M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant l'éducation nationale, l'enseignement supérieur et la recherche : II. - Enseignement supérieur.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord, avant de présenter le rapport spécial sur les crédits de l'enseignement supérieur, remercier M. le ministre et les membres de son cabinet et de ses services qui m'ont bien aidé et m'ont donné une information complète, ainsi que les membres de la commission des finances, en vue de l'établissement de ce rapport. Mes remerciements iront aussi à l'administration très compétente du Sénat, qui m'a apporté son concours.
Un an après les difficultés de la rentrée 1995, que de chemin parcouru, monsieur le ministre ! Le climat du débat d'aujourd'hui est très différent - nous le verrons tout à l'heure en examinant les chiffres - et nous ne serons pas en butte aux difficultés que nous avons rencontrées l'an dernier pour finaliser le budget.
Mais ce qui est plus important encore, que de chemin parcouru dans la réforme universitaire ! Que de chemin parcouru dans l'instauration d'un meilleur climat de confiance entre le Gouvernement et les responsables d'université ! C'est bien là l'essentiel, et je crois que ceux d'entre nous qui se rappellent quel esprit prévalait à l'automne dernier et qui se remémorent la crise universitaire très « animée », pour reprendre une expression employée tout à l'heure, qui, dans les rues et les universités, bouleversait et interrogeait toute la société française, peuvent mesurer les progrès obtenus.
Oui, que de chemin parcouru depuis un an, et ce grâce à votre action de concertation, monsieur le ministre, et à la réforme engagée de manière prudente et progressive !
Pour la première fois, monsieur le ministre, le projet de budget de l'enseignement supérieur pour 1997 est le meilleur de tous ceux - civils ou militaires - qui nous sont présentés. Saluons cet événement historique !
Ce projet de budget représente 47 milliards de francs, marquant une progression d'environ 5,5 % par rapport à 1996. Il se caractérise par une augmentation importante des moyens en personnel : 1 500 - très exactement 1488 - personnels enseignants, 1 000 personnels dit IATOS, c'est-à-dire les ingénieurs, administratifs, techniciens, ouvriers de service, et 200 personnels dans les bibliothèques. Je reviendrai tout à l'heure, à la fin de cet exposé, sur le problème des bibliothèques universitaires.
Cette remarquable augmentation des moyens permet évidemment d'améliorer la qualité de l'encadrement. Compte tenu du temps de parole que vous m'avez imparti, monsieur le président, d'une quinzaine de minutes, ...
M. le président. Ce n'est pas moi, c'est la conférence des présidents !
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial. J'en avais bien conscience, monsieur le président !
Compte tenu du temps de parole qui m'est imparti, disais-je, il ne m'est pas possible d'évoquer dans le détail l'ensemble des chiffres et des données budgétaires pour l'année 1997. Il ne s'agit pas non plus pour moi, en cet instant, de reprendre l'ensemble des analyses qui figurent dans le rapport sur l'évolution des effectifs ou des réformes pédagogiques désormais engagées, ni de revenir sur les problèmes de réforme du premier cycle universitaire avec la mise en place du tutorat. Nous approuvons toutes ces mesures nouvelles et nous considérons qu'elles auront un effet tout à fait positif sur la qualité de l'enseignement. Au terme de cette première partie d'analyse du budget, je m'en tiendrai donc, monsieur le ministre, à quelques questions pratiques auxquelles il n'a peut-être pas été jusqu'ici entièrement répondu.
La première a trait à la sécurité et à la mise en oeuvre du plan d'urgence dans les universités, à la réussite duquel vous savez combien nous sommes attachés.
Les crédits d'urgence votés l'an dernier ont été mis en oeuvre de manière tout à fait positive puisque, sur un total de 2 milliards de francs, près d'1,5 milliard de francs a été engagé.
Vous êtes parvenu à solliciter les efforts des universités, et c'est un point important, car on se souvient du débat sur le montant des réserves, jugées excessives, des universités ; or vous avez réussi, je crois, à mobiliser près de 500 millions de francs sur leurs fonds de réserve.
En revanche, les collectivités locales n'ont été que peu mobilisées. La question que nous nous posons est donc la suivante : en ce qui concerne la sécurité et les travaux d'urgence, notamment les problèmes d'amiante que nous allons retrouver ici ou là, pourquoi ne pas essayer de convaincre une nouvelle fois votre collègue, le ministre des finances, que les fonds de concours des collectivités locales devraient être éligibles à la dotation du fonds de compensation pour la TVA ?
Vous connaissez la règle depuis 1990 et la circulaire de notre éminent collègue M. Michel Charasse qui ne rend éligible au FCTVA que dans l'hypothèse où la collectivité locale est maître d'ouvrage et assume plus de 66 % de la dépense.
Franchement, pour développer l'effort de sécurité, lui donner une pérennité et une continuité, où la requalification des espaces devient l'objectif majeur, il serait important de reposer la question. Cette mesure, qui n'aurait pas un coût budgétaire extraordinaire, serait une incitation importante pour les collectivités locales - vous le savez, je peux éventuellement intervenir aussi au nom de l'Assemblée des présidents de conseils généraux - et mobiliserait certainement à la fois les conseils régionaux, les conseils généraux et les collectivités locales de base pour la poursuite du plan d'urgence.
Ma deuxième question concerne Jussieu.
Nous approuvons la décision qui a été prise, mais, permettez-moi de vous le dire, nous ne voyons pas très bien comment s'enchaîne, dans les budgets successifs de 1997 et 1998, en termes d'autorisations de programmes et de crédits de paiement, le financement de l'opération de Jussieu.
Nous voudrions que la poursuite, voire l'achèvement, dans de bonnes conditions, à l'heure où a lieu un débat scientifique sur les problèmes de l'amiante, de l'opération de déflocage de Jussieu s'effectue sans que les efforts de rénovation et de sécurité soient compromis en province. Ma question est donc la suivante : où en est-on actuellement de la programmation des financements ?
Voilà quelques questions pratiques sur votre projet de budget pour 1997 auxquelles j'en ajouterai une dernière, qui porte sur l'élaboration et la mise en oeuvre des contrats de plan.
Ces contrats de plan entre l'Etat et les régions, un peu moins les conseils généraux, encore un peu moins les collectivités locales de base, comme tous les contrats de plan dans tous les domaines, subissent un retard d'un an environ.
Il y avait un bon taux d'exécution, un bon partenariat, une bonne réflexion sur la coordination des financements, une bonne association dans le choix des localisations, des filières, des disciplines. Aujourd'hui, vous l'avez ressenti lors des débats à l'Assemblée nationale, nous l'avons exprimé dans notre rapport de la commission des finances, il y a une inquiétude : nous nous demandons si nous pourrons tenir le rythme. Il est vrai que les seuls crédits qui diminuent dans votre budget pour 1997, dont j'ai rappelé tout à l'heure la progression tout à fait exceptionnelle, ce sont des crédits en termes d'autorisations de programme. Or, les autorisations de programme d'aujourd'hui sont, évidemment, les travaux de demain et préfigurent la manière de poursuivre et de mettre en oeuvre les programmes des contrats de plan qui ont pris la suite des programmes Université 2000.
Je voudrais conclure en me tournant vers l'avenir.
Nous parlons de deux millions de jeunes. Combien seront-ils dans quelques années ? Quelles études feront-ils ? Le rendement de l'appareil universitaire sera-t-il plus efficace ? Y aura-t-il un statut de l'étudiant ? Quelle sera leur place dans la cité et dans la société ? C'est à ces questions fondamentales d'avenir que je voudrais consacrer les quelques minutes qui doivent me rester, car le temps s'écoule rapidement !
J'en viens aux effectifs.
Tout le monde considère désormais que l'année 1997 est une année charnière à partir de laquelle se profile un retournement des tendances fondamentales. Après avoir progressé de près de 600 000 personnes, les effectifs ne progresseront plus, au cours des années qui viennent, que de 60 000 personnes, soit un rythme de croissance dix fois inférieur.
Dans le premier cycle, pour la première fois, la baisse des nouveaux inscrits est de 1,5 % à la rentrée 1996, et l'on assiste à un tassement, une stabilisation qui mériterait une analyse plus approfondie par discipline et par répartition géographique, ainsi qu'une réflexion sur ce qui a été le sens, l'objet des schémas régionaux de l'enseignement supérieur.
L'élaboration presque achevée de ces schémas a été l'occasion d'une réflexion sur l'aménagement du territoire et la localisation des universités, et sur les facteurs d'évaluation des effectifs, c'est-à-dire le facteur démographique, qui n'est pas, et de loin, le plus important, les facteurs de réussite au baccalauréat, ceux qui tiennent au passage entre les premier et deuxième cycles et le troisième cycle, et ceux qui tiennent au choix des disciplines, notamment des filières technologiques par rapport aux filières générales, donc les sorties à partir des baccalauréats technologiques.
Il est donc indispensable de mener à bien l'élaboration de ces schémas régionaux pour résoudre les problèmes d'effectifs, d'orientation et d'information. A ce propos, je voudrais souligner, mon cher collègue Gouteyron, la qualité du rapport qui vient d'être publié sur les problèmes d'information et d'orientation.
M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles. Je vous remercie. Mais j'y associe tous mes collègues !
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial. Tout à fait ! Il y a eu, de la part de toute la commission, un travail d'audition très important et tout à fait remarquable.
Vous avez mis l'accent sur l'information et l'orientation ; ce sera l'un des modes d'application des schémas régionaux de l'enseignement supérieur. Il reste à achever leur mise au point. Voilà pour la première question fondamentale d'avenir.
La deuxième question est tout aussi fondamentale : il s'agit de la place de l'étudiant dans la cité et de son statut.
Monsieur le ministre, vous avez récemment mis en place, au cours de l'année 1996, des groupes thématiques de mise en oeuvre de la réforme suivant les principes que vous aviez vous-même énoncés dans un premier temps, lorsque vous avez lancé les états généraux de l'Université, à Cergy-Pontoise - dans mon département ! - puis à la Sorbonne, lors du discours fondateur, si vous me permettez de m'exprimer ainsi, du 18 juin 1996. Vous avez ainsi mis en place un groupe de travail qui doit réfléchir sur le statut de l'étudiant.
Nous approuvons, ainsi que je l'ai déjà exprimé ici même au Sénat, votre démarche, qui est faite de concertation, avec la volonté de procéder par étape, et de rester dans le cadre du budget global de la collectivité nationale.
J'appelle l'attention de mes collègues sur le fait que, si l'effort financier global des collectivités, des particuliers, de l'Etat vis-à-vis de l'université et de l'enseignement supérieur peut être évalué à 100 milliards de francs, sur cette somme, un peu plus de 23 milliards de francs représentent les aides de toutes natures à destination de la population étudiante.
Votre démarche consiste également à travailler à budget constant, à arriver à une prestation baptisée allocation sociale d'étude qui soit unifiée, donc plus simple et plus équitable.
Quel est le calendrier fixé ? Quelles en sont les grandes orientations ? Votre objectif est-il vraiment que 1997 soit l'année décisive ? Nous le souhaitons.
Personnellement, à la différence d'autres intervenants, je trouve qu'il n'est pas de bonne politique de se fixer des dates butoirs pour des questions aussi complexes. Le principal est surtout de réussir à remettre en ordre, à harmoniser, à rendre plus simple et plus équitable un dispositif qui représente 23 milliards de francs d'efforts. Les crédits sont dispersés à la fois dans votre ministère et dans d'autres ministères. La commission des finances souhaiterait à ce propos que l'audit que vous avez annoncé soit rendu public et qu'il ait pour conséquence, à la suite de la réforme, une clarification de l'ensemble des types de financement et un regroupement au sein de votre ministère, afin que l'effort consacré par la collectivité aux étudiants soit plus clair et appréhendé de façon plus lisible.
J'en viens à mon dernier point relatif à l'avenir des étudiants par rapport à l'Europe.
Cet avenir passe par les bibliothèques. L'effort dans ce domaine doit être intensifié et les échanges de documentations dans le cadre du système européen d'échanges d'informations doivent être à notre sens amplifiés.
Cet avenir passe aussi par le semestre européen, auquel nous sommes favorables, ainsi que par les échanges de professeurs. Il faut véritablement mettre l'université à l'heure du siècle prochain. Il faut mettre l'accent sur la qualité et sur l'ouverture à l'économie, sur l'ouverture à l'Europe.
Je terminerai en insistant sur un dernier point.
Monsieur le ministre, pendant plusieurs mois, vous nous avez fait un discours sur la méthode. Ensuite, il a fallu le mettre en pratique.
M. le président. Monsieur le rapporteur spécial, il vous faudrait maintenant mettre l'horaire en pratique !
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial. Vous avez indiqué que vous aviez dessiné l'architecture et qu'il fallait maintenant bâtir l'université de demain tous ensemble. En tout cas, monsieur le ministre, la majorité de la commission vous apportera son soutien à votre action. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Pierre Camoin, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, gérer l'enseignement supérieur en France peut sembler à certains une tâche très difficile, voire impossible.
Les différences de philosophie, pour ne pas parler d'idéologie, les divers corporatismes, les difficultés financières, les mutations de notre société sont autant de forces contradictoires, voire opposées, qui pourraient, de prime abord, décourager les caractères les mieux trempés.
Monsieur le ministre, ce n'est ni votre cas ni celui de votre équipe. Vous avez su contourner ces difficultés et, grâce à un dialogue constant avec toutes les composantes de notre enseignement supérieur, rechercher ce qui rassemble plutôt que d'insister sur ce qui divise ; soyez-en félicité.
Dans le cadre méthodologique que vous avez défini, les états généraux de l'université sont une étape, et les orientations qu'ils préconisent doivent maintenant être confrontées à la réalité de leur application.
En schématisant grossièrement, tout le monde peut être d'accord sur trois points : il faut d'abord augmenter les moyens de l'enseignement supérieur, il faut ensuite abaisser le taux d'échec, surtout dans les premiers cycles, il faut enfin donner un cadre de vie à nos étudiants.
Au-delà des mots et de l'affirmation des volontés, il y a les faits. Le vote du budget est un moment privilégié permettant à chacun de vérifier et de quantifier les efforts consentis pour parvenir aux objectifs affichés. Qu'en est-il dans le projet de budget de l'enseignement supérieur pour 1997 ?
Avec 47 milliards de francs, ce projet de budget est épargné par la rigueur budgétaire et enregistre même la plus forte progression - 5,5 % - au sein du budget de l'Etat. Le gouvernement de M. Alain Juppé confirme donc cette priorité du Président de la République. De plus, cette volonté s'inscrit dans la continuité du plan de rattrapage pris à l'automne dernier en faveur de l'université et permet en outre d'amorcer la mise en oeuvre des mesures retenues à l'issue de la procédure dite des états généraux.
Je voudrais tout d'abord souligner que l'augmentation importante des créations d'emplois et une stabilisation attendue des effectifs d'étudiants en 1997 devraient logiquement entraîner un renforcement de l'encadrement des étudiants.
L'explosion démographique que nous avons pu constater au cours des dernières décennies semble parvenir à son terme, et une stabilisation du nombre des étudiants est atendue entre 1997 et 2000.
Certaines filières sont cependant confrontées à un afflux d'étudiants : c'est le cas notamment pour les filières sportives. La commision est ainsi conduite à s'interroger sur le bien-fondé de la politique de développement de leurs capacités d'accueil afin de répondre à l'engouement massif des nouveaux étudiants pour les scciences et techniques des activités physiques et sportives, les STAPS, dont les débouchés apparaissent pourtant limités.
S'agissant des emplois, je rappellerai que le plan d'urgence de l'automne dernier avait déjà permis de créer 2 762 emplois. Cet effort se trouve poursuivi puisque 2 700 nouveaux emplois devraient être créés en 1997 ; ils concerneront notamment les enseignants-chercheurs, les professeurs agrégés et les personnels IATOS. Ces créations devraient permettre de renforcer l'encadrement des étudiants en privilégiant le rôle des enseignants-chercheurs par rapport à celui des professeurs agrégés.
Dans ce panorama qui s'éclaire enfin, il subsiste une zone d'ombre. La commission estime que la création de 200 emplois dans les bibliothèques universitaires ne permettra pas d'améliorer sensiblement leur fonctionnement : avec une place pour dix-huit étudiants contre une pour cinq dans les universités étrangères, nos universités enregistrent un retard considérable en ce domaine. Il convient de rappeler que la commission Fauroux préconise la création de 2 500 postes nouveaux dans les bibliothèques universitaires.
Je voudrais également évoquer d'un mot les aménagements apportés au système dit « San Remo » et qui devraient enfin permettre d'apprécier de manière plus satisfaisante les dépenses de fonctionnement des établissements.
Le deuxième point consensuel concerne l'efficacité de notre système universitaire.
Si le taux de passage des étudiants en deuxième cycle a progressé de manière significative depuis 1988, cette amélioration tend à se ralentir au cours des années les plus récentes pour se stabiliser autour de 60 %. On peut observer également que la durée moyenne d'obtention du DEUG reste fixée à 2,7 ans depuis plusieurs années - ce qui traduit la fréquence des redoublements et des réorientations - et que les bacheliers technologiques restent toujours pénalisés dans le déroulement de leur cursus universitaire : si trois bacheliers généraux sur cinq parviennent en deuxième cycle universitaire, un seul bachelier technologique sur quatre y parvient.
Je rappellerai ensuite que les bacheliers professionnels n'ont que de faibles chances de réussir dans l'enseignement supérieur et qu'il serait nécessaire d'envisager en leur faveur un système permettant des reprises d'études après validation de leur expérience professionnelle. En effet, si le baccalauréat professionnel a une vocation d'insertion professionnelle directe, cette finalité doit se concilier avec une aspiration de plus en plus générale à la poursuite d'études supérieures.
Par ailleurs, vous le savez, monsieur le ministre, la moitié des diplômés d'IUT poursuivent désormais leurs études ; afin de conférer à la filière technologique supérieure toute sa noblesse et de diversifier nos élites, la commission souhaiterait que le problème de l'accès de ces diplômés aux grandes écoles soit étudié dans la perspective de la réforme de la filière technologique supérieure.
Si des inégalités peuvent être constatées en termes de réussite universitaire, les chances d'insertion professionnelle des diplômés sont également très inégales.
Une étude récente de la direction de l'étude et de la prospective montre ainsi que le diplôme universitaire reste le meilleur passeport pour l'emploi, que les titulaires de BTS ou de DUT industriels et les bacheliers professionnels connaissent les taux de chômage les plus faibles, que les diplômes technologiques tertiaires à bac + 2 permettent plus aisément d'accéder à des emplois d'encadrement ou de technicien supérieur que les titulaires de DEUG ou même de diplômes de 2e ou de 3e cycles, enfin que les titulaires du seul baccalauréat, qu'il soit général ou technologique, ont les mêmes chances de trouver un emploi et enregistrent un taux de chômage voisin.
La commission a estimé que les résultats de cette étude rendaient encore plus urgente la réforme de la filière technologique supérieure.
J'évoquerai, ensuite, les mesures qui apparaissent nécessaires pour réduire l'échec universitaire, notamment dans les premiers cycles.
Comme vous le savez, la commission Fauroux, le Gouvernement à l'issue de la procédure des états généraux de l'université et la mission d'information de la commission consacrée à l'information et à l'orientation des étudiants des premiers cycles universitaires ont avancé un certain nombre de propositions en ce domaine.
En tout premier lieu, je soulignerai la nécessité de renforcer l'encadrement pédagogique des étudiants ; la dépense moyenne par étudiant en France reste faible et le passage d'une université élitiste à un enseignement supérieur de masse ne s'est pas accompagné d'une modification des règles de recrutement et d'organisation de la carrière des enseignants-chercheurs.
La commission souhaiterait ainsi que l'avancement de ces derniers prenne en compte, à part égale, la totalité de leurs activités et pas seulement la recherche, comme c'est actuellement le cas, afin qu'ils soient impliqués de manière plus satisfaisante dans l'encadrement pédagogique des premiers cycles universitaires.
Il serait également souhaitable de recourir davantage aux professeurs agrégés en allégeant le service de ceux qui préparent une thèse et de développer un service partagé entre le lycée et l'université afin de mieux articuler les deux ordres d'enseignement.
Le tutorat participe également de ce souci de renforcer l'encadrement des nouveaux étudiants : 240 000 volontaires devraient bénéficier de cette formule au cours de la présente année universitaire ; elle serait assurée par quelque 16 000 tuteurs qui percevront une bourse mensuelle de 1 000 francs pendant une durée de six mois ; 100 millions de francs sont inscrits à ce titre au projet de budget pour 1997.
La commission des affaires culturelles tient à souligner l'intérêt de cette formule, qui gagnerait à être davantage formalisée afin de profiter aux étudiants qui en ont le plus besoin, c'est-à-dire à ceux qui sont en difficulté.
Dans la perspective d'une réduction de l'échec universitaire et dans le droit-fil des propositions de sa mission d'information, la commission considère par ailleurs que la réforme de la filière technologique supérieure doit être une priorité pour le Gouvernement et que sa mise en oeuvre doit être sensiblement accélérée.
Cette réforme essentielle devrait d'abord porter sur une plus grande ouverture des IUT aux bacheliers technologiques, en prévoyant notamment des quotas fixés par académie afin de tenir compte des spécificités régionales des bassins de formation, sur une articulation claire entre les IUT, étant rappelé qu'un tiers des entrants en IUP viennent aujourd'hui des IUT, sur une professionnalisation des filières supérieures et sur un développement de l'apprentissage à l'université. Les efforts conjugés des régions et des grandes entreprises notamment devraient permettre d'étendre cette formule de formation en alternance afin de réduire l'échec universitaire, qui touche tout particulièrement les bacheliers technologiques, et de mieux adapter les formations aux offres d'emploi.
Par ailleurs, une réforme de l'orientation des élèves et des étudiants, qui fait actuellement l'objet d'une expérimentation au collège et au lycée, devrait également être mise en place en DEUG à la prochaine rentrée universitaire.
Vous avez eu connaissance, monsieur le ministre, des propositions de la mission d'information de la commission des affaires culturelles en ce domaine et nous souhaiterions savoir celles qui vous paraissent pouvoir être retenues pour améliorer l'information et l'orientation des étudiants et réduire en conséquence l'importance de l'échec universitaire dans les premiers cycles.
J'évoquerai enfin très rapidement...
M. le président. Rapidement, en effet, monsieur le rapporteur pour avis.
M. Jean-Pierre Camoin, rapporteur pour avis... l'amélioration des conditions de vie et d'études des étudiants.
J'insisterai simplement sur les crédits consacrés à l'action sociale en faveur des étudiants, qui devraient s'élever à 8,4 milliards de francs en 1997, soit près de 20 % du budget de l'enseignement supérieur, ces crédits ayant par ailleurs enregistré une progression considérable de 30 % sur les trois dernières années.
La commission des affaires culturelles note cependant que, avec 6,9 milliards de francs pour les bourses et 1,030 milliard de francs pour les oeuvres universitaires, ces crédits devraient connaître respectivement une moindre progression ou une stagnation par rapport aux années antérieures.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le rapporteur pour avis.
M. Jean-Pierre Camoin, rapporteur pour avis. J'en ai presque terminé, monsieur le président.
Je rappelle que la réforme de l'action sociale devrait consister d'abord en la création d'une nouvelle allocation sociale d'études qui se substituerait aux aides existantes.
Pour conclure, la commission des affaires culturelles estime que, dans une conjoncture marquée par les restrictions budgétaires, le projet de budget de l'enseignement supérieur peut être considéré comme particulièrement satisfaisant et qu'il s'inscrit dans l'optique de réformes substantielles susceptibles de modifier en profondeur le fonctionnement de notre système universitaire.
Sous réserve de ces observations, elle a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de l'enseignement supérieur pour 1997. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 26 minutes ;
Groupe socialiste, 23 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 15 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 17 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 14 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 13 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 7 minutes.
La parole est à M. Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l'aube du XXIe siècle, la sauvegarde et le renforcement de l'enseignement supérieur sont une grande ambition nationale. Elle exige un effort budgétaire continu et régulier malgré un contexte économique particulièrement difficile. Elle implique des créations d'emplois, des investissements immobiliers, une augmentation des moyens de la recherche et surtout la définition d'une vraie politique universitaire.
Le projet de budget de votre ministère, monsieur le ministre, est à la hauteur de ces exigences. L'effort budgétaire est indéniable : il permet l'amélioration concrète des conditions d'études et le financement d'un véritable projet d'avenir pour l'enseignement supérieur.
Incontestablement, ce budget met l'accent sur les créations d'emplois. Vous tenez ainsi les engagements que vous aviez pris lors des états généraux de l'université. Vous faites de l'enseignement supérieur le premier budget de l'Etat en matière de créations d'emplois. Mes collègues et moi-même tenions à le souligner.
Ce projet de budget permettra, en effet, la création de 2 700 emplois, dont 1 500 d'enseignants. Concernant les personnels IATOS, nous vous félicitons, une fois encore, de tenir vos promesses.
Malgré l'ampleur du déficit, votre budget prévoit la création de 1 000 postes. En outre, 200 postes de personnels de bibliothèques seront créés en 1997, permettant une amélioration très significative de l'encadrement des étudiants. Celui-ci sera d'autant mieux assuré que l'on enregistre une baisse substantielle des inscriptions à l'université.
Cependant, certaines filières, du fait d'un engouement excessif, sont dans une situation difficile. Je pense, notamment, à la filière STAPS, qui ne peut accueillir que 11 000 étudiants alors même que 35 000 candidats se sont déclarés. Ce problème particulièrement préoccupant devra trouver une solution lors des prochaines rentrées universitaires, dans le respect de l'égalité d'accès des jeunes à l'enseignement supérieur.
La mise en oeuvre du tutorat nous apparaît comme un réel progrès. Près de 250 000 élèves de premier cycle pourront bénéficier d'un encadrement et du soutien de leurs aînés de deuxième et troisième cycles. Vous prévoyez 100 millions de francs pour la rétribution de 17 000 tuteurs.
Il s'agit d'une pierre du chantier pédagogique de la réforme des DEUG, où le découpage semestriel ne doit pas être l'occasion de se mettre « debout sur les freins », sous prétexte de complexité. L'introduction de modules de culture générale ne doit pas être galvaudée.
Or, à l'examen des critères décisionnels d'embauche, la technicité est considérée comme acquise, l'expérience restant à acquérir, alors que les langues étrangères, le sens de l'écrit, l'ouverture d'esprit, les valeurs dans le travail, le sens relationnel sont devenus déterminants.
Les crédits affectés aux conditions de travail et de vie des étudiants connaissent une progression constante. La dotation globale de fonctionnement augmente d'environ 115 millions de francs. Cela devrait permettre aux établissements de recevoir, à terme, une dotation réelle au moins égale à leur dotation théorique. Nous nous en réjouissons.
En outre, je tiens à souligner l'effort que vous avez courageusement engagé afin de remettre à niveau les bibliothèques universitaires françaises. Elles constituent un équipement de première nécessité pour l'enseignement et la recherche, se situant au centre de la vie de chaque étudiant. La difficulté d'une telle entreprise est d'autant plus aiguë qu'il faut, dans le même temps, rattraper le retard et moderniser l'outil.
L'amélioration des conditions de vie passe essentiellement par l'affirmation d'une action sociale en faveur des étudiants. La part de cette action dans le budget de l'enseignement supérieur dépasse aujourd'hui 20 %, ce qui n'est pas sans soulever quelques questions. Le dispositif doit être amélioré afin de ne pas défavoriser les étudiants les plus modestes ou en situation familiale difficile. C'est un objectif de justice sociale, et nous savons que vous y êtes attaché.
L'amélioration des conditions de vie passe aussi par l'investissement immobilier. Le plan de sécurité et de désamiantage de certains sites sont deux dossiers que vous avez réussi à instruire et à concrétiser par des mesures fortes, qui trouvent une traduction budgétaire.
Je rappellerai simplement que, en matière de construction de nouveaux locaux, l'effort à réaliser demeure très important. La forte demande commande impérativement une poursuite de l'effort engagé voilà quelques années.
Ne négligeons plus un thème qui nous est cher, à vous comme à nous : l'utilisation plus rationnelle des locaux universitaires. Les idées que vous avez avancées, lors de la présentation des états généraux, nous semblent correspondre à une nécessité.
L'amélioration concrète de la vie des étudiants ne peut pas se suffire à elle-même. Il faut définir une grande politique de l'enseignement supérieur. Les états généraux se sont révélés, à cet égard, un outil performant, marquant l'année 1996. Nous tenons à vous féliciter pour la méthode que vous avez employée, fondée sur le dialogue, la concertation, mais aussi sur la décision.
Premier résultat tangible : la rentrée universitaire de 1996 s'est déroulée dans un calme inhabituel et rassurant. Les mesures issues des états généraux engagent dès à présent l'avenir à long terme du système universitaire dans la clarté et la cohérence.
S'il n'est pas nécessaire de faire des recommandations, il est utile de rappeler que votre administration centrale doit contribuer à renforcer le pouvoir d'évaluation et de contrôle de régulatié, à l'occasion, par exemple, des bilans, des contrats et des habilitations. Les présidents d'université, associés étroitement à leurs secrétaires généraux, doivent exercer leurs responsabilités face aux unités de formation et de recherche par le respect scrupuleux des règles. Une gestion rigoureuse, telle celle qu'on peut imposer aux collectivités locales, par exemple, dans le domaine des ressources humaines, est impérative.
J'ai déjà évoqué certains aspects de la réforme. Je tiens, maintenant, à mettre en évidence deux points auxquels le groupe de l'Union centriste est très sensible : l'orientation et la filière technologique.
S'orienter pour mieux réussir : tel était le titre de l'excellent rapport qu'ont établi, au nom de la commission des affaires culturelles, nos collègues MM. Bernadaux et Camoin. La faiblesse des dispositifs d'orientation est un défaut majeur de notre système éducatif ; il en constitue même un trait particulier. Une réflexion s'imposait donc. Les états généraux l'ont amorcée, et le Sénat y a apporté une contribution remarquable.
Pour ma part, j'adhère totalement aux propositions de la mission d'information, qui rejoignent vos soucis : exercice d'un droit au choix, mais aussi reconnaissance d'un droit à l'erreur, renforcement de l'orientation des élèves dès la classe de cinquième, aide à l'accès aux informations et revalorisation de la filière technologique.
Nous considérons, monsieur le ministre, que la filière technologique doit trouver sa véritable place dans l'université. Cela implique la mise en place d'un cursus universitaire allant du baccalauréat jusqu'au troisième cycle. C'est pour nous le seul moyen de ne pas exclure l'enseignement technique de l'université. Celui-ci doit apporter une formation générale et initiale tout en restant ouvert sur le monde de l'entreprise.
Vous souhaitez que les formations existantes soient mises en cohérence. Un enseignement technologique de qualité ne peut se concevoir sans s'appuyer sur la recherche. Les écoles d'ingénieurs, les IUT, avec leurs plates-formes techniques, doivent harmoniser leurs moyens et services. Ces établissements sont inquiets, car le système actuel est peu lisible ; il devra être adapté.
J'aimerais que vous nous apportiez quelques éclaircissements sur l'insertion professionnelle des étudiants ainsi que sur la nécessaire définition du statut de l'étudiant. Il s'agit à nos yeux d'objectifs prioritaires, qu'il serait socialement dommageable de négliger.
Nous savons que votre tâche est difficile, entre les syndicats, les groupes politiques, le ministère des finances, le ministère du logement et celui des affaires sociales.
Il y a, par ailleurs, nécessité d'impliquer davantage les étudiants dans la gestion des oeuvres sociales : le « comportement citoyen » est ici soumis à travaux pratiques.
Notre engagement, votre engagement ne peuvent faire abstraction d'une vision de l'université française en Europe et dans le monde. L'agence nationale SOCRATES se développe et se délocalise. Le programme ERASMUS rencontre un réel succès ; le programme Leonardo da Vinci est une pépinière d'innovations pour la formation.
La France dispose, dans le domaine des formations supérieures technologiques, d'une expérience et d'une expertise qu'elle peut partager avec les pays qui le souhaitent. On doit signaler la création de filières d'enseignement supérieur en français dans diverses universités étrangères.
Nous sommes, nous Alsaciens, très sensibles à l'approfondissement de la coopération universitaire franco-allemande, en relation avec vos propositions lors du dernier sommet de Dijon.
L'effort consenti dans ce projet de budget mérite très largement notre soutien. C'est pourquoi, vous vous en doutez, nous l'approuvons. Nous serons à vos côtés dans votre marche, car nous sommes confiants dans l'avenir de l'université française. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Gruillot.
M. Georges Gruillot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, préparer les jeunes à leur entrée dans la société afin de parvenir à une véritable insertion doit être une des missions fondamentales de l'école, mais aussi de l'université.
Tout au long de cette année, l'université a fait justement l'objet d'un long débat, consacré par les états généraux, nourri notamment par notre séance du 4 juin.
Les grands axes de la réforme universitaire sont désormais confiés à des groupes de réflexion chargés de leur mise en oeuvre concrète.
Certains pourront, ici ou là, critiquer le principe de cette concertation et craindre l'enlisement des mesures proposées. Qu'ils se rassurent, la réforme est bel et bien engagée ; elle est, certes, lourde et délicate, mais notre enseignement supérieur, sa qualité autant que son devenir et l'avenir de nos étudiants réclament une attention digne des enjeux qu'ils supposent.
Ce projet de budget prouve, s'il en était besoin, le souci que le Gouvernement a de la modernisation et de l'adaptation de notre enseignement supérieur.
Avant de faire part des réflexions que m'inspire ce projet de budget, je voudrais rappeler quelques chiffres qui illustrent l'ampleur de la tâche à accomplir.
L'université française a absorbé, en l'espace de vingt ans, une multiplication par cinq de ses effectifs. Avec plus de 1,5 million d'étudiants inscrits dans les seuls établissements publics relevant du ministère de l'éducation nationale, la dernière rentrée universitaire enregistrait encore près de 50 000 inscriptions supplémentaires.
Quelles que puissent être les raisons de cette augmentation du nombre des étudiants, dont on mesure certes difficilement l'évolution future, ce phénomène impose à l'université une obligation d'accueil qu'elle n'est visiblement pas en mesure d'assurer toujours dans de bonnes conditions.
Le doublement en moins de dix ans du nombre des étudiants peut constituer un signe encourageant, en ce sens qu'il accréditerait l'idée selon laquelle l'égalité d'accès aux études supérieures est un fait tangible, donnant à espérer que notre pays sera, dans les années à venir, peuplé de citoyens mieux formés, donc mieux à même de participer activement à son développement économique, social et intellectuel.
Or il convient de modérer cet enthousiasme. L'université craque et, même avec un doublement des crédits sur la période 1985-1995, comme le soulignait un de nos collègues lors d'un précédent débat, « le taux d'encadrement des effectifs ne cesse de se dégrader année après année et la quantité des locaux universitaires, en dépit d'un effort considérable des collectivités locales dans le cadre du schéma Université 2000, est notoirement insuffisante ».
Notre université souffre, c'est incontestable. Elle souffre quelquefois d'un manque de moyens, cruellement mis en évidence par le gonflement des effectifs ; elle souffre du malaise général que connaît l'école ; elle souffre, enfin, d'un émiettement territorial qui fragilise un peu plus encore ses structures d'accueil et ses capacités d'enseignement et d'encadrement.
Face à toutes ces difficultés, monsieur le ministre, votre projet de budget a le mérite d'apporter des éléments de réponse concrets et ambitieux. Il est, en cela, très honnête vis-à-vis de l'attente exprimée, des objectifs dévoilés et des besoins mis en évidence lors de la tenue des états généraux. Je tenais à vous en féliciter.
Les réponses ainsi proposées et les moyens avancés, au-delà de quelques mesures d'application immédiate comme le tutorat, engagent à long terme l'avenir de notre université sur des sujets aussi essentiels que le statut de l'étudiant, la nouvelle architecture des premiers cycles, l'insertion professionnelle ou encore la gestion et l'autonomie des universités. Si j'adhère totalement à l'esprit général qui dicte ces orientations, vous me permettrez néanmoins, monsieur le ministre, de formuler quelques observations.
Premièrement, l'université doit davantage s'ouvrir sur le monde extérieur. Son fonctionnement actuel autant que la perception qu'on a communément d'elle en font une espèce de milieu clos, dispensant un enseignement traditionnel qui n'est pas toujours adapté aux exigences nouvelles.
Pour corriger cet état de fait, l'université doit redevenir un outil de conquête de la mobilité sociale, dont l'absence nuit à la compétitivité de notre pays, autant qu'un recours en matière de formation continue pour nos compatriotes, de plus en plus nombreux à désirer renouveler ou compléter leurs connaissances et leurs compétences.
Deuxièmement, cette professionnalisation des filières, qui me paraît indispensable, doit s'accompagner d'un effort en faveur de l'insertion des étudiants. Il s'agit là d'une question préoccupante, à laquelle ne peut répondre le seul cursus universitaire : elle exige la redéfinition d'une véritable politique d'orientation des élèves.
Il me paraît primordial de préciser les modules de professionnalisation annoncés dans la réforme et d'étudier l'opportunité de réorienter des enseignements, parfois trop théoriques, du premier cycle.
Pourquoi ne pas prévoir une adaptation méthodologique des enseignements, qui préparerait ainsi les étudiants aux concours professionnels, tels que ceux de la fonction publique ?
Ce pragmatisme de l'enseignement supérieur sera le gage de la réussite universitaire. Il suppose un véritable partenariat avec l'entreprise.
A ce titre, pourquoi la formation en alternance, qui a été évoquée à l'instant par M. Camoin et qui est de plus en plus utilisée dans les grandes écoles, n'est-elle pas retenue par l'université ? Peut-être parce qu'aujourd'hui encore nous ne savons pas franchir ce seuil imaginaire, qui sépare le monde de la connaissance de celui du travail.
Une telle conception, qui oppose l'érudition à l'application pratique, confirme, à mes yeux, certains blocages dont souffre notre pays. Or, c'est bien à l'université que revient le devoir de briser ces digues psychologiques et sociologiques, qui sclérosent notre nation et notre société.
Ma troisième et dernière observation porte sur le financement des études supérieures. L'étude du système actuel montre la dégressivité très rapide des bourses. Ce phénomène pénalise les étudiants issus de familles modestes. Ils sont maintenant près de 60 % à provenir de familles ayant un revenu compris entre 60 000 francs et 240 000 francs par an.
Il me paraît nécessaire, du fait de l'allongement des études, de permettre aux étudiants d'opter, à un moment ou à un autre de leur cursus, pour une autonomie financière à l'égard de leurs parents.
A ce titre, monsieur le ministre, j'ai déposé deux propositions de loi portant respectivement sur le droit à l'emprunt de l'étudiant et sur la mise en place d'un crédit épargne-études.
Examinée ici même au mois de juin 1990, en même temps qu'une proposition sur le même thème de M. Loridant, cette disposition n'avait pas été retenue, le ministre de l'époque, en l'occurrence M. Jospin, y opposant l'article 40.
Je reste persuadé que nous avons perdu un temps précieux. La situation actuelle prouve le bien-fondé de cette démarche.
Selon certaines estimations, quatre étudiants sur dix échouent, dont deux pour des raisons financières. Il est indispensable de promouvoir une réelle démocratisation de l'accès aux études supérieures en réaménageant les conditions de leur financement.
Avec le mécanisme proposé, sur la base de 500 000 prêts de 20 000 francs, la somme annuelle pouvant faire l'objet de prêts est de 10 milliards de francs, avec un risque maximum de non-remboursement de 5 % dont l'Etat ne prendrait en charge qu'une partie puisqu'il est proposé de confier la gestion à une société de caution mutuelle dont le fonds de garantie serait alimenté par une cotisation des intéressés eux-mêmes.
Nous conduisons, au sein du conseil général du Doubs que j'ai l'honneur de présider, une politique similaire de prêts d'honneur aux étudiants. Appliqué à l'échelle du pays, ce qui est possible, ce dispositif présente, à mes yeux, trois avantages.
Premièrement, aidé financièrement ou, à tout le moins soulagé, l'étudiant peut entrevoir plus facilement la durée de son cursus.
Deuxièmement, responsabilisés, l'étudiant et l'Etat s'engagent ensemble sur un investissement « études » dont ils reconnaissent chacun l'efficacité individuelle et collective.
Troisièmement, enfin, en cautionnant l'étudiant, l'Etat lui témoigne sa confiance et l'intérêt qu'il lui accorde pour l'avenir.
Au moment où les groupes de réflexion « planchent » sur le statut de l'étudiant et le problème du financement des études, je crois, pour ma part, opportun de retenir les travaux conduits par le Sénat.
J'attends de vous, monsieur le ministre, un réexamen de ces propositions autrement qu'à travers le prisme de l'article 40 et en prenant en compte leur pertinence au moment où vous engagez une politique de valorisation de notre enseignement supérieur.
Ces propositions compléteraient utilement les grandes lignes que trace votre budget en faveur de l'adaptation de notre université en contribuant à affirmer une priorité clairement affichée et une ambition partagée, celles qui visent à redonner à notre université ce qui lui est essentiel, à savoir le prestige et l'efficacité.
Confiant en votre jugement et pour toutes les raisons que j'ai indiquées, mes collègues du groupe du Rassemblement pour la République et moi-même voterons les crédits de votre budget pour 1997. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) M. le président. La parole est à M. Saunier.
M. Claude Saunier. Monsieur le ministre, je commencerai mon propos en exprimant un aveu qui est une crainte. Je crains, en effet d'être en léger décalage avec les propos qui ont été tenus par les rapporteurs et les précédents orateurs. Je crains aussi, après l'hommage solennel qui a été rendu à André Malraux, de revenir à un sujet qui, pourtant, devrait nous inspirer puisqu'il s'agit de la jeunesse et des perspectives que nous pouvons lui donner.
Néanmoins, monsieur le ministre, je dois dire les choses telles que nous les ressentons.
L'appréciation que nous portons sur votre budget est en décalage par rapport à celle qui a été faite par certains de mes collègues. Nous comprenons que certains chiffres aient été présentés de façon flatteuse. Peut-être la situation actuelle a-t-elle obligé le Gouvernement à adopter une attitude plutôt défensive.
Permettez-moi de vous expliquer pour quelles raisons nous estimons que le budget qui nous est présenté n'a pas les qualités que certains lui prêtent.
Les mesures nouvelles ne s'élèvent qu'à 3,8 milliards de francs contre 4,386 milliards de francs en 1996. Des états généraux se sont tenus, des propositions ont été avancées mais elles n'ont pas été financées.
Les crédits de paiement augmentent de 6 % mais les autorisations de programme diminuent de 700 millions de francs, ce qui pénalisera les réalisations prévues l'année prochaine.
Les oeuvres universitaires voient leurs moyens augmenter de 15 millions de francs, mais cette progression nous semble en déphasage totale par rapport à la nouvelle composition sociologique de la population étudiante.
Vous annoncez, pour 1997, 1 448 créations nettes d'emplois d'enseignant. Certes, il s'agit d'une progression par rapport aux années précédentes. Mais l'encadrement, comme certains l'ont souligné à la tribune, demeure encore aujourd'hui dégradé par rapport à ce qu'il était en 1986. Même si des efforts sont réalisés, l'université « craque ». Cela dit, là n'est pas la critique majeure que nous émettrons sur votre projet de budget. En effet, celle-ci porte sur le sens que nous souhaitons donner à l'action publique et qui n'apparaît pas à l'évidence dans ce projet de budget.
Le tutorat, qui est une initiative en elle-même positive, est plutôt perçu aujourd'hui, par les uns et par les autres, faute d'une perspective globale, comme un gadget.
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial. C'est exact !
M. Claude Saunier. Certes, me direz-vous il s'agit de propos d'opposants. Aussi aborderai-je ce débat de façon constructive, comme nous le faisons régulièrement, en soulignant que la perception de la représentation nationale a singulièrement évolué par rapport à celle que la nation porte sur l'école et l'université.
Voilà peu, des formules assassines reportaient sur l'université toute la responsabilité des maux dont souffrait notre société. Ce temps est révolu, et il est vrai que le dialogue qui s'est instauré à l'occasion des états généraux a certainement permis de rapprocher heureusement les points de vue et de porter une appréciation plus lucide sur la situation réelle de l'université.
Tout le monde reconnaît aujourd'hui qu'on ne pourra pas en effet affronter les grands défis de l'avenir, qu'il s'agisse de l'économie, de la société ou de l'aménagement du territoire, sans une volonté bien arrêtée en matière d'enseignement supérieur. Or l'université est-elle aujourd'hui capable de répondre à ces défis ?
Nous devons apporter une réponse à la fois juste et lucide à cette question : lucide, parce que notre enseignement supérieur présente encore des faiblesses qui ont été soulignées ; juste, parce qu'il faut aussi mettre en exergue le fait que le système éducatif français a su faire face, au cours des quinze ou vingt dernières années, à une explosion des effectifs d'étudiants en maintenant un enseignement de très haut niveau.
Nous le devons certainement aux universitaires, aux personnels et aux enseignants, mais aussi à la collectivité nationale, ainsi qu'à ceux et à celles qui ont pris au bon moment les bonnes décisions contre une grande partie de ceux qui se satisfont de la situation actuelle.
Si l'université française a tenu le coup, c'est parce que la loi Savary a été votée ; une nouvelle régulation des relations entre l'Etat et les universités s'est instaurée à travers la politique des contrats et un plan Université 2000 a été élaboré dont vous avez eu d'ailleurs la sagesse de ne pas remettre en cause les principes fondamentaux, monsieur le ministre.
L'heure est aujourd'hui venue pour la nation de consolider ces acquis, qui nous permettent de disposer d'un outil de formation globalement adapté aux attentes de la jeunesse.
Cela dit, faut-il, pour autant, se complaire dans le conservatisme ? A l'évidence, non, car il faut remédier à certaines faiblesses, réaliser des progrès et engager les réformes qui s'imposent.
La première de ces réformes - vous y travaillez, et la réflexion progresse - est celle du premier cycle.
Cette réforme, qui est évidemment déterminante, passe, à notre avis, par la réduction du nombre des DEUG, et donc une simplification du paysage, par la création de passerelles réelles entre les filières et par l'instauration d'un cycle d'observation permettant à des jeunes déracinés, qui sortent du lycée sans pouvoir choisir immédiatement et de façon irréversible leur voie, de bénéficier d'un temps supplémentaire d'orientation.
A cet égard, si nous soutenons un certain nombre de propositions exprimées par la commission dans son rapport, j'émets personnellement les plus extrêmes réserves sur une orientation précoce.
Un jeune est, par essence, un être en formation, en évolution. Il faut en permanence lui permettre de trouver sa voie, à quelque stade que ce soit de son cursus universitaire.
Je n'insiste pas sur notre opposition à la création de collèges universitaires qui ne pourraient être que de nouveaux instruments de sélection sociale.
Le deuxième thème de réflexion concerne l'instauration de la voie technologique.
Ce chantier, qui, selon vous, monsieur le ministre, était prioritaire, a pris du retard.
Permettez-moi de suggérer une piste de réflexion concrète. Il faudrait en effet réfléchir à la redéfinition du fonctionnement des IUT et s'interroger sur la durée des études dans ces instituts.
L'IUT date des années soixante. Aujourd'hui, le standard européen est de bac + 3. La technologie a évolué, la complexité s'est accrue, les attentes des entreprises se sont modifiées. On ne pourra pas faire l'économie d'une réflexion sur l'évolution des IUT.
Le troisième thème de réflexion, sur lequel je serai très bref car nous en avons souvent parlé ici, a trait à l'université et à l'aménagement du territoire. Permettez-moi, à ce propos, de lever quelques ambiguïtés et de rappeler notre position en ce domaine.
La répartition de la matière grise est un élément aujourd'hui déterminant de l'aménagement du territoire. Or cette répartition est inégale. Elle conduit à des concentrations urbaines et aggrave les difficultés de fonctionnement des universités. Sur ce point, monsieur le ministre, envisagez-vous de plafonner la concentration universitaire afin d'améliorer progressivement la répartition des moyens de formation et de recherche sur le territoire national ?
Pour autant, je le dis très clairement, il n'a jamais été question dans notre esprit de plaider la pulvérisation universitaire, qui conduirait à créer des universités départementales, c'est-à-dire des sites universitaires de second rang pour des jeunes défavorisés dans les régions marginalisées.
Nous n'acceptons pas cette perspective ! Cela m'autorise à vous interroger, monsieur le ministre, sur le soutien que vous semblez apporter à la création d'une université en milieu moyennement urbanisé, du côté du sud-ouest de la France, création qui semble poser quelques problèmes à de nombreuse institutions, en particulier à l'institution universitaire.
M. Jean-Louis Carrère. Il doit vouloir parler d'Agen !
M. Claude Saunier. Je parle effectivement d'Agen, mais c'est pour éviter de faire de la peine à l'un de nos collègues qui a porté ce dossier avec beaucoup d'ardeur !
M. François Bayrou, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Une loi a été votée en première lecture par le Sénat !
M. Claude Saunier. Par la majorité du Sénat, monsieur le ministre ! Pour notre part, nous avions voté contre cette loi, car elle ne nous semblait pas représenter une bonne perspective.
M. François Bayrou, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur le sénateur ?
M. Claude Saunier. Je vous en prie, monsieur le ministre.
M. le président. La parole est à M. le ministre, avec l'autorisation de l'orateur.
M. François Bayrou, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Je suis tout à fait prêt à examiner la pertinence de tous les projets. Toutefois, je m'étonne qu'un sénateur vienne dénoncer à la tribune une loi qui a été votée sur l'initiative du Sénat. Il y a tout de même des limites à l'incohérence ! Ou alors, que le Sénat indique qu'il s'agissait d'une loi de commodité, qui n'a pas la moindre portée juridique, donc qui ne créée pas d'obligations. Mais, monsieur le sénateur, vous ne pouvez pas reprocher à un ministre d'essayer de tenir compte des mesures que le Sénat a votées.
M. Pierre Laffitte. A juste titre !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Saunier.
M. Claude Saunier. S'agissant de la cohérence, monsieur le ministre, j'y tiens beaucoup, et je n'ai aucun scrupule à dénoncer ce qui me semble être une mauvaise orientation, ayant combattu ici même, à la tribune, une proposition qui se révèle aujourd'hui être effectivement inopportune, même si elle a été votée par la majorité sénatoriale.
Monsieur le ministre, en ce qui concerne la présence universitaire sur le territoire national, vous me permettrez d'exprimer une indignation forte : il m'est impossible de taire le scandale permanent que constitue le financement inique des sites universitaires dans les villes moyennes, véritablement étranglées par les charges que lui transfère l'Etat.
Toutes les perspectives d'évolution du système universitaire impliqueront une mise à plat fondée sur une égalité de traitement des collectivités locales et de la collectivité nationale.
Au-delà de ces quelques considérations, je souhaite vous poser quelques questions, monsieur le ministre.
Premièrement, où en est l'application des schémas régionaux et nationaux ? Mon sentiment est que nous avons pris un an de retard.
Deuxièmement, où en sont les groupes de réflexion ?
Troisièmement, où en êtes-vous dans la mise en oeuvre des quarante mesures que vous aviez annoncées à l'occasion des états généraux ?
Enfin, quatrièmement, avez-vous l'intention d'impulser un élan réel à l'utilisation des nouvelles technologies d'information et de communication ? Elles constituent, en effet, l'un des leviers pour aborder l'avenir de l'enseignement supérieur.
Je sais, monsieur le ministre, que vous avez le talent de faire des paraboles sur le vent, sur le temps. Mais, aujourd'hui, le temps s'accélère, l'histoire s'accélère. Nous ne sommes plus tout à fait à l'époque de Henri IV.
En conclusion, je vous demande, monsieur le ministre, de bien vouloir redéfinir les perspectives et de proposer à la nation un échéancier qui lui permettra de mieux comprendre le sens de la politique que vous conduisez.
En réalité, le budget que vous nous présentez est un budget en trompe-l'oeil : il a l'apparence de la croissance, mais il ne vous donne pas les moyens de mettre en oeuvre votre politique. Les bonnes intentions ne manquent pas, mais il faut aussi des actes et des moyens d'action. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les débats sur l'université, et plus largement sur l'enseignement supérieur, se succèdent à vive allure dans notre pays et ici même où, voilà quelques jours, la commission achevait ses travaux relatifs à l'orientation des étudiants en premier cycle.
Etats généraux, commissions diverses, enquêtes, préparation du budget représentent effectivement des moments importants pour mener une réflexion sur l'université.
Je ne suis pas certain que les voies choisies soient celles qui sont attendues par nombre de nos concitoyens, notamment par nombre d'étudiants et leur famille.
La logique qui prévaut aujourd'hui dans nos pays dits « développés » tourne le dos au progrès, au moment même où l'accélération du développement des connaissances prend un tour de plus en plus impétueux. Cette accélération nous impose plus que jamais de mener au sein de l'université et sur l'université une réflexion sur le devenir de l'enseignement supérieur de notre pays.
Pour autant, cette réflexion ne peut se conduire ex nihilo. Il nous faut replacer l'ensemble du système universitaire et de la recherche dans la société qui est la nôtre, comme vous replacez, monsieur le ministre, le budget universitaire dans le contexte de réduction des déficits publics qui semble seul conduire la politique du Gouvernement.
Aux questions et aux enjeux qui nous sont à présent posés - quel enseignement supérieur, pour quels étudiants et pour quelle société ? - il convient de cesser de répondre en termes uniquement comptables.
En refusant de sortir du cadre strict de l'université, en refusant d'élargir la question de la connaissance et du savoir à l'ensemble des questions et des enjeux de société qui nous sont aujourd'hui posés, vous assignez au système universitaire des responsabilités qui ne sont pas les siennes et qui pourraient compromettre toute possibilité pour lui de s'adapter à la société qui est la nôtre.
Dès lors, la possibilité vous est donnée de mener en matière universitaire et dans le cadre du budget qui nous est soumis une politique a minima, bien loin des présentations ou des représentations qui nous en sont données.
Si 63 % d'une classe d'âge sont inscrits à l'université, la démocratisation de l'enseignement supérieur reste imparfaite et nous le devons, pour une très large part, à l'insuffisance des moyens.
Combien d'enfants de chômeurs, de RMIstes, de salariés aux faibles revenus accèdent à l'université ? Malheureusement, l'origine sociale demeure un critère de sélection. La sélection sociale est aussi l'une des causes essentielles de l'échec universitaire.
Le projet de budget s'élève à 47 milliards de francs, soit une augmentation de 5,4 % par rapport à 1996. Il faut voir là le résultat des mouvements étudiants de l'automne dernier. Cela étant, il faut l'acter. Mais, pour autant, c'est insuffisant, comme en témoigne, par exemple, la baisse des mesures nouvelles. Autant dire que le budget n'est pas au rendez-vous des enjeux de démocratisation et de justice sociale.
Ainsi que j'ai eu l'occasion de le rappeler lors de nos travaux en commission, le coût annuel d'un étudiant en France est l'un des plus bas parmi les pays industrialisés : 32 000 francs contre 35 000 francs en Allemagne et deux fois plus aux Etats-Unis.
Faut-il encore rappeler la situation d'extrême pauvreté dans laquelle se retrouvent bien des jeunes étudiants ? Le contexte de crise aggravée, le nombre de parents privés d'emploi, cadres ou non-cadres, imposeraient de renforcer, bien au-delà de ce qui est fait, le système boursier et plus largement tout ce qui relève d'un véritable statut de l'étudiant.
On ne peut se satisfaire de l'augmentation prévue des bourses qui reste notoirement insuffisante face à l'exigence du doublement du taux et du nombre de boursiers.
La sécurité sociale, sous l'angle des déficits, est montrée du doigt, mais, vous le savez bien, monsieur le ministre, la médecine étudiante est calamiteuse, voire quasi inexistante, faute de moyens réels, au moment même où les enjeux de démocratisation appellent un renforcement des dispositifs existants.
Ainsi, l'essentiel des médecins de prévention sont des vacataires ; on dénombre une assistante sociale pour 24 600 étudiants et, faute de consacrer à la prévention étudiante davantage d'argent, vous avez repris à votre compte l'idée émise par un membre de la majorité, lors du débat budgétaire à l'Assemblée nationale, de faire appel à des étudiants en médecine.
La politique du « moins coûtant », la politique du peu ne sied pas aux ambitions qui devraient être les nôtres pour l'université.
Quand il conviendrait de recruter cinq mille enseignants-chercheurs supplémentaires et autant de personnel-ingénieurs, administratifs, techniciens, ouvriers de service - IATOS - on ne peut accepter la suppression de cinq mille postes des enseignements primaires et secondaires pour un transfert qui, économique soit-il, ne permettra pas de répondre aux enjeux de formation citoyenne des jeunes et, encore moins, aux besoins de la recherche.
Je ne m'attarderai pas davantage sur les insuffisances dont souffrent encore les universités et leurs usagers en matière d'équipements et de locaux, d'enseignement, de recherche, d'études, de loisirs, de détente, de restauration, d'hébergement...
S'agissant des biliothèques, je partage les réflexions formulées par M. Camoin, rapporteur pour avis : dans une perspective citoyenne d'accès à la connaissance et de l'accroissement de celle-ci, il importe de permettre aux étudiants la pratique de la lecture. C'est bien le moins !
Qu'en est-il de la réalité des bibliothèques universitaires ? En France, on dénombre une place pour dix-huit étudiants, soit un demi-mètre carré par étudiant. En Grande-Bretagne et en Allemagne, on compte une place par étudiant et un mètre carré et demi par étudiant.
Il en va de même pour le personnel d'encadrement des bibliothèques. Notre pays compte 1 130 000 inscrits dans les bibliothèques universitaires pour 3 700 postes de bibliothècaires ou d'aides-bibliothécaires. Le nombre de postes représente le double en Grande-Bretagne ou en Allemagne pour un nombre identique d'étudiants.
Monsieur le ministre, les 35 millions de francs supplémentaires inscrits dans le projet de budget pour 1997 suffiront-ils à rendre accessibles les bibliothèques universitaires ?
On mesure mieux, à travers ces exemples, le décalage qui existe entre les besoins de l'enseignement supérieur et l'effort consenti par la nation.
Mais, au fond, ne touche-t-on pas du doigt une différence profonde de conception sur le rôle que doit jouer l'université ?
S'il s'agit d'ajuster l'université au seul marché de l'emploi, dans une logique libérale et dans le contexte d'une société en crise, dominée par le chômage et la précarité, alors soit ! Autant pratiquer cette politique d'économie et d'austérité.
Si, à l'inverse, il s'agit de donner à l'université de nouvelles missions, les 0,56 % du produit intérieur brut consacrés à cette dernière restent insuffisants : ce chiffre doit être porté à 1 %, soit un doublement qui correspond aux demandes auxquelles a dû faire face l'enseignement supérieur dans notre pays ces dernières années.
On en revient toujours à la question fondamentale : à quel enjeu devons-nous faire face aujourd'hui ? Quel rôle doit jouer l'enseignement supérieur ?
Dans le contexte actuel d'accélération phénoménale des connaissances, de progrès qui peuvent potentiellement alléger la peine des hommes, permettre un épanouissement individuel inégalé jusqu'à présent, il s'agit de former les citoyens de demain, aptes à exercer les compétences les plus pointues, tout en maîtrisant les mutations diverses qui traversent notre société. Il s'agit de former non plus le travailleur de demain, mais le citoyen de demain. Il s'agit non pas d'assurer le renouvellement d'une élite, mais d'offrir à chacun les possibilités de cet épanouissement.
C'est la raison pour laquelle j'insiste à nouveau sur l'impérieuse nécessité de réussir le pari de la démocratisation. Le partage des savoirs s'opère de manière encore trop inégale. Les connaissances sont toujours monopolisées par le haut de l'échelle sociale.
Bien évidemment, cette perspective d'ensemble ne peut s'inscrire que dans l'optique d'une autre ambition pour notre pays, fondée sur l'exigence d'une autre croissance économique, elle-même bâtie sur le plein emploi. C'est pourquoi il serait illusoire de croire pouvoir régler tous les problèmes posés à l'université en dehors d'une réflexion approfondie et d'un changement des règles qui régissent actuellement la société.
En ce sens, nous ne pouvons faire l'économie d'une nouvelle approche des rapports entre travail et formation. Ainsi, les formations à venir, en particulier les formations universitaires, ne doivent-elles pas être considérées comme des formes nouvelles de travail social ?
La revendication d'un statut de jeune travailleur pour les étudiants n'est pas récente. Mais de nouveaux arguments semblent aujourd'hui peser en sa faveur.
S'il est vrai que l'humanité de demain ne peut survivre que par l'imagination, la science, la création, il faut de nombreux étudiants, travaillant beaucoup, pour lui en préparer les voies.
Il faut que chaque étudiant se prépare à un métier, apprenne à en maîtriser les concepts et les techniques, se dispose à épouser les modifications imprévues des métiers et des fonctions.
Il faut donc que chaque étudiant se trouve en situation d'apprentissage, non seulement par rapport aux matières qu'il étudie, mais également par rapport au métier qu'il envisage d'exercer, à la fois plus libre et plus responsable dans ses études, et soumis à l'obligation de les valoriser à terme et, si possible, en permanence, par leur utilité sociale.
Les stages professionnels devraient être la règle, ainsi que la participation des étudiants à la formation des plus jeunes.
L'aide sociale et la gratuité des études ne constituent que des étapes vers une reconnaissance d'ensemble de l'utilité sociale des études, qui justifierait de façon systématique un salaire étudiant.
Tout au cours de l'existence, le travailleur ne cessera pas d'être un étudiant. Tout en participant aux réalisations collectives, il sera toujours en situation de contribuer à l'apprentissage des jeunes. L'étendue et l'intérêt du travail deviendront sans limite.
Tout cela n'est pas un rêve, mais participe aux réponses qu'appellent de notre part les immenses frustrations qu'amènent le travail contraint, le chômage massif, ou encore les études sans motivation.
Parce que ce projet de budget ne répond pas aux besoins les plus urgents des universités, et encore moins aux enjeux fondamentaux posés par cette crise de société que nous vivons, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen émettront un vote négatif. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de l'enseignement supérieur est en grand progrès, malgré un contexte difficile. Certes, tout n'est pas parfait. Cependant, une chose est sûre : il est accompagné par des décisions claires et par une concertation positive.
Bravo ! pour le tutorat. Bravo ! pour les avancées acquises ou à venir sur le statut de l'étudiant. Bravo ! pour le DEUG avec semestre d'orientation. Bravo ! pour l'intérêt que, sans aucun doute, vous prendrez à l'égard des conclusions de notre mission sénatoriale sur l'orientation.
Vous noterez que, pour la première fois dans l'histoire du Sénat, nous avons enrichi, à ma demande, nos auditions par une consultation sur Internet. Celle-ci a suscité de nombreuses réponses, émaillées de quelques fautes de frappe, venues du Japon ou des Etats-Unis et dans lesquelles leurs auteurs ne parlaient pas la langue de bois. C'est donc un motif de satisfaction. Il faudra, bien sûr, veiller à ce que cette satisfaction hexagonale ne masque pas certaines dérives par rapport à ce qui se passe ailleurs.
Tout n'y est pas rose, certes. Mais dans certains cas, nous sommes loin derrière, par exemple en ce qui concerne l'accès des étudiants au « réseau des réseaux ». En effet, seuls les étudiants en sciences, et pas même ceux qui sont en premier cycle, ont, en pratique, l'accès commode à Internet. Il reste donc de nombreux progrès à faire. Je pense que les présidents d'université y veilleront. Toutefois, une petite impulsion de M. le ministre serait sans doute positive.
En matière de télé-éducation, des progrès ont certes été réalisés. La cinquième chaîne est globalement perçue comme apportant des « briques pédagogiques », y compris dans l'enseignement supérieur. Cependant, son budget pour 1997 est inquiétant. L'éventualité de la fusion de cette chaîne avec la SEPT-Arte pose problème. Je le sais, monsieur le ministre, ce dossier ne relève pas de votre compétence directe mais il faudrait y veiller.
Nous disposons du Centre national d'enseignement à distance, le CNED. Il présente de grandes capacités et a des qualités. Toutefois, il a pour défaut d'avoir une assez faible liaison, sur le plan organique, avec le potentiel des universités et des grandes écoles. Il conviendrait de faire faire plutôt que de réinventer. L'absence de la culture de réseau serait-elle un défaut hérité de nos ancêtres les Gaulois ?
Nos amis italiens n'ont pas de CNED. Cependant, ils ont élaboré un réseau, Nettuno, qui regroupe une vingtaine des institutions d'enseignement supérieur les plus prestigieuses de la péninsule et qui se présente de manière active, voire offensive, y compris sur le marché extérieur du télé-enseignement international.
L' Open university britannique est un modèle de technologie moderne, qui allie la tradition et la modernité. En effet, elle délivre encore les diplômes de fin d'année avec un certain faste : musique et toges chamarrées. En septembre, à Paris, j'ai moi-même pu le constater lors d'une cérémonie de remise de diplômes de cette université, au cours de laquelle m'a été concédé un diplôme de docteur honoris causa.
M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles. Bien mérité, mon cher collègue !
M. Pierre Laffitte. A cette occasion, nombre de diplômés, y compris des Français, mais aussi des Belges et des Britanniques, étaient très heureux de revêtir la toge.
Il est un peu dommage que, dans notre pays, les choses ne se passent pratiquement plus ainsi, sauf dans certaines facultés de droit ou de médecine. Ce genre de cérémonie montrerait que l'on peut allier modernité et tradition. Une réflexion devrait avoir lieu sur ce point.
M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles. Il est bien que vous le disiez, monsieur Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Cela me paraît, en effet, important !
L' Open university britannique veut désormais créer l' Open University World Wide. Elle sollicite d'ailleurs, à cet égard, des participations extérieures. Peut-être pourrions-nous montrer la volonté de voir le système d'enseignement supérieur et de recherche français y participer, car, finalement, les Britanniques sont très proches de nous ?
Je souligne ici qu'un projet fédérateur de réseau de téléservices euroméditerranéen, MEDSAT, mériterait d'être soutenu, d'autant plus que le CNED, Nettuno, la Cité des sciences et plusieurs universités, dont l'Open université, seraient disposés à y participer, en liaison avec plusieurs villes, notamment Tunis, Alexandrie et Beyrouth. Nous aboutirions ainsi à une opération majoritairement franco-britannique sur l'ensemble méditerranéen. Nous pourrions peut-être ainsi compenser la présence un peu pesante du télé-enseignement ou de la télé-médecine américaine. Ce système correspond d'ailleurs au souhait de pays comme l'Arabie saoudite.
L'intervention de M. Saunier me conduit à défendre la notion d'université thématique votée par le Sénat. N'oublions pas que ce projet a été élaboré en concertation avec certains universitaires. Que d'autres universitaires ne soient pas d'accord, cela ne m'étonne pas outre mesure. Cela prouve la diversité des opinions et une vitalité de bon aloi. Ceux qui sont contre ce projet sont parfaitement respectables. Pour autant, cela ne signifie pas que ceux-ci sont contre tout changement.
Le Sénat a, selon moi, eu raison de considérer que les universités bien focalisées sur une thématique et implantées dans de petites villes n'étaient pas réservées aux Etats-Unis, je pense à Fribourg en Allemagne, à Oxford et à Cambridge en Grande-Bretagne. Les universités de haute qualité, même petites, ne doivent pas être réservées à Paris et aux grandes métropoles de province.
Monsieur le ministre, le groupe du RDSE votera, dans sa majorité, votre projet de budget car il est excellent. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme nos rapporteurs, MM. Lachenaud et Camoin, l'ont bien indiqué, le projet de budget de l'enseignement supérieur atteint 47 milliards de francs, soit une augmentation de 5,5 % par rapport à 1996. Alors même que les effectifs des étudiants en premier cycle sont en baisse, la dotation de fonctionnement des universités croît très sensiblement, dépassant 223 millions de francs, et 435 millions supplémentaires sont inscrits dans le projet de loi de finances que nous examinons. Ces augmentations représentent la plus forte progression budgétaire de cette année, ce qui, de toute évidence, est positif, surtout en ces temps de rigueur.
Les dispositions que vous nous présentez, monsieur le ministre, apparaissent comme la garantie que le plan de rattrapage mis en place après la crise universitaire de l'automne de 1995 sera respecté, et que les engagements courageux pris à cette occasion seront honorés, et leur mise en oeuvre financée. Je pense notamment ici aux mesures instaurant le tutorat, que mon collègue M. André Maman, qui devait intervenir cet après-midi, appelait depuis longtemps de ses voeux, et qui seront dotées, en vue de leur application, d'une enveloppe de 100 millions de francs.
Les 2 700 emplois créés au profit des établissements d'enseignement supérieur, qu'il s'agisse des 1 500 postes d'enseignant ou des 1 200 emplois destinés à des personnels non enseignants, permettront d'améliorer l'encadrement des étudiants, trop souvent livrés à eux-mêmes dans le passé. Ils nous laissent espérer que le taux d'échec vraiment élevé que l'on constate à l'issue du premier cycle sera enfin ramené à une proportion plus acceptable.
Ces chiffres sont d'autant plus frappants et rassurants que ces mesures viennent s'ajouter aux 4 000 emplois créés à la rentrée de 1996 dans l'optique du plan d'urgence. Comme vous nous le rappelez, monsieur le ministre, dans les documents destinés à éclairer votre projet de budget, ce sont 7 000 emplois qui ont été créés en deux années universitaires. Au-delà des discours, cet effort sans précédent érige à juste titre l'enseignement supérieur au rang de priorité nationale.
Le plan de rattrapage sera donc intégralement respecté. Ce projet de budget s'inscrit indiscutablement dans une politique universitaire ambitieuse, qui tend à moderniser, sans heurts, une université ouverte à tous. La progression des crédits alloués aux bourses, lesquels augmentent de 2 %, l'illustre parfaitement, de même que la facilitation de l'accès aux universités, dont ont pu notamment profiter les jeunes bacheliers arrivant de nos lycées de l'étranger.
Les mesures que vous nous proposez, monsieur le ministre, engagent à long terme l'avenir de notre enseignement supérieur sur des sujets aussi essentiels que le statut de l'étudiant, la semestrialisation des premiers cycles, la mise en place d'une véritable filière technologique ou l'autonomie des universités et la rationalisation de leur gestion.
C'est pour cette raison que je souhaiterais, en me fondant à la fois sur mon expérience d'enseignant et de parlementaire, formuler quelques remarques qui me paraissent aller dans le sens de ce que devront être, demain, nos universités.
Tout d'abord, il faut établir, chaque fois que c'est possible, des ponts entre les établissements d'enseignement supérieur et les entreprises. La formation en alternance a déjà fait ses preuves. Nous devons insister sur l'élaboration d'une véritable stratégie de l'emploi, fondée sur une appréhension réelle des besoins des entreprises et sur les stages qui sont un moyen efficace d'insertion professionnelle.
Enfin, je voudrais mettre l'accent, en qualité de représentant des Français établis hors de France, sur l'ouverture indispensable de nos étudiants vers l'extérieur. On ne peut pas faire l'économie de « l'international » dans l'enseignement supérieur. Cela est d'ailleurs bien en accord avec les orientations annoncées, monsieur le ministre, de votre projet de réforme, ainsi que les conclusions des états généraux de l'université.
Les séjours à l'étranger sont indispensables, non seulement en Amérique, où tout le monde veut aller, mais au sein de l'Union européenne, où doit s'établir un trilinguisme qui sera très utile à notre propre langue. Ces séjours sont sources d'enrichissement et d'approfondissement, nécessaires non seulement à la connaissance des langues étrangères, mais aussi à l'appréhension des enseignements supérieurs des autres pays.
Cette dimension nouvelle de notre enseignement supérieur devrait nous permettre de ne pas manquer le grand rendez-vous que nous fixent la mondialisation de l'économie ainsi que le développement croissant des échanges internationaux.
Dans ces perspectives d'avenir, et étant donné l'essor encourageant des crédits, qui nous permettent de répondre efficacement aux besoins les plus urgents, le budget de l'enseignement supérieur dans le projet de loi de finances pour 1997 ne pourra que recueillir notre entière adhésion. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle. Monsieur le ministre, l'adoption de mesures d'urgence lors de la crise universitaire de l'automne 1995 a permis de dénouer cette dernière ; votre budget, parmi d'autres actions, pérennisera ces mesures.
Permettez-moi d'abord de saluer la réflexion que vous avez engagée avec la communauté universitaire sur les réformes à réaliser, réflexion à laquelle vous avez associé le Parlement - soyez-en ici même remercié.
Chacun de nous a alors pu prendre conscience qu'il ne suffisait pas de dépenser plus, mais qu'il convenait de dépenser mieux. Les états généraux de l'université ont débouché sur des principes solides et précis. Ils engagent à long terme l'avenir de l'université sur des sujets aussi importants que le statut de l'étudiant, les premiers cycles, l'insertion professionnelle, la mise en place d'une véritable filière technologique, l'autonomie et la modernisation.
Je me félicite de ces mesures, monsieur le ministre, mais permettez-moi d'apporter quelques compléments à cette réflexion.
Le refus de la sélection nécessite la réussite de l'orientation. Combien d'étudiants, lorsqu'ils choisissent une filière, tiennent-ils compte de ses débouchés professionnels ? Je ne rappellerai qu'un exemple déjà tristement connu, celui des sciences et techniques des activités sportives.
Alors qu'ils étaient 2 960 en 1992, 11 000 étudiants sont attendus cette année, alors que 830 places seulement sont disponibles pour l'éducation physique et sportive. J'ai eu l'occasion d'aborder ce sujet ce matin ; je n'y reviendrai pas.
Il faut donc absolument mieux informer les lycéens. Pour ce faire, les journées portes ouvertes des universités sont un moyen parmi d'autres. Quelque 600 000 fiches d'orientation ont été distribuées dans les lycées en 1995 et 1996.
Vous prévoyez de réserver une plage horaire spécifique pour cette information dès la classe de seconde. Ces efforts suffiront-ils à diminuer le taux d'échec en premier cycle ? Permettez-moi cependant, monsieur le ministre, à cet effet, de saluer l'initiative de tutorat, que vous avez engagée.
Pour une orientation réussie, il faut centrer la réforme de l'université sur l'insertion professionnelle des étudiants. Il faut réorienter vers le concret des enseignements souvent trop théoriques. L'entreprise doit être confortée dans son rôle de partenaire de l'enseignement supérieur. On se doit d'ouvrir plus grand encore l'université à la formation en alternance ; elle a depuis longtemps prouvé ses mérites.
L'orientation des jeunes doit être au coeur de toute réforme de l'enseignement supérieur. Comme le souligne remarquablement le rapport « S'orienter pour mieux réussir » de la mission sénatoriale sur l'information et l'orientation des étudiants des premiers cycles universitaires, une éducation continue à l'orientation, du collège à l'université, doit être établie. Je tiens à rendre hommage à la qualité du travail effectué sous la responsabilité du président Gouteyron,...
M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles. Merci !
M. Jean-Claude Carle. ... qui a su auditionner un large panel de partenaires et de spécialistes ; il a su intéresser et faire participer l'ensemble des membres de cette mission. Qu'il en soit ici publiquement remercié !
Ce rapport appelle également à l'accélération de la mise en place d'une grande filière technologique. Il insiste particulièrement sur les possibilités de réorientation, de passerelles entre filières, d'aide à la reprise d'études. Il évoque des dispositifs de validation d'expérience professionnelle et l'introduction de l'alternance, y compris dans les filières générales.
Voilà des directions, qui, je n'en doute pas, rejoignent les vôtres, monsieur le ministre.
Je crois également en une approche plus volontariste du statut de l'étudiant. La dégressivité trop rapide de l'échelle actuelle des bourses pénalise gravement les familles aux revenus moyens. Dès lors, il faut veiller à ce que notre système d'aide aux étudiants assure à ces derniers la possibilité de choisir librement leur cursus pédagogique. Pourquoi ne pas permettre à ceux qui ont déjà avancé dans leurs études d'être plus autonomes ? L'octroi des aides doit être réorganisé avec le souci d'une meilleure équité.
L'université assure des missions de service public. Ces dernières lui imposent de devenir ou de redevenir un outil de mobilité sociale. Chacun doit trouver l'instrument d'une seconde chance. Pour ce faire, les possibilités de fractionnement des formations initiales doivent être assouplies, la formation continue des adultes, mise en valeur. L'expérience professionnelle doit être mieux reconnue. L'expérience concrète des compétences réelles de chaque candidat doit être prise en compte. Il faut s'orienter vers une politique de validation des acquis professionnels, tant pour l'obtention des diplômes que pour les modalités d'inscription.
Enfin, la pluridisciplinarité à l'université me paraît être des plus importantes. A la diversité des emplois doit correspondre celle des enseignements. Les professeurs, l'administration, les représentants du monde économique et les collectivités locales doivent travailler ensemble pour une personnalisation des diplômes. Votre souci d'optimiser les investissements et les équipements par la modification de l'organisation des études en semestres, le développement d'un bloc de formation permettant ensuite à l'étudiant d'entrer dans la filière de son choix avec possibilité de poursuivre dans cette voie, de changer d'orientation ou même de redoubler, reçoit notre approbation.
Monsieur le ministre, la direction que vous avez prise est la bonne. La réforme de l'université est bien l'un des grands chantiers du septennat. Dans cette tâche où vous faites preuve d'énergie et d'imagination, vous avez le soutien des membres du groupe des Républicains et Indépendants, qui voteront bien sûr ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, compte tenu des restrictions budgétaires actuelles, le projet de budget de l'enseignement supérieur nous apporte des motifs de satisfaction, ce dont nous nous félicitons : en effet, dans l'ensemble, le taux de progression de ce budget est nettement supérieur à celui de l'inflation.
Les créations de postes, avec 2 700 emplois nouveaux, et leur répartition donnent satisfaction à la communauté universitaire ; peut-être pourrait-on cependant s'interroger sur le nombre peut-être trop important d'enseignants agrégés, car un équilibre entre les enseignants chercheurs et les enseignants secondaires doit exister.
Monsieur le ministre, le budget pour 1997 est un bon budget de croisière ; mais est-ce un bon budget au long cours, si, d'aventure, quelque tempête venait à surgir ?
M. François Giacobbi. Au gré du vent !
M. Patrice Gélard. Je me permettrai donc de vous poser quelques questions et d'attirer votre attention sur certains points.
Monsieur le ministre, vous êtes engagé dans un vaste plan de réforme très positif pour l'université, et, à cette même tribune, je vous avais d'ailleurs félicité pour votre action à cet égard.
La mise en place progressive des différents aspects de votre réforme nécessitera-t-elle des moyens supplémentaires ? En effet, l'instauration du système semestriel, la rénovation de la filière technologique et les restructurations universitaires indispensables exigeront peut-être des moyens qu'une redistribution interne ne permettrait pas seulement de satisfaire.
La réduction des moyens consacrés aux investissements et aux crédits de maintenance, même si elle est limitée, risque néanmoins de poser des problèmes à certaines universités qui voient leurs locaux se dégrader alors que certains investissements nécessaires seront retardés. D'ores et déjà, un certain nombre de présidents d'universités contractualisées se sont inquiétés de la relative stagnation de leur dotation de fonctionnement, cette année.
Ces interrogations étant posées, je voudrais attirer votre attention sur un certain nombre de points qui ont certes indirectement des incidences budgétaires mais qui interpellent surtout l'ensemble de la collectivité universitaire.
Comme plusieurs orateurs l'ont dit, l'orientation et l'information demeurent insuffisantes, notamment dans les lycées, où il faut absolument améliorer le système, malgré tous les efforts qui ont déjà été accomplis.
Monsieur le ministre, il serait à mon avis intéressant de créer au sein de votre ministère un laboratoire de prospective de l'enseignement supérieur, qui étudierait les possibilités d'évolution des effectifs réels - et non pas supposés - d'étudiants et qui se lancerait également dans une prospective des emplois à moyen terme, non seulement dans la carrière universitaire mais aussi dans les grandes branches de formation. Une mission sénatoriale pourrait étudier cette question.
J'attire également votre attention sur l'impatience que manifeste la communauté étudiante quant à l'adoption prochaine d'un statut de l'étudiant. Il ne faut à mon avis pas tarder sur ce point, car la réforme des aides aux étudiants va s'imposer de plus en plus.
Dans le même temps, il importe de ne pas oublier la nécessité d'améliorer les conditions de travail des étudiants au sein des universités, notamment en ce qui concerne les places en bibliothèques, l'accès aux technologies modernes - on a parlé tout à l'heure d'Internet, mais il y a aussi d'autres secteurs - les incitations à la mobilité, ainsi, peut-être, que ce que vous avez promis pour plusieurs universités, à savoir l'accélération de la création de maisons de l'étudiant dans chaque ville universitaire.
C'est un peu dans cette voie qu'il faut s'orienter. Le tutorat - chacun l'a dit et, pour ma part, je peux en témoigner - est une institution qui fonctionne bien et qui incite à la fois ceux qui sont tuteurs et ceux qui sont « tutorés » à entretenir de meilleures relations au sein de la communauté universitaire.
Mais, à l'avenir, ne peut-on penser à des formes d'enseignement autres que les cours magistraux et les travaux dirigés ? Je ne suis en effet pas convaincu que le système actuel, avec trente heures d'enseignement par semaine, pour certaines formations, soit l'idéal. Je préférerais pour ma part des formations limitées à quinze heures, l'étudiant, encadré par le tuteur, fournissant également un travail personnel de recherche de quinze autres heures.
Je souhaite également aborder le problème de la lutte contre l'échec et la réforme du premier cycle.
Des actions, qui ne sont pas si mauvaises, ont été engagées. On a parlé de semestres d'orientation. Presque toutes les universités programment une période d'orientation, et c'est là une bonne chose.
Permettez-moi cependant de vous faire part de mes inquiétudes sur l'instauration d'un système semestriel, monsieur le ministre. On dit tout et n'importe quoi à cet égard, et il faut faire attention à ne pas diffuser des nouvelles susceptibles d'inquiéter soit les étudiants, soit les enseignants. Ainsi, l'annonce selon laquelle le premier semestre non validé serait répété au cours du deuxième semestre, et ce sans moyens nouveaux, a fait naître une véritable inquiétude, notamment dans les universités les plus récentes.
De même, s'agissant de la lutte contre l'échec et de la réforme du premier cycle, nombre d'orateurs sont intervenus en faveur d'une réduction du nombre des DEUG. Là aussi, je m'inquiète. Si une telle décision est certes envisageable dans certaines matières, telles les disciplines littéraires, elle ne l'est pas pour d'autres, sauf à augmenter la durée des études, c'est-à-dire à porter la maîtrise à cinq ans.
Monsieur le ministre, vous avez fait part à plusieurs reprises de votre intention de rationaliser la filière technologique. Là encore, c'est une tâche importante, mais difficile. Pour moi, il ne serait pas bon de séparer les universités technologiques et l'université générale, de séparer, même à l'intérieur d'une discipline, les diplômes technologiques et les diplômes généraux. Une interaction entre les deux s'impose, notamment dans le secteur du droit et des sciences économiques, que je connais très bien. La filière technologique des instituts universitaires professionnalisés, par exemple, ne doit pas être séparée des diplômes plus généraux qui lui sont connexes, ne serait-ce qu'en raison de la possibilité de mettre parfois des enseignements en commun, ce qui permet des échanges.
Monsieur le ministre, je voudrais également attirer votre attention sur la nécessité de repenser sérieusement l'enseignement des langues étrangères dans l'université française. Certes, je ne méconnais pas la difficulté du problème. En outre, je sais qu'il est impossible d'investir des sommes massives dans l'enseignement des langues étrangères.
Néanmoins, le grand obstacle actuel à la mobilité des étudiants au sein de l'Europe réside dans la déficience de leur formation en langues étrangères. Or, on ne peut pas voir son niveau dans une langue étrangère se maintenir, voire progresser, à raison d'une heure et demie d'enseignement par semaine, ou d'une heure par semaine sur deux ans, comme cela se fait dans certaines universités. Nous ne pourrons pas envoyer des étudiants de second cycle passer un semestre en Allemagne, en Espagne ou dans d'autres pays si un effort significatif n'est pas réalisé en faveur de l'enseignement des langues. A cet égard, les enseignants du second degré ont toute leur place dans l'université.
Enfin, monsieur le ministre, vous vous êtes engagé dans la simplification des grilles des personnels ingénieurs, administratifs, techniciens, ouvriers et de service, les personnels IATOS, dans lesquelles personne ne s'y retrouve plus : on ne sait en effet plus combien il y a de sortes de personnels IATOS et de concours différents. Il est bon de mettre de l'ordre à cet égard, et c'est d'ailleurs ce que les personnels attendent.
Monsieur le ministre, je voudrais attirer votre attention sur la nécessité de penser prochainement au déblocage des carrières de maîtres de conférence et des professeurs. Il n'est pas admissible qu'un maître de conférence ayant passé plus de trente-cinq ans dans l'université n'accède pas à la hors-classe.
M. Henri Weber. C'est juste !
M. Patrice Gélard. Il n'est pas admissible qu'un professeur prenne sa retraite avec le grade de professeur de deuxième classe, surtout quand il a fait correctement son travail dans l'université, que ce soit dans la recherche, dans la pédagogie ou dans l'administration.
Monsieur le ministre, vous vous étiez engagé à tenir compte, dans les progressions de carrière, tout à la fois de la recherche et de l'investissement personnel de l'enseignant dans l'encadrement des étudiants, dans la pédagogie. Il faudrait, là encore, que les choses s'accélèrent, notamment au niveau du CNU, pour prendre un peu plus en considération l'investissement personnel, et non le seul investissement dans la recherche, auquel, naturellement, je suis très attaché.
J'en viens à mon dernier point : monsieur le ministre, la légère modification des normes San Remo, à laquelle vous avez procédé cette année, n'est pas suffisante. En effet, le système des normes San Remo perpétue le sous-encadrement des disciplines sous-encadrées ; en fait, il contribue à enrichir les disciplines et les filières riches au détriment des disciplines et des filières pauvres : ainsi, il est complètement anormal qu'il n'y ait qu'un enseignant pour quarante-cinq étudiants dans les disciplines juridiques et économiques, alors qu'il y en a un pour douze dans d'autres disciplines. Un rétablissement s'impose donc.
Monsieur le ministre, vous êtes engagé dans la bonne voie : nous vous avons soutenu et nous vous soutiendrons encore ; ce budget n'est qu'un début dans la suite de toutes les réformes qu'il sera nécessaire d'entreprendre. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Weber.
M. Henri Weber. Monsieur le ministre, les orateurs de la majorité qui m'ont précédé à cette tribune se sont beaucoup réjouis de ce que, en cette période de vaches maigres, vous nous présentiez un budget de l'enseignement supérieur en hausse de 5,5 %. Je ne vous surprendrai pas en vous avouant que je ne partage pas cette allégresse !
Les 5,5 % de croissance que vous nous proposez sont peut-être suffisants pour éviter la répétition des grandes mobilisations étudiantes que nous avons connues l'an dernier et qui vous ont amené, d'ailleurs, à revoir votre budget de 1996 sensiblement à la hausse.
Ils sont cependant insuffisants pour financer les réformes de fond dont notre université a un besoin urgent, pour rattraper notre retard par rapport à nos principaux compétiteurs - l'Allemagne, le Japon, les Etats-Unis - et pour passer de la massification actuelle de l'enseignement supérieur à sa véritable démocratisation, et donc à l'efficacité du système.
Une telle réforme a un coût élevé et ne peut être financée principalement par le redéploiement des crédits existants.
Opposer le « dépenser mieux » et le « dépenser plus », comme le font la plupart de vos amis, n'a aucun sens. Il faut évidemment faire les deux à la fois, comme nous l'avons fait nous-mêmes entre 1988 et 1993, période au cours de laquelle le budget de l'enseignement supérieur a augmenté en moyenne de 13 % par an - il a doublé en cinq ans ! - et où ont été mises en oeuvre simultanément des réformes dont plus personne ne conteste aujourd'hui l'utilité, en particulier le plan Université 2000.
On peut et on doit dépenser mieux, et nous sommes d'accord pour mieux utiliser les bâtiments universitaires, mieux assurer l'orientation des étudiants, mieux contrôler les obligations de service et les heures complémentaires, encore que, sur ce dernier point, nous souhaitions qu'un coup d'arrêt soit donné au développement du travail précaire à l'université et que, là aussi, une partie des heures complémentaires soit transformée en créations de postes.
Nous ne réussirons pas les réformes indispensables sans retrouver la courbe de croissance budgétaire des années 1988-1993. Ces réformes ont un coût élevé, et les redéploiements ne suffiront pas.
Je donnerai un seul exemple, puisque le temps m'est compté, celui du tutorat. Dans la situation de pénurie actuelle des bibliothèques, des fonds documentaires, des salles de travaux dirigés, comment les tuteurs pourront-ils s'acquitter de leur tâche, qui est de former les étudiants de premier cycle à la méthodologie et au travail autonome ?
Vous débloquez 100 millions de francs pour rémunérer pendant six mois 17 000 tuteurs. Comment cela se passera-t-il concrètement sur le terrain ?
A l'université de Rouen, que je connais bien, le nouveau plan quadriennal d'établissement prévoit 6 millions de francs pour financer le tutorat. Dans le même temps, les crédits d'équipement prévus chutent de 4,2 millions de francs pour le plan quadriennal 1992-1996 à 1,7 million de francs pour les quatre prochaines années, soit à moins de 400 000 francs par an.
Comment ne pas soupçonner, monsieur le ministre, que le financement du tutorat se fait au détriment d'autres lignes budgétaires, et en particulier de crédits d'équipement pourtant bien nécessaires ?
On pourrait multiplier les exemples montrant que beaucoup de vos redéploiements relèvent de la philosophie du sapeur Camember : creuser un trou pour en reboucher un autre.
J'ajouterai quelques remarques sur le contenu et le calendrier de la réforme de l'Université.
Un nouveau mode d'attribution des postes a été mis en oeuvre pour remplacer le système San Remo. Ce nouveau mode de calcul pénalise fortement les filières à petits effectifs, et donc les jeunes universités. A la faculté des sciences et techniques du Havre, par exemple, le nombre d'heures nécessaires - et effectivement dispensées - pour les enseignements est de 32 000 environ ; le nombre d'heures attribuées, avec le nouveau mode de calcul, est de 25 000, soit un déficit de 28 % ! Que comptez-vous faire pour corriger ces effets pervers ? N'êtes-vous pas en train de remplacer un système d'attribution, en effet très contestable, par un autre qui ne vaut guère mieux ?
Vos dépenses en capital augmentent grâce à l'accroissement des crédits de paiements, mais les autorisations de programme comme cela a été mille fois souligné, diminuent, alors que le plan Université 2000 touche à sa fin et que de nouveaux établissements sont à construire : universités nouvelles ou antennes universitaires dans certaines villes moyennes, comme à Dieppe, où des départements d'IUT reliés aux universités de Rouen et du Havre seraient particulièrement bienvenus.
Considérez-vous que les prévisions, aléatoires et douteuses, d'une stabilisation, voire d'une régression, des effectifs étudiants dans les prochaines années vous dispensent de toute implantation nouvelle ? Sinon, comment comptez-vous les financer ? Où est votre « plan Université 2005 » ?
La mise en place de l'organisation semestrielle pose le problème...
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Webert !
M. Henri Weber. Je conclus, monsieur le président.
Monsieur le ministre, vous avez publiquement dénoncé, à l'indignation de nombre de vos amis, la triple impasse de la sélection à l'entrée de l'enseignement supérieur, des universités concurrentielles et de la secondarisation du premier cycle du supérieur. Nous vous en donnons acte.
Vous avez engagé une concertation marathon avec tous les acteurs de l'université et défini les grands axes d'une réforme que vous soumettez en ce moment même à nouveau à la discussion des acteurs sociaux en quête d'un improbable consensus. Improbable et sans doute impossible, car votre démarche et votre réforme butent sur la carence des moyens.
Le budget que vous nous proposez, monsieur le ministre, est au mieux un budget de conservation en aucun cas un budget de grande réforme et de priorité rendue à l'éducation nationale. C'est pourquoi nous voterons contre. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Othily.
M. Georges Othily. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits du ministère de l'éducation nationale consacrés à l'enseignement supérieur connaissent la progression la plus importante de tous les budgets pour l'année 1997. S'élevant à 47 milliards de francs, ils sont en augmentation de 5,45 % par rapport à l'année dernière, après une croissance de 4,5 % en 1996.
Une telle progression dans un climat de restriction budgétaire témoigne que, cette année encore, l'enseignement supérieur figure au titre des priorités du Gouvernement.
Toutefois, je souhaiterais, monsieur le ministre, attirer votre attention sur l'enseignement supérieur dans les départements de la Martinique, de la Guadeloupe et, surtout, de la Guyane, qui vient de traverser une période d'affrontements.
Il est heureux qu'au terme de votre visite en Guyane en compagnie de M. de Peretti vous ayez annoncé la création d'une académie de plein exercice. Ainsi, la Guyane aura un recteur-chancelier de l'Université et sera dotée d'un service administratif appelé rectorat.
Il sera également indispensable de définir une politique particulière de coopération et d'échange avec les pays voisins, ainsi qu'une politique d'ouverture aux cultures latino-américaines. C'est à ces conditions que la Guyane pourra offrir à ses étudiants la liberté de choix et l'égalité des chances.
En conséquence, il faudra proposer aux étudiants une diversification des filières jusqu'alors inexistante en Guyane, et créer des départements de lettres et de sciences humaines, de sciences exactes, etc. ainsi que des filières techniques et technologiques en adéquation avec l'environnement guyanais. Je veux parler ici, par exemple, des techniques de la mer - la plus grande frontière entre la France et le Brésil est l'Atlantique - ainsi que des techniques sylvo-pastorales et de celles de l'éco-développement, qui permettront d'accéder à l'emploi immédiat. Toutes ces formations sont propres à former les jeunes pour les emplois dont l'économie antillo-guyanaise a tant besoin.
Il nous faut également arriver à la création d'écoles d'ingénieurs à vocation internationale, donnant à la Guyane - et donc à la France - la dimension universitaire de sa culture, de ses cultures.
La décision de créer une académie de plein exercice a été accueillie dans la joie et avec soulagement, car cette nouvelle a apporté un peu d'espoir à une jeunesse désenchantée et désarmée par le destin.
L'apaisement qui a suivi l'annonce de votre décision ne doit cependant pas faire oublier le profond malaise social qui existe en Guyane.
L'enseignement supérieur se heurte, aux Antilles et en Guyane, à de multiples handicaps.
Il rencontre tout d'abord des handicaps sur le plan géographique. L'université des Antilles et de la Guyane, unique université française dans les Amériques, se caractérise par son éclatement sur trois sites éloignés les uns des autres : la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane.
L'enseignement supérieur se heurte également à des handicaps sur un plan démographique, puisque les effectifs étudiants inscrits à l'université ont augmenté, ces huit dernières années, de 125 %.
Les répercussions de cette démographie galopante sur l'encadrement, les capacités d'accueil et les moyens financiers de l'université sont dramatiques et nécessitent des mesures exceptionnelles.
Qu'il s'agisse de l'encadrement pédagogique ou administratif, les créations de postes budgétaires ne répondent pas aux besoins réels de l'université.
Le projet de budget pour 1997 ne prévoit, en effet, que la création de 1 488 emplois d'enseignants pour la France métropolitaine et d'outre-mer, contre 2 606 en 1996. Or les postes budgétaires manquants de l'université des Antilles et de la Guyane, dont la création s'avère urgente, sont très nombreux.
Ce constat s'applique également au personnel ATOSS. Bien qu'un effort ait été entrepris dans le cadre du plan d'urgence, l'encadrement demeure nettement insuffisant. Pour pallier cette carence, l'université a été contrainte de recruter, au fil des années, des personnels hors statut, qui se trouvent aujourd'hui dans une situation de précarité.
Je sais, monsieur le ministre, que, dans le contexte actuel, il est difficile de concevoir la création de nouveaux emplois. Il s'avère cependant indispensable et légitime que ces agents, qui travaillent pour certains depuis plus de dix ans, soient titularisés, d'autant que cette situation contribue largement à l'insuffisance du budget de l'université. Quant aux moyens financiers mis à la disposition de l'établissement, ils sont exigus.
L'université des Antilles et de la Guyane est la seule à ne disposer d'aucun fonds de roulement. Il ne pourra être remédié à cette situation tant que les paramètres utilisés pour le calcul de sa dotation budgétaire ne seront pas changés. Or la variation des effectifs d'étudiants est telle qu'il est nécessaire que la dotation soit calculée sur la base des effectifs de l'année universitaire en cours et non sur ceux de l'année universitaire précédente.
Enfin, monsieur le ministre, je souhaite aborder un sujet qui me tient particulièrement à coeur : l'ouverture de la première année du cycle des études médicales au sein de l'université des Antilles et de la Guyane.
L'université dispose d'un troisième cycle d'études médicales et d'une faculté de sciences exactes et naturelles. En revanche, il n'y existe pas de première année de premier cycle. Contrairement aux élèves réunionnais, qui peuvent effectuer cette première année d'études dans leur région, les élèves des Antilles et de la Guyane qui obtiennent leur baccalauréat doivent se rendre dans une université métropolitaine.
Cette situation n'est pas satisfaisante, pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, beaucoup de ces étudiants éprouvent des difficultés à s'inscrire en première année puisque les résultats du baccalauréat sont connus plus tardivement dans l'académie des Antilles et de la Guyane, ce qui constitue une atteinte manifeste à l'égalité des chances.
Par ailleurs, à la difficulté de la première année d'études s'ajoute le problème de l'éloignement géographique, du dépaysement pour ces jeunes, ce qui les conduit inévitablement à de nombreux échecs lorsqu'ils ont pu enfin obtenir une inscription dans une université en France métropolitaine.
L'université doit permettre à tous nos étudiants de poursuivre leurs études dans les meilleures conditions. Elle doit pouvoir leur offrir les moyens de leurs ambitions. Autrefois, la médecine était un des principaux pôles d'attraction de la jeunesse antillo-guyanaise. Dans dix ans, monsieur le ministre, il n'y aura plus un seul chirurgien-dentiste antillo-guyanais, plus un seul médecin antillo-guyanais, plus un seul pharmacien antillo-guyanais.
Pour éviter une telle situation, monsieur le ministre, prenez la décision d'engager la procédure permettant l'ouverture d'une première année de premier cycle d'études médicales. Vous ferez alors oeuvre utile pour la France dans sa diversité. Je pense en tout cas qu'il est possible d'envisager l'ouverture de cette formation au sein de l'université des Antilles et de la Guyane.
Monsieur le ministre, je souhaite et j'espère obtenir une réponse à l'ensemble des questions que je viens de vous soumettre pour que, enfin, les Antillo-guyanais, dans le cadre de la République française, se sentent véritablement français. (Applaudissements sur les travées du RDSE, des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Bourdin.
M. Joël Bourdin. Monsieur le ministre, le projet de budget que vous nous présentez aujourd'hui doit s'apprécier dans un contexte budgétaire très difficile.
Toutefois, 47 milliards de francs sont consacrés à l'enseignement supérieur, ce qui représente - cela a d'ailleurs été signalé par maints orateurs - une belle augmentation de 5,6 %. Ainsi, de tous les budgets de la nation, il est celui qui progresse le plus.
Ce budget montre, s'il en était besoin, que l'effort du pays pour l'éducation des jeunes demeure la priorité des priorités.
La création de 7 000 emplois sur les rentrées de 1996 et 1997, alors que le nombre d'étudiants est stable, constitue un effort sans précédent. Cette année, la combinaison des emplois votés et des emplois créés permettra ainsi le recrutement de 2 286 maîtres de conférence et de 1 246 professeurs.
Par ailleurs, 250 millions de francs sont affectés au fonctionnement des établissements. La dotation des universités représentera, en 1997, 90 % de leur dotation théorique. Conformément aux engagements que vous avez pris devant les états généraux que vous avez réunis, monsieur le ministre, l'amélioration des conditions d'études constitue la première priorité de ce budget.
Le statut de l'étudiant, les filières technologiques, la pédagogie, la recherche universitaire et la modernisation des universités sont les principales orientations de la réforme universitaire. Je m'en réjouis.
Néanmoins, permettez-moi de formuler quelques observations.
Premièrement, en ce qui concerne la pédagogie, la semestrialisation tend à permettre la réorientation à l'issue du semestre initial. C'est une bonne chose. Quelle sera alors la nouvelle organisation du temps universitaire ? Quelles seront les nouvelles correspondances entre les disciplines ? Ne s'agira-t-il pas d'un retour à l'ancienne propédeutique ?
Deuxièmement, cette nouvelle organisation du temps universitaire entraînera une nouvelle organisation des examens. Quelle sera alors la place des diplômes du premier cycle ?
Troisièmement, dans le cadre de la réflexion sur le nouveau statut de l'étudiant, je souhaiterais mieux connaître le coût global pour les finances publiques des aides actuellement attribuées aux étudiants.
Ces derniers bénéficient aujourd'hui de nombreuses aides, dispersées dans les budgets de plusieurs ministères : bourses, prêts d'honneur, demi-part fiscale pour les étudiants à charge, allocations sociales. Ce système, tout en aidant les plus pauvres, semble défavoriser les classes moyennes par rapport aux plus aisées. Des améliorations devront donc être apportées.
La mise en place d'une nouvelle allocation sociale d'étude nécessite un vrai bilan de la situation. Elle pourra alors assurer non seulement une meilleure maîtrise des dépenses, mais aussi une plus grande équité. Comment comptez-vous procéder ? En fonction de quel calendrier ?
Il est une autre innovation, je veux parler du tutorat. Les étudiants confirmés de deuxième et troisième cycles encadreront ceux qui arrivent de l'enseignement secondaire. Ils leur feront mieux découvrir les méthodes de travail, les bibliothèques, bref la vie même de l'université. Cette nouvelle approche doit contribuer à lutter efficacement contre l'échec universitaire dans le premier cycle. Ainsi, chacun des nouveaux étudiants pourra être guidé comme il le mérite.
Au titre de la rémunération des tuteurs, un crédit a été prévu à hauteur de 100 millions de francs. Sera-t-il suffisant ? N'entraînera-t-il pas d'autres investissements pour les salles de travail et les bibliothèques ? En effet, si les étudiants, grâce à leur tuteur, travaillent plus, il faudra davantage de places de bibliothèques et davantage de livres, même si, cette année, un effort important a déjà été réalisé avec la création de postes de bibliothécaires.
Monsieur le ministre, ce projet de budget traduit votre volonté d'adapter l'université aux défis de notre temps. Pour ce faire, la gestion de l'université ne nécessite-t-elle pas une plus grande transparence ? Ne faut-il pas encourager une plus grande fluidité entre la recherche fondamentale, l'enseignement et la recherche appliquée ?
Pour ce qui est de la gestion des personnels, la recherche et les travaux publiés doivent-ils rester au coeur de la progression des carrières ? Actuellement, un professeur d'université n'a de promotion que lorqu'il écrit et publie. Quant à ses qualités pédagogiques, sa capacité à « tenir » un amphithéâtre et à faire progresser les étudiants, elles sont rarement prises en compte. Des modifications sont-elles à attendre dans ce domaine ?
Y aura-t-il une réforme des procédures de recrutement ? Un effort a été accompli depuis l'an passé, il vise à implanter des postes d'agrégé du secondaire dans l'enseignement supérieur. C'est certainement une bonne chose, cela s'est déjà fait dans les IUT. Mais n'y a-t-il pas un équilibre à respecter ? Ne doit-on pas craindre, à l'avenir, une secondarisation de l'enseignement supérieur ? Personne ne peut le souhaiter, car l'enseignement dans le supérieur s'appuie sur les facultés de recherche des membres du corps enseignant.
Quelles perspectives pourront espérer les post-doctorants ? Une professionnalisation des études supérieures n'est-elle pas souhaitable pour mieux encourager la découverte des entreprises par les étudiants ? Cela se fait par différentes filières. Ne doit-on pas aller un peu plus loin ?
Environ deux tiers des étudiants des instituts universitaires de technologie poursuivent leurs études après avoir obtenu leur diplôme. Là se pose un véritable problème. En effet, les étudiants entrent en IUT à l'issue de ce qui peut s'assimiler à un concours, même si on ne le dit pas. Un nombre de places est prévu. Donc, de bons étudiants entrent dans les IUT et, au bout de deux ans, lorqu'ils ont obtenu leur diplôme, ils éprouvent de grandes difficultés à continuer leurs études. Passant au crible de commissions d'équivalence ils se voient parfois obligés de retourner en deuxième année pour espérer être inscrits en licence.
Il y a là une anomalie, mais je sais que vous êtes au fait du problème, monsieur le ministre, vous nous en avez déjà abondamment parlé. Comptez-vous, grâce aux filières technologiques supérieures, accélérer le processus ? Les jeunes des filières technologiques n'attendent que cela, et ce ne serait que justice de faire en sorte qu'ils puissent, après avoir fait un bon premier cycle, s'intégrer dans un deuxième cycle, voire poursuivre dans un troisième cycle.
Les schémas régionaux de l'enseignement supérieur doivent jouer un rôle décisif dans le rééquilibrage entre Paris et la province. Cette question a été évoquée par notre excellent rapporteur spécial, M. Lachenaud, ainsi que par notre non moins excellent rapporteur pour avis, M. Camoin.
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial. Quel excellent orateur ! (Sourires.)
M. Joël Bourdin. Ils visent à une meilleure articulation entre les filières courtes et longues. Toutefois, leur nature consultative leur confère peu d'autorité. La cohérence de la carte universitaire de notre pays n'implique-t-elle pas des schémas un peu plus dirigistes ?
Les crédits d'investissement du plan Université 2000 et ceux qui concernent des opérations nouvelles sont programmés dans le cadre de contrats de plan avec les collectivités locales. D'ici à 1998, la participation des collectivités locales devrait atteindre 16,2 milliards de francs, dont 11,2 milliards de francs à travers les contrats de plan. Le taux d'exécution des contrats atteignait 53,7 % à la fin de 1996 pour l'Etat et 57,2 % pour les collectivités territoriales. Pour ma part, je ne peux que regretter que le Gouvernement reporte d'un an ses engagements, ce qui risque de grever encore les budgets des collectivités territoriales.
Je souhaitais aborder le problème du désamiantage, mais il a été si bien traité précédemment que je n'en vois plus la nécessité.
La conception et la réalisation de la réforme de l'université rompent avec de vieilles habitudes. Vous avez la volonté, monsieur le ministre, de la faire aboutir en concertation avec tous ses acteurs.
Par vos initiatives, vous prouvez que l'amélioration du service public est possible. Les 2 700 emplois nouveaux, qui se répartissent en 1 500 emplois d'enseignants et 1 200 emplois de non-enseignants, dont 200 pour les bibliothèques, renforceront l'encadrement des étudiants. Le tutorat et la décélération des effectifs permettront de mieux lutter contre l'échec dans le premier cycle. C'est pourquoi, confirmant les propos de M. Jean-Claude Carle, j'indique que le groupe des Républicains et Indépendants votera votre projet de budget, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Vidal.
M. Marcel Vidal. Monsieur le ministre, vous avez fait une présentation très positive de la situation de l'enseignement supérieur devant la commission des affaires culturelles. On comprend cet engagement, qui est dicté par votre priorité d'accueillir tous les étudiants dans les meilleures conditions en renforçant l'égalité des chances.
Hélas, les constats établis, ici ou là, ainsi que les remarques que nous adressent les enseignants ou les revendications des étudiants conduisent à relativiser votre présentation. C'est pourquoi je voudrais, à l'occasion de ce débat, d'abord rappeler combien la situation des étudiants est socialement difficile, ensuite indiquer combien les moyens mis à leur disposition sont précaires et inadaptés, et vous dire, enfin, à quel point les crédits alloués à la formation des futurs chercheurs sont insuffisants et laissent entrevoir un avenir sombre pour la recherche dans notre pays.
En effet, il me paraît difficile de mener une politique de recherche ambitieuse, quand les allocations de recherche deviennent aussi rares.
Vous ne pouvez pas ignorer que, chaque année, des milliers d'étudiants, candidats au doctorat, se trouvent dans l'obligation d'arrêter leurs études, faute de disposer d'un quelconque soutien financier. S'engage alors pour eux un véritable « parcours du combattant » pour tenter d'obtenir un hypothétique financement privé. Vous savez combien, dans ce domaine, les sciences sociales, par exemple, sont particulièrement défavorisées par rapport aux sciences dites « dures ». N'est-il pas inquiétant pour notre recherche de former des étudiants jusqu'aux portes du doctorat, pour ensuite les abandonner à leur triste sort ?
Votre ministère souhaite, dès le premier cycle, une sensibilisation des étudiants à la recherche. Encore faudrait-il que vous prévoyiez les moyens de cette ambition. Or le budget que vous présentez traduit bien une contradiction entre les déclarations officielles et les engagements financiers réels.
Par ailleurs, comment pourrions-nous ne pas être inquiets pour notre recherche, lorsque vous affectez dans les universités des professeurs agrégés du secondaire, au demeurant très compétents, mais sans leur faire obligation de se consacrer à une activité de recherche ? Ne serait-il pas plus judicieux de créer des postes de jeunes chercheurs, alors que beaucoup désirent obtenir un emploi ?
S'agissant de votre politique en faveur des étudiants, là aussi, nous demeurons très sceptiques. Vous annoncez des augmentations de crédits en matière d'action sociale, mais ils demeurent nettement insuffisants pour donner une priorité à l'égalité des chances.
Nous connaissons vos bonnes intentions. Hélas ! les difficultés sociales croissantes des étudiants nous font douter. Est-il normal, par exemple, qu'aujourd'hui les étudiants en soient encore à attendre le versement du premier terme de leur bourse alors que le trimestre s'achève ? Comment peuvent-ils faire face à leurs dépenses quotidiennes quand ils n'ont aucun soutien, familial ou autre ?
Par ailleurs, nous sommes très conscients des difficultés que rencontrent les étudiants pour se loger. Or le Gouvernement n'annonce aucun plan, aucune mesure dans ce domaine. Nous attendons des précisions sur cette question. Combien de résidences universitaires seront mises en chantier en 1997 et en 1998 ?
Enfin, monsieur le ministre, j'insisterai à mon tour sur l'urgence d'un plan de modernisation des bibliothèques universitaires, car on ne peut prétendre accueillir tous les étudiants sans engager une rénovation de ces structures. Beaucoup de bibliothèques fonctionnent encore sur un mode archaïque, alors que nous sommes à l'heure du multimédia.
C'est le cas dans une très grande majorité d'universités, notamment en Languedoc-Roussillon. La rénovation des bibliothèques est donc nécessaire, tout comme la programmation et l'augmentation des crédits, car il est toujours désagréable pour les étudiants de ne pouvoir emprunter un ouvrage récent du fait de l'insuffisance de crédits d'achats ou parce qu'il n'existe qu'un seul exemplaire dans la bibliothèque.
Vous observerez, monsieur le ministre, l'extraordinaire décalage existant entre le discours à Paris et la réalité en région. Notre pays s'est illustré à travers son histoire par son potentiel universitaire et par la qualité de ses enseignants et de ses chercheurs. Aujourd'hui, cependant, l'université est frappée d'une crise grave, dangereuse pour notre avenir, car un pays qui ne se donne pas les moyens de former ses futurs cadres et ses futurs chercheurs est un pays qui ouvre la porte à une dépendance scientifique face à ses partenaires internationaux.
M. le président. Mon cher collègue, vous avez dépassé votre temps de parole.
M. Marcel Vidal. J'en ai terminé, monsieur le président.
Aussi, monsieur le ministre, nous ne pouvons cautionner votre budget, car il ne traduit pas cette nécessaire et indispensable ambition que vous devez donner à l'enseignement supérieur et que la communauté universitaire attend de votre part. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles.
M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles. Je souhaite revenir, en quelques mots, sur la mission d'information et le rapport qu'elle a produit, auquel il a été fait allusion à plusieurs reprises de façon laudative.
Je veux y revenir, monsieur le ministre, pour insister d'abord sur un point qui aurait pu être la source d'un malentendu. J'ai lu dans la presse que le Sénat s'était laissé « doubler » par je ne sais qui d'ailleurs, par je ne sais quelle commission, voire par le ministre en ce qui concerne les états généraux de l'université. Le Sénat n'a voulu doubler personne et ne s'est laissé doubler par personne. Il est allé au rythme qui lui semblait bon pour se faire une opinion aussi précise et aussi fondée que possible.
M. Ivan Renar. A un rythme de sénateur !
M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles. Monsieur le ministre, nous n'avons prétendu, bien sûr, ni être exhaustifs, ni être infaillibles.
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial. Très bien !
M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles. Nous souhaitions simplement être utiles et, si vous pouvez nous dire comment vous jugez ce rapport et ces propositions, nous serons sensibles à l'intérêt, le cas échéant, que vous y aurez porté.
Ce rapport présente un avantage, que je tiens à relever. En effet, nous avons rejeté avec force les solutions - fausses - auxquelles parfois on avait prêté, ici ou là, certaines vertus, voire que l'on avait présentées comme des solutions miracle. J'ai nommé la sélection et les collèges universitaires. Et nous indiquons pourquoi nous les avons rejetées. Elles ne nous paraissaient ni possibles à mettre en oeuvre, ni adaptées à la situation de l'université d'aujourd'hui.
Nous avons voulu proposer un certain nombre de mesures pour mieux articuler l'enseignement secondaire et l'enseignement supérieur, pour mieux adapter les formations post-baccalauréat à la diversité de nos étudiants et pour faciliter la fluidité entre les différentes formations.
Nous avons voulu libérer encore un peu plus les inititatives des universités, étant bien entendu que le cadre national et la valeur nationale des diplômes étaient en préalable affirmés. Nous avons voulu tout cela ! Nous souhaitions être, avant tout, utiles. Mais je voudrais, en terminant, insister sur ce qui est une condition de la réussite, à savoir la redéfinition nécessaire de la carrière des enseignants-chercheurs. Non que nous voulions - là aussi, s'il pouvait y avoir un malentendu, je le dissipe - réduire la part de la recherche, non que nous ne reconnaissions ni sa nécessité, ni sa valeur, ni son intérêt pour notre pays, non, bien sûr ! Simplement, nous souhaitons que soit prises en compte certaines fonctions devenues essentielles dans l'enseignement supérieur tel qu'il est et, parmi elles l'encadrement pédagogique, la préparation à l'orientation ou l'aide à l'orientation pour les étudiants.
C'est une tâche difficile, monsieur le ministre. Nous avons cru comprendre que vous êtes décidé à l'entreprendre, et nous apprécierons de vous l'entendre dire.
Je ne veux pas terminer ce court propos sans évoquer le débat qui a resurgi tout à l'heure : les universités dites « thématiques ». Je tiens à ce propos à souligner, après mon ami Pierre Laffitte, que je ne voudrais pas que l'on confonde deux choses.
Certaines aberrations ont pu laisser penser que tel ou tel élu pouvait souhaiter la parcellisation, l'atomisation des universités. Ce n'est évidemment ni notre propos, ni notre objectif.
Pour nous, les universités dites « thématiques », dont, la réalisation est, nous le savons, possible et souhaitable dans les villes moyennes, sont des universités qui doivent être bien définies, qui ne doivent pas s'écarter de leur objectif et qui, en aucun cas, ne peuvent aboutir à la « ghettoïsation » des étudiants. Je tenais à réaffirmer notre attachement à ce concept. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - M. Jean-Louis Carrère applaudit également.)
Mme Hélène Luc. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Je voudrais porter à la connaissance du Sénat qu'une dépêche de l'AFP annonce une explosion dans le RER, à la station Port-Royal. Je prie M. le ministre de nous tenir informés de cet événement au cours de la soirée. Il semble qu'il y a des blessés.
M. le président. Cette explosion est d'origine indéterminée pour l'instant.
La parole est à M. le ministre.
M. François Bayrou, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame Luc, nos pensées vont aux victimes de cette explosion, l'AFP annonçant d'ores et déjà un mort et huit blessés graves. Naturellement, on peut en cet instant craindre le renouvellement de drames que nous avons déjà vécus.
Je voudrais maintenant répondre aux orateurs qui se sont exprimés.
M. Lachenaud a souligné l'importance du plan de sécurité et d'urgence, qui prévoit un rattrapage en termes de moyens et la réalisation de travaux complémentaires.
Monsieur Lachenaud, l'effort qui a été consenti est en effet exceptionnel, et je voudrais reprendre l'essentiel des chiffres.
Il s'agit tout d'abord d'un rattrapage en termes de moyens, car lorsque j'ai pris mes responsabilités de ministre chargé de l'enseignement supérieur, un grand nombre d'universités fonctionnaient avec moins de 50 % de la dotation théorique en termes de postes ou de crédits. En une seule année, nous avons fait en sorte que les moyens de toutes les universités françaises se situent entre 80 % et 90 % de la dotation théorique, sans que nul soit, si j'ose dire, victime de ce rééquilibrage : nous n'avons pas déshabillé Pierre pour habiller Paul.
Par ailleurs, en ce qui concerne les travaux de sécurité, deux milliards de francs ont été débloqués, et vous avez rappelé à juste titre, monsieur le rapporteur spécial, que 1,5 milliard de francs avaient été dépensés la première année et que les universités avaient, grâce à leurs réserves, contribué à cet effort.
Vous m'avez également interrogé à propos de Jussieu, monsieur le sénateur, et je puis vous indiquer que je signerai demain à midi un contrat avec les universités de Jussieu. Ce contrat est naturellement un plan, qui ne m'empêchera pas de tenir compte des éléments nouveaux qui ne cesseront de nourrir le dossier.
Le premier élément nouveau, c'est la demande de l'université de Paris-VII de déménager du site de Jussieu. Je vais m'en entretenir avec les responsables de l'université pour savoir ce que cette décision représenterait en termes de moyens et pour voir s'il existe des éléments nouveaux quant à la recherche de locaux temporaires.
Toujours à propos de Jussieu, se font jour, ici ou là, des demandes de compléments d'informations et d'enquêtes sur le désiamantage, sur l'amiante elle-même et sur la manière de supprimer les risques encourus.
J'ai lu les écrits vigoureux de M. Claude Allègre. J'entends ici ou là s'exprimer de telles opinions. Que les scientifiques fassent leur travail !
Le ministre de l'éducation nationale a pour mission, dans cette affaire, de rechercher la précaution maximale. Je ne peux pas avoir d'autre attitude.
Le rapport de l'INSERM, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, par exemple, doit non seulement alerter, mais déclencher cette stratégie de précaution et de désamiantage que, demain, je solenniserai par la signature du contrat avec les trois universités de Jussieu.
S'il y a des éléments nouveaux, nous en tiendrons naturellement compte. En tout état de cause, la détermination du Gouvernement à mettre un terme au problème de l'amiante à Jussieu est entière, et elle le restera.
Monsieur Lachenaud, vous m'avez interrogé sur le rythme d'exécution des contrats de plan. C'est très clair, et cela a été annoncé partout : leur mise en oeuvre a été étalée sur une année supplémentaire, et nous respecterons ce rythme.
Vous m'avez enfin interrogé sur le calendrier des réformes. Je répète à la tribune du Sénat que mon intention est que l'essentiel des réformes définies à l'issue des états généraux de l'Université soient en place à la rentrée de 1997, en tout cas toutes celles qui seront prêtes.
Je sais qu'ici ou là on dira que ce n'est pas prudent, mais je considère qu'on ne peut pas reporter aux calendes grecques les réformes que l'université a trop souffert de ne pas avoir encore connues.
Le constat ayant été dressé, un certain nombre d'orientations ayant été adoptées, il faut désormais que nous ayons le courage de les mettre en oeuvre.
Je réponds ainsi à ceux qui m'ont interrogé sur cette mise en oeuvre, non seulement aux deux rapporteurs, mais aussi à MM. Jean-Louis Lorrain et Claude Saunier : nous avons mis en place cinq groupes de mise en oeuvre associant l'ensemble des acteurs.
Le premier groupe étudiera l'organisation des études sur le plan pédagogique, et comprendra un groupe spécial chargé de la voie technologique, il s'agit là d'une très grande réforme sur laquelle je reviendrai dans quelques instants. Le deuxième groupe concernera la vie de l'étudiant avec, bien entendu, le statut de l'étudiant. Le troisième groupe est consacré à la gestion des universités et aux relations avec leur milieu. Le quatrième groupe concerne la recherche et, enfin, le cinquième groupe est consacré aux personnels, avec toutes les inflexions que nous envisageons pour les carrières universitaires.
Voilà donc pour le calendrier et pour les plans de rattrapage.
Je répondrai maintenant à M. Camoin. Un certain nombre de questions sont assez souvent posées. La première concerne l'orientation, notamment les DEUG en sciences techniques des activités physiques et sportives.
Je sais bien que les STAPS n'ont pas bonne presse parce qu'elles ne correspondent pas à la vision traditionnelle que nous avons de l'université.
Toutefois, lorsqu'on observe l'exigence des étudiants pour aller dans cette voie de formation et qu'on la compare avec la réalité de la société française en prenant des indices quant à l'importance d'activités différentes au sein de cette société, on s'aperçoit que l'audience des émissions de télévision est, sur les événements sportifs, aussi importante que sur n'importe quel autre événement international ou national.
On s'aperçoit que les victoires sportives sont consacrées par la nation avec remise de la Légion d'honneur, audience du Président de la République et remontée des Champs-Elysées, et je fais là allusion à des événements heureux et récents.
On s'aperçoit qu'une partie très importante du pouvoir d'achat des Français est consacrée aux activités physiques et sportives. Dès lors, on se pose une question qui n'est en rien négligeable, anecdotique, secondaire : comment une activité qui mobilise autant d'attention, de passion et d'argent de la part de nos concitoyens pourrait-elle être considérée par les jeunes comme une activité secondaire, une activité uniquement de loisir, une activité indigne d'un véritable intérêt ?
Des raisons sociologiques profondes expliquent l'intérêt que les jeunes portent aux activités physiques et sportives.
Mme Hélène Luc. Bien sûr !
M. François Bayrou, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Mon intuition est donc qu'au lieu de fermer la porte, il nous faut anticiper l'état de notre société au XXIe siècle et inventer des débouchés nouveaux.
Il y a dans le tourisme sportif, dans l'animation des associations, dans les activités de la cité, des débouchés qui, pour l'instant, ne sont pas explorés.
Au demeurant, les jeunes n'ont pas tort lorsqu'ils relèvent que nous n'avons pas les mêmes scrupules quant aux débouchés après des études de psychologie ou de sociologie. Leur argument n'est pas faux, je le reconnais.
Il convient donc, me semble-t-il, d'enrichir ces formations. Mais je poserai une condition majeure : il faut que les jeunes aient le sentiment qu'on respecte leur choix.
Je ne veux pas que l'inscription par Minitel soit pérennisée, au petit bonheur la chance. Je ne veux plus que la priorité soit accordée à l'étudiant qui se connecte le premier ou à celui qui a été informé par sa famille de la méthode à suivre.
Pardonnez-moi cette réponse un peu longue en matière de STAPS, mais elle ne me semble pas sans relation avec l'idée que nous nous faisons de l'évolution de notre université.
M. Camoin a souligné, à juste titre, l'effort réalisé en faveur de la politique de l'emploi. Je rappelle en effet que 1 500 postes d'enseignants-chercheurs ont été créés.
Par ailleurs, M. Gélard a manifesté sa crainte qu'une place trop importante soit laissée aux agrégés. Je suis certes mal placé, ne serait-ce que par esprit corporatiste, pour estimer que les agrégés seraient indignes d'enseigner à l'université et d'entamer un parcours de recherche si tel est leur souhait. Il n'en demeure pas moins que nous avons procédé à un rééquilibrage entre les enseignants, notamment les professeurs agrégés, et les enseignants-chercheurs puisqu'il y a cette année deux postes d'enseignant-chercheur pour un poste d'agrégé, au lieu d'un poste d'enseignant-chercheur pour deux postes d'agrégé l'an dernier. Aux 1 500 postes d'enseignants et d'enseignants-chercheurs, et aux 1 200 créations de postes d'IATOS, je veux ajouter la prochaine mise à disposition des universités, pour renforcer leur encadrement, de 300 postes, sur la base du volontariat, de personnels qui appartenaient à l'administration centrale du ministère de l'éducation nationale. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles. Très bien ! Il y a peu de ministres qui font cela !
M. François Bayrou, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Il s'agit donc bien de 3 000 postes ! Que 300 volontaires de l'administration centrale de l'éducation nationale, en une seule année, acceptent la proposition que leur ministre leur fait de rejoindre les universités ne me paraît nullement négligeable. Il me semble, au contraire, qu'il y a là une perspective très encourageante quant à la volonté de mobilité du personnel.
M. Jean-Louis Carrère. Pour l'administration centrale, cela ne pose pas de problème ?
M. François Bayrou, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. S'agissant de l'administration centrale, je suis persuadé que nous pouvons remplir aussi bien les missions qui sont les nôtres en l'allégeant un peu !
M. Jean-Louis Carrère. Il n'y a qu'à la supprimer !
M. François Bayrou, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Non, il ne s'agit pas de la supprimer, il faut seulement l'alléger un peu.
MM. Camoin et Saunier ont, à très juste titre, insisté sur l'importance de la voie technologique.
La voie technologique est une oeuvre de longue haleine. Naturellement, les IUT vont jouer un très grand rôle dans sa mise au point. Ils sont l'une des expériences les plus réussies d'embryon de la voie technologique en France.
Tout le monde en a bien conscience, c'est à l'université que va se jouer l'avenir des formations technologiques, y compris dans le secondaire. Nous avons besoin d'avoir une université technologique. Je le dis à l'intention de M. Gélard, je ne pense pas qu'elle doive être distincte de l'université traditionnelle. J'ai avancé la formule de départements technologiques dans les universités en liaison avec les formations générales. Je ne confonds pas ces départements technologiques avec la professionnalisation nécessaire sur laquelle beaucoup d'entre vous ont attiré l'attention à cette tribune et dont je veux dire qu'elle est, me semble-t-il, une partie intégrante à part entière de toutes les formations, en particulier des formations générales.
Cette démarche nous obligera à mener une réflexion différente sur l'insertion des jeunes en voie de formation universitaire, sur leur première rencontre avec la vie professionnelle à l'université, et donc à mener une réflexion différente sur le contenu des stages offerts et sur leur amplitude. J'ai expliqué ce matin que nous étions en train de travailler sur ce sujet.
Monsieur Camoin, vous avez évoqué, enfin, le tutorat. Pour ma part, je me félicite des échos positifs que recueille l'expérience du tutorat dans toutes les universités françaises. Que l'on soit arrivé à l'idéal en matière d'organisation du tutorat, naturellement, je ne le crois pas. Il faudra plusieurs années. Cela étant, le fait que le tutorat ait été généralisé, en l'espace d'une seule rentrée, à toutes les universités françaises et que tous les jeunes de première année aient pu, sauf exception, faire cette expérience est déjà un grand pas de franchi. Il me semble qu'il y a là une mesure de justice.
Je veux dire enfin que, pour le tutorat en particulier, ceux d'entre vous qui ont insisté sur les bibliothèques, sur une nouvelle forme de travail, sur la découverte des nouveaux médias en matière de formation supérieure ont eu raison. L'expérience des liaisons grâce aux réseaux - par exemple, le passage de Renater I à Renater II, qui est sur le point de se réaliser - doit être étendue bien au-delà de ceux qui accèdent aujourd'hui librement à ces réseaux.
M. Pierre Laffitte. Bravo !
M. François Bayrou, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Je rêve que les bibliothèques de section, les salles de travail de proximité aient toutes accès à ce genre de réseaux. En effet, il serait totalement absurde de construire demain les bibliothèques d'hier !
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial. Très juste !
M. François Bayrou, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Nous ne supprimerons pas la partie absolument traditionnelle des bibliothèques. Je souhaite naturellement que les contacts avec le livre et les ouvrages de référence puissent être maintenus. Je n'en suis pas moins convaincu qu'il convient aussi d'inventer de nouvelles formes de mise à disposition des étudiants de moyens modernes.
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial. Très bien !
M. François Bayrou, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. M. Jean-Louis Lorrain est intervenu sur tous ces points. Il a, à juste titre, mis l'accent sur une meilleure utilisation des locaux universitaires. Je crois qu'une nouvelle organisation du temps universitaire - notamment de la semestrialisation sur laquelle je reviendrai dans un instant - jouera ce rôle. Je remercie M. Lorrain de l'avoir noté.
Je le remercie aussi d'avoir insisté sur les progrès nécessaires en matière de gestion des universités.
Aux deux points qu'il a cités - transparence et rigueur - j'en évoquerai un troisième.
Il faut absolument mettre un terme à un certain nombre d'abus qui sont dénoncés par les inspections générales du ministère. Il n'est pas acceptable, en effet, que des heures d'enseignement soient distribuées sans que l'on soit certain qu'elles sont toutes effectuées. Il n'est pas acceptable que des systèmes peu transparents président à l'attribution de ces allocations.
En même temps, il est très important qu'une nouvelle rigueur de gestion soit mise en place, et il est non moins important d'offrir aux universités des outils de gestion souples, adaptés à ce que sont les nécessités de la gestion moderne. Ce sera notamment l'un des objets de l'agence de modernisation que nous souhaitons mettre en place pour les universités.
Pour ce qui est du statut de l'étudiant et des CROUS, sur lesquels M. Lorrain m'a interrogé, ma réponse sera simple : la première étape de la discussion sur le statut de l'étudiant, c'était la fixation des enveloppes. En effet, si nous savons bien qu'il ne sera pas facile de trouver des ressources nouvelles, au moins faut-il être assuré de la disponibilité des ressources actuelles pour pouvoir les redistribuer autrement, ce qui ne sera pas facile.
J'ai donc demandé un audit, et je le rendrai public ; en tout cas, je le communiquerai aux parlementaires,...
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial. Merci !
M. François Bayrou, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. ... de manière que chacun, non seulement les acteurs, mais aussi les observateurs, puissent se faire une idée de ce que représente cet effort.
Quant à la réforme des CROUS, elle est en effet un grand enjeu de l'avenir de l'université, si l'on veut que les étudiants soient plus engagés qu'ils ne le sont aujourd'hui dans la vie des campus, qu'ils maîtrisent davantage leur propre organisation, leur propre vie de tous les jours, de la restauration au logement, en passant par les polycopiés, les publications et bien d'autres services culturels ou associatifs que l'on peut rendre. Il faut leur donner une plus grande part de responsabilités. Je suis décidé à aller dans ce sens. Voilà pour l'essentiel des questions posées par M. Jean-Louis Lorrain.
Monsieur Gruillot, je suis tout à fait acquis à l'idée que l'université doit s'ouvrir davantage et que la réflexion sur le statut social ou les aides sociales ne doit pas s'arrêter à la redistribution des moyens existants. Je suis persuadé qu'il existe d'autres perspectives. Les étudiants seront alors davantage acteurs, mais il faudra leur donner un sentiment de sécurité afin qu'ils n'aient pas l'impression que l'on manque aux engagements que la nation a pris à leur égard. Nous devons tenir compte de l'aspect, je dirais de considération qui est très important dans la détermination de ces nouvelles aides sociales. Mais je suis prêt, comme vous le suggérez, à réexaminer toutes les propositions ainsi faites.
Je répondrai maintenant à M. Saunier pour lui dire que j'ai bien compris son message général. Je veux lui dire mon accord sur tout ce qui conduira à combattre toute idée d'universités à plusieurs vitesses.
Je sais très bien que les universités ne sont pas toutes égales en réputation. Toutefois, je ne suis pas prêt à faire entrer dans nos principes d'organisation l'idée qu'elles seraient définitivement inégales et que seule la concurrence entre elles permettrait de régler les problèmes à l'avenir.
Je veux rappeler à cette tribune ce que j'ai souvent dit : nous avons vu cette expérience en grandeur réelle. Nous avons vu, dans les écoles de commerce, ce principe de concurrence régir les relations entre les écoles. Je ne puis pas dire, avec un certain recul, que cette expérience ait conduit les plus faibles à rattraper les plus forts. Je crois au contraire que, dans bien des cas - on peut le vérifier - l'écart s'est creusé, pour la plus grande inquiétude des gestionnaires, des directeurs et de ceux qui assument des responsabilités dans les écoles de commerce.
Il convient donc de maintenir, dans nos principes d'organisation, l'idéal français d'égalité entre les différentes universités. Sinon - cela est clair - seuls les étudiants qui en auront les moyens - économiques, culturels et sociaux - auront accès aux universités les plus réputées, sans que les autres universités puissent se rééquilibrer.
Nombre d'universités nouvelles ont acquis, en peu d'années, une réputation qui leur permet désormais de défendre leurs chances et leur notoriété, ce dont je me réjouis.
M. Saunier m'a interrogé sur les schémas régionaux. Je suis d'avis - mais nous en discuterons bien sûr au sein du groupe sur la gestion des universités - que ces schémas régionaux soient retenus comme le document de base du développement de l'université française. Mais cela suppose une concertation entre régions et surtout un rôle régulateur plus important de la part de l'Etat, faute de quoi, je crains que ne se développent un certain nombre d'errements, qui, me semble-t-il, ne serviront pas l'aménagement du territoire, pas plus que l'équilibre entre universités.
J'ai répondu, pour le reste, à l'essentiel des questions de M. Saunier.
M. Renar m'a interrogé sur la grande question de savoir quels étaient le rôle et les enjeux pour l'enseignement supérieur français. Je comprends que la question soit d'importance, et nous avons essayé d'y répondre par la préfiguration de ce que pourrait être cette réforme préparée lors des états généraux de l'enseignement supérieur.
Mais je vais lui dire combien je suis en désaccord avec lui lorsqu'il indique que tout ce travail serait illusoire sans un changement des règles qui régissent actuellement la société. Monsieur Renar, s'il fallait attendre « le grand soir »,...
M. Ivan Renar. Pas du tout !
M. François Bayrou, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. ... « pour que les lendemains chantent », si j'ose appliquer cette formule un peu hardie à l'université française, je crois que l'on se tromperait. Nous pouvons tous avoir une idée différente de ce qu'est cet horizon vers lequel nous marchons, de ce qu'est cette étoile qui guide notre chemin. Mais nous ne devons pas, en tout cas, attendre d'avoir touché l'horizon du doigt pour procéder aux réformes d'urgence qui s'imposent.
Je crois, au contraire, quelle que soit la représentation de l'avenir que nous nous faisons - et il est légitime qu'elle soit différente pour chacun d'entre nous - qu'il est urgent que nous nous mettions au travail aujourd'hui, sans attendre le changement des règles qui régissent actuellement la société, faute de quoi nous trahirions la mission qui est la nôtre à l'égard des étudiants français.
M. Laffitte m'a interrogé, et je lui ai répondu, sur les nouvelles technologies. Je retiens, bien entendu, l'exemple des « universités ouvertes » - pour parler français - qu'il a cité, et je crois que le CNED doit en être la tête de réseau, ce qui suppose de régler un problème d'équipement. J'ai indiqué la voie que nous allions suivre en cette matière.
M. Habert m'a interrogé sur le caractère fructueux des échanges entre les universités, notamment entre les universités françaises et les universités plus lointaines, et sur l'importance de la maîtrise des langues pour l'avenir de notre université.
Je veux lui donner raison et défendre de nouveau l'idée de ce que j'ai appelé le « semestre européen ». D'ici à quelques années, aucun diplôme de deuxième cycle ne devrait être délivré sans qu'un semestre ait été validé dans une autre université européenne. Je suis persuadé qu'il y aurait là un accès privilégié à la maîtrise des langues. Il s'agit me semble-t-il, d'une des idées les plus novatrices contenues dans le projet de réforme des universités préparée par les états généraux.
Monsieur Carle, j'ai traité des STAPS, des passerelles, du statut de l'étudiant. Je répéterai que la validation des acquis est en effet un instrument privilégié qui nous permettra, à la fois, de faciliter la rencontre entre l'étudiant et le monde de l'entreprise et de favoriser la sortie de l'université avec la certitude que l'étudiant pourra y revenir, nanti de son expérience professionnelle. C'est une expérience que nous allons essayer de mettre en pratique pour le mois de janvier.
Enfin, je retiens, bien entendu, l'idée de pluridisciplinarité.
J'ai répondu à M. Gélard sur un certain nombre de points, sauf un.
En effet, monsieur Gélard, vous appelez à changer le système San Remo, en affirmant que l'on n'avait pas poussé assez loin la réforme. Pour ma part, je serai très prudent avant d'envisager une modification des critères.
En effet, j'ai promis une remise à niveau du dispositif, et je pense que celle-ci ne pourra être appréciée qu'à critères constants. Si je me mêle de changer ces critères avant le terme de la remise à niveau, comment saura-t-on que celle-ci est achevée ? Je suis donc prudent en ce qui concerne le changement de ces critères, en soulignant cependant que les changements déjà intervenus vont dans le sens que vous souhaitez.
Je retiens aussi l'idée de la mise en place d'un laboratoire de prospective de l'enseignement supérieur, que je vais essayer d'approfondir quelque peu.
Par ailleurs, vous m'avez interrogé sur la semestrialisation. Je crois qu'il s'agit d'une idée très forte, de l'un des points essentiels de la réforme. Mais son application requiert une vraie réflexion en matière de régime des examens et d'organisation. Le semestre constitue-t-il une division de l'année universitaire ou une unité en soi ? Ma préférence va plutôt à la seconde définition, mais je ne suis pas de ceux qui décident sans avoir pris l'avis des parties prenantes. Je ne choisirai donc qu'en concertation avec les acteurs de l'enseignement supérieur, mais permettez-moi une simple remarque : il ne coûte pas plus cher de redoubler un semestre que de redoubler une année, et l'on pourrait même soutenir, monsieur Gélard, que cela coûte moins cher. Mais je n'entrerai pas dans ce débat, car, je le répète, je n'ai pas encore choisi la voie à suivre.
C'est précisément l'objet du groupe de mise en oeuvre que d'orienter ce choix.
Je retiens aussi vos propos sur le déblocage des carrières. C'est en effet un point tout à fait essentiel.
Monsieur Weber, permettez-moi de noter qu'en réclamant des moyens, puisque telle était la substance de votre intervention, dont je comprends l'inspiration, vous n'avez pas apporté de critique sur le fond. Lorsque l'on réclame des moyens pour appliquer une réforme, c'est que l'on n'est pas très loin d'en approuver l'inspiration. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)
Je me réjouis donc de ce consensus entre M. Weber et moi-même, même si je ne néglige pas la difficile question des moyens qu'il pose.
M. Henri Weber. Nous attendons, dans ces conditions, une réponse en termes de moyens !
M. François Bayrou, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Sur le système San Remo, je viens d'apporter des précisions en répondant à M. Gélard : il s'agit d'une solidarité de Seine-Maritime que je me plais à relever ici.
Monsieur Othily, en effet, la question de la nouvelle filière dans les départements d'outre-mer est absolument centrale, notamment en Guyane certes, mais aussi dans l'outre-mer en général. J'ai la conviction qu'une partie de l'avenir des départements d'outre-mer et des territoires d'outre-mer se jouera dans l'entreprise universitaire. Il est de notre devoir de l'envisager comme une priorité. Il faut simplement penser à l'adaptation de cette entreprise universitaire aux besoins des étudiants et de la vie locale, en particulier de l'économie locale. C'est également d'ailleurs une nécessité en métropole.
M. Bourdin m'a interrogé sur le coût global des aides attribuées aux étudiants. Le volume de l'enveloppe nécessaire pourra être estimé lorsque nous connaîtrons, ce qui sera le cas d'ici à quelques semaines et peut-être d'ici à quelques jours, le résultat de l'audit en cours.
Vous avez insisté, monsieur le sénateur, sur la fluidité nécessaire à la recherche, et vous avez eu raison.
J'ai remis récemment un diplôme de docteur honoris causa. M. Laffitte a déploré que l'on ne se mette plus en toge. Je puis lui dire que les universitaires l'avait revêtue pour la remise de ce diplôme à un très grand scientifique américain qui a accompli une partie de sa carrière à l'université, une autre partie dans un institut de recherche et la troisième partie à la tête de la division technique d'une très grande entreprise électronique américaine.
C'est un physicien fondamentaliste. Il a connu les trois aspects de la recherche dans sa vie. Je suis persuadé que les chercheurs français, au fond d'eux-mêmes, sont acquis à l'idée que ces allers-retours entre recherche, enseignement-recherche et recherche appliquée est une nécessité pour la recherche en France.
M. Jean-Louis Carrère. On en parlera tout à l'heure !
M. François Bayrou, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. C'est d'ailleurs dans ce sens que M. le secrétaire d'Etat à la recherche et moi-même travaillons. (M. René Ballayer applaudit.)
Comme M. Bourdin, j'écarte la perspective de la secondarisation. Je crois que ce serait une erreur. J'ai déjà expliqué à cette tribune que la secondarisation de l'enseignement supérieur serait un mauvais service à rendre à l'enseignement supérieur, mais aussi à l'enseignement secondaire. Il y aurait inévitablement un effet de report des problèmes du secondaire vers le supérieur. Cette perspective ne doit donc pas être retenue.
En ce qui concerne la voie technologique, la professionnalisation des études et les schémas régionaux, j'ai déjà répondu. Je remercie M. Bourdin d'avoir noté que les recrutements ne concernent pas seulement les postes nouveaux mais qu'il faut également pourvoir les postes libérés par les départs à la retraite. Dans ces conditions, ce sera pour 4 000 postes qu'il faudra recruter.
M. Vidal m'a interrogé sur les rapports entre la recherche et l'emploi. Je ne crois pas, monsieur Vidal, que la recherche ne mène qu'à des emplois de chercheurs. Je pense, au contraire, que la recherche ouvre une perspective sur la vie et sur l'acquis de connaissances, mais aussi sur l'esprit d'entreprise. Par conséquent, je suis pour une rencontre précoce avec la recherche en termes de méthodes, y compris dans le premier cycle. Je défendrai l'idée que l'on propose aux jeunes étudiants de bâtir eux-mêmes une partie de leurs connaissances dès leur entrée à l'université, par exemple, par le biais d'un mémoire qu'il pourrait écrire en quelques semaines. Je pense que, sur le plan méthodologique, ce pourrait être très profitable.
M. Gouteyron, enfin, a insisté sur le rapport très remarquable sur l'orientation dont j'aurai l'occasion de parler très prochainement. Une redéfinition des carrières est en effet nécessaire pour assurer une véritable aide à l'orientation. C'est d'ailleurs l'une des principales propositions des états généraux de l'université.
Il y a là un enjeu majeur aussi bien pour l'enseignement que pour l'aide aux étudiants ou la rencontre avec la vie des entreprises. Natuellement, il s'agit d'un art tout d'exécution, et c'est à cette exécution que nous allons essayer de nous livrer en 1997.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, les réponses que je souhaitais apporter à vos questions.
M. le président. Mes chers collègues, je suis obligé de vous dire à propos de l'explosion survenue tout à l'heure dans le RER que, malheureusement, en l'état actuel des informations, nous avons à déplorer deux morts, un blessé grave et une quarantaine d'autres. Nous ne pouvons, présentement, qu'avoir une pensée émue pour les victimes.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant l'éducation nationale, l'enseignement supérieur et la recherche :II. - Enseignement supérieur.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 937 796 962 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre IV : 48 030 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.

(Ces crédits sont adoptés.)