M. le président. Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la recherche.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe socialiste, 10 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 12 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 9 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
La parole est à M. Carrère.
M. Jean-Louis Carrère. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, pourriez-vous imaginer un pays où les chercheurs soient poussés vers l'enseignement supérieur, à moins qu'ils ne préfèrent aller eux-mêmes quémander des contrats au lieu de se consacrer à leur mission première, la recherche fondamentale, et alors que la plupart des grosses entreprises suppriment toutes, tour à tour, leur activité de recherche et que, pendant ce temps, les laboratoires ne tournent plus et tombent plus ou moins en décrépitude, faute de personnels qualifiés pour assurer leur fonctionnement et leur entretien tandis que, bien souvent, les chercheurs sont absents ?
Cette situation ubuesque existe, et bien près de nous, puisque je viens de vous brosser à grands traits - de manière un peu caricaturale et excessive, je le reconnais - le portrait de la recherche française à l'heure actuelle.
Laissez-moi vous la dépeindre un peu plus dans le détail.
Pour coller aux termes budgétaires, je commencerai par évoquer les emplois. Au total, le projet de budget pour 1997 supprime 652 emplois, chercheurs et ITA - ingénieurs, techniciens et administratifs - confondus, dont 16 dans les EPIC, les établissements publics industriels et commerciaux, 1 dans les services centraux du ministère et 635 dans les EPST, les établissements publics scientifiques et techniques. Ainsi, le CNRS - Centre national de la recherche scientifique - perdra 513 postes, l'INRA - Institut national de la recherche agronomique - 65, l'INSERM - Institut national de la santé et de la recherche médicale - 26, l'ORSTOM - Institut français de la recherche scientifique pour le développement en coopération - 15, le CEMAGREF - Centre national du machinisme agricole, du génie rural, des eaux et des forêts - 10, et je vous fais crédit, si vous me permettez l'expression, des organismes dans lesquels moins de 10 emplois sont supprimés.
Je passerai rapidement sur la pratique inacceptable qui consiste à ne pas budgétiser tous les postes mis au concours. L'INSERM en fait les frais cette année puisque soixante et un postes de chercheur ont été ouverts au concours en juillet dernier et seulement cinquante ont été budgétisés !
Par ailleurs, est notamment mise en pièces, encore cette année, la politique prévisionnelle intelligente engagée par M. Hubert Curien qui, en prévision des départs à la retraite devant intervenir de façon très importante au cours des cinq prochaines années, avait créé des postes en surnombre pour pallier cette future hémorragie et, surtout, pour assurer la continuité dans un domaine qui nous est cher. Or, monsieur le secrétaire d'Etat, vous réitérez le mauvais coup de l'année dernière en supprimant 100 postes en surnombre au CNRS et 10 à l'ORSTOM. L'économie ainsi réalisée est une économie à très court terme puisque ces postes de chercheur auraient été remboursés, si je puis m'exprimer ainsi, lors des départs à la retraite.
S'agissant toujours des suppressions de postes, je m'arrêterai un instant sur la situation inquiétante que connaît actuellement le CNRS. Vous rayez d'un trait de plume 413 emplois de non-chercheur - ITA - pour 1997, soit, depuis quatre ans, 847. Le rapport Coste, rapport d'étape au printemps dernier, soulignait pourtant l'importance du rôle de ces personnels et leur fonction indispensable pour le dynamisme et la créativité du dispositif national de la recherche et de l'organisme lui-même. Ainsi, faute d'être entretenues par des personnes compétentes, certaines machines sont d'ores et déjà définitivement perdues. En ce qui concerne les grands équipements, les coûts de remplacement sont prohibitifs ! Tous ces personnels, qui constituaient la mémoire des laboratoires, viennent petit à petit à faire cruellement défaut, car ils étaient souvent les seuls qui étaient à même d'assurer un suivi des activités et la formation des nouveaux éléments. Employer des CES - pour qui j'ai beaucoup de respect - sur ces postes, selon une pratique de plus en plus développée, constitue une aberration et favorise la précarisation de l'emploi. Comme il n'y a plus assez de personnel pour mener à bien les expériences de base, elles le sont par les étudiants et il est de plus en plus difficile de les encadrer.
A propos de l'absence d'encadrement des étudiants, j'en viens à la carence de chercheurs dans les laboratoires, qui, quand leurs emplois ne sont pas supprimés, se voient dans l'obligation de se distraire de leur mission première. On assiste de plus en plus à une chute du financement de base des laboratoires par les organismes dont ils dépendent ; pour revenir à l'exemple du CNRS, les laboratoires de cette structure ne sont plus financés, en moyenne, qu'entre 5 % et 20 % par le CNRS, alors que ce taux était d'environ 75 % voilà encore quelques années. Le reste du financement provient de sources diverses : contrats européens, contrats industriels, appels d'offres de l'Etat et, solution actuellement peu en faveur, institutions caritatives. Plusieurs conséquences néfastes découlent de ce phénomène : les chercheurs sont obligés de prospecter pour trouver des contrats et de s'orienter sur des créneaux bien spécifiques, ce qui, à terme, tue la recherche fondamentale, laquelle est pourtant le fondement et la justification de la recherche.
Si la recherche fondamentale est de plus en plus compromise, je crains fort que, pour autant, la recherche industrielle française ne dispose pas de perspectives très développées.
En France, contrairement à beaucoup de voisins européens, 80 % des « décideurs » ne sont jamais passés par la recherche et n'ont pas fait de thèse. Cela est d'ailleurs logique puisque, aussi aberrant que cela puisse paraître, la thèse de doctorat est sans doute le seul diplôme à caractère étatique qui ne soit pas reconnu par les conventions collectives.
La conséquence de cette absence de sensibilisation des chefs d'entreprise à la recherche est que cette activité est la première sacrifiée lorsque la situation économique devient moins florissante : ainsi, chez Elf, la recherche en chimie-pétrole vient d'être quasiment supprimée pour au moins dix ans ; la Lyonnaise des eaux et la Compagnie générale des eaux ont également toutes deux arrêté leurs activités de recherche ; chez Rhône-Poulenc, par le jeu des filiales, la recherche en biologie part aux Etats-Unis et la recherche en chimie à Singapour ; quant à Roussel-Uclaf, où l'Etat disposait d'une minorité de blocage, des rachats successifs mal négociés ont permis aux Américains de récupérer l'activité de recherche. Pendant ce temps, le Japon double ses financements pour la recherche fondamentale ! La Grande-Bretagne, pays qui n'a pas la même culture que la France, n'a jamais vu ses entreprises rogner sur leur budget de recherche.
Monsieur le ministre, vous sembliez bien satisfait de la situation de la recherche française, lors de la présentation que vous en aviez faite devant la commission des affaires culturelles du Sénat, et de votre projet de budget. La hausse toute relative de 0,16 % qu'il affiche, et donc la baisse en francs constants, pour 1997 ne peut nous faire oublier que la comparaison s'effectue au regard des chiffres calamiteux de 1996. Je ne vois de toute manière aucun motif de se satisfaire d'un projet dans lequel le budget des établissements n'augmente en moyenne que de 0,92 % en francs courants, et baisse donc de 0,98 % en francs constants. Ainsi, les budgets du CNRS et de l'INSERM augmentent moins que l'inflation. Quant à celui de l'INRA, il diminue, ce qui, convenez-en, est pour le moins surprenant à l'heure des débats sur la « vache folle ».
Je ne vois pas plus de motif de tirer la moindre satisfaction d'une situation dénoncée par la Cour des comptes, dans son rapport sur l'exécution de la loi de finances pour 1995 : les magistrats de la rue Cambon avaient notamment souligné la masse importante d'autorisations de programme engagées sans être couvertes par l'ouverture des crédits de paiement correspondants. C'est la faute des socialistes, me direz-vous. Antérieurement, c'était le cas. Mais depuis combien de temps êtes-vous au pouvoir ? Pendant combien d'années encore attribuerez-vous la faute aux socialistes ?
La situation de la recherche française est telle que je nourris de fortes inquiétudes quant à son avenir sur la scène internationale.
Monsieur le ministre, j'aurais eu encore beaucoup à dire sur votre politique que je considère comme dangereuse pour la recherche française, mais le temps m'est compté. Aussi ne vous étonnerai-je pas en vous disant, en guise de conclusion, que le groupe socialiste, que j'ai l'honneur de représenter aujourd'hui, ne votera pas le projet de budget de la recherche.
M. le président. La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, depuis 1987, il était de tradition de constater une hausse du budget civil de recherche et de développement. Ces augmentations, certes bien modestes, ne permettaient cependant pas de hisser notre pays au niveau de la plupart des pays industrialisés, tels l'Allemagne ou le Japon.
Cette année, la diminution du budget de la recherche est d'environ 3,5 % en francs constants, compte non tenu des reports indus et des transferts qui portent en réalité la réduction du budget civil à 7 %.
Quand le chef du Gouvernement n'hésite pas à « vouloir donner un nouveau souffle pour la recherche », on mesure la distance qui existe entre les paroles et la réalité d'une politique lourde de conséquences pour le développement de notre pays.
Peut-être faut-il rappeler que la recherche est un secteur extrêmement fragile ! Les laboratoires, les instituts ne peuvent, au gré de calculs comptables, accepter que soient anéantis leurs efforts, voire que des années de recherche soient sacrifiés par de brusques variations budgétaires.
Le développement de la recherche nécessite une relative pérennité, et les retards pris dans tel ou tel secteur de la recherche fondamentale ou appliquée sont parfois difficilement rattrapables.
Le projet de budget ne peut être abordé sans évoquer les conséquences du comité interministériel de la recherche scientifique et technique qui s'est réuni en octobre dernier.
Sans consultation des chercheurs ni de l'ensemble de la communauté scientifique, le Gouvernement tente de réduire la recherche scientifique dans notre pays à sept axes prioritaires.
La lecture du rapport du comité est riche d'enseignements : il n'est pas une page où les mots « entreprise » ou « compétitivité » soient absents.
Voilà une bien curieuse conception de l'orientation de la recherche publique ! Conception dangereuse s'il en est, peu respectueuse de la spécificité du secteur scientifique, de ses « errements » nécessaires et des détours du savoir et de la connaissance.
Il va sans dire que, dans le cadre budgétaire de récession qui nous est présenté, l'articulation autour des axes de recherche prioritaires définis sans concertation par le comité interministériel conduira les laboratoires à une contractualisation lourde de conséquences pour des pans entiers de la science. En imposant des programmes prioritaires orientés sur la recherche appliquée et finalisée avec l'industrie, le Gouvernement contraint les laboratoires publics à consacrer une part importante de leurs crédits - 10 % en 1997, 20 % en 1998 - à pallier les insuffisances des industriels et brise l'équilibre fragile entre recherche appliquée et recherche fondamentale.
Je passe volontairement sous silence le devenir des sciences humaines, dont on nous dit qu'il n'est pas menacé mais qui reste absent de la politique de recherche annoncée.
Dans un tel contexte, on ne s'étonnera pas de voir l'ensemble des crédits des établissements publics à caractère scientifique ou technique en baisse, à l'exception du CEMAGREF.
De la même manière, l'emploi scientifique est sacrifié. Notre pays forme 10 000 docteurs par an. Faute d'un recrutement audacieux dans le secteur privé, l'essentiel des recrutements était jusqu'alors le fait du secteur public. Qu'en sera-t-il dans le cadre de la réduction budgétaire annoncée ?
Le budget qui nous est soumis ne permettra pas d'assurer le renouvellement nécessaire des équipes de recherche. Le recrutement de jeunes chercheurs, qui devait s'établir autour de 5 % des effectifs, n'atteindra pas 2,5 % en 1997, et les départs en retraite ne seront pas compensés.
Au CNRS, plus de 500 postes d'ingénieurs, de techniciens ou de personnels administratifs sont supprimés.
Dans ce même organisme, la dette de l'Etat n'est pas résorbée, ce qui maintient l'ensemble des laboratoires dans de grandes difficultés.
La politique de recherche conduite par le Gouvernement ne peut mener qu'à une impasse, au moment où l'accélération du développement des connaissances devrait conduire à une politique déterminée et audacieuse en matière de recherche publique.
Notre pays consacre 2,4 % de son PIB à l'effort de recherche, la contribution des entreprises est à hauteur de 1,2 %, soit en diminution, en dépit des crédits d'impôt et autres cadeaux fiscaux.
Une réorientation de la politique de recherche dans notre pays ne doit pas conduire à une perte des connaissances et des compétences car, dans ce domaine, les découvertes n'émergent pas obligatoirement des priorités affichées.
L'effort en faveur de la recherche civile doit être accru et porté à 3 % du PIB, au détriment de la recherche militaire s'il le faut.
Des postes de chercheurs doivent être créés en nombre suffisant afin d'inverser la précarisation des équipes de recherche.
A l'université, les charges statutaires des enseignants chercheurs se multiplient et les contrats à durée déterminée ou les CES laissent sans droits nombre de jeunes doctorants.
La recherche publique, monsieur le secrétaire d'Etat, a besoin d'une autre ambition que celle qui est illustrée par ce projet de budget.
La marginalisation de la recherche fondamentale, la remise en cause de l'autonomie des laboratoires et de la capacité d'initiative de la communauté scientifique, tout cela conduit pour de nombreuses années notre pays à occuper une place médiocre sur le plan international.
S'agissant de la remise en cause du sort de la recherche publique civile et de l'avancée des connaissances dans le domaine des sciences et techniques, et donc de l'avenir de notre pays, notre groupe votera contre le projet de budget qui nous est soumis. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Revol.
M. Henri Revol. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, si l'ensemble du budget civil de la recherche et du développement pour l'année 1997 est en légère baisse, participant ainsi à l'effort de redressement de nos finances publiques, nous nous réjouissons que le budget relevant directement du ministère de la recherche soit en hausse de 0,4 % et s'accompagne d'une série de réformes destinées à rendre notre dispositif de recherche plus performant et plus favorable à l'innovation et au transfert de technologies. Félicitons-nous que notre Gouvernement, à travers cette hausse, montre sa conviction de ce « qu'un Etat important se doit de disposer d'une véritable recherche de haut niveau, à tous les stades de celle-ci et dans l'ensemble de ses disciplines ».
Promouvoir une politique de la recherche, c'est répondre aussi au souci de l'effort en faveur de la politique de lutte pour l'emploi dans notre pays, car toute innovation, toute application de grands programmes conduisent le plus souvent à une valeur ajoutée économique. Améliorer ce potentiel, c'est produire de la croissance et créer des emplois solides et durables.
Parce que la France a aujourd'hui le plus urgent besoin d'une politique de recherche forte et volontariste, notre Premier ministre - et qu'il me soit ici donné l'occasion de le remercier - a donné un nouveau souffle à la recherche française en prenant la décision de réunir, le 3 octobre dernier, le Comité interministériel de la recherche scientifique et technique, le CIRST, créé en 1958 par le général de Gaulle et mis en sommeil depuis 1982, pendant de longues années de présidence socialiste.
Depuis cet acte politique fort, les choix sont désormais établis : une politique scientifique par grandes priorités ; une véritable politique de ressources humaines pour les chercheurs ; un dispositif de mise en valeur de notre potentiel de recherche associant nos PME et PMI ; un effort inédit en faveur de l'innovation.
Ces axes constituent une politique ambitieuse, certes, mais aujourd'hui réaliste. Les promesses sont abandonnées au profit d'un juste retour vers un équilibre entre les autorisations de programme et les crédits de paiement.
S'agissant des priorités, vous avez fortement insisté, monsieur le secrétaire d'Etat, lorsque vous avez présenté votre budget, sur la nécessité qui s'impose aujourd'hui, dans un contexte international marqué par une compétition acharnée, d'avoir une grande ambition nationale de recherche.
Saluons ici un recentrage au niveau des PME-PMI, avec la valorisation des actions de recherche mixte associant les entreprises et les organismes publics parce que, d'une part, la recherche mixte est plus créatrice de brevets et que, d'autre part, elle incitera nos entreprises à augmenter leurs efforts de recherches.
Soulignons pour l'approuver la création d'un fonds commun pour l'innovation, qui drainera l'épargne privée vers le financement de l'innovation et stimulera de ce fait l'investissement dans les PME-PMI. Réjouissons-nous de la réduction d'impôt accordée à hauteur de 25 % du montant investi pour les personnes qui feront un placement dans ce fonds et de la non-taxation des capitaux lorsqu'ils seront réinvestis.
Mais permettez-moi, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, de noter que les crédits incitatifs inscrits au fonds de la recherche et de la technologie n'ont été que faiblement valorisés.
Cette baisse de la capacité d'intervention est certes due essentiellement à la couverture insuffisante des autorisations de programme par des crédits de paiement ; cependant, à terme, il faudra recentrer cette intervention, afin que le programme du fonds de la recherche et de la technologie profite plus aux petites et moyennes entreprises dans le cadre des financements des contrats de plan Etat-région. Ce rééquilibrage semble répondre à cette impérieuse nécessité, mais peut-être pourriez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, me le confirmer ?
Quant à la dotation de 1 milliard de francs sur deux ans du programme « Technologies clés », nous l'apprécions. Elle marque encore ici la volonté significative de votre ministère de réorienter les attributions d'aides publiques en faveur de la recherche industrielle.
S'agissant de la recherche publique, nous avons été nombreux à demander un réajustement des crédits, restaurant les véritables capacités d'intervention de ce secteur. Nous vous remercions, monsieur le secrétaire d'Etat, pour l'important effort de rattrapage entrepris.
Vous avez lancé un programme de soutien vigoureux aux équipes de recherche, avec une augmentation de 7,5 % des crédits pour l'embauche des chercheurs et des personnels techniques, avec la mise en place d'une véritable politique des ressources humaines.
Vous avez fait preuve de cohérence dans ce budget en hausse en réaffirmant le soutien au programme de fonctionnement des laboratoires universitaires, avec une augmentation, crédits d'équipement compris, de 3,7 %.
En réponse à une forte demande de la communauté scientifique, vous avez multiplié le nombre de bourses et allocations de recherche en faveur des étudiants en doctorat de troisième cycle et, désormais, tous les étudiants auront la possibilité de bénéficier d'une troisième année de bourse.
Tout cela va dans le bon sens, et ce sont de bonnes mesures. Il nous faut maintenant réfléchir à la mise en place d'une véritable collaboration entre les laboratoires universitaires et les industries de notre pays.
La France dispose d'un tissu industriel important et performant qui pourrait exploiter avec beaucoup plus d'efficacité le travail de qualité de ces laboratoires et les résultats de leur recherche.
A cette demande doit pouvoir correspondre une offre industrielle croissante et ciblée, associant la mobilisation conjointe des moyens d'action de nos laboratoires et de nos industries. Il nous faut, dès lors, encourager la mobilité des chercheurs dans les entreprises, accompagner les candidats chefs d'entreprise dans l'aventure de la création, développer et multiplier les conventions permettant aux étudiants et jeunes chercheurs de répondre à cette demande de l'innovation.
A cette fin, soulignons le développement des conventions industrielles de formation par la recherche, les conventions CIFRE, permettant la préparation d'un doctorat dans le cadre d'une activité à l'intérieur d'une entreprise.
Ce nouveau savoir-faire entreprises-recherche publique est souhaitable et nécessaire parce qu'il sera porteur de retombées économiques importantes, incitatives, porteuses des nouvelles activités et des emplois de demain.
L'université est consciente de cet enjeu et commence à tisser des liens privilégiés avec les industries de leur région.
Des expériences ont été engagées dans ma région, en Bourgogne, et permettent déjà l'émergence de jeunes entreprises, ainsi que le transfert de technologies par l'intermédiaire d'une association tout à fait performante.
Cela dit, monsieur le secrétaire d'Etat, le budget pour la recherche civile et le développement apparaît comme un bon budget. A terme, la France devra cependant recentrer son intervention sur les secteurs que notre pays considère comme essentiels.
Avant de conclure, vous m'autoriserez à évoquer trois points particuliers.
La loi de 1991 sur la gestion des déchets radioactifs, que j'ai eu l'honneur de rapporter devant la Haute Assemblée, a prévu, entre autres, le développement d'un programme de recherche sur ce qu'il est convenu d'appeler « l'incinération des déchets à vie longue ». Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le secrétaire d'Etat, quels sont les crédits prévus en 1997 pour cette voie de recherche ? Pouvez-vous également m'indiquer si les grands organismes français de recherche s'intéressent au projet de réacteur-incinérateur du prix Nobel Carlo Rubbia ? Ce dernier, avec son équipe du CERN, a été récemment auditionné par notre collègue député Claude Birraux, au titre de l'office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, devant un auditoire très nombreux.
Puisque je viens de citer le CERN, je souhaiterais également évoquer l'inquiétude qui se fait jour au sujet du projet de super-collisionneur, le LHC, après l'annonce de la décision unilatérale de l'Allemagne de réduire sa cotisation de 9 % à l'organisation européenne, ce qui réduit, ipso facto, le budget global dans le même pourcentage. La persistance de la mauvaise volonté de l'Allemagne pourrait conduire à l'abandon du projet LHC et à la disparition du CERN. Osons penser qu'il n'y a pas, derrière ces réticences, la volonté de récupérer en Allemagne, à Hambourg, la recherche européenne en physique nucléaire, comme beaucoup de signes concordants ces dernières années le laissent malheureusement supposer.
De nombreux physiciens souhaitent l'intervention de notre Gouvernement, monsieur le secrétaire d'Etat, et du président Chirac lui-même auprès du chancelier Helmut Kohl tant ils estiment grave cette évolution.
Voilà, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les quelques réflexions et questions que je souhaitais exposer au nom du groupe des Républicains et Indépendants, dont les membres voteront le budget de la recherche. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, certains s'interrogent avec une certaine brutalité : la recherche ne ferait-elle plus partie des priorités nationales ? Les crédits qui lui sont consacrés accusent une baisse sensible, ce qui « secoue » une large part de la communauté scientifique.
L'indicateur le plus sûr demeure bien évidemment le niveau des crédits alloués au BCRD, au budget civil de recherche et de développement technologique. Le projet de loi de finances pour 1997 le crédite de 52,3 milliards de francs contre 53,1 milliards de francs en 1996, ce qui représente, en francs courants, une diminution de 1,5 %.
Il serait aisé de dire que la recherche publique française fait les frais de l'effort de maîtrise des dépenses auquel nous souscrivons. Cependant, elle est un domaine extrêmement important dans la mesure où elle conditionne pour une très large part le dynamisme de notre économie, la compétitivité de nos entreprises et leur présence sur les marchés internationaux. Mais ne risque-t-on pas, à terme, de ralentir le moteur de notre économie et la capacité d'innovation de nos entreprises, particulièrement de nos PME-PMI ?
Les comparaisons internationales ne sont pas très flatteuses. Nos partenaires étrangers investissent beaucoup plus que nous ne le faisons en France. Je rappelle quelques chiffres : les Etats-Unis consacrent 2,7 % de leur produit intérieur brut à la recherche, le Japon se situe à peu près au même niveau, et nos voisins allemands exécutent deux fois plus de recherche-développement que nous.
Faut-il voir dans ces données un des éléments clés de bonne santé de leur économie ? Nous pouvons nous interroger !
En tout état de cause, le niveau des moyens que chaque pays consacre à sa recherche témoigne de l'importance qu'il accorde à son avenir.
Cependant, la recherche française est reconnue partout dans le monde. Ses résultats font accéder nos chercheurs aux distinctions suprêmes. Et il faut admettre, monsieur le secrétaire d'Etat, que les priorités que vous avez affichées sont clairement définies et trouvent des financements suffisants.
Votre budget est difficile car vous apurez un passé. L'examen systématique et rigoureux de la situation de toutes les autorisations de programme engagées au titre du fonds de la recherche et de la technologie d'avant 1993 est une de vos préoccupations. Avec de la volonté, vous parviendrez au rééquilibrage, qui est bien engagé, entre les autorisations de programme et les crédits de paiement pour 1999.
Dans un contexte budgétaire difficile, vous ouvrez, en 1997, des perspectives pour les laboratoires et leurs équipes, pour le recrutement de près de 8 000 jeunes chercheurs, pour l'aide à l'innovation. Je ne puis, à cet égard, qu'adhérer à votre volonté de favoriser la chaîne de l'innovation. Elle est source de créations d'emplois dans les PME et garante de leur dynamisme à l'étranger.
La valorisation de la recherche publique par le biais d'un intéressement des chercheurs à leurs découvertes, la création d'un fonds commun de placement pour l'innovation ne devraient pas rencontrer d'obstacle majeur.
En même temps, j'approuve votre détermination en ce qui concerne le niveau incompressible des ressources affectées à la recherche fondamentale. Celle-ci a fait et continue de faire de notre pays une grande nation scientifique. On ne compte plus les domaines scientifiques dans lesquels nos chercheurs figurent parmi les meilleurs au monde.
Cela doit durer et s'accentuer, mais nous devons veiller à ancrer davantage le monde scientifique dans les réalités socio-économiques. C'est d'ailleurs à cette conclusion qu'est parvenu le comité interministériel du 3 octobre dernier. Ce comité a défini plusieurs orientations, qui me paraissent aller dans le sens d'une plus grande prise en compte des impératifs économiques de notre pays.
Agroalimentaire, transports terrestres, industries électroniques, technologies de l'information, chimie de formulation, recherche médicale, environnement sont autant de domaines dans lesquels la recherche peut améliorer la vie quotidienne, donner à un pays les moyens de son expansion et de sa prospérité.
A ces priorités s'ajoutent le secteur des sciences de l'innovation, des produits et des procédés, ainsi que quatre programmes interministériels de recherche.
Ces derniers concernent les recherches en entreprises des applications de la chimie aux techniques industrielles futures, les biotechnologies appliquées à la santé, aux agroindustries et à l'environnement, la microbiologie, la création d'un centre de séquençage pour mieux connaître les génomes.
J'attache personnellement une grande importance aux programmes relatifs à la santé. Ils s'insèrent d'ailleurs dans les trois directions d'action que vous aviez proposées au mois de février dernier, à savoir une meilleure collaboration entre les milieux médicaux et ceux de la recherche, la concentration de l'effort national de recherche et une meilleure information des citoyens.
En outre, je pense que ces orientations constituent un pas important en direction d'une diversification de notre recherche. Je sais votre intention de mieux répartir les efforts afin que tous les champs scientifiques puissent disposer des outils et d'une main-d'oeuvre qui seraient propices à leur développement.
En matière d'emplois, je l'ai mentionné tout à l'heure, vous accordez la priorité au renouvellement des équipes de recherche et à leur potentiel de créativité. Les recrutements de chercheurs et de personnels techniques dans les établissements publics à caractère scientifique et technique augmentent de 7,5 % par rapport à l'année précédente. Il s'agit donc d'une excellente nouvelle.
S'agissant du soutien aux équipes de recherche, vous faites également un effort sans précédent. En contrepartie - et c'est une bonne chose - vous demandez aux organismes de recherche de maîtriser leurs frais de structures et leurs dépenses administratives.
En outre, je me réjouis de voir que les laboratoires universitaires bénéficient d'une augmentation substantielle de crédits. En effet, les moyens de la recherche universitaire sont en hausse de 3,7 % en crédits de paiement et de 2,4 % en autorisations de programme.
En marge de ce projet de budget, j'évoque brièvement la situation du CNRS. Le projet de réforme annoncé visant à une refonte de ses structures ne satisfait pas, loin s'en faut, l'ensemble des chercheurs. Ces derniers craignent notamment de perdre leur rôle dans une nouvelle organisation plus centralisée. Je pense, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous pourrez nous apporter sur ce point quelques éclaircissements ?
Enfin, je tiens à vous faire part de mon inquiétude quant à l'avenir de la recherche européenne.
La diminution des contributions financières de certains Etats membres risque de freiner considérablement l'élan des grands équipements scientifiques comme le Laboratoire européen pour la physique des particules, l'Observatoire européen austral ou le Synchrotron.
L'Allemagne a annoncé qu'elle voulait réduire sa contribution au CERN de 8,5 % en 1997 et 1998, et de 9,3 % pour les deux années suivantes. La situation sera plus difficile car ce pays est le principal financeur participant à concurrence de 22,5 % devant la France, dont la contribution est de 17 %, la Grande-Bretagne et l'Italie n'intervenant que pour 13 %.
Faudra-t-il renoncer à la mise en oeuvre du nouvel accélérateur de particules ? Le CERN est-il condamné à disparaître ? Pourtant, bien des découvertes y ont été réalisées au cours de ces dernières années ! Je citerai pêle-mêle le web d'Internet, qui est aujourd'hui fréquenté par des millions d'utilisateurs à travers le monde, les détecteurs de particules, qui ont été conçus par Georges Charpak et qui ont trouvé une application en radiographie et en thérapie des cancers.
Le Large Hadron Collider, le LHC, devrait être achevé en 2005. Sera-t-il possible d'obtenir des concours extérieurs à l'Europe ? Le projet risque d'être retardé ou revu à la baisse.
Les membres de l'institut Laue Langevin de Grenoble, organisme où l'Allemagne, la Grande-Bretagne et la France utilisent un réacteur de recherche à haut flux de neutrons, s'inquiètent sur son devenir.
Je souhaite vivement que le Gouvernement fasse pression sur ses partenaires européens afin que les programmes entrepris au niveau communautaire puissent être menés leur à terme.
Nous prenons acte, monsieur le secrétaire d'Etat, de la position de la France sur les objectifs et les priorités du Ve programme cadre de recherche et de développement de l'Union européenne pour la période 1999 à 2002.
Nous apprécions en particulier les propositions concrètes de la France concernant une nouvelle structuration du programme cadre, qui associe les efforts sur les technologies et les besoins de recherche exprimés par les secteurs socio-économiques, un programme consacré aux « sauts technologiques » majeur favorables aux PME, le développement d'une recherche à long terme, la déconcentration de la gestion dans les régions, un recentrage de la coopération internationale sur la recherche pour le développement.
Conscients des efforts que vous déployez, monsieur le secrétaire d'Etat, pour la recherche française, mes collègues de l'Union centriste et moi-même voterons votre projet de budget. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François d'Aubert, secrétaire d'Etat à la recherche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais d'abord remercier - M. Trégouët, rapporteur spécial de la commission des finances, M. Laffitt, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et M. Rausch, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan - l'analyse qu'ils ont faite de ce projet de budget de la recherche pour 1997, de leur compréhension positive des orientations du Gouvernement en matière de recherche, orientations concrétisées par le comité interministériel du 3 octobre dernier, mais aussi naturellement, de leurs nombreuses suggestions, sur lesquelles je reviendrai tout à l'heure, visant à améliorer - ce qui est, je crois, le souhait de tout le monde - notre système de recherche.
Ce dernier est l'un des plus performants du monde, n'ayons pas peur de le dire, certes sans grandiloquence, mais avec une conviction très ferme : les résultats de la recherche, qu'il s'agisse de recherche fondamentale, de recherche appliquée ou de valorisation de la recherche au travers d'entreprises ou d'initiatives tant économiques que sociales, sont là pour nous en convaincre.
Messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, les grandes orientations de ce budget répondent à trois préoccupations, que je voudrais très rapidement rappeler avant de répondre aux diverses interrogations qui ont été soulevées au cours de ce débat.
Notre première préoccupation, M. Trégouët l'a très bien dit tout à l'heure, c'est la nécessité pour la France de rester dans le peloton de tête de la recherche internationale et de garder son troisième rang mondial en termes de dépense de recherche publique et privée par rapport au produit intérieur brut.
D'autres critères pourraient être retenus, mais celui-ci est à peu près unanimement accepté, et il nous place après les Etats-Unis et le Japon pour l'effort collectif consenti au travers de canaux de financement privés ou publics en faveur de la recherche.
Cet effort fait la grandeur de la France. Un pays sans recherche, ou avec une recherche faible ne peut en effet pas prétendre être une grande nation. Un pays qui ne ferait pas de recherche fondamentale ou qui ne placerait pas la recherche fondamentale parmi les grandes priorités ne serait pas non plus une grande nation dans le domaine de la recherche.
Aujourd'hui, on le voit bien avec l'inflexion de la politique japonaise : pendant très longtemps les Japonais n'ont pas, c'est vrai, fait beaucoup de recherche fondamentale et beaucoup d'observateurs indiquaient, avec une certaine complaisance, que le Japon n'était pas une grande nation en matière de recherche. Or le Japon vient d'infléchir sa politique et de proposer une loi quinquennale qui fait une part très belle à la recherche fondamentale.
Mais rassurez-vous et il n'y a d'ailleurs pas d'inquiétude à avoir : la recherche fondamentale reste notre priorité et, si la France consacre une partie aussi importante de son effort de recherche à la recherche publique, c'est bien parce que la recherche fondamentale est prioritaire dans notre politique de recherche. Car ne nous faisons pas d'illusion, les entreprises et la recherche fondamentale, ne sont certes pas deux mondes différents - certaines entreprises font en effet de la recherche fondamentale -, mais chacun s'accorde à penser que la recherche fondamentale est l'apanage de l'Etat, de nos grands organismes de recherche, qu'il s'agisse du pilier universitaire ou du pilier des grands organismes que sont le CNRS, L'INSERM, L'INRIA et quelques autres.
Nous voulons maintenir notre rang, rester dans le peloton de tête des grandes nations de recherche. A cet égard, je voudrais tout de même rappeler que nous sommes troisième, ce qui veut dire que nous sommes devant l'Allemagne, quant aux dépenses de recherche par rapport au PIB.
J'entendais tout à l'heure certains orateurs s'inquiéter de la baisse de la participation de l'Allemagne sur les grands équipements internationaux. Cette attitude est à l'image du budget de la recherche de l'Allemagne, qui est en baisse profonde, alors que notre budget maintient l'essentiel.
Notre deuxième souci - MM. Revol et Lorrain l'ont fort bien souligné en appréciant, je crois à sa juste valeur, le comité interministériel du 3 octobre dernier - c'est d'avoir une politique scientifique qui soit claire, lisible et ambitieuse. Par lisible, j'entends une politique qui affiche les grandes priorités dont M. Lorrain a fait tout à l'heure une description précise et positive.
Ces grandes priorités se lisent de la recherche fondamentale à la recherche appliquée, pour employer des termes simples. Il ne s'agit pas d'opposer recherche fondamentale d'un côté, et recherche appliquée, de l'autre. Qui pourrait imaginer, par exemple, que l'on puisse faire de la recherche médicale - qui, je le rappelle, est l'une des sept priorités - sans commencer par de la recherche fondamentale ? Il en est de même en matière d'environnement et je pourrais ainsi décliner les sept priorités, à la fois en termes de recherche fondamentale et en termes de recherche appliquée.
Notre troisième souci est celui d'une gestion saine et d'un budget sincère. M. Trégouët, rapporteur spécial de la commission des finances, l'a rappelé dans son rapport, nous voulons mettre fin à l'inflation des autorisations de programme du début des années quatre-vingt-dix et dégager cette fois pour nos chercheurs des crédits qui soient immédiatement et réellement disponibles et non des chèques en bois, comme ceux qui ont été généreusement et abusivement donnés aux organismes de recherche, j'y reviendrai tout à l'heure, au cours des années 1988-1993. Je vous le dis aimablement, monsieur Carrère, puisque vous n'avez pas l'air de vous en souvenir, mais je ne veux pas engager de polémique avec vous sur ce sujet,...
M. Jean-Louis Carrère. Ce serait une de plus !
M. François d'Aubert, secrétaire d'Etat. ... les chiffres parlent d'eux-mêmes ! Je vais donc les citer sans les interpréter.
En mars 1993, nous avions, sur l'ensemble de la recherche, un retard de crédits de paiement par rapport aux autorisations de programme de 4,2 milliards de francs, dont 2,2 milliards de francs pour le fonds de la recherche et de la technologie et 2 milliards de francs pour les établissements publics à caractère scientifique et technologique, dont 1 milliard de francs pour le CNRS. Il y avait donc 4,2 milliards de francs de chèque en bois, c'est-à-dire d'autorisations de programme sans crédits de paiement ! Telle était l'originalité d'une certaine gestion... Je pense que personne n'approuve ce genre de pratique.
Au 31 décembre 1995, cet écart de 4,2 milliards de francs, dans une période de difficultés budgétaires qu'il faut rappeler, a été ramené à 2,9 milliards de francs. Au 31 décembre 1997 - le chemin est long pour revenir à la sagesse, à la rigueur que nous voudrions tout de suite, mais il y a malheureusement des retombées à gérer ! - nous aurons ramené cet écart de 4,2 milliards de francs à 1,3 milliard de francs.
Les laboratoires - ce qui nous intéresse, en effet, c'est bien le fonctionnement, la priorité des laboratoires - auront des moyens connus et il n'y aura pas de mauvaises surprises, tout au moins nous nous y employons.
Dans ce budget, nous avons donné la priorité absolue aux équipes de recherche et donc aux moyens des laboratoires. Certains se disent peut-être que, dans une ambiance budgétaire très difficile, si la priorité est accordée aux laboratoires, au recrutement et au rajeunissement dans ce budget, c'est que des sacrifices sont demandés par ailleurs.
M. Jean-Louis Carrère. Ça va faire mal !
M. François d'Aubert, secrétaire d'Etat. Nous avons demandé, c'est vrai, des efforts aux organismes de recherche pour maîtriser leurs frais de structure et leurs dépenses administratives. Mais personne ne peut, je crois, nous le reprocher.
De même, s'agissant des équipements internationaux, sujet qui a été abordé par MM. Henri Revol et Jean-Louis Lorrain, nous invitons les organismes qui gèrent les équipements internationaux à maîtriser, eux aussi, leurs frais généraux, sans pour autant remettre en cause des projets majeurs, comme pour le CERN la construction du Large Hadron Collider, le LHC.
A ce propos, je voudrais rassurer MM. Revol et Lorrain. Je ne vois pas comment on peut dire que le CERN risque de disparaître. Il s'agit d'une grande institution internationale en matière de recherche.
Le budget pour 1997 préserve ce que l'on appelle l'élan des grands équipements. Pour le CERN, trois projets de budget ont été préparés par la direction générale. Un conseil d'administration doit se tenir à la fin de l'année. J'ai pris acte de la proposition allemande qui est, il est vrai, très en retrait par rapport à ce qui serait nécessaire. Par ailleurs, nous avons indiqué que nous souhaitions qu'il y ait une maîtrise plus forte des frais généraux du CERN.
Quant au financement du LHC, il est, chacun le sait, très lié aux décisions qui seront prises par les Etats-Unis. Nous attendions les élections présidentielles américaines. Jusqu'à maintenant, les Etats-Unis n'ont pas encore donné de signes très évidents, mais il est certain que le LHC ne peut être construit et fonctionner qu'avec une participation de toutes les grandes nations scientifiques. Il ne s'agit pas uniquement d'une question de participation de l'Allemagne ou de la France. C'est aussi une question de nature et d'importance de la participation financière des Etats-Unis ou du Japon, bien que, pour ce dernier pays, le problème ne se pose pas dans les mêmes termes que pour les Etats-Unis.
Pour en revenir aux laboratoires, nous avons demandé aux organismes de donner la priorité à leur financement ; nous avons fait de même pour les laboratoires universitaires, dont les crédits progresseront au total de 3,7 %. Ces moyens permettront donc de poursuivre la politique de contractualisation avec les universités. En effet, ne l'oublions jamais, il existe deux piliers de la recherche : l'université et les grands organismes de recherche.
Comme il est d'usage dans un débat budgétaire, le problème des effectifs a été abordé par plusieurs orateurs, notamment par M. Carrère.
Je voudrais d'abord remercier ceux qui ont compris que nous voulions donner l'avantage et la priorité aux recrutements de chercheurs par les laboratoires dont dépend l'avenir de la recherche française.
En effet, comme les rapporteurs l'ont noté et comme chacun le sait, la pyramide des âges dans certains organismes n'est pas bonne. Il faut donc avoir, en matière de gestion des ressources humaines, une politique active qui passe d'abord par un accroissement de l'effort de recrutement des chercheurs, lequel se concrétise dans le budget. En effet, les recrutements de chercheurs et de personnels techniques dans les EPST augmenteront en 1997 de 7,5 % par rapport aux recrutements de 1996.
M. Jean-Louis Carrère. Cette année-là fut catastrophique !
M. François d'Aubert, secrétaire d'Etat. En outre - et c'est important pour la gestion des ressources humaines - de nouvelles mesures ont été prises en faveur de la mobilité, sujet qui a été abordé en particulier par M. Trégouët et je voudrais l'en remercier.
Il faut distinguer trois niveaux :
Le premier est une vieille lune, certes, mais que nous voudrions voir entrer dans le concret : il s'agit de la mobilité entre les organismes et l'université.
L'objectif que nous nous sommes fixé pour 1997 est de doubler les flux naturels entre les universités et les organismes de recherche. Je tiens à préciser que ces flux doivent s'entendre dans les deux sens et de façon équilibrée, pour atteindre environ 150 mobilités dès 1997.
Ce n'est qu'en affichant cette volonté d'équilibre - gardons-nous, dans cette affaire, d'avoir ni vainqueur ni vaincu pour privilégier une approche équilibrée entre les souhaits des deux intervenants - que nous réussirons à organiser efficacement la mobilité grâce au doublement des effectifs concernés en 1997.
Le second niveau est la mobilité avec l'entreprise. Il s'agit d'attirer les chercheurs publics vers les entreprises en assouplissant les conditions de détachement. Cela nous a amenés à porter à 150 % du salaire le plafond de rémunération des chercheurs publics qui vont dans le privé en étant mis à disposition. Cela devrait être une incitation intéressante pour les chercheurs.
Par ailleurs, chaque fois qu'une entreprise obtiendra des fonds du FRT, il lui sera demandé, en échange des subventions, de prendre des chercheurs publics non plus en mise à disposition - c'est une solution de facilité, puisque c'est l'organisme de recherche public qui paie - mais en détachement. Nous avons entamé des négociations avec de grands groupes industriels, avec des sociétés qui, d'habitude, sont en contact avec le FRT, pour engager cette nouvelle procédure qui est une sorte de donnant-donnant positif. Il est normal que des entreprises financées par le FRT dans le cadre de programmes technologiques recrutent en échange, en quelque sorte, des chercheurs publics.
Le troisième niveau c'est la mobilité qui existe aussi entre les générations, entre les anciens et les nouveaux venus. Les incitations au départ à la retraite des chercheurs confirmés sont également prévues pour 1997. Entre soixante et soixante-cinq ans, ils bénéficieront d'une prime, dégressive avec l'âge. Cette mesure, qui nécessite la modification d'un décret, s'appliquera d'abord au CNRS, à l'INSERM et à l'INRA, et devrait concerner environ cent cinquante chercheurs en 1997.
En outre, il sera mis fin, par une mesure législative - que, d'ailleurs, votre assemblée a déjà votée - au maintien des chercheurs en surnombre jusqu'à soixante-huit ans, mais ils pourront garder l'éméritat ou l'honorariat.
Voilà donc quelle est notre politique de gestion des ressources humaines pour les organismes de recherche. Elle fait également partie des décisions et des grands axes du comité interministériel.
Sur les priorités sectorielles de ce comité interministériel, je ne voudrais pas qu'il y ait d'ambiguïté quant à leur interprétation. Il ne s'agit pas de priorités à caractère obligatoire. Elles sont indicatives.
Les organismes, comme les universités, devront, pour résumer d'une formule, non pas s'y plier, mais s'y intéresser.
L'Etat demande aux organismes de réserver, dès 1997, plus de 10 % de leur budget de fonctionnement, c'est-à-dire hors salaires, et progressivement 20 % - et non pas, comme a cru le comprendre M. Renar, 20 % pour 1998, car j'ai évoqué ce pourcentage de 20 % au comité ministériel, mais la date n'est pas fixée - aux projets de recherche prioritaires à la fois pour le Gouvernement et pour les organismes. En effet, les organismes, en particulier le CNRS, souhaitent introduire davantage de pluridisciplinarité dans les projets de laboratoire, ce dont il doit être tenu compte dans les budgets.
Je voudrais dire un mot sur l'une des quatre priorités sectorielles qui concernent les industries électroniques et les technologies de l'information, dont MM. Trégouët et Laffitte ont parlé tout à l'heure avec beaucoup de justesse.
Il est vrai qu'il y a eu une sorte de concours de circonstances. Tout d'abord, ce sont des domaines manifestement prioritaires pour un grand pays de recherche comme la France, et cela pour deux raisons : dans le cadre de la compétition internationale, pour bien se placer sur la scène internationale, et également dans la perspective d'une modification des statuts de France Télécom.
Un rapport a été demandé à M. Didier Lombard et à M. Gilles Kahn par M. Fillon et moi-même pour tracer des perspectives. Il s'agit, il est vrai, d'une recherche extraordinairement riche et importante pour la France. La nouvelle stratégie doit-elle passer par la création d'une agence comme le propose M. Laffitte ou par la création d'un réseau national de recherche en télécommunications comme le suggèrent les auteurs du rapport ? Le sujet n'est pas tranché à ce jour.
Toutefois, quelle que soit la solution retenue, l'objectif est bien de préserver et même d'augmenter nos atouts dans ce secteur clé pour l'avenir de notre économie.
Pour répondre à M. Lorrain sur un point important qui l'inquiète, celui des structures du CNRS, je dirai qu'il n'est pas question de modifier les strutures de cet élément ni la composition ni les moyens du comité national de la recherche scientifique. Je l'ai dit devant les organisations syndicales et je le répète devant le Sénat.
Je voudrais maintenant revenir rapidement sur un point qui a été évoqué très positivement par MM. Laffitte, Rausch et Trégouët, c'est-à-dire la priorité donnée à l'innovation.
La recherche, c'est vrai, fait partie de la grande chaîne de l'innovation. Cela ne veut sans doute pas dire que toute innovation s'adosse à un effort de recherche ou à une découverte de la recherche. Mais c'est vrai aussi que de nombreux brevets utilisés dans les entreprises pour de nouveaux produits, de nouveaux procédés, découlent effectivement d'opérations liées à la recherche.
Nous devons tout faire pour mobiliser davantage l'épargne privée autour de projets innovants.
Nous créons les fonds communs de placement-innovation. C'est vrai que le Sénat a une grande paternité dans cette affaire car, depuis longtemps, M. Laffitte propose cette formule. Ils permettront d'alimenter en fonds propres des entreprises innovantes qui obtiendront le label de l'ANVAR - c'est la définition des entreprises innovantes - notamment dans des PME-PMI, en particulier en région. Je crois que cela correspond très exactement à ce que vous souhaitez.
En ce qui concerne le crédit impôt-recherche, nous avons introduit une nouvelle procédure qui est inscrite dans un texte de loi. L'administration disposera d'un délai de six mois pour répondre à l'entreprise sur l'éligibilité de ses travaux au titre du crédit d'impôt-recherche. Il est certain, monsieur Trégouët, que, dans ce domaine, il y a encore certainement un grand nombre de choses à améliorer. Je sais que le Sénat, la commission des finances en particulier, et vous surtout, avez des idées très positives sur le sujet.
Quant aux FCPI - les fonds communs de placement-innovation - j'espère qu'ils ont un grand avenir. Avec un plafond, fixé actuellement dans le projet de loi adopté par l'Assemblée nationale à 37 500 francs pour une personne, et à 75 000 francs pour un couple, il constituerait sans doute une mesure positive. Je ne veux pas fixer de calendrier - je ne suis pas ministre du budget - mais j'aurais préféré que ce plafond soit un peu plus élevé. Cependant, je pense que l'important est de disposer d'un véhicule financier qui permette de drainer de l'épargne, qu'il s'agisse d'épargne de proximité ou d'épargne spécifique à certains secteurs - je pense par exemple aux biotechnologies ou aux télécommunications - et que cette épargne puisse être dirigée vers des entreprises innovantes, avec un avantage fiscal qui représente 25 % de 75 000 francs en déduction d'impôt. Cela fait partie du dispositif proposé pour valoriser la recherche.
Il nous faut procéder à d'autres ations, en particulier favoriser l'essaimage. Monsieur Trégouët, sur ce sujet nous menons avec la Chancellerie et la fonction publique une négociation qui n'est pas facile, car, s'agissant des chercheurs publics qui voudraient créer leur entreprise ou être administrateurs ou gérants d'une entreprise, nous nous heurtons à deux problèmes : le statut de la fonction publique et les conflits d'intérêt réprimés par le code pénal.
Nous essayons de trouver un système qui permettrait à des chercheurs de créer leur entreprise et d'être pleinement responsables.
Je crois, monsieur Carrière, qu'en ce qui concerne l'effort de recherche des entreprises, il ne faut pas être trop pessimiste. Ça va, ça vient... Moi aussi, je souhaite que les entreprises, en particulier les grands groupes, investissent plus dans la recherche, et surtout en Europe, naturellement en France. Il y a un risque certain de délocalisation de notre capital national de recherche. Il ne faudrait pas que le centre de gravité des laboratoires de recherche d'un certain nombre de grands groupes parte vers les Etats-Unis. Il faut que ceux-ci restent européens.
Monsieur Carrère, vous avez évoqué tout à l'heure la question de Hoechst-Marion-Roussel.
Dans le cadre de la restructuration du pôle mondial de la chimie et de la pharmacie de Hoechst-Marion-Roussel se posait la question des laboratoires Roussel en France. Nous avons voulu défendre les intérêts de la recherche française et des laboratoires Roussel. Nous avons négocié la préservation en France des centres de recherche, et plus encore l'ancrage de la recherche industrielle menée par ce groupe dans notre système public grâce au développement de laboratoires mixtes.
Par ailleurs - je tiens à en informer le Sénat - une dotation exceptionnelle de 220 millions de francs permettra de mener des projets décidés conjointement par Hoechst et le ministère de la recherche dans le cadre sans doute d'une fondation. Cela permettra le cofinancement de projets Roussel et de projets de laboratoires publics, en particulier de laboratoires de l'INSERM.
Je ne reviendrai pas sur des points qui ont été abordés par les rapporteurs, en particulier les efforts maintenus en faveur de nos grandes priorités stratégiques, qui sont au nombre de trois : l'aéronautique, le nucléaire et l'espace. Je répondrai simplement à deux interrogations de M. Revol.
Monsieur le sénateur, les recherches correspondant à l'incinération-séparation des déchets nucléaires à vie longue bénéficient dans le budget d'une dotation de 217 millions de francs contre 194 millions de francs en 1996.
Par ailleurs, le projet de réacteur de M. Carlo Rubbia est étudié actuellement conjointement par le Commissariat à l'énergie atomique - CEA - le Centre national de la recherche scientifique - CNRS - et par EDF, au sein d'un groupement de recherches appelé Gédéon, dont je souhaite qu'il puisse répondre aux incertitudes qui demeurent sur la faisabilité technique ou le niveau de sûreté de ce projet défendu avec beaucoup de ferveur par M. Rubbia.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les orientations de ce budget. Il y aurait encore naturellement beaucoup de sujets à évoquer. Je voudrais simplement remercier MM. les rapporteurs, ainsi que les orateurs des groupes qui apportent leur soutien à ce budget, qui est un budget ambitieux, traduisant une priorité pour la recherche qui a été réaffirmée et confirmée par le Gouvernement et par le Premier ministre lors du comité interministériel du 3 octobre dernier. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C et concernant l'éducation nationale, l'enseignement supérieur et la recherche : III. - Recherche.

ETAT B

M. le président. « Titre III : 380 903 572 francs. » Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits sont adoptés.)