Nous avons, pour cela, engagé un effort considérable de coopération avec la Russie. Tout à l'heure, monsieur Revel, vous avez bien voulu évoquer l'accord STARCEM, qui nous permet de commercialiser le lanceur russe Soyouz complémentaire d'Ariane 4 et d'Ariane 5. Nous allons poursuivre dans cet esprit avec les Russes comme avec les Japonais, avec lequels nous venons de signer un accord de coopération.
J'en viens maintenant au budget de la poste.
Je tiens d'abord à réaffirmer l'attachement du Gouvernement au maintien du monopole de La Poste sur la distribution du courrier. Nous pensons que La Poste joue, dans notre pays, un rôle économique, certes, mais aussi un rôle social et un rôle dans l'aménagement du territoire.
Cette fonction ne saurait être assumée sans une charge trop lourde pour l'Etat dans un cadre libéralisé. C'est la raison pour laquelle, monsieur Delfau, le Gouvernement s'oppose avec la plus grande énergie, et ce depuis des mois et des mois, aux tentatives de libéralisation de la Commission - vous avez raison de le souligner - mais aussi de beaucoup d'Etats membres dont les gouvernements sont loin d'être tous libéraux. Si seulement nous pouvions rassembler autour de nous un peu plus d'Etats membres sur notre vision du secteur public postal, la situation serait moins difficile.
Je voudrais cependant faire remarquer que, voilà quelques mois, cinq pays s'opposaient à la directive postale : la France, la Belgique, le Luxembourg, le Portugal et la Grèce. Vous avez dit que la réunion du Conseil qui s'est tenue jeudi dernier s'était soldée par un échec. C'est vrai, ce fut un échec, mais pour le commissaire ! Nous avons, en effet, réuni neuf pays autour de la position française. Il en aurait fallu dix pour que l'accord soit définitivement adopté. Au dernier moment, il nous a manqué l'Autriche.
Je suis convaincu que nous allons réussir à imposer notre vision des choses dans ce domaine. Le Président de la République, qui s'était exprimé sur ce sujet, a bien l'intention d'évoquer cette question au sommet de Dublin.
M. Gérard Delfau. C'est une bonne chose !
M. François Fillon, ministre délégué. Nous sommes déterminés à utiliser tous les moyens, je dis bien « tous les moyens » qui sont à notre disposition pour empêcher la Commission de nous forcer à libéraliser le secteur postal. Vous me permettrez de constater devant vous qu'il existe quelques dysfonctionnements dans les mécanismes européens, puisqu'un commissaire peut, tout seul, déclarer à la presse qu'il forcera les Etats à libéraliser ce secteur quel que soit le vote du Conseil et du Parlement européen.
M. Gérard Delfau. Nous sommes au moins d'accord sur ce point.
M. Louis Minetti. Un commissaire tout seul ? Elle n'est pas mal, celle-là !
M. François Fillon, ministre délégué. Je n'oublie pas M. Lagourgue, qui a eu la gentillesse de rappeler lui-même que les prix des communications entre la France et les départements d'outre-mer avaient baissé globalement de plus de 40 % en francs courants à l'occasion de quatre mouvements tarifaires.
Nous avons également pris une décision très symbolique, monsieur Lagourgue, qui a consisté à supprimer le 19. Les départements d'outre-mer sont donc désormais traités comme les autres départements français, et non pas comme des pays étrangers.
Nous allons poursuivre nos efforts en ce sens en 1997. Dès le mois de mars, une première baisse, supérieure à 10 %, interviendra et amènera l'écart de prix entre la minute de communication interurbaine et la minute de communication métropole-département d'outre-mer à 1,50 franc hors taxes, en moyenne. Ainsi, le combat que M. Lagourgue mène depuis des années aboutira et les engagements du Président de la République seront tenus.
Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les grands axes de la politique que j'ai l'honneur de conduire. Ce budget est en hausse de 6,6 %. Il permet à notre pays d'assumer ses responsabilités au moment où se dessinent les contours de la société de l'information.
Permettez-moi de remercier M. Trégouët, rapporteur spécial, et M. Hérisson, rapporteur pour avis, de la pertinence de leur propos et de leur soutien. Je remercie également la majorité, qui accompagne le Gouvernement dans sa politique de modernisation et de défense du service public. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. Gérard Delfau. Je demande la parole.
M. le président. Est-ce pour un fait personnel ?
M. Gérard Delfau. Non, je souhaite poser une question à M. le ministre.
M. le président. Monsieur Delfau, la discussion est organisée, je ne puis donc accéder à votre demande. De surcroît, le vote étant réservé, je ne pourrai même pas vous donner la parole pour explication de vote. Je le regrette.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 595 131 000 francs. »
Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.
« Titre IV : 2 300 000 francs. »
Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.

ÉTAT C

M. le président. Titre V. - Autorisations de programme : 4 500 000 francs ;
« Crédits de paiement : 4 000 000 francs. »
Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 7 324 500 000 francs ;
Crédits de paiement : 7 093 000 000 francs.»
Le vote sur les crédits figurant au titre VI est réservé.
Ces crédits seront mis aux voix le samedi 7 décembre, à la suite de l'examen des crédits affectés à la communication.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la poste, les télécommunications et l'espace.

Charges communes et comptes spéciaux du Trésor