M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant l'industrie, la poste et les télécommunications : I. - Industrie.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Bernard Barbier, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de l'industrie est l'un des budgets qui diminuent le plus fortement dans le projet de loi de finances pour 1997. En effet, avec quelque 14 140 millions de francs, il s'inscrit en baisse de près de 17 % par rapport à celui de l'année dernière.
Cette diminution s'inscrit dans une tendance générale, observée depuis plusieurs années, de baisse des crédits de l'industrie. Ce budget est, en effet, passé de 20 milliards de francs dans la période 1992-1993 à 14 milliards de francs cette année. Les crédits d'intervention et les dépenses d'investissement ont subi les plus fortes réductions.
Dans le projet de loi de finances pour 1977, tous les titres du budget sont en diminution et sont donc appelés à contribuer à l'effort de maîtrise de la progression de la dépense publique. Les dépenses d'intervention diminuent de plus de 27 % et les crédits d'investissement d'un peu plus de 20 %.
L'analyse détaillée de ces crédits figure dans mon rapport écrit. Aussi, je vais limiter mon propos à un certain nombre d'observations. Je vous poserai également, monsieur le ministre, quelques questions.
S'agissant des crédits énergétiques tout d'abord, la subvention à Charbonnages de France pour 1997 diminue de 1,6 milliard de francs. Cette subvention est passée de près de 7 milliards de francs en 1991 à moins de 3 milliards de francs aujourd'hui, soit une baisse très significative, alors que les besoins de l'entreprise n'ont pas été réduits dans les mêmes proportions, bien au contraire.
Le Gouvernement promet, en contrepartie, le versement d'une dotation en capital de 2 440 millions de francs. Mais cela ne suffira pas à combler les besoins de Charbonnages de France dont la situation financière est particulièrement alarmante. Je vous rappelle que l'endettement de cette entreprise, qui reviendra à la charge de l'Etat dans quelques années, s'élève déjà à près de 30 milliards de francs et que la charge financière de cette dette représente plus de 40 % du chiffre d'affaires de Charbonnages de France. Aussi, si l'on fait bien une économie cette année, il faut avoir conscience que l'on crée parallèlement une charge importante et inéluctable pour les années futures. Cela est, pour la commission des finances, une véritable préoccupation.
J'en viens au Commissariat à l'énergie atomique, le CEA. Sa subvention de fonctionnement atteint 3,7 milliards de francs et progresse de 1,1 %. En revanche, les crédits d'investissement qui lui sont destinés pour ses activités civiles - d'un montant bien inférieur, il est vrai - sont réduits sensiblement, de 200 millions de francs à 50 millions de francs. Ces crédits ont connu une évolution particulièrement erratique au cours des dernières années, ce qui nuit à la visibilité nécessaire pour mener à bien des programmes de recherche d'une telle importance. Pour 1997, le Gouvernement a cependant décidé de corriger cette baisse par l'octroi d'une dotation en capital de 350 millions de francs.
Cependant, comme pour la dotation affectée à Charbonnages de France, il faut noter le caractère aléatoire de ces crédits. Leur versement dépendra en effet du montant des privatisations qui seront effectuées cette année, de leur rythme d'encaissement et des priorités qui seront retenues par le Gouvernement pour l'attribution des dotations en capital. En effet, les besoins de dotations en capital en 1997 risquent, hélas ! d'être nombreux à satisfaire.
Enfin, il faut remarquer que si les débudgétisations ainsi effectuées permettent une économie de l'ordre de 2 milliards de francs sur le budget de l'industrie, elles n'en rendent pas moins indispensables les dépenses correspondantes.
Les autres crédits de politique énergétique sont également en diminution, et notamment les subventions de fonctionnement et d'investissement en faveur de l'ADEME, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie. A ce sujet, monsieur le ministre, des mesures vont-elles être prises pour améliorer la gestion de cette agence qui est en déficit mais qui a aussi la charge de gérer d'importants excédents au titre du produit de taxes parafiscales ? Quelle solution pourrait-on adopter pour remédier à cette situation ?
J'en viens aux crédits relatifs à la politique industrielle.
Parmi les crédits affectés à la recherche industrielle et à l'innovation, les subventions de fonctionnement et d'investissement à l'ANVAR, l'Agence nationale de valorisation de la recherche, diminuent et les crédits des grands programmes sont fortement réduits, principalement du fait de l'étalement de certains grands programmes interministériels sur une année supplémentaire.
Seule la dotation destinée à la diffusion des techniques auprès des PMI est maintenue à son niveau antérieur. D'une façon générale, les crédits d'aide aux PMI sont plutôt moins réduits que les autres dans le projet de budget pour 1997, ce qui, monsieur le ministre, à défaut d'être suffisant, constitue un choix opportun.
Les crédits d'accompagnement de l'activité industrielle sont également en diminution, de 11,7 % par rapport à 1996.
Ils comprennent des crédits variés, presque tous en baisse. Nous espérons cependant que la décision d'étaler sur une année supplémentaire l'application des contrats de plan Etat-région ne sera pas prorogée l'année prochaine car il s'agit de crédits utiles et nécessaires pour mener une politique d'aménagement du territoire.
Par ailleurs, des économies sont faites sur les crédits destinés aux restructurations industrielles. En effet, ce chapitre bénéficiera de reports de crédits importants du fait de l'accumulation de crédits non consommés. Cela est de bonne gestion.
Au sein de ces crédits relatifs à la politique industrielle, un seul chapitre connaît une véritable progression. Il s'agit des aides à la construction navale, qui atteignent 850 millions de francs en autorisations de programme et 750 millions de francs en crédits de paiement, soit des hausses respectives de 23 % et de 6 %. Grâce à ces ouvertures, les aides à la commande prévues pourront être accordées.
Cet examen rapide des crédits de l'industrie montre bien à quel point il s'agit d'un budget rigoureux.
Il permet toutefois de maintenir une relative priorité en faveur des PMI et de la formation des ingénieurs. Par ailleurs, il crée les conditions de la mise en place du nouveau cadre réglementaire des télécommunications, toutes choses que nous pouvons constater avec satisfaction.
Avant de conclure, je voudrais dire quelques mots de la situation du secteur public industriel et énergétique.
M. Félix Leyzour. Thomson !
M. Bernard Barbier, rapporteur spécial. Dans le secteur industriel, après les privatisations de Pechiney et de Renault, il ne reste plus que deux groupes à majorité publique, Bull et Thomson.
M. Félix Leyzour. Ah !
M. Bernard Barbier, rapporteur spécial. La privatisation de ces deux groupes est toutefois en cours.
Le Gouvernement avait annoncé son intention de céder de gré à gré Thomson au groupe Lagardère.
M. Félix Leyzour. Il a dû céder !
M. Bernard Barbier, rapporteur spécial. Or cette cession est suspendue à la suite de l'avis de la commission de privatisation. Pourriez-vous nous dire ce soir, monsieur le ministre, où nous en sommes exactement ?
La commission des finances souhaiterait également savoir où en est le rapprochement en cours de négociation entre Alcatel et Framatome. Il y va en effet de l'avenir d'un maillon important de la filière nucléaire française, et il est essentiel que ce rapprochement soit opéré dans la plus grande clarté et de manière à préserver nos intérêts.
Dans le domaine énergétique, nos opérateurs publics se trouvent aussi confrontés à de nouvelles perspectives. L'ouverture du marché européen de l'énergie représente un vrai défi pour EDF et GDF, même si ces deux entreprises sont en relativement bonne position pour affronter la concurrence. Le redressement de leur situation financière est devenu un atout pour l'une comme pour l'autre.
Il convient cependant de veiller à ce que de véritables efforts soient encore accomplis par EDF et GDF pour franchir, dans de bonnes conditions, une nouvelle étape de leur développement. Ainsi, il est essentiel que les relations avec l'Etat, notamment financières, soient définitivement clarifiées et que des règles précises soient établies.
Par ailleurs, les contrats de plan en cours de négociation devront comporter les éléments d'une réflexion et d'une politique claire et cohérente sur l'avenir de la filière nucléaire en France et en Europe, sur la question du démantèlement des installations existantes ainsi que sur le degré d'internationalisation souhaitable de chacune de ces entreprises.
En conclusion, je vous indique, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, que, sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances a décidé d'émettre un avis favorable sur le projet de budget de l'industrie pour 1997. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Grignon, rapporteur pour avis.
M. Francis Grignon, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour l'industrie. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le rapport pour avis du budget de l'industrie que j'ai l'honneur de vous présenter, hormis l'énergie, l'espace et l'armement qui ne sont pas de ma compétence, se caractérise par deux faits saillants : d'une part, une rigueur budgétaire très stricte et, d'autre part, des nouveautés en matière d'aide à l'innovation.
Je ne reviens pas sur les chiffres qui viennent d'être présentés par notre collègue M. Bernard Barbier, je voudrais surtout m'attacher à vous présenter l'importance que revêt l'innovation, les dysfonctionnements dont elle souffre et les remèdes apportés pour la dynamiser.
Je regrette, pour ma part, la baisse des dotations de l'innovation d'une année sur l'autre ; je le regrette, car je considère que l'innovation est un des facteurs importants de la relance, sinon du maintien de l'activité économique.
Que ces innovations soient technologiques - ce sont les plus reconnues - commerciales, organisationnelles ou financières, qu'elles aient pour objectif d'améliorer un produit - plus de 80 % des cas - ou de créer un nouveau produit, elles sont indispensables à côté de bien d'autres démarches, certes, soit pour créer des emplois, soit pour maintenir des emplois puisque les innovations de procédés sont souvent des conditions de survie de l'entreprise.
Sans citer de nom, je puis donner dans ce domaine l'exemple de ce grand groupe français spécialisé dans les boissons alcoolisées à base d'anis qui a dû innover dans la création d'une nouvelle bouteille, donc de nouvelles chaînes d'embouteillage, simplement pour lutter contre les « sans marques ».
Je regrette, certes, cette baisse de dotations, mais je dois reconnaître que le frein à l'innovation résulte non pas toujours du manque de moyens financiers qui freine l'innovation mais plutôt des dysfonctionnements d'organisation, de procédure ou de communication à l'intérieur comme à l'extérieur de l'entreprise.
Ces dysfonctionnements peuvent être de natures très diverses.
Il est dommage, par exemple, qu'un chercheur de l'université, qui doit, dans le processus d'innovation, passer beaucoup de temps en réitérations successives avec l'entreprise, soit noté sur le volume de ses publications plutôt que sur le nombre de ses contrats ou l'efficacité de ceux-ci.
L'entreprise, et surtout la PME ou la PMI qui veut innover, doit faire face à de multiples problèmes : au niveau des financements, parce que les banques ont encore du mal à financer l'immatériel qui est, au départ, de l'innovation ; au niveau de la formation, qui ne peut pas être strictement adaptée aux besoins de l'entreprise et qui devra se développer de plus en plus en alternance ; au niveau des partenariats avec l'université, qui a ses règles et sa culture ; au niveau de la connaissance des programmes communautaires ; au niveau de l'élaboration du processus de protection industrielle enfin, en dépit des efforts faits par nos administrations.
Face à ces problèmes, il faut à nos PME et à nos PMI un guide, un chef de file qui les conduise à travers les chemins de l'innovation, parce que ces entreprises de taille moyenne ont un rôle important à jouer, à côté de nos grands groupes.
C'est une sécurité pour nous tous que de garder des entreprises performantes dont les centres de décision sont attachés à leur terroir.
Quand je parcours le Bade-Wurtemberg, voisin de l'Alsace dont je suis originaire, je constate que chaque village ou presque a son usine. Les emplois que nos PME et nos PMI génèrent sont des emplois de qualité. C'est la raison pour laquelle il me semble important de leur apporter toute l'expertise dont elles ont besoin.
A cet effet, nous devons reconnaître que de véritables innovations sont mises en oeuvre aussi bien au niveau des méthodes que des types d'aides apportées par notre ministère de l'industrie.
C'est le cas, s'agissant des méthodes, à travers trois actions majeures : la mise en place d'un interlocuteur unique des services du ministère face à l'entrepreneur, le renforcement des moyens de l'ANVAR en région et la mise en place du serveur « Evariste Innovation » sur Minitel et Internet.
C'est également le cas, s'agissant des types d'aides : ces dernières seront axées sur les cent technologies clefs identifiées par le ministère, dont cinquante sont prises en considération dans un premier temps ; par ailleurs, elles seront validées en fonction de la création d'emplois identifiables dès le départ, lors de l'instruction du dossier par l'ANVAR. C'est la procédure Atout.
Trois domaines technologiques transversaux ont été retenus dans la procédure Atout : celui des composants électroniques, celui des nouveaux matériaux et technologies associées, celui de l'intégration informatique. Elles ont un point commun important, qui est de diffuser des techniques connues mais non mises en oeuvre dans les PME, parce que les chefs d'entreprise n'ont pas toujours le souci de ces améliorations.
Ces nouvelles approches à travers les méthodes et les aides, qui vont dans le sens d'une plus grande pertinence dans l'emploi des fonds publics et d'un partenariat plus proche des entreprises, sont nécessaires et positives. Il faut bien reconnaître aussi que l'entrepreneur se laisse parfois emporter par des démarches qui sont innovantes à la marge ou qui répondent à un besoin du marché mais qui débouchent sur des produits ne se vendant pas car coûtant trop cher.
En conclusion, mes chers collègues, je vous propose d'adopter le projet de budget qui, malgré l'encadrement dont il est l'objet, permet d'honorer les actions engagées grâce à des efforts d'organisation, de rationalisation et d'imagination remarquables. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Besson, rapporteur pour avis.
M. Jean Besson, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour l'énergie. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les années 1995 et 1996 ont été riches en événements intéressant le secteur de l'énergie.
L'événement le plus important concerne sans doute le projet de directive communautaire sur le marché intérieur de l'électricité, adopté par le Conseil européen extraordinaire du 20 juin 1996. S'il impose des dispositions aux Etats membres, ce projet laisse également une marge de manoeuvre aux pays, notamment les modalités d'accès au réseau et le choix du type de consommateurs éligibles. Il tient ainsi compte des thèses défendues par la France, ce dont la commission des affaires économiques et du Plan se félicite.
Je tiens toutefois à vous rappeler mon attachement aux principes essentiels suivants, monsieur le ministre : la préservation de l'efficacité de notre politique énergétique, avec l'indépendance, la planification à long terme des investissements et la sécurité des installations ; la conservation de l'organisation actuelle de la distribution et la confirmation d'EDF dans ses missions de service public et dans sa structure d'entreprise d'Etat à caractère intégré, afin de garantir la péréquation tarifaire sur l'ensemble du territoire ; enfin, le maintien du statut du personnel d'EDF.
La discussion sur l'éventuelle ouverture à la concurrence du marché européen du gaz s'est ouverte tout récemment - en juillet dernier - et elle s'annonce difficile.
Compte tenu de la spécificité du marché gazier, la commission des affaires économiques souhaite que soit préservée la capacité des opérateurs à prendre des risques associés à la conclusion des contrats d'approvisionnement à long terme. En effet, seuls ces derniers sont de nature à garantir la sécurité de nos approvisionnements.
Il faut également que les Etats membres gardent la faculté de définir les missions de service public du secteur gazier.
L'avenir de la filière nucléaire française, en particulier dans l'hypothèse d'une fusion de Framatome et de GEC-Alsthom - M. le rapporteur spécial a d'ailleurs évoqué ce point - constitue un autre sujet majeur suscitant les inquiétudes de la commission des affaires économiques. Il convient de préserver les choix de stratégie industrielle de Framatome et les moyens de les réaliser.
Par ailleurs, la commission des affaires économiques s'est inquiétée du caractère précaire d'une partie non négligeable des ressources affectées aux investissements du CEA et devant provenir soit des privatisations, soit des cessions d'actifs de CEA-Industrie.
En outre, préoccupé par les suppressions d'emplois qui devraient accompagner la fermeture de certains sites, y compris la COGEMA, la compagnie générale des matières nucléaires, dans mon département, je souhaite que les nouveaux programmes en ce domaine soient développés sur les sites existants.
S'agissant des économies d'énergies et des énergies renouvelables, j'aimerais, monsieur le ministre, que vous nous exposiez vos intentions concernant la filière bois-énergie, qui mériterait d'être davantage encouragée.
Par ailleurs, je m'inquiète des conditions dans lesquelles l'ADEME, l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, pourra désormais poursuivre ses missions dans la mesure où le projet de budget de votre ministère prévoit une forte baisse des crédits consacrés à cet organisme.
S'agissant de nos deux grands opérateurs publics que sont Electricité de France et Gaz de France, la commission des affaires économiques souhaite impérativement que les contrats qui les lient avec l'Etat et qui devraient être renouvelés d'ici à la fin de cette année - le contrat de plan pour EDF et les contrats d'objectifs pour GDF - clarifient les relations entre l'Etat et ces deux entreprises. On ne peut, en effet, continuer à multiplier les prélèvements inopinés de façon non concertée et non programmée, comme cela a été le cas ces dernières années, sauf à risquer d'entraver les entreprises dans leur politique de désendettement et de compétitivité, surtout au moment où elles sont confrontées à une concurrence croissante.
Le secteur pétrolier connaît une embellie conjoncturelle depuis le début de l'année 1996, embellie qui ne doit pas cacher des problèmes structurels persistants : la fiscalité applicable à la production doit être adaptée pour la rendre plus attractive ; la restructuration tarde dans le secteur du raffinage ; les marges de distribution sont très faibles, et de nombreuses stations-service sont en difficulté, surtout dans les milieux ruraux. Il est probable que le fonds de 60 millions de francs destiné à les aider ne leur suffira pas pour garder la tête hors de l'eau... Enfin, monsieur le ministre, le Gouvernement a récemment présenté au Parlement un rapport sur les conséquences de l'utilisation du gazole, qui conclut à un nécessaire rééquilibrage de la fiscalité sur les carburants.
La commission des affaires économiques souhaite que le Gouvernement ait le courage politique de réduire progressivement cet écart.
Parallèlement, des solutions devront bien entendu être trouvées pour que la compétitivité des transports routiers et de notre industrie automobile n'en souffre pas.
Enfin, la commission des affaires économiques s'inquiète de l'accroissement de l'endettement des Charbonnages de France et du caractère aléatoire d'une partie de leurs ressources.
En conclusion, la commission des affaires économiques, dans sa majorité, a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de l'énergie pour 1997. (Applaudissements sur certaines travées socialistes, ainsi que sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 20 minutes ;
Groupe socialiste, 18 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 14 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 16 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 5 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 5 minutes.
La parole est à M. Foy.
M. Alfred Foy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cinq minutes pour décortiquer un budget aussi riche que celui de l'industrie, voilà qui relèverait d'un exploit surhumain !
Je me contenterai donc, mais à regret, de quelques remarques tout à fait liminaires.
Dans le cadre général de la maîtrise des dépenses publiques, voulue par le Gouvernement, votre budget, monsieur le ministre, est l'un de ceux qui diminuent fortement.
Il est vrai que votre ministère, par essence colbertiste et interventionniste, n'est guère dans le vent européen, et que ses crédits baissent ainsi sans discontinuer depuis 1991.
L'exercice était donc bien malaisé, et je tiens à vous rendre un hommage appuyé, car vous avez réussi à maintenir les grands équilibres et les objectifs que vous vous étiez fixés.
Trois priorités sont en effet réaffirmées dans ce budget : l'aide aux restructurations industrielles, au développement technologique, et, enfin, aux petites et moyennes entreprises. Ce dernier point me semble d'autant plus important que les PMI sont particulièrement fragilisées dans le contexte économique actuel, alors même qu'elles constituent un vivier d'emplois.
Le rapprochement de l'Agence nationale de valorisation de la recherche avec les directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement était indispensable, dans un but de simplification et d'efficacité, et je ne peux donc que me réjouir de cette initiative. Il est évident en effet que, aujourd'hui, les aides publiques aux PME et aux PMI sont beaucoup trop complexes et diverses. A cet égard, le récent rapport sur cette question de notre collègue Bernard Carayon, député du Tarn, est riche d'enseignements sur la nécessité d'unifier les différentes aides publiques.
Un autre aspect de ce budget appelle également un rapide commentaire : trois postes voient leurs dotations réduites au motif que des dotations en capital, inscrites sur compte d'affectation spéciale, viendront en compenser la baisse : il s'agit de la subvention de fonctionnement à Charbonnages de France, de la subvention d'investissement au Commissariat à l'énergie atomique et des crédits de reconversion des zones minières. Je souhaiterais savoir, monsieur le ministre, si ces débudgétisations feront jurisprudence, si j'ose dire, pour les années à venir.
Enfin, le dernier point que je souhaite soulever ici concerne l'attitude de la Commission européenne. C'est ma grande inquiétude. L'élu du Nord que je suis a, vous l'imaginez bien, suivi de près les péripéties de votre courageux plan d'aides au secteur textile.
D'après une étude menée par les instances communautaires, l'ouverture provoquée par le GATT aurait eu pour conséquence une baisse de la production dans l'Union européenne de l'ordre de 1 % et une perte de près de 5 % des emplois dans ce secteur.
Cela seul justifiait l'action des pouvoirs publics en faveur de cette industrie, et le dispositif mis en place par la loi du 12 avril dernier fut accueilli comme un soulagement, dans la mesure où son article 99 prévoyait une exonération dégressive des charges patronales sur les plus bas salaires.
Malheureusement, les autorités de Bruxelles y mettent de sérieux freins ; on aurait souhaité qu'elles se montrent aussi sévères à l'égard des pays de l'Union qui ont pratiqué des dévaluations compétitives, tant elles se montrent aujourd'hui intransigeantes avec la France dans l'orthodoxie avec laquelle elles défendent l'article 92 du traité de Rome, relatif aux aides d'Etat. Cette position est d'autant plus incompréhensible et incohérente que les dévaluations de la lire, de la peseta et de la livre étaient totalement contraires à l'esprit de l'Union, puisqu'elles ont entraîné un déséquilibre des échanges intracommunautaires. C'est ainsi qu'elles ont considérablement aggravé les difficultés de l'industrie textile française.
L'ultra-libéralisme de la Commission ne laisse donc pas d'inquiéter.
M. Félix Leyzour. Tout à fait !
M. Alfred Foy. Notre pays, dont la tradition se trouve ainsi mise à mal, est amené à faire des efforts considérables pour s'adapter à cette nouvelle donne.
Monsieur le ministre, vous qui êtes également ministre de la poste et des télécommunications êtes bien placé pour savoir que nos services publics sont gravement menacés dans leur existence. Même l'avenir de La Poste me donne quelque crainte. Qui peut dire en effet que, dans un avenir plus ou moins proche, une combinaison des articles 37 et 90-2 du traité ne la mettra pas à mal ?
Toute la question est là : l'Europe que nous voulons sera-t-elle ultra-libérale ? Qu'adviendra-t-il de notre politique industrielle, notion à laquelle les instances européennes sont plus que rétives ? Une politique industrielle commune sera-t-elle mise en place un jour ? Voilà toutes les questions que je tenais à vous poser, monsieur le ministre.
Cela étant dit, quoi qu'il advienne, les sénateurs non inscrits, connaissant votre volonté de défendre les intérêts de notre pays, vous font confiance pour faire valoir la position de la France sur tous les grands dossiers dont vous avez la charge. C'est pourquoi ils voteront votre budget. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Félix Leyzour. « Quoi qu'il advienne » !
M. le président. La parole est à M. Revol.
M. Henri Revol. Monsieur le ministre, l'un de vos prédécesseurs avait déclaré une fois qu'il serait heureux le jour où son ministère n'existerait plus.
M. Félix Leyzour. C'est presque fait !
M. Henri Revol. Par cette boutade, il voulait exprimer son souhait que l'Etat renonce à un interventionnisme bien de tradition dans notre pays colbertiste.
On pourrait croire, en considérant sans analyse la baisse globale de 17 % de votre budget, que vous souscrivez à ce point de vue.
Comme vous l'avez rappelé à l'Assemblée nationale, on ne peut, d'un côté, sélectionner les recettes et, de l'autre, globaliser les dépenses ; la baisse effective de votre budget est plutôt de 0,7 %, compte tenu des dotations en capital qui serviront pour le CEA, pour Charbonnages de France et pour le fonds d'industrialisation des bassins miniers.
J'aborderai, au cours de cette intervention, quelques sujets qui me paraissent importants et qui ont déjà, pour plusieurs d'entre eux, été abordés dans les excellents rapports qui nous ont été présentés.
Dans le cadre de cette discussion budgétaire, vous me permettrez, monsieur le ministre, de revenir sur la procédure de privatisation de Thomson.
Le Gouvernement vient d'annoncer ce matin que, en raison de l'avis négatif rendu par la commission de privatisation, il suspendait cette procédure. Je dois vous l'avouer, monsieur le ministre, cette décision, bien que logique, dans la mesure où le Gouvernement est tenu par cet avis, me déçoit.
Mon département, la Côte-d'Or - c'est aussi celui de M. le rapporteur spécial - est, parmi d'autres, concerné au premier chef par l'avenir de Thomson, qui y compte cinq sites, d'autres de Thomson CSF, d'autres de TMM.
En tant qu'élu local et national, j'ai pu m'entretenir, comme mes collègues, d'ailleurs, tant avec les représentants des groupes Lagardère et Daewoo qu'avec les différents acteurs locaux de TMM.
Je ne doute pas que l'avis rendu par la commission de privatisation ait été influencé, pour ne pas dire altéré, par la grande appréhension qu'ont montrée les salariés de TMM,...
M. Félix Leyzour. Bien sûr !
M. Henri Revol. ... légitimement inquiets pour leur avenir, à l'égard de l'offre de Daewoo. Tous ne sont pas opposés à la privatisation, mais ils étaient nombreux à craindre un nouveau « péril jaune ».
Monsieur le ministre, mes chers collègues, notez bien que je reprends là une expression que j'ai pu voir moi-même sur les banderoles de certains manifestants. Je me permets d'exprimer ici ma stupéfaction que certains syndicats, prompts à dénoncer, à juste titre, la xénophobie et le racisme de certains, aient pu se laisser entraîner vers de telles dérives.
M. Pierre Laffitte. Très bien !
M. Henri Revol. Alors que la région Lorraine s'est battue pour des implantations industrielles coréennes et semble en être satisfaite, pourquoi ce tintamarre ?
Les médias, en particulier la télévision, n'ont pas manqué de diffuser de nombreux reportages montrant sous un jour plus que sombre les méthodes de travail coréennes : droit du travail bafoué, méthodes brutales, syndicats moins que désirables.
Je vois, pour ma part, dans ces attitudes le reflet d'une défiance que je qualifierai de « culturelle » à l'égard du Japon et de ces nouvelles puissances industrielles asiatiques. A titre d'anecdote, rappelons-nous tel Premier ministre français qui avait comparé les Japonais à des fourmis ! (Sourires.)
Cependant, sans méconnaître les inquiétudes légitimes des salariés de TMM, comme je l'ai déjà indiqué, le jeu est dangereux qui consiste à vouer à l'opprobre un groupe qui, s'il trouvait des intérêts dans sa stratégie industrielle au rachat de TMM, était, d'une part, complémentaire de TMM et s'était, d'autre part, engagé à créer 5 000 emplois, à terme, en France. Quoi qu'on en dise, l'objectif sur lequel s'était engagé Daewoo a été tenu en Lorraine. Il y a quelque chose de choquant à réclamer à cor et à cri l'ouverture des marchés asiatiques et, dans le même temps, à mépriser les offres d'investissement de ces mêmes pays.
Je suis, monsieur le ministre, mes chers collègues, littéralement stupéfait par les déclarations de certains responsables politiques et syndicaux qui parlent de « bradage » de l'industrie française. Ainsi, si l'on suit ce raisonnement, il serait dans l'ordre naturel des choses que, par exemple, un grand assureur français rachète le premier assureur australien, que EDF s'implante en Afrique du Sud ou en Argentine, que Thomson ait racheté RCA à General Electric en 1987, alors que la France pourrait jouer la coquette et la fière en déclinant l'offre de Daewoo pour des raisons plus ou moins spécieuses !
En effet, on aura entendu beaucoup d'arguments pour convaincre coûte que coûte les Français que, décidément, les offres de ces Coréens n'avaient rien de bon.
Ainsi, TMM, qui oeuvre, à travers certaines de ces activités, dans des domaines sensibles, devrait, paraît-il, rester public. Or, les entreprises d'armement américaines, à ce qu'il semble, ne sont pas les moins performantes, bien qu'elles aient l'insigne inconvénient d'être privées.
Par ailleurs, TMM, pour ces mêmes raisons, devrait rester français. C'est oublier, d'une part, que l'on ne peut aller à contre-courant d'une internationalisation croissante de l'économie et, d'autre part, que, sur les 50 000 salariés de TMM, 5 000 seulement travaillent en France.
Gardons-nous donc d'une trop grande frilosité, qui, à terme, pourrait nous être dommageable !
J'espère que le temps perdu en raison du non-aboutissement de la proposition du groupe Lagardère ne nuira pas à Thomson. Je ne voudrais pas que certains de mes honorables collègues se réjouissent trop vite de ce qui pourrait apparaître comme une fausse victoire. L'enjeu, c'est l'avenir de Thomson et de ses milliers de salariés. Que la France se garde de donner une image de frilosité et d'aller à rebours de l'évolution de l'économie mondiale, dont elle ne saurait certainement pas tirer le meilleur parti si elle la contrariait !
Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous indiquer si la décision prise par le Gouvernement de suspendre la procédure de privatisation à la suite de l'avis rendu par la commission exclut définitivement l'association de Lagardère et Daewoo ou si seules les modalités de cette association sont à revoir ?
Je souhaite évoquer maintenant différentes questions relatives au secteur nucléaire.
En ce qui concerne le CEA, j'ai pu noter que notre excellent collègue de l'Assemblée nationale, M. Bernard Carayon, rapporteur de votre budget, monsieur le ministre, avait pu qualifier cet organisme de « budgétivore ».
Sans remettre en cause la liberté d'appréciation de ce collègue député, je dois toutefois dire que ce jugement très péjoratif m'étonne beaucoup, eu égard au travail considérable qu'accomplit le CEA dans le domaine de la recherche nucléaire, et au-delà.
La recherche sans moyens financiers adéquats est un leurre, et si la France veut tenir son rang, elle doit s'en donner les moyens.
Vous avez d'ailleurs fait remarquer, monsieur le ministre, que les dépenses du CEA augmentent cette année d'un peu plus de 1 % - cette progression des moyens alloués s'inscrit dans le cadre d'un contrat d'objectifs - en raison de l'augmentation des frais de transport, de l'effet de GVT, glissement vieillesse-technicité, et de l'évolution de la charge fiscale supportée par le CEA, qui atteint 500 millions de francs.
Dans le domaine de l'énergie, je souhaite relever le jugement porté par l'Agence internationale de l'énergie sur la politique énergétique de notre pays.
Il faut rappeler que cette agence examine notre politique énergétique en profondeur tous les quatre ans, afin d'évaluer nos résultats en ce domaine au regard des objectifs communs de l'agence. Ces objectifs ont été arrêtés par les pays membres, principalement en réponse au choc pétrolier de 1973. Ils ont été complétés depuis dans les domaines de la préservation de l'environnement, du commerce et de la coopération internationale.
En considérant les objectifs clés que sont la sécurité des approvisionnements, la compétitivité économique et le respect de l'environnement, le rapport de l'agence fait apparaître des appréciations très positives. Celles-ci sont dues essentiellement au programme nucléaire développé par le France et à la continuité exceptionnelle de la politique énergétique menée depuis les années soixante-dix.
Ces succès se sont traduits de manière concrète par une diminution des importations d'hydrocarbures, par une réduction des pollutions - en particulier une diminution de l'effet de serre puisque les rejets en dioxyde de carbone ont été réduits de façon spectaculaire - et par une intensité énergétique nationale qui figure parmi les meilleures des pays membres.
Je me réjouis personnellement de ce jugement international porté sur l'option nucléaire française. En revanche, je m'étonne parfois que certains de nos hauts responsables n'en tirent pas fierté, comme s'il fallait quelque peu dissimuler ces succès à notre opinion parce qu'il serait plus ou moins repréhensible de produire de l'électricité à partir de l'atome !
J'avais lu, au début de l'année 1996, dans la presse, qu'un grand programme de production d'électricité par des éoliennes allait être entrepris. Un chiffre était même avancé quant à la puissance installée : 500 mégawatts.
Cette information a peu été relayée dans les médias, d'ordinaire plus prompts à dénoncer la construction de lignes de transport d'électricité. Il me semble en effet qu'un tel programme consistant à construire environ un millier d'énormes pylônes à hélices aurait un effet désolant sur nos paysages, qu'ils soient littoraux ou de montagne.
Au moment où nos collectivités locales, avec le concours d'EDF, consacrent des sommes considérables à l'enfouissement des lignes électriques, investissements en soi purement improductifs mais réalisés pour des raisons d'esthétique, à l'heure où l'investissement industriel dans notre pays a atteint un niveau très bas, au moment où des procès sont intentés à EDF pour la construction de lignes nouvelles, est-il raisonnable, pour céder à la mode dite écologiste, ou pseudo-écologiste (M. Bernard Piras s'exclame), de laisser sur notre territoire d'affreux moulins à vent ? Ne faudrait-il pas prévoir l'enfouissement de ces éoliennes ? (Rires.)
Pour en revenir à l'énergie nucléaire, monsieur le ministre, je vous demanderai de bien vouloir compléter notre information sur les recherches en matière de gestion des déchets nucléaires.
La loi du 30 décembre 1991, dont j'ai eu l'honneur d'être le rapporteur devant la Haute Assemblée, a prévu trois directions de recherche : le stockage en couches profondes, qui est, semble-t-il, en bonne voie ; la réduction du volume des déchets et leur stockage en surface ; enfin, la réduction du temps de vie des déchets radioactifs à vie longue ou leur destruction, généralement désignée sous le terme d'incinération.
Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, quels sont les moyens consacrés aux études relatives à cette dernière solution ?
En ce qui concerne encore l'incinération, et j'aborde là en même temps le sujet des réacteurs du futur, pouvez-vous nous indiquer si des moyens sont consacrés à l'étude de la filière de réacteurs producteurs d'énergie et incinérateurs qu'a proposée le prix Nobel Carlo Rubia et son équipe du CERN, l'organisation européenne pour la recherche nucléaire, dont une audition remarquable a été organisée par le député Claude Birraux en sa qualité de rapporteur de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques ?
Dans le cadre des recherches sur la réduction de la durée de vie des déchets nucléaires et sur la consommation de plutonium, je souhaiterais m'étonner du bruit fait autour du rapport de la Cour des comptes sur Superphénix. Tout le monde sait, et depuis longtemps, le Parlement en tout premier lieu, que le réacteur expérimental Superphénix a représenté un investissement énorme - l'équivalent de plusieurs années de chiffre d'affaires de la Française des jeux - et que c'est un instrument de recherche. Si la Cour des comptes doit émettre des avis sur la régularité de l'emploi des fonds publics, peut-elle émettre des avis sur l'opportunité des dépenses qu'elle contrôle ?
La Cour des comptes ignore-t-elle les conclusions de la commission Castaing, qui a confirmé l'intérêt de Superphénix comme outil de recherche, intérêt d'ailleurs affirmé par le Gouvernement en juillet 1996 ?
Enfin, monsieur le ministre, dans le cadre des études que j'évoquais tout à l'heure sur les réacteurs du futur, pouvez-vous nous indiquer quelle vision vous avez de l'avenir de Framatome ?
Le réacteur du futur, enfant légitime du couple concubin Framatome-Siemens, pourra-t-il vraiment être reconnu par GEC-Alsthom, le concurrent féroce de Siemens, en cas de mariage avec Framatome ? Le trésor de Framatome, qui a déjà fait bien des envieux - rappelons-nous, déjà Thomson, une certaine veille de Noël, il y a quelques années - pourra-t-il être préservé ?
Monsieur le ministre, renforcer notre capacité d'innovation est un défi prioritaire pour notre pays. Nous avons de nombreux atouts, notamment la qualité des hommes, la maîtrise des technologies les plus pointues, source de cette innovation, et, pourtant, force est de constater que nous ne récoltons pas tous les fruits économiques de ce potentiel considérable.
Le sujet est vaste. Aussi, je voudrais vous interroger sur trois questions majeures pour le développement de l'innovation.
Là où les ingénieurs américains envisagent de créer leur entreprise ou de participer à la création d'une entreprise, les diplômés d'écoles d'ingénieurs français sont trop attirés par l'Etat ou la grande entreprise. Que pouvons-nous faire, concrètement, dans nos formations pour développer l'initiative, pour apprendre les métiers d'entrepreneur et de manager de projets ?
La propriété industrielle permet de valoriser et de défendre l'innovation. La stagnation du nombre des brevets déposés par les entreprises françaises est un signe inquiétant au regard de notre capacité d'innovation. Par ailleurs, le système de propriété industrielle national et européen apparaît complexe, coûteux et d'une efficacité discutable. Que comptez-vous faire, monsieur le ministre, pour le réformer et l'adapter au mieux aux besoins des entreprises ?
Les PMI expriment un grand besoin de simplification administrative. Dans votre communication au conseil des ministres du 10 avril dernier, vous avez annoncé des mesures de rapprochement géographique des DRIRE et des délégations régionales de l'ANVAR ainsi que des expériences de mise en place d'interlocuteurs uniques dans les PMI. Où en sommes-nous de la mise en oeuvre de ces décisions ?
Telles sont les quelques questions que je souhaitais soulever sur le budget du ministère de l'industrie, non sans avoir remercié nos excellents rapporteurs. Le groupe des Républicains et Indépendants votera votre budget, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Lagourgue.
M. Pierre Lagourgue. Vous me permettrez d'attirer votre attention, à l'occasion de l'examen du budget de l'industrie, sur un problème qui se pose à la Réunion et qui relève directement des services placés sous votre tutelle. monsieur le ministre.
Il s'agit du prix du carburant destiné au transport aérien.
En effet, il ressort d'une étude conduite par la direction régionale de l'industrie et de l'environnement de la Réunion et d'un audit commandé par les compagnies aériennes elles-mêmes que le prix du carburéacteur est anormalement et abusivement élevé à la Réunion.
Les chiffres sont éloquents. Tel qu'il est pratiqué, le prix du carburéacteur est 44 % supérieur à celui qui est en vigueur à Paris, 32 % supérieur à celui qui est en vigueur à l'île Maurice, notre voisin immédiat, et 20 % supérieur à celui qui est en vigueur à Madagascar ou aux Seychelles.
Or le coût du carburant à une incidence directe et sensible sur les tarifs proposés par les compagnies aériennes, puisqu'il représente environ 20 % du prix d'un billet Paris-la Réunion et plus de 40 % des offres promotionnelles, qui intéressent au moins un voyageur sur deux.
On comprend, dans ces conditions, le frein qu'il constitue pour les compagnies aériennes dans leur recherche de réductions tarifaires et, par voie de conséquence, pour le développement du tourisme dans l'île.
Cette situation est due à la position de monopole de fait qu'occupent les compagnies pétrolières pour l'approvisionnement et le stockage. Si elle peut s'expliquer historiquement, elle n'a plus de raison d'être aujourd'hui et s'apparente même, selon certains, à une pratique anti-concurrentielle.
Il faut savoir qu'en 1975 - voilà donc plus de vingt ans - deux sociétés pétrolières françaises, Elf et Total, ont été désignées par les pouvoirs publics pour réaliser les investissements nécessaires au ravitaillement en carburant des appareils sur la plate-forme aéroportuaire de la Réunion. En contrepartie, ces sociétés bénéficiaient d'un monopole d'implantation sur l'aéroport.
Par la suite, ces sociétés se sont constituées en GIE de moyens, auquel s'est joint Mobil, pour gérer les installations de stockage et de distribution du carburant.
Cette position monopolistique est devenue insupportable depuis l'apparition des vols directs, liés à la mise en place de la piste longue, les compagnies n'ayant désormais plus la possibilité de s'approvisionner à meilleur coût dans les pays voisins, lors des escales intermédiaires qui n'existent plus, ce qui exclut donc toute concurrence.
Je ne nie pas que, dans la composition du prix du carburéacteur à la Réunion, entrent divers éléments qui contribuent à un surcoût par rapport aux prix applicables dans la zone de l'océan Indien. Je pense, en particulier, au coût du transport maritime, puisque le carburant est acheminé, depuis le golfe Persique jusqu'à, la Réunion, par un seul bateau, français, qui fut imposé par le gouvernement de l'époque lors de sa mise en service pour renflouer un chantier naval. Ce navire est devenu obsolète et le risque de rupture des approvisionnements est permanent.
Cependant, une éventuelle entente tacite entre les distributeurs n'est pas à exclure dans la détermination du prix du carburéacteur à la Réunion.
La chambre de commerce et d'industrie de l'île a pris, de son côté, des dispositions pour tenter d'améliorer la situation, notamment en prenant à sa charge, avec la participation de fonds européens, des travaux sur la plate-forme aéroportuaire.
Il n'en demeure pas moins que son action ne peut être que limitée en l'absence d'une expertise détaillée de la structure des prix et de la politique tarifaire pratiquée par les compagnies pétrolières.
Monsieur le ministre, une telle situation est gravement préjudiciable au désenclavement de notre île, qui souffre cruellement de son ultrapériphéricité. Vous en conviendrez, le transport aérien est le seul facteur d'ouverture et de liaison de ce département d'outre-mer, non seulement avec la métropole, mais également avec le reste du monde, puisque le transport des passagers ne peut s'effectuer ni par chemin de fer, ni par voie maritime, faute de bateau de transport de passagers.
Monsieur le ministre, je vous le dis solennellement, les Réunionnais ne veulent pas et ne peuvent pas être les otages des compagnies pétrolières. Aussi s'avère-t-il urgent qu'une mission vienne dans notre département pour étudier cette question et, à partir d'un examen de la structure du prix du kérosène, propose des mesures propres à réduire de façon significative les coûts d'approvisionnement des compagnies aériennes.
L'amélioration de la compétitivité de l'escale de la Réunion et la rupture de l'isolement de l'île sont à ce prix.
Je sais que nous pouvons compter sur votre appui et sur votre action, monsieur le ministre, et je voterai donc votre budget, comme les membres du groupe de l'Union centriste. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Schumann.
M. Maurice Schumann. Monsieur le président, mes chers collègues, le groupe d'étude des industries textiles et de l'habillement sait ce qu'il doit à M. Franck Borotra. Je vous exprime, monsieur le ministre, sa gratitude et je saisis l'occasion qui m'est offerte pour faire l'éloge du combat quotidien que vous menez contre la Commission de Bruxelles qui, hélas ! fait de plus en plus figure d'adversaire.
J'en citerai trois exemples, très brièvement.
J'évoquerai, en premier lieu, la difficulté que vous rencontrez, qui, je l'espère, sera surmontée, pour faire reconnaître la légitimité du plan textile que nous vous devons, alors que, comme l'a souligné il y a un instant mon collègue et ami Alfred Foy, la même Commission s'est montrée singulièrement réticente, pour ne pas dire plus, quand il s'est agi de faire face aux conséquences de plus en plus fâcheuses des dévaluations compétitives.
Mon deuxième exemple se rattache à l'intégration d'un certain nombre de produits sensibles dans le GATT. Là, vous avez remporté, par votre ténacité, un succès dont je tiens à vous féliciter. Vous avez évité l'intégration des produits les plus sensibles, en particulier les tissus de laine. Mais il y a quelque chose qui justifie un effort de réflexion. Imaginons, en effet, que vous ne soyiez pas parvenu à vos fins. Nous aurions vu le marché européen envahi par des tissus de laine en provenance des pays tiers, ces pays tiers n'ayant à acquitter qu'un droit de douane de 11 %. En revanche, si nous avions voulu, dans une situation ainsi créée, tenter de nous ouvrir les marchés extérieurs, nous nous serions heurtés, aux Etats-Unis, à un droit de douane supérieur à 35 % et, en Asie, plus particulièrement en Inde et au Pakistan, à des droits de douane parfaitement prohibitifs.
Je voudrais, à l'appui de cet exemple, m'élever une fois pour toutes contre la tendance de la Commission, qui a été créée par le traité de Rome pour défendre l'Europe, à confondre la libéralisation des échanges commerciaux, qualifiée de mondialisation, avec une politique équilibrée. Car il ne peut y avoir de légitime mondialisation que dans la mesure où l'ouverture des frontières est réciproque, dans la mesure où la règle de réciprocité est posée et respectée. Dans le cas contraire, il s'agit, non pas d'une libéralisation, mais d'une véritable sujétion imposée à l'Europe.
M. Bernard Barbier, rapporteur spécial. Bravo !
M. Maurice Schumann. Vous avez fait preuve, dans cette circonstance, d'une ténacité et d'une clairvoyance assurément louables. Je suis cependant un peu surpris, mais vous n'y avez aucune part de responsabilité, d'entendre qu'une contrepartie aurait été accordée sur deux produits, les vêtements de travail en particulier. Mais qu'importe !
Les conséquences immédiates ne sont pas graves. Il reste que, le 1er janvier 1998, l'Union européenne aura intégré dans le GATT vingt-trois produits sans l'ombre d'une réciprocité, ni même l'ombre d'un espoir de réciprocité de la part des pays tiers. C'est là ce qui est grave !
En troisième et dernier lieu, avant le président de la commission des finances, qui sera amené à le faire, j'en suis sûr, d'ici la fin du débat budgétaire, je souhaite souligner le poids qui pèse sur les industries de main-d'oeuvre du fait de la taxe professionnelle.
Un exemple m'a été tout récemment soumis, celui d'une importante entreprise de mon département, que je ne nommerai pas, bien entendu, dont la taxe professionnelle a augmenté de 40 % en cinq ans et qui, à l'heure actuelle, souffre encore d'un écart de 10 % par rapport à son principal concurrent italien, la taxe professionnelle entrant dans 40 % dans cet écart de 10 %.
Puisque je parle de la concurrence italienne, c'est-à-dire la concurrence d'un pays qui a pratiqué une dévaluation compétitive, je voudrais bien entendu me féliciter du retour de l'Italie dans le système monétaire européen. Je ferai toutefois remarquer que ce pays n'a accepté de réintégrer le système monétaire européen qu'en conservant une partie, et une partie assurément non négligeable, du bénéfice qu'elle a retiré des dévaluations compétitives.
Cela me ramène, pour en finir, une fois de plus à la Commission de Bruxelles. Vous aviez - Dieu sait si c'était légitime ! - demandé qu'au moins les pays ayant pratiqué une dévaluation compétitive ne puissent plus bénéficier, en plus, des libéralités, des fonds structurels européens. Vous vous êtes heurté, le 31 juillet dernier, à une réponse brutalement négative, mais je suis convaincu que vous ne vous considérerez pas comme définitivement vaincu.
Alors, poursuivez ce combat. Nous vous soutiendrons dans la mesure où vous le livrerez, mais dites et répétez sans cesse, face à la Commission de Bruxelles : l'Europe ouverte, oui, l'Europe offerte, non ! (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Charzat.
M. Michel Charzat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en France, comme ailleurs, l'industrie reste le coeur du développement économique et social et la condition du maintien de la souveraineté nationale.
Sur le long terme, la base économique de la compétitivité repose sur l'industrie qui crée la richesse, permettant de développer des services et donc de l'emploi.
Mais à l'ère de l'affrontement concurrentiel mondial, les positions acquises doivent être défendues par une volonté politique capable d'en maintenir les conditions sur une durée suffisamment longue.
Or, mes chers collègues, l'industrie française cède du terrain depuis quelques années : évolution erratique de la production industrielle, qui a perdu cinq points depuis 1991 et dont les performances se situent au dernier rang des puissances industrielles de l'Union européenne ; dégradation de notre compétitivité-prix vis-à-vis de nos principaux partenaires ; recul de 21 000 emplois dans les effectifs de l'industrie manufacturière depuis le début de l'année et baisse du nombre des créations d'entreprises en 1996.
Ce constat n'est pas le mien ; il est celui de M. Robert Galley, rapporteur de la commission de la production et des échanges de l'Assemblée nationale.
Le Gouvernement a-t-il pris conscience de cette évolution ? A-t-il voulu réagir ? Ce n'est pas le cas.
L'exécution du budget de 1996 montre que l'industrie a vu ses crédits les plus dynamiques lourdement amputés.
En cours d'année, les autorisations de programme ont été annulées à hauteur de 20,3 % du total des crédits d'engagement, pénalisant plus particulièrement les grands programmes ainsi que l'ANVAR. L'essentiel des annulations porte de surcroît sur les dépenses d'investissement, comme le déplore Philippe Auberger dans son rapport à la commission des finances de l'Assemblée nationale.
Mes chers collègues, ce projet de budget pour l'industrie scelle l'abandon des ambitions exprimées jusqu'alors par M. Borotra, contraint qu'il est par la dure loi de la solidarité ministérielle.
Le « souci d'économie budgétaire » qui préoccupe aujourd'hui les pouvoirs publics frappe les crédits de façon aveugle, négligeant les aspects stratégiques et multiplicateurs de certains investissements.
Le budget de l'industrie recule de près de 3 milliards de francs : 14,1 milliards de francs contre 17 milliards de francs en 1996. La diminution est de 17 % pour les dépenses ordinaires, de 20 % pour les autorisations de programme. Les très contestables opérations de débudgétisations, au profit des dotations en capital, sont particulièrement aléatoires, comme le remarque judicieusement notre collègue, M. Bernard Barbier, au nom de la commission des finances du Sénat.
Les crédits les plus actifs, ceux qui permettent d'innover, de structurer les métiers, de transférer de la technologie sont frappés de plein fouet par ces coupes claires.
Les grands programmes, en particulier électroniques, sont en diminution de 13,4 %. L'érosion de 17 % de la dotation allouée à l'ANVAR se poursuit, alors que cette agence représente l'instrument essentiel de soutien à l'innovation dans les PMI.
La procédure ATOUT en faveur de la diffusion des techniques stagne. Pourtant, M. Borotra rappelle que chaque million de francs mobilisé entraîne de quatre à huit créations directes d'emplois et de dix-huit créations indirectes.
Enfin, le développement local, cette autre dimension d'une politique industrielle moderne, à l'échelle de l'Europe, sera atteint par la décision d'étaler les actions sur une année supplémentaire.
Seul le secteur de l'énergie semble épargné par ce désengagement. Mais je regrette que les moyens accordés à l'ADEME soient à nouveau en chute libre : par rapport aux moyens affectés à la maîtrise de l'énergie en 1990, l'ADEME ne bénéficie plus que du quart de ce dont elle disposait en 1990 !
Monsieur le ministre, nous voici bien loin de « l'ardente obligation » prônée par le général de Gaulle, bien loin de « l'impératif industriel » cher au président Georges Pompidou. Mes chers collègues, que sont devenus les engagements du candidat Chirac contre l'immobilisme, contre l'économie de la rente ?
La France serait-elle vouée au destin d'un pays frileux, gérant le déclin industriel, faute d'ambition collective et de volonté politique ? Un pays musée, un pays de rentiers et de spéculateurs ? Nous ne le voulons pas.
La mondialisation, cette contrainte, la construction de l'Europe, cette opportunité, appellent un projet industriel, une mobilisation des énergies au service de la performance globale : chefs d'entreprises, salariés, Etat, collectivités locales, partenaires sociaux, société civile, tous doivent développer les synergies permettant d'améliorer l'organisation du système économique et social, de former les hommes, de transférer de la technologie. Encore convient-il que l'Etat joue un rôle régulateur en favorisant les coopérations, en allongeant la vision des acteurs et en assurant une certaines mutualisation des risques inhérents à l'aventure industrielle et technologique.
Monsieur le ministre, renoncez à cette vulgate libérale, invoquée par d'autres, pour justifier le désarmement unilatéral de la France, comme le remarquait à l'instant M. Schumann.
Tenez compte des faits, comme nous avons su le faire, nous à gauche, en révisant certaines illusions étatistes.
Or, que proposez-vous à notre pays ? Un budget de l'industrie qui entrave l'entraînement vers le haut des stratégies de compétitivité, qui affaiblit l'impulsion en faveur de la nécessaire politique technologique et industrielle européenne, qui brouille la vision de l'avenir.
Avez-vous pour autant conçu une stratégie de recours, dont les privatisations auraient pu être le vecteur ?
Le moment du bilan, sur ce point aussi, est venu au terme de dix années de retrait de l'Etat actionnaire, le capitalisme français demeure fragile, faute de capitaux suffisants. En effet, l'Etat a utilisé le butin d'abord pour alléger sa dette, puis maintenant pour renflouer les entreprises publiques. Il a privilégié les tours de table politiques au détriment d'alliances durables et de stratégies claires.
Or, même dans le cadre d'une gestion conjoncturelle, votre marge de manoeuvre se restreint. La cession programmée de la banque Hervet au CCF a été abandonnée, le dossier du CIC vient d'être suspendu. L'éventuel rapprochement Framatome-GEC Alsthom devra être soumis au Parlement.
Enfin, et surtout, la tentative de privatisation de Thomson ne pouvait qu'être interrompue au terme des folles péripéties de ces dernières semaines. La commission de privatisation, qu'on ne peut suspecter d'hostilité de principe à la privatisation, vient de vous infliger un cinglant camouflet : elle a considéré « qu'elle ne pouvait émettre un avis favorable à cette opération, compte tenu des modalités de reprise de Thomson multimédia par Daewoo Electronics ». Je constate d'ailleurs que la commission européenne s'était émue de votre projet, il est vrai étonnant, de recapitalisation de Thomson comme préalable à sa privatisation.
L'opacité de cette privatisation ne pouvait être compatible avec une éthique industrielle et financière moderne : il faut désormais renoncer à la privatisation du groupe Thomson et examiner d'autres solutions permettant à la France de garder une position de leader dans les domaines de la défense et du multimédia, conformément au souhait de trois Français sur quatre et aux intérêts vitaux de notre pays. C'est le préalable au rétablissement d'une situation permettant, du moins nous l'espérons, de limiter les dégâts provoqués par votre gestion, désastreuse, de la privatisation.
Monsieur le ministre, à défaut de conduire une politique publique volontaire en matière de compétitivité, à défaut de vouloir mettre un Etat régulateur au service d'une stratégie de performance globale, ayez le souci du rang et de la réputation de la France. Renoncez à cette opération suspecte, à cette privatisation qui illustre l'incohérence des choix et qui souligne l'abandon de toute stratégie industrielle. Nous refuserons évidemment de voter ce budget. Nous vous demandons à tout le moins de ne pas injurier l'avenir. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Leyzour.
M. Félix Leyzour. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de l'industrie tel qu'il nous est présenté ne nous semble pas être à la hauteur des exigences actuelles de notre économie, ni être en mesure de répondre aux véritables besoins de notre pays.
Il est dans la lignée de celui de l'année dernière, qui avait notamment traduit la disparition d'une politique industrielle. Sa réduction sensible, au moment où sont organisées des restructurations, des privatisations aux conséquences désastreuses, est là pour le prouver.
Dans un secteur aussi crucial pour l'activité économique, l'emploi, la croissance et la coopération, dans un secteur essentiel pour l'avenir, vous soutenez des choix qui nous mènent sur la voie de la régression économique et sociale. Les aides à la reconversion, aux restructurations, aux nouvelles technologies et à l'innovation sont toutes affectées par la contraction des crédits. Dans tous les domaines stratégiques d'intervention du ministère, la tendance est à l'affaiblissement. Ainsi, les moyens des services baissent de 8 %, les crédits de recherche et d'innovation baissent, eux, de 23 %, tandis que les crédits d'accompagnement de l'activité industrielle diminuent de 13 %.
Cela est révélateur d'une politique qui porte tous ses coups contre le secteur public et nationalisé et qui a pour dogme une compétitivité fondée sur la baisse du coût du travail.
C'est également votre frénésie de privatisation qui mine et destructure le potentiel économique national ; je n'en prendrai pour exemple que les projets du Gouvernement concernant Thomson, Framatome, la SFP, le Crédit Lyonnais, le CIC, Bull, etc.
A cet égard, alors que le Gouvernement prétend diminuer de façon drastique les déficits publics, il est tout à fait aberrant de poursuivre ce programme de privatisations qui, de plus, est ruineux pour le pays : Thomson en est l'exemple le plus criant.
En effet, les privatisations engagées coûtent maintenant plus cher que ne rapporte la vente des entreprises publiques et se traduisent, en outre, par des dizaines de milliers de licenciements qui creusent le déficit de la sécurité sociale et de l'assurance chômage.
En 1996, la politique de privatisation des entreprises du secteur public a déjà coûté près de 5 milliards de francs aux finances de l'Etat, qui n'accepte en fait de jouer son rôle d'actionnaire que pour mieux préparer des bénéfices futures pour des intérêts privés. Cette politique est complétée par l'abandon des activités jugées les moins immédiatement rentables avec le cortège de licenciements et de suppressions de postes de travail que cela implique.
Nous assistons là à un véritable bradage du patrimoine national, au bradage des emplois hautement qualifiés, des capacités technologiques et de recherche, et de l'argent public. On a ainsi le sentiment d'assister à une gigantesque partie de « Monopoly financiaro-industriel » engagée sur le dos des travailleurs et des contribuables.
Mais de tels choix provoquent un profond mécontentement, et parfois même de la colère. Dans les entreprises du pays monte l'exigence d'un arrêt des plans dits « sociaux », qui sont en fait des plans de mise au chômage, de la précarité, des privatisations, des délocalisations, ainsi que l'exigence d'un grand débat national sur l'avenir de l'industrie française. Vous le savez bien, votre politique d'abandon national suscite une telle émotion, une telle indignation que le Gouvernement vient d'être contraint de suspendre la privatisation de Thomson.
Vous nous répondrez sans doute que suspension ne veux pas dire annulation. Il n'empêche qu'il se passe des choses dans le pays et que la commission de la privatisation les traduit à sa façon, comme le sismographe traduit les mouvements qui se passent en profondeur. De nombreuses collectivités ont voté des demandes de moratoire face aux restructurations des industries de l'armement, de l'aéronautique, de l'électronique.
Oui, notre pays a besoin d'une grande politique industrielle qui permette de résoudre le problème du chômage et des déficits sociaux.
Oui, il faut suivre une autre logique, une logique fondée sur une autre utilisation des ressources, sur la réconciliation du progrès humain et du progrès économique.
Pour répondre aux besoins, il faut orienter autrement l'argent : selon des critères d'utilité et d'efficacité sociales, vers des investissements utiles, créateurs d'emplois, pour répondre aux besoins.
Pourquoi ne se fixerait-on pas pour objectif, en prenant appui notamment sur France Télécom, le CNET, Thomson, Alcatel, Bull, de créer un grand pôle national de l'électronique et du multimédia ?
Cela implique aussi une réelle réforme de la fiscalité et une orientation du crédit qui découragerait les investissements spéculatifs, les exportations de capitaux, les délocalisations.
Cela suppose également la transparence dans l'attribution et l'utilisation des fonds publics, ainsi qu'une extension des droits d'intervention des salariés.
Ce budget ne se situe pas du tout dans cette logique, il n'est pas doté de moyens propres à aider véritablement à la définition de l'ambition industrielle créatrice d'emplois qui manque à notre pays.
En conséquence, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous le comprendrez, le groupe communiste républicain et citoyen votera contre ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Monsieur le président, monsieur le ministre, mers chers collègues, une industrie innovante, compétitive, à forte valeur ajoutée, de technologie avancée permet seule de créer des richesses, donc des emplois. C'est elle aussi qui permet de redistribuer, de payer les fonctionnaires, de construire les infrastructures, d'éduquer, de soigner, etc.
Le Gouvernement, le Parlement et les Français le savent-ils ? Comparons le temps qui est dévolu à ce débat sur l'industrie à celui dont bénéficient d'autres débats et concluons qu'il reste fort à faire !
Je crois que nous souffrons, dans notre pays, d'une véritable absence de culture scientifique, technique, industrielle et entrepreneuriale.
Certes, il existe de grands organismes voués à la diffusion de cette culture, mais ils sont pour la plupart parisiens. Ils ne sont pas encore incités à irriguer l'Hexagone, en particulier les lieux où peut se développer une forte culture d'innovation entrepreneuriale, et je pense notamment ici aux technopoles. J'ai déjà demandé à M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture, qui est en charge de la Cité des sciences et de l'industrie, de faire en sorte que cet établissement étende son influence à tout le territoire. Pourrez-vous appuyer cette demande, monsieur le ministre ?
Peut-être ce manque de culture explique-t-il en partie que les crédits alloués à votre ministère pour 1997, indépendamment des circonstances budgétaires très difficiles ne soient pas plus substantiels.
Mais il y a crédits et crédits, et je pense que certaines subventions publiques ne sont pas forcément sources de création de richesses.
A cet égard, vous avez adopté une stratégie intelligente, notamment en concentrant les appuis à l'innovation sur les cinquante technologies clés que vous avez retenues pour 1997.
Vous avez réservé au financement de cette action un milliard de francs sur deux ans, dont 500 millions de francs pour 1997, c'est-à-dire plus que la totalité des crédits du fonds de la recherche et de la technologie, ce qui n'est pas mince. Je connais des centaines d'entreprises innovantes, notamment à Sophia-Antipolis et dans d'autres technopoles, qui répondront certainement à votre appel à propositions.
La culture entrepreneuriale doit être fortement encouragée dans certains pôles d'excellence.
Votre ministère, qui doit veiller à favoriser la création de richesses, et donc apporter un appui à ceux qui veulent gagner, qui se sentent forts et enthousiastes, est par nature hostile au camp déjà trop nombreux des administrations égalitaires, qui se bornent à redistribuer (murmures sur les travées socialistes), à écrêter, à empêcher les gagneurs de gagner, parfois à les dégoûter, voire à les inciter à émigrer, donc à faire perdre tout le monde.
Il y a là un problème de fond, et je crois qu'il s'agit d'un problème culturel.
Le fait de se battre et de gagner n'est tout de même pas réservé, en France, aux seuls joueurs de tennis ou de rugby !
M. Franck Borotra, ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications. Gagner au tennis, c'est important ! (Sourires.)
M. Pierre Laffitte. Je suis heureux que nos joueurs de tennis et de rugby gagnent, mais je serais heureux que nous aimions et aidions nos entrepreneurs qui gagnent des marchés, qui créent des emplois et qui s'enrichissent, au lieu de réserver notre compassion à ceux qui quémandent des subventions et qui, souvent, finissent par licencier du personnel.
Aimons et aidons aussi nos bonnes équipes de recherche, qui génèrent des créations d'entreprises ! Je pense, par exemple, aux écoles d'ingénieurs qui sont les plus appréciées, notamment celles qui dépendent de vous, monsieur le ministre, en particulier l'école des Mines de Paris. Aidons-les, fût-ce au détriment d'autres qui seraient moins performantes. Il faut avoir le courage de ses choix. A bas l'égalitarisme source de languidité ! (Nouveaux murmures sur les travées socialistes.) Vive la performance, source de progrès, de richesses et d'emplois ! Parce que c'est grâce à cela qu'on pourra redistribuer !
Pour terminer, je dirai quelques mots sur le transfert des technologies et le nécessaire développement de l'action de l'ANVAR, l'Agence nationale de valorisation de la recherche, dans son rôle de premier plan.
Evitez, monsieur le ministre, de laisser l'ANVAR dériver vers une fonction financière. L'organisme à compétence technique qu'est l'ANVAR est irremplaçable pour aider les poules aux oeufs d'or de l'économie à se développer.
M. Maurice Schumann. Très bien !
M. Pierre Laffitte. Nous avons, avec l'ANVAR, un instrument extraordinaire, souple, dynamique, très peu bureaucratique. Gardons-le ! Les établissements financiers ont besoin d'une compétence technique, que l'ANVAR devra leur apporter en liaison avec les DRIRE et autres services déconcentrés de l'Etat. Ainsi pourront être financées localement les PMI susceptibles de créer des emplois.
Bien entendu, monsieur le ministre, le groupe du RDSE, dans sa majorité, vous apportera son soutien. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous me permettrez, à cette heure tardive, d'abréger mon propos : je me contenterai de rappeler un postulat, de dresser trois constats et de formuler quelques orientations.
Le postulat tient en quelques mots : il ne saurait y avoir de croissance durable sans un socle industriel fort.
L'industrie a toujours été la source et de la compétitivité et du rayonnement de notre pays. C'est l'industrie qui génère les services, non l'inverse, et c'est sur le terrain industriel que la compétitivité et le combat économique se gagnent.
Premier constat : pendant quinze ans, nous avons laissé se perdre notre ambition industrielle. Plus d'un million d'emplois industriels ont disparu, ce qui ne s'était jamais vu auparavant. L'investissement a chuté dans des proportions considérables, parfois de plus d'un tiers. Notre croissance industrielle a été inférieure à celle de l'Allemagne, des Etats-Unis ou du Japon. Bref, nous avons reculé. Certains secteurs de notre industrie ont considérablement décliné, d'autres ont quasiment disparu, et nous entendons fréquemment les plaidoyers, à la fois passionnés et émus, de nos collègues représentant des régions où industries textiles, chantiers navals risquent de n'être bientôt plus que des souvenirs.
Deuxième constat : l'Etat est un mauvais industriel. Oh, je ne crois pas que cela tienne à la qualité des hommes. C'est bien plutôt affaire de structures, d'insuffisante réactivité des processus de décision. Cela tient peut-être aussi à une certaine irresponsabilité de l'ensemble des dispositifs étatiques.
Cela n'a pas empêché, il est vrai, la réussite éclatante de certains secteurs : l'électronucléaire, parce que c'était pour nous une question de survie, l'espace, le TGV, etc. Cependant, ces réussites ne sauraient masquer l'échec des plans volontaristes. Je me souviens d'avoir entendu, au cours de ma carrière au ministère de l'industrie, parler des plans informatiques - on en voit les résultats à l'heure actuelle - des plans machines-outils - y en a-t-il eu dix, onze, douze ou treize ? Je ne me souviens plus ! - des plans textiles - nous voyons où nous en sommes aujourd'hui - des plans sidérurgie, et j'en passe.
Troisième constat : l'accélération des évolutions dues à la modernisation met en évidence tous les jours certaines de nos faiblesses, et ces faiblesses tiennent aux charges qui pèsent sur notre compétitivité.
Le processus est bien connu, et nous en avons débattu tout au long de la discussion de la première partie du projet de loi de finances : des dépenses qui s'accroissent plus vite que la richesse ou que les capacités contributives, des déficits qui se creusent, des impôts qui augmentent, des taxes que l'on crée, finalement, un ensemble de prélèvements obligatoires qui constituent autant de fardeaux difficilement supportables pour notre industrie.
Et cela s'observe aussi bien à l'échelon national qu'à l'échelon local. M. Maurice Schumann a parlé des taxes professionnelles dont on a allègrement augmenté le taux au cours des dernières années et qui pèsent sur nos entreprises.
D'ailleurs, nous en sommes bien conscients puisque, chaque fois que nous voulons aider un secteur, nous allégeons ses charges. C'est vrai, monsieur le ministre, des allégements de charges portant sur 50 milliards de francs ont été décidés. Mais peut-être est-ce précisément parce qu'il y avait 50 milliards de charges de trop.
M. Félix Leyzour. Le résultat n'est pas brillant !
M. Jacques Oudin. Ce n'est qu'un palliatif, même si c'est un palliatif coûteux.
J'en viens à la formulation de quelques propositions. Elles vont à peu près dans le même sens que celles dont il a déjà été fait état. Certaines sont d'ordre général, d'autres sont plus spécifiques.
Pour ce qui est des propositions d'ordre général, à l'évidence, il faut essayer de rétablir au niveau mondial davantage d'ordre dans le domaine commercial, mais aussi dans le domaine monétaire.
Nous avons plaidé avec un certain succès pour la création de l'organisation mondiale du commerce, l'OMC, dont certains de nos concurrents ne voulaient pas trop parce qu'ils sentaient bien que, dans ce monde de la jungle, la victoire va peut-être au plus fort et qu'une telle institution est là pour faire respecter certaines règles, pour empêcher certaines pratiques : les obstacles non tarifaires indûment appliqués, les pratiques non concurrentielles, les contrefaçons. Monsieur le ministre, comme notre industrie souffre de ces contrefaçons !
Mais il y a aussi les désordres monétaires : désordre lancinant des sous-évaluations chroniques du yen ou du dollar ; désordres plus brutaux des dévaluations compétitives.
Bien entendu, ces problèmes dépassent le strict cadre d'une discussion budgétaire, mais essayons au moins de voir comment on peut les régler au niveau européen.
Je suis bien conscient de pousser ainsi la porte d'un débat qui n'est pas tranché puisque la monnaie unique ne recueille pas l'assentiment général.
Regardons les choses en face : si nous ne faisons rien, que se passera-t-il dans quelques années ? Il y aura une zone mark, avec l'Allemagne, l'Autriche, l'Europe du Nord, le Bénélux et l'Europe de l'Est ; et puis, à côté, la France, les pays de l'Europe du Sud, avec des monnaies modérées ou faibles.
Je crois que la voie qui a été choisie, celle de la recherche de l'euro, a au moins un avantage : elle pourra créer une zone de stabilité. Elle pourra surtout nous permettre, vis-à-vis des autres grandes monnaies, de rétablir les équilibres, afin que nous ne subissions plus autant les désordres que j'ai évoqués et leurs conséquences néfastes sur nos systèmes industriels.
S'agissant de l'Europe, évitons de continuer à pécher par naïveté. J'ai bien aimé la formule de Maurice Schumann : « Nous voulons bien une Europe ouverte, mais non pas une Europe offerte ».
Evitons d'ouvrir les marchés européens sans exiger de contreparties et, surtout, monsieur le ministre, lorsqu'on a obtenu des contreparties, exigeons de pouvoir contrôler la réalité de leur application.
Essayons de donner à l'Europe, dans un autre domaine, une conscience industrielle au-delà de sa seule obsession libérale.
L'Europe doit pouvoir préparer notre industrie à affronter l'épreuve de la mondialisation, mais avec des structures adaptées à cette compétition. Je songe ici à la doctrine européenne en termes de concentration ou de regroupement d'entreprises. N'ayons pas comme seul horizon l'horizon européen. Mettons-nous au moins au diapason des enjeux mondiaux.
J'en viens maintenant aux propositions à l'échelon national.
Monsieur le ministre, lorsque nous examinons les chiffres, nous nous apercevons que, dans toutes les nations industrielles, les petites et moyennes industries sont plus nombreuses que les grandes entreprises, lesquelles licencient. Les petites et les moyennes industries sont le fer de lance de la croissance industrielle.
Lorsque nous comparons le tissu des PMI françaises et celui des PMI allemandes, nous nous apercevons de notre relative faiblesse : nos industries emploient entre 20 % et 30 % de salariés en moins ; elles investissent moins et exportent moins.
Vous connaissez ce constat et la priorité. Le Gouvernement a d'ailleurs, sur votre proposition, engagé un programme important d'aide aux petites et moyennes industries, mais nous connaissons les problèmes récurrents auxquels elles sont confrontées, qu'il s'agisse de leurs relations avec les banques - et ce n'est pas le réseau bancaire quelque peu fragilisé que nous connaissons qui permettra d'améliorer ces relations - ou des difficultés à l'exportation.
A cet égard, monsieur le ministre, je vous demande d'être particulièrement attentif au problème de l'assurance prospection.
Comment les entreprises vont-elles financer les marchés qu'elles ont obtenus ? Je sais que, dans certains cas, vous avez réussi à trouver des solutions pour financer les marchés à l'exportation mais ce n'est pas par des solutions ponctuelles que le problème général sera résolu.
Si nous voulons conforter le tissu des PMI, il faut le renouveler. A cet égard, des entreprises doivent pouvoir se créer, ce qui, dans le domaine industriel, est plus difficile, plus lourd et plus coûteux que dans d'autres domaines.
Le plan d'aide aux créations d'entreprise comporte une mesure essentielle : je veux parler des exonérations fiscales. Lorsqu'elles se créent, les entreprises font moins de bénéfices, elles sont plus fragiles et ont moins de fonds propres. Si nous voulons qu'elles se développent, il faut maintenir un système d'exonérations fiscales.
Par la suite, elles ont besoin de maintenir leur outil de production à la hauteur des enjeux de la compétition. Elles doivent donc pouvoir le renouveler et investir rapidement. Dans ces conditions, vous n'avez qu'une solution : vous devez mener une politique d'amortissement conforme aux impératifs de la compétitivité.
Il est aberrant que nous soyons le seul pays dans lequel une entreprise ne peut pas amortir la première année au moins la moitié de l'investissement industriel qu'elle a engagé, sauf à recourir au crédit-bail. Le Premier ministre avec qui je me suis entretenu à ce sujet estime qu'il existe une piste de réflexion en ce domaine.
Il est vrai que, à court terme, cette politique d'amortissement coûte cher, mais elle rapporte beaucoup plus à moyen terme. Elle doit être, par ailleurs, adaptée à l'évolution des technologies, et il s'agit là d'un immense chantier.
Dans le même ordre d'idées, il faut mener une politique en matière de recherche, de développement et de crédits d'impôt - recherche compatible avec l'accélération des technologies.
Le quatrième axe, à l'échelon national, concerne la pérennité et la transmission des entreprises. Je sais qu'il est difficile de trouver une disposition tendant à faciliter cette transmission dans la mesure où elle profitera nécessairement au vendeur alors qu'elle devrait profiter à l'acquéreur.
Un problème se pose que personne n'a réussi à résoudre complètement, mais ce n'est pas une raison pour baisser les bras.
Enfin, le dernier point de mon intervention a trait à la construction navale dont vous êtes un peu le tuteur, monsieur le ministre. M. le rapporteur pour avis a dit tout à l'heure que seuls les crédits consacrés à l'aide à la construction ont augmenté. Ils atteignent en effet 850 millions de francs. C'est une bonne chose, mais une aide, sans une politique d'accompagnement, est insuffisante. Or, la France a une nouvelle ambition en matière de politique maritime que M. le Président de la République a définie et que le Gouvernement a engagée. Nous avons voté ici-même une loi sur les quirats.
Nous avons mis en place une politique d'agrément que je vous demande d'utiliser au mieux de nos intérêts, monsieur le ministre. Nous venons de perdre deux paquebots qui sont partis en Finlande alors que nous avons les meilleurs chantiers navals. C'est dommage ! Nous avons là un exemple d'une politique industrielle dynamique que nous pouvons mener.
En conclusion, face au défi de la concurrence et de la mondialisation, nous devons, à l'évidence, faire preuve d'une grande énergie et de détermination. Je sais, monsieur le ministre, que vous en avez à revendre et que le Gouvernement a engagé des politiques courageuses en ce domaine.
Si l'Etat n'a ni la vocation d'être un industriel ni la capacité de l'être, il a au moins le mérite de pouvoir redevenir un chef d'orchestre, un concepteur, un dynamiseur de notre développement industriel. C'est la clé de notre audience européenne et mondiale.
Monsieur le ministre, nous savons que, pour ce challenge, nous pouvons compter sur vous comme vous pouvez d'ailleurs compter sur notre soutien. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Bergé-Lavigne.
Mme Maryse Bergé-Lavigne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l'ont souligné les orateurs précédents, notamment le rapporteur spécial, M. Barbier, le budget de l'industrie est l'un de ceux qui enregistrent la baisse la plus forte. Les dépenses d'intervention, notamment, diminuent de 27 % et les crédits d'investissement de 20 %.
Ces chiffres traduisent, à l'évidence, le désengagement de l'Etat du secteur industriel, ainsi que l'a parfaitement démontré notre collègue M. Michel Charzat.
En outre, entre 1986 et 1988, et depuis 1993, vous avez entrepris un processus de privatisations à marche forcée de nos grands groupes industriels publics. Ainsi, l'Etat et la collectivité nationale se trouvent dépouillés des derniers instruments de leur souveraineté.
Vous livrez au marché les plus beaux fleurons de notre industrie chèrement acquis et entretenus par le travail et l'épargne de tous.
Je m'interroge, monsieur le ministre, sur les motifs qui vous incitent à vous engager dans cette frénésie de privatisations, dans cet abandon au totalitarisme des marchés. Nos entreprises nationales ont-elles démérité ?
Honnêtement, mes chers collègues, si l'Etat n'avait pas apporté son soutien, serions-nous aujourd'hui la patrie de Caravelle, de Concorde, d'Airbus, d'Ariane et de Spot ?
Pourrions-nous nous féliciter de notre réseau EDF, de celui de France Télécom et de la télévision haute définition ?
Ces activités à haut risque, à forte exigence de capital, à cycles longs, à retours d'investissements à dix ou quinze ans, avec un espoir de profit bien éloigné de l'horizon des marchés financiers, existeraient-elles sans la volonté et l'intervention de la puissance publique ?
Votre principal et unique argument, régulièrement asséné par le ministre de l'économie, se réduit à déclarer que « l'Etat n'a pas vocation à gérer des entreprises ». Voilà une affirmation qui reste encore à démontrer, un présupposé ultralibéral que vous énoncez sans douter, lorsque l'on vous interroge sur votre démarche. Mais quelle est donc la vocation de l'Etat, monsieur le ministre ?
Est-elle d'inciter des entreprises étrangères à s'implanter, puis de les laisser partir, et avec elles les emplois, lorsqu'elles ont asséché toutes les subventions et les aides diverses ?
Est-elle de donner un coup de pouce aux entreprises automobiles par la distribution de primes à la casse et, dans le même temps, de privatiser Renault ?
Est-elle de suppléer les défaillances du patronat en payant, par exemple, à la place des patrons, comme nous l'avons vu dans le conflit des routiers ?
Est-elle de payer encore quand, par exemple, le président-directeur général d'une société pétrolière fraîchement privatisée veut encore faire appel à l'Etat pour maintenir en France ses raffineries non rentables selon les critère du marché ?
Pour vous, l'état « naturel » de la société, c'est le marché. Cette raideur idéologique vous conduit à des choix qui vont être dramatiques pour notre pays. Plutôt que de parier sur des entreprises qui ont fait leurs preuves sur le terrain technologique, vous préférez vous en tenir à un choix strictement comptable.
Appréciez-vous, à leur juste prix, les conséquences pour la collectivité nationale de décisions qui peuvent s'avérer rentables pour quelques-uns et fort coûteuses pour tous les autres, notamment en termes de suppressions d'emplois ?
Les nationalisations de 1982 ont permis, qu'on le veuille ou non, de sauver de la faillite le patrimoine industriel de la France. Rhône Poulenc, Pechiney et Saint-Gobain ont pu être redressées et sont aujourd'hui attractives pour les investisseurs boursiers parce que l'Etat a, dans les années quatre-vingt, engagé un effort sans précédent en matière d'aides, de développement et de recapitalisation.
Ainsi, un rapport de la Cour des comptes de 1990 montre que, sur un échantillon de dix entreprises nationalisées en 1982 et privatisées entre 1986 et 1988, l'Etat, qui avait investi près de 32 milliards de francs, en a retiré 54 milliards de francs. En l'occurrence, l'Etat n'a pas été un aussi mauvais gestionnaire que vous voulez le faire croire.
Monsieur le ministre, en vendant nos groupes industriels à un moment particulièrement mal choisi, vous livrez ces entreprises à la jungle des marchés dans un environnement particulièrement hostile pour les salariés. Vous dépouillez l'Etat, vous l'appauvrissez et vous le privez de toute possibilité d'intervention pour garder les emplois ainsi que de bonnes conditions de travail et de rémunération.
Pourquoi, monsieur le ministre ? Je ne vois pas d'autre explication que ce dogme libéral réaffirmé régulièrement, par exemple, par le groupe de Davos qui ne cesse de vanter la politique monétaire restrictive, la flexibilité du travail, le démantèlement de l'Etat providence et qui applaudit aux privatisations.
La compétition reste, pour les membres de ce groupe, la seule force motrice et malheur aux gouvernements qui ne suivraient pas cette ligne. « Les marchés les sanctionneraient immédiatement, » avertit Hans Tietmeyer, président de la banque centrale allemande car, selon lui, « les hommes politiques sont désormais sous le contrôle des marchés financiers ».
Ainsi que le déclare Marc Blondel : « Les pouvoirs publics ne sont au mieux qu'un sous-traitant de l'entreprise. Le marché gouverne. Le Gouvernement gère. » Il ne reste plus aux peuples que le choix entre la pauvreté et le chômage. Il fut un temps où licencier en masse était une honte, une infamie. Aujourd'hui, plus les licenciés sont nombreux, plus la Bourse se porte bien.
Mais quelque chose bouge au sein de l'aréopage des tenants du marché à tout prix. On sent planer un doute, une inquiétude et le sentiment qu'une période s'achève.
Le professeur Klaus Schwabe, fondateur du forum de Davos, a lui-même formulé une mise en garde : « La mondialisation est entrée dans une phase très critique. Le retour de bâton se fait de plus en plus sentir. On peut craindre qu'il n'ait un impact fort néfaste sur l'activité économique et la stabilité politique de nombreux pays. »
D'autres experts dressent un constat encore plus pessimiste. Ainsi, Mme Rosabeth Moss Kanter, ancienne directrice de la Harvard Business Review et auteur de The World Class a averti : « Il faut créer la confiance chez les salariés et organiser la coopération entre les entreprises afin que les collectivités locales, les villes et les régions bénéficient de la mondialisation. Sinon, nous assisterons à la résurgence de mouvements sociaux, comme nous n'en avons jamais vu depuis la Seconde Guerre mondiale. »
Les mouvements sociaux en Europe, ceux de l'hiver 1995 et de 1996 en France, bien compris et bien soutenus par les opinions publiques, montrent que les limites de l'insupportable sont atteintes.
Les citoyens commencent à exprimer fortement - pardonnez-moi l'expression - leur « ras-le-bol » à l'égard des gouvernements qui acceptent, inertes, l'extension des inégalités, du chômage et de la misère.
L'idéologie libérale, qui croit avoir tout gagné, est en réalité déclinante. Comme son interface bureaucratique et totalitaire, elle est du XIXe siècle, alors qu'il nous faut inventer le XXIe. « Il y a crise quand le vieux ne veut pas mourir et que le neuf ne peut pas naître », disait Gramsci. Nous y sommes. Plus d'Etat, moins d'Etat, ce débat stérile est dépassé. Imaginons mieux d'Etat. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Franck Borotra, ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications. Mesdames, messieurs les sénateurs, je m'efforcerai de répondre le plus rapidement possible, mais de manière précise à vos interventions, la plupart du temps très intéressantes. D'abord, je voudrais remercier MM. les rapporteurs des propos qu'ils ont tenus et des rapports qu'ils ont faits et qui sont très remarquables.
Monsieur Barbier, votre intervention appelle quelques réflexions de ma part. Je souhaiterais tout d'abord faire une mise au point : le budget de l'industrie ne baisse pas de 17 %. Je le dis une fois pour toutes et moins pour vous que pour tous ceux qui se sont exprimés sur ce point. Pour certains, cela ne pose pas de problème car, on le sait depuis longtemps, ils sont brouillés avec les chiffres.
M. Félix Leyzour. Les chiffres sont les chiffres !
M. Franck Borotra, ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications. Pour d'autres, c'est plus difficile à comprendre. Le budget de l'industrie diminue de 0,71 %. On ne peut pas, d'un côté, comptabiliser toutes les dépenses et, de l'autre, oublier une partie des recettes. On peut se demander si les dotations en capital sont la solution de financement la mieux adaptée. Cependant, quand on examine les crédits du budget de l'industrie, on ne peut pas considérer que ces dotations en capital n'existent pas.
A tous ceux qui ont retenu des chiffres de cet ordre, je demande d'ajouter aux recettes du budget de l'industrie 2 780 millions de francs, c'est-à-dire 2 445 millions de francs au titre de Charbonnages de France, 160 millions de francs au titre du FIBM et 175 millions de francs au titre du CEA.
Il faut, je crois, cesser ce type d'approche qui est tout à fait comptable et qui a pour conséquence de ne pas prendre en compte les réalités. J'ajoute qu'il faudrait en plus enlever un demi-point du budget de fonctionnement pour tenir compte de la modification du périmètre du budget de l'industrie. En effet, deux agences, l'ANF - agence nationale fréquences - et l'ART - agence de régulation des télécommunications - ont « quitté » le budget de l'industrie, avec leurs crédits et leur personnel, pour donner naissance à des agences indépendantes dans le cadre de la libéralisation des télécommunications.
Telle est la première remarque que je tenais à formuler. Je ne reviendrai pas sur ce point, car, j'en suis sûr, chacun, ici, est de bonne foi.
Je voudrais maintenant souligner que, concernant Charbonnages de France - puisque vous en avez parlé, monsieur le rapporteur - les crédits augmentent de 18 % par rapport à ceux de l'année dernière. Cela répond à une logique financière. En effet, le déficit de Charbonnages de France a été séparé de ses charges spécifiques. En tout état de cause, s'il est vrai que l'endettement est celui que vous annoncez, il s'agit d'engagements de l'Etat que celui-ci devra, bien sûr, respecter.
En ce qui concerne le CEA, les crédits augmentent de 1,7 %. Je relève, en particulier, 650 millions au lieu de 600 millions de francs, avec, en plus, en termes d'investissements, le respect du contrat d'objectifs, c'est-à-dire les 1 200 millions de francs affectés chaque année. J'ajoute que tout cela s'inscrit dans un effort de réorganisation permanent du CEA, engagé pratiquement depuis 1985 et qui a conduit à une diminution de ses effectifs de 23 %, c'est-à-dire un effort sans équivalent dans l'ensemble des structures administratives. En 1997, il y aura, au CEA, 670 départs dont la moitié seront remplacés.
Pour répondre à une préoccupation qui a été exprimée tout à l'heure, je précise que j'ai décidé d'engager une étude pour voir comment on peut pérenniser le financement de la recherche du CEA. En effet, il me paraît naturel non seulement d'assurer le respect du contrat d'objectifs en termes d'investissements, mais aussi de donner de la visibilité, en particulier au CEA pour qu'il soit certain de pouvoir assurer les engagements sur lesquels je dirai un mot tout à l'heure, en particulier en ce qui concerne la filière nucléaire.
S'agissant de l'ADEME, il est vrai que l'on observe une baisse de 5 % des crédits de fonctionnement. Lorsqu'on examine la question globalement, on peut avoir une vision quelque peu déformée. Le ministère de l'industrie paie un tiers des frais de fonctionnement de l'ADEME, alors que les actions qui le concernent n'en représentent que 10 %. Je rappelle tout de même que les autres ressources proviennent du ministère de la recherche et des taxes parafiscales, en particulier de la taxe de mise en décharge.
Les excédents de trésorerie, qui naissent du décalage entre l'entrée et la dépense, génèrent effectivement des produits financiers. Il faut savoir que ces derniers sont affectés à l'investissement, en particulier aux dépenses liées à la mise en décharge des déchets. Dans le choix que j'ai été conduit à faire, j'ai en effet donné la préférence aux dépenses de fonctionnement pour permettre à cette agence de continuer à progresser.
Comment peut-on faire pour essayer d'améliorer son fonctionnement, puisque vous avez posé la question, monsieur le rapporteur ? L'une des directions serait d'augmenter le prélèvement sur la taxe de mise en décharge au profit du fonctionnement. Cela pourrait, si les sénateurs le souhaitent et si les députés l'acceptent, faire l'objet d'un amendement sur le collectif budgétaire.
En tout état de cause, en ce qui concerne l'ADEME, nous sommes décidés à conduire une réflexion à plus long terme sur les actions à mener, en particulier dans ce domaine très important de la maîtrise de l'énergie. Je serais partisan de confier éventuellement cette mission à un sénateur, pour avoir une vision d'ensemble sur ce problème.
S'agissant de la construction navale - j'aurai l'occasion d'y revenir tout à l'heure - je voudrais simplement préciser que nous avons augmenté substantiellement les crédits en autorisations de programme pour 1997 par rapport à 1996 ; il en est de même des crédits de paiement. Il s'agit d'essayer d'aider ce secteur industriel à se maintenir, car la volonté du Gouvernement est qu'une industrie de la construction navale marchande existe en France et se maintienne.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Parfait !
M. Jacques Oudin. Très bien !
M. Franck Borotra, ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications. En ce qui concerne Alcatel et Framatome, sujet sur lequel je reviendrai car il a été évoqué par d'autres intervenants, je voudrais apporter une précision.
La filière nucléaire française, c'est quelque chose de très important, mais ce n'est pas seulement Framatome. En effet, la filière nucléaire française c'est le CEA, EDF, la COGEMA et Framatome. Je voudrais d'ailleurs rappeler que, pendant la quasi-totalité de son histoire, Framatome a été une entreprise privée et que si la filière électro-nucléaire française est devenue un modèle dans le monde, c'est par l'effort permanent que tous les gouvernements ont consenti depuis 1973, en s'appuyant sur les efforts de recherche qui avaient été engagés bien avant par le CEA, gouvernements qui avaient consacré 1 000 milliards de francs à la construction des cinquante-sept tranches nucléaires qui représentent l'outil nucléaire français.
Le maintien de la maîtrise française sur la filière nucléaire française, c'est la volonté des pouvoirs publics de remplacer les tranches quand le besoin s'en fera sentir, de maîtriser l'ensemble du cycle du combustible et en particulier de maîtriser clairement les conditions du retraitement et du recyclage, de la vitrification et de la mise en stockage souterrain des déchets nucléaires. C'est cela la filière nucléaire !
Sur ce point, je voudrais que les choses soient claires : la France est décidée à maintenir sa propre maîtrise sur la filière nucléaire française. On peut discuter du rapprochement entre GEC Alsthom et Framatome. Cependant, le fait d'associer ces deux entreprises est conditionné par le respect d'un certain nombre de conditions.
J'en ai fixé cinq : premièrement, le maintien par la France de la maîtrise nucléaire française ; deuxièmement, le maintien de l'accord entre Siemens et Framatome, accord qui est confirmé au plus haut niveau par M. le Président de la République française et par le Chancelier Kohl ; troisièmement, le maintien du périmètre de l'activité nucléaire de Framatome, le maintien de son identité, de sa structure, de ses implantations et de sa marque ; quatrièmement, la préservation des réserves de démantèlement qui naissent de l'activité de Framatome ; enfin, la nécessité d'une majorité française s'appuyant à la fois sur le pôle public et sur les intérêts français à travers un pacte d'actionnaires. Cela constitue, à l'évidence, pour Framatome, si le projet industriel est jugé intéressant par les différents partenaires, la protection absolue de la filière nucléaire française. (M. Laffitte fait un signe d'assentiment.)
Monsieur Grignon, vous avez insisté à juste titre sur l'importance de l'innovation. Je voudrais, même si l'on ne peut pas être d'accord sur tout, que l'on prenne au moins acte du fait que, dans le présent projet de budget, on a accordé la priorité à l'innovation, notamment en faveur des petites et moyennes industries.
M. Pierre Laffitte. C'est exact !
M. Franck Borotra, ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications. Je voudrais vous éclairer un peu sur les chiffres. En pratique, 3,3 milliards de francs seront dépensés pour financier l'ANVAR et le FRT, ainsi qu'au titre des crédits industriels. Ces derniers représentent à eux seuls 1,9 milliard de francs pour 1997, et il est vrai que, s'ils sont en recul par rapport à la loi de finances initiale de 1996, ils connaissent une forte hausse par rapport aux crédits effectivement engagés après régulation.
Je voudrais que l'on comprenne bien ce que nous cherchons à faire.
Premièrement, nous avons recentré les crédits dont nous disposons sur les technologies clés. M. Laffitte a évoqué ce point tout à l'heure. Ainsi, 1 milliard de francs sur deux ans seront consacrés à ces technologies clés pour permettre aux entreprises, en particulier aux PMI, d'adopter les technologies du XXIe siècle. Ce n'est pas négligeable.
Deuxièmement, nous avons maintenu les crédits destinés aux PMI, en soumettant leur utilisation à des procédures d'évaluation. L'un d'entre vous a indiqué clairement tout à l'heure que l'on connaît en effet, par million de francs dépensés pour aider les PMI, le retour en termes de création d'emplois directs ou indirects, de chiffre d'affaires et de recettes fiscales. Si tout le monde fournissait le même effort d'évaluation de l'efficacité des crédits affectés à l'aide aux entreprises, je crois que nous ferions des progrès.
Troisièmement, nous avons réorienté ce que l'on appelle les grands projets innovants - il s'agit, vous vous en souvenez sans doute, du PREDIT, de l'ex-BIOAVENIR, aujourd'hui appelé REACTIF, ou de MEDEA - en nous appuyant davantage sur les entreprises privées et en essayant de nouer des partenariats européens. De plus, nous privilégierons ceux qui dans le cadre de ces grands projets, s'associent à des moyennes industries.
J'ajoute que j'ai pris une première initiative en matière d'innovation, qui est de confier au Plan la mission de nous aider à mettre en place un dispositif dans le domaine de la normalisation et de la certification, qui permettra aux entreprises d'accéder aux marchés étrangers et de faire face à la concurrence.
Je souligne, en particulier, au-delà de la normalisation, que compte tenu de l'inexistence en France de grands bureaux d'études capables d'arrêter les cahiers des charges d'appels d'offres internationaux, la quasi-totalité de ces appels d'offres étant réalisée à partir de normes ou de cadres anglo-saxons, ils sont, par voie de conséquence, plus difficiles à remplir de la part des entreprises françaises.
Nous discutons également de la mise en oeuvre d'un contrat d'objectifs avec le LNE, le laboratoire national d'essais. En tout cas, nous sommes décidés à aider ces moyennes industries, lesquelles sont au nombre de 23 000 et comptent entre 20 et 500 salariés. Leur taille est insuffisante comme leur financement et leur accès à l'exportation, si bien qu'elles emploient moins de salariés qu'elles ne pourraient le faire si elles avaient la même taille que leurs concurrentes allemandes. D'après nos calculs, si ces 23 000 entreprises avaient la même taille que leurs concurrentes allemandes, elles emploieraient 400 000 salariés de plus.
Je tiens à la disposition de ceux que cela intéresse l'ensemble des chiffres sur l'évaluation de ces procédures, que ce soit sur le GPI, les procédures Atout ou les procédures Eurêka. Il faut étudier cela, car l'examen de la bonne utilisation des finances publiques est la fonction des parlementaires.
M. Besson a fait un rapport intéressant sur l'énergie. A cet égard, je dirait tout d'abord qu'il n'y a pas de désaccord entre nous, s'agissant des problèmes de mission de service public. Nous nous battons au niveau de l'Europe. J'ai eu le plaisir de constater que, lors de la première discussion sur une éventuelle directive relative au gaz, l'obligation de service public a été adoptée unanimement, quelques réserves émanant simplement des ultralibéraux ; c'est une nouveauté, car je me souviens des batailles que nous avons menées dans les domaines de la poste, des télécommunications et de l'électricité.
Par ailleurs, dans le secteur de l'électricité, nous avons mis en place une directive qui doit être examinée le 10 décembre prochain par le Parlement européen.
Les choses doivent être clarifiées, car, à cette heure tardive, il n'est plus temps de se livrer à la polémique ! La planification à long terme est reconnue comme un principe essentiel de l'organisation du marché de l'électricité pour ceux qui choisissent l'acheteur unique plutôt que l'accès des tiers au réseau, lequel est l'ouverture à la libération généralisée du marché que nous avons refusée.
Nous conservons l'organisation de la distribution en l'état ; elle sera donc préservée. EDF restera un établissement public, totalement sous capital d'Etat, et le statut du personnel d'EDF - cela a déjà été dit - restera couvert par les conventions collectives électriques et gazières.
Je peux donc vous apporter des réponses très claires sur ce point, monsieur le rapporteur.
S'agissant de la directive du gaz, les discussions commencent.
Nous accepterons une ouverture limitée et maîtrisée à la concurrence pour la raison très simple que l'interconnexion des réseaux va apparaître au travers de la mise en service en 1998 d'Interconnector, et que je ne vois pas pourquoi la France serait le seul pays à ne pas bénéficier de la baisse effective du prix du gaz liée à ce que l'on appelle la bulle gazière, c'est-à-dire le surplus de production des gaz britanniques.
Néanmoins, il y a des éléments sur lesquels je ne céderai pas lors de la négociation : tout d'abord, il n'y aura pas de déréglementation généralisée du marché du gaz en France ; par ailleurs, les obligations de service public seront au coeur de la directive ; enfin, nous ne lâcherons pas sur la programmation à long terme et donc sur les contrats à long terme engageant le vendeur et l'acheteur.
Il n'y aura donc pas de remise en cause de la distribution en France, qui, du reste, est une organisation commune avec l'électricité ; pour l'ouverture ménagée à la concurrence, c'est la subsidiarité qui doit permettre la définition des clients éligibles.
S'agissant des énergies renouvelables, des efforts très importants ont été faits depuis 1973, c'est-à-dire depuis vingt-trois ans.
Je rappellerai que nous avons quatre orientations.
Tout d'abord, dans la filière bois énergie, dix-sept projets d'utilisation du bois dans des chaufferies collectives ou dans des réseaux de chaleur ont été montés avec des collectivités locales, ce qui représente une économie de 60 000 tonnes d'équivalent pétrole et la création de 500 emplois.
Par ailleurs, le programme Eole 2005 est destiné à mettre en oeuvre entre 250 et 500 mégawatts d'origine éolienne. Peut-on enfouir les éoliennes sous terre ? A cet égard, je compte sur M. Laffitte pour réaliser une étude fort intéressante sur la façon de capter le vent sous la terre (Sourires.) ! Mais il y a des zones isolées et des départements d'outre-mer défavorisés quant à la possibilité de produire de l'électricité. Il y a également la volonté de développer une bonne maîtrise de la production d'électricité à partir de l'énergie éolienne, tout simplement parce qu'il y a des énergies renouvelables à vendre à l'extérieur. Ne pas être présents sur ce type de marchés alors que nous sommes parmi les meilleurs du monde dans le domaine de la production d'électricité serait une forte erreur.
Je dirai un mot sur les prélèvements opérés par l'Etat sur EDF-GDF. Il faut séparer ce qui relève de la fiscalité traditionnelle de ce qui relève de la rémunération de l'Etat en tant qu'actionnaire. En effet, vouloir amalgamer tout cela conduit à une vue fausse de la situation. De toute façon, il est sûr que, s'agissant d'un certain nombre d'impôts, de taxes telles la taxe professionnelle, les taxes foncières et la contribution au FACE, les obligations de cette entreprise sont du même type que celles des autres entreprises.
Le problème posé est celui de la rémunération de l'Etat. Il est à mon avis effectivement souhaitable de clarifier les relations entre l'Etat et les entreprises au travers du contrat de plan : la rémunération de l'Etat doit faire l'objet d'une inscription claire dans le contrat de plan pour que la lisibilité de ces entreprises soit assurée à terme sur le contrat de plan.
Monsieur Foy, je ne répéterai pas que les crédits ne baissent pas, et que c'est la modification du financement qui a changé. J'insisterai simplement sur le fait que, sur 2,95 milliards de francs d'aides aux entreprises sous forme d'innovation, 1,2 milliard de francs est affecté aux PMI, ce qui représente 35 % des crédits. Les débudgétisations font-elles jurisprudence ? Je ne sais pas répondre à cette question, sauf à dire que pendant les dix ans au cours desquels j'ai été rapporteur à l'Assemblée nationale, je les ai vu utiliser par des gouvernements de droite comme de gauche. Ma responsabilité, s'agissant des Charbonnages de France et du CEA, particulièrement de l'investissement du CEA, c'est de trouver pour l'avenir des solutions permettant d'assurer la pérennisation des engagements d'investissement.
Je rappellerai que l'aide au secteur du textile et de l'habillement s'applique de droit pour toutes les entreprises de moins de cinquante salariés. Sur 13 000 entreprises du secteur du textile et de l'habillement en France, 1 300 ont plus de cinquante salariés et 11 700 ont moins de cinquante salariés. Par conséquent, grâce à la modification que nous avons obtenue de la règle de minimis concernant les aides d'Etat pour ces 11 700 entreprises, la réforme opérée est applicable de droit, quelle que soit la réponse de Bruxelles.
Cette aide a eu des résultats. L'observatoire que nous avons mis en place s'est réuni : il a montré que le rythme de disparition des emplois avait été divisé par deux ; pratiquement les deux tiers des effectifs des professions sont couverts par des accords correspondant au mécanisme mis en place, c'est-à-dire que plus de 220 000 personnes sur les 320 000 que représente la filière sont couvertes à ce jour par le mécanisme.
Il nous appartient bien évidemment de vérifier que tout se déroule normalement. Mille conventions ont été signées avec des entreprises de plus de 50 salariés - 1 000 sur les 1 300 potentielles - et une convention de groupe existe pour un certain nombre d'entreprises, de telle manière que l'on puisse couvrir la société mère et les filiales.
S'agissant des relations avec Bruxelles, la France ne fait pas l'objet, pour le moment, d'une injonction ; nous avons des explications à donner à la commission concernant le type de mécanisme que nous avons mis en place.
Je rappelle qu'il s'agit d'un mécanisme d'aide à l'emploi et que les politiques de l'emploi, jusqu'à plus ample informé, relèvent des politiques d'Etat.
M. Maurice Schumann. Très bien !
M. Franck Borotra, ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications. Par ailleurs, c'est un mécanisme général qui s'applique à des entreprises dont la main-d'oeuvre rémunérée au SMIC est de l'ordre de 70 %.
L'aide, c'est-à-dire, en fait, la diminution des charges, - en biseau jusqu'à 1,5 SMIC - a pour contreparties l'engagement d'éviter la destruction d'un certain nombre d'emplois, des mesures d'aménagement et de réduction du temps de travail et, enfin, des engagements de gel.
Je continue à considérer que ce mécanisme relève de notre politique. J'ajoute qu'il serait pour le moins étonnant que ceux qui se conduisent bien au niveau de l'Europe soient montrés du doigt et qu'on envisage de les sanctionner, alors que ceux qui se sont mal conduits en pratiquant des dévaluations compétitives sont aujourd'hui exonérés de toute charge et reçoivent la bénédiction bruxelloise.
M. Maurice Schumann. Très bien !
M. Franck Borotra, ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications. La France défendra le service public postal. Nous n'accepterons pas une directive qui déstabilise l'activité de La Poste, en particulier en libéralisant le transfrontalier et le publipostage.
Un accord existant entre les Allemands et les Français doit mettre à l'abri La Poste de la volonté ultralibérale de certains partenaires, volonté que nous ne partageons pas.
Faut-il, monsieur Revol, supprimer le ministère de l'industrie ?... Monsieur le président, à cette heure, peut être faut-il dire au ministre de l'industrie d'être court, mais supprimer son ministère, non ! En tout cas, pas tant que je serai ministre de l'industrie ! (Sourires.)
M. le président. Les deux sont difficiles, monsieur le ministre ! (Nouveaux sourires.)
M. Franck Borotra, ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications. Certes, mais il ne me reste plus que quelques réponses à apporter.
On peut faire des déclarations un peu enflammées, dogmatiques ou doctrinales sur l'évolution générale de l'économie du monde ; toujours est-il que l'on n'a pas trouvé meilleur système que les entreprises privées pour créer des richesses et donc des emplois. Mieux vaut donc créer de bonnes conditions pour le développement des entreprises privées.
L'intérêt de l'existence d'un ministère de l'industrie est donc de rappeler du haut en bas du pays la nécessité de la priorité industrielle, qui consiste non pas seulement en des crédits, mais aussi en la création et le développement d'entreprises industrielles.
Le ministère de l'industrie a donc pour responsabilité d'aider à la création et au développement de l'entreprise, comme M. Jacques Oudin l'a indiqué à juste raison.
Il a également pour mission d'essayer de faire bouger l'Europe pour faire comprendre à nos partenaires qu'en acceptant une naïveté industrielle et commerciale on s'engage dans la voie de la désindustrialisation de l'Europe et, du même coup, on privera l'Europe de sa puissance économique et donc de sa puissance politique.
M. Jacques Oudin. C'est évident !
M. Franck Borotra, ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications. S'agissant de Thomson, il ne faut pas mélanger les mécanismes : d'un côté, il y a l'avis de la commission de privatisation et, de l'autre côté, l'avis de la Commission de Bruxelles.
La Commission de Bruxelles s'exprime sur deux sujets.
Elle se prononce tout d'abord sur la recapitalisation : elle vérifie que cette dernière n'est pas une aide cachée à l'entreprise qui créerait une distorsion de concurrence avec d'autres entreprises présentes sur le secteur.
Elle vérifie par ailleurs les conditions de la fusion, et donc, la position en termes de concentration sur le marché européen.
La commission de privatisation a un rôle très simple : elle a pour responsabilité, sur le critère de la défense des intérêts patrimoniaux de l'Etat, de donner un avis conforme ou non conforme à la préférence exprimée par le Gouvernement.
Je constate que, voilà quelques mois, on considérait que l'affaire était faite, et qu'Alcatel serait choisi. Puis on nous a dit que cette commission entérinerait l'avis du Gouvernement, car elle n'était pas indépendante. Or, le Gouvernement a fait un autre choix que celui que tous ceux qui dénonçaient la procédure prétendaient connaître et la commission de privatisation a exprimé un avis non conforme. C'est la raison d'être de la commission de privatisation ! C'est la preuve du caractère démocratique et de la transparence de cette procédure.
D'ailleurs, dans tout ce tintamarre, on n'avait pas entendu ce qu'avait dit le Gouvernement, à savoir que, si l'avis de la commission de privatisation n'était pas conforme, il suspendrait la privatisation et qu'il lui appartiendrait de déterminer les conditions dans lesquelles il réengagerait une opération de privatisation.
La privatisation de cette entreprise est absolument nécessaire.
Elle l'est pour Thomson CSF parce qu'il est de notre devoir, au moment où l'on restructure les industries de l'armement, de créer un pôle d'électronique professionnelle et de défense fort, susceptible d'être à la base d'une série d'associations avec des partenaires européens pour créer les conditions d'une entreprise concurrentielle au niveau mondial dans ce secteur.
Elle l'est pour Thomson Multimedia parce que, si l'on veut valoriser les atouts humains et technologiques de cette entreprise, il faudra la désendetter et lui assurer des gains de productivité pour qu'elle puisse être compétitive et accéder à de nouveaux marchés.
Qu'on le veuille ou non, ces conditions, qui étaient à la base de la volonté de privatisation, n'ont pas changé à ce jour. Il appartiendra donc au Gouvernement d'en tirer les conséquences et de choisir la procédure qu'il souhaite.
On a parlé tout à l'heure, avec des accents plus ou moins sincères, de la présence souhaitée ou non d'entreprises étrangères sur le territoire français.
Je rappelle que la France est le troisième pays du monde pour l'accueil des investissements étrangers sur son territoire et le quatrième pays du monde pour ses investissements dans les pays étrangers.
Aujourd'hui, ces investissements dans un sens et dans l'autre représentent entre 90 milliards et 100 milliards de francs par an.
Tout cela, à l'évidence, intègre l'économie française dans l'espace européen - aujourd'hui il n'est plus de problème industriel qui ne prenne la dimension européenne - et prépare, qu'on le veuille ou non, les entreprises à la concurrence mondiale.
S'agissant de l'Agence internationale de l'énergie, si une partie de son rapport nous est effectivement favorable, une autre, celle qui appelle la France à être plus libérale dans l'organisation de ses marchés d'électricité, l'est beaucoup moins. Le jour où le secrétaire général de l'AIE a présenté son rapport, j'ai été obligé de lui dire que, sur ce point, la France ne changerait pas d'avis. Elle est engagée dans un programme électronucléaire qui est le fondement de son indépendance et, en même temps, la condition d'un coût énergétique faible rendant compétitives ses entreprises.
Pour ce qui est de la fin du cycle nucléaire, globalement, c'est 1 milliard de francs que le CEA investit chaque année à la fois dans la moxisation après retraitement des déchets, dans les laboratoires souterrains et dans les recherches engagées sur les réacteurs à neutrons rapides - c'est, en particulier, le cas de Superphénix. Nous sommes bien décidés à poursuivre dans ce sens.
L'accord entre Siemens et Framatome autour de l'EPR peut-il être maintenu si l'on s'associe à GEC-Alsthom ? Oui ! GEC-Alsthom produit des centrales de type classique, ce qui est aussi le cas de Siemens, mais Framatome est engagé avec Siemens dans un programme qui est, pour nous, essentiel.
Monsieur Lagourgue, la situation anormale que vous avez évoquée, et que nous connaissions, est très préjudiciable à l'activité de l'île. Elle mérite un examen attentif.
Je rappelle que le prix du carburéacteur, contrairement à celui du fioul domestique, n'est pas déterminé par l'administration. Son prix est libre, ce qui a effectivement permis une entente. Je rappelle, du reste, que les deux pétroliers que vous avez nommés ont été condamnés par le conseil de la concurrence.
Je vais demander très rapidement au directeur de la DRIRE de faire un dernier point très précis d'une situation que l'on connaît très bien et saisir M. le ministre de l'économie pour qu'une solution puisse être apportée à cette affaire.
A M. Maurice Schumann, j'ai envie de répondre que je suis d'accord avec lui et qu'il exprime son sentiment avec un tel talent que j'aurai du mal à faire aussi bien.
Je dirai simplement que nous sommes face à une Commission qui a tendance à s'engager de manière dogmatique, doctrinale, dans l'ultra-libéralisme. De l'ultra-libéralisme, moi, je ne veux pas. Je suis libéral parce que je suis convaincu que la libéralisation des échanges est un des éléments déterminant de la croissance, et donc de l'emploi. Mais je suis pour une conception libérale fondée sur la réciprocité...
M. Maurice Schumann. Très bien !
M. Franck Borotra, ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunication. ... et qui laisse la naïveté aux vestiaires.
Quand je vois des commissaires prendre l'initiative de continuer un débat sur l'éventuelle création d'une zone de libre-échange entre l'Europe et les Etats-Unis alors qu'ils n'ont pas mandat de le faire, quand je vois la pression à laquelle on nous soumet pour essayer d'opérer plus vite que prévu dans le cadre de l'OMC le démantèlement des accords multifibres, je dis que notre devoir est de défendre les intérêts industriels de la France et de l'Europe et de nous opposer aux comportements de ceux qui les compromettent.
C'est très simple : il nous faut modifier nos règles.
En ce qui concerne la concurrence de l'extérieur, l'Europe ne doit rien concéder qui ne soit fondé sur la base de la réciprocité. Elle doit éviter, comme on le fait trop souvent, de concéder avant de commencer à négocier, ce qui est la phase ultime de la naïveté. Enfin, elle doit utiliser les armes de défense commerciale dont elle dispose chaque fois qu'elle est en face de concurrences déloyales, ce qu'elle ne fait pas assez.
Quant à la concurrence interne, il faut également faire respecter les règles, en particulier quand on est confronté à deux éléments très perturbateurs du marché européen : d'un côté, les dévaluations compétitives, de l'autre, le dumping social - M. Barnier en a parlé hier - certaines entreprises mettent à profit, finalement, le coût social inférieur de certains pays pour y faire réaliser des travaux à des prix très inférieurs à ceux que peuvent pratiquer nos entreprises.
Monsieur Charzat, vous avez eu raison de parler de l'importance de l'industrie. Avez-vous-eu raison de nous reprocher, à nous, notre absence de volonté industrielle ? Je ne le crois pas. Il ne faut pas avoir la mémoire courte, monsieur Charzat, M. Oudin y a fait allusion.
Je vous rappelle que, en quinze ans, un million d'emplois industriels ont été supprimés. Ce n'était pas une chose acquise puisque, dans le même temps, 200 000 ont été créés en Allemagne, plusieurs millions aux Etats-Unis et plusieurs millions au Japon.
Je vous rappelle que, pendant ces quinze ans, la croissance de la production industrielle en France a été de 12 %. Elle a été de 18 % en Allemagne, qui pèse industriellement deux fois plus lourd que la France, et de 51 % aux Etats-Unis, qui pèsent quatre fois plus lourd que l'Allemagne.
Je ne voudrais pas être injuste en vous rappelant qu'on a assisté à la destruction du tissu industriel. On a pris quinze ans de retard dans les restructurations susceptibles de permettre à des secteurs industiels d'avoir la masse critique nécessaire pour trouver des partenaires européens et pour être compétitifs au niveau mondial.
Tout cela parce que, pendant ces quinze ans, s'il est vrai que l'on a fait un effort pour essayer de s'intéresser à l'entreprise, on a oublié la priorité industrielle ! Il est donc malvenu de votre part, monsieur Charzat, avec un tel bilan, de nous reprocher à nous, aujourd'hui, cet oubli.
J'ajoute que les déficits et l'endettement sont tels, aujourd'hui, que leur réduction est une priorité absolue. Il faut voir les choses telles qu'elles sont : cette situation du budget de l'Etat, dont la contrepartie sont les charges supportées par les entreprises et les ménages, est l'une des causes essentielles de l'asphyxie ou de l'atonie de l'économie française.
Actuellement, 55 % de la dépense en France est une dépense publique. Elle a donc une contrepartie en termes de prélèvements. La France est le seul pays qui, entre 1990 et 1994, a vu l'emploi public augmenter et l'emploi privé baisser.
Compte tenu de l'évolution de l'endettement, alors que l'Etat prélevait 48 % des émissions nettes sur le marché obligatoire en 1990, il en l'on prélève aujourd'hui 98 %, ce qui a pour conséquence de réduire le marché obligataire pour toute entreprise privée arrivant sur le marché. Tant qu'on n'aura pas cassé ce moule, baissé de manière substantielle les dépenses de l'Etat et réduit son endettement, une chape pèsera sur l'économie et, du même coup, sur la croissance et sur l'emploi.
Je ne reviendrai pas sur le problème des nationalisatons. Je suis le premier à reconnaître qu'elles ont eu des effets positifs, en 1981. Je veux néanmoins souligner trois éléments négatifs. Le premier, c'est le choix des dirigeants - je préfère ne pas y insister. Le deuxième, c'est l'incapacité de l'Etat à financer les entreprises publiques pour leur permettre d'assurer leurs besoins en investissements et leur croissance - voir Thomson ! Le troisième, c'est, malheureusement, l'orientation des restructurations vers des solutions franco-françaises, alors que, à l'évidence, aujourd'hui, la dimension minimale, je le répète, c'est la dimension européenne.
Monsieur Leyzour, les crédits de restructuration ne diminuent pas, les aides à la technologie sont constantes et la priorité est laissée aux PMI. Je ne reviens pas sur les chiffres, je les ai communiqués.
Toutes les entreprises du secteur concurrentiel ont vocation, selon moi, à revenir au secteur privé parce que c'est le seul moyen, à l'évidence, qu'elles ont de se développer.
Les plans de restructuration, c'est vrai, posent un grave problème. Votre parti m'a demandé, cet après-midi même, l'arrêt des restructurations et des plans sociaux.
Monsieur le président, je ne sais si j'ai le temps...
M. le président. Monsieur le ministre, vous disposez de tout le temps que vous décidez de prendre.
M. Franck Borotra, ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications. Je ne voudrais pas abuser !
M. le président. Vous êtes seul juge de la réponse que vous devez apporter au Sénat, monsieur le ministre.
M. Franck Borotra, ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications. Voltaire a dit : « Usez, n'abusez point, le sage ainsi l'ordonne. »
Quand on regarde ces problèmes de manière globale, on le fait parfois - ce propos ne vise nullement ceux qui se sont exprimés ici - de manière un peu fantaisiste.
Il faut savoir que, chaque année, deux millions d'emplois se font et se défont dans les entreprises françaises ; dans les entreprises industrielles, 700 000 disparaissent et 700 000 se créent. Pourquoi ?
Parce que des entreprises se créent, que d'autres disparaissent. Cela provient aussi des transformations, des processus industriels, de l'innovation, de la modification du process, des modifications de management, de l'organisation, du fonctionnement des entreprises.
C'est une dimension indispensable à la vie de l'entreprise. On ne peut contraindre l'évolution de l'entreprise, interdire à celle-ci de s'adapter aux conditions du marché, c'est-à-dire à la demande, au « référendum de la ménagère », ménagère qui, en changeant de produit, peut ruiner une entreprise.
Face à ce type de problème, on observe trois attitudes. Il y a ceux qui disent que rien ne doit bouger. Ne le prenez pas mal, mais ceux-là condamnent les entreprises à mort. Ensuite, à l'autre bout de l'échiquier, il y a ceux qui prônent le « zéro emploi industriel », plaidant la délocalisation généralisée. Je les condamne de la même manière. Le vrai problème est de trouver l'équilibre, la troisième altitude, de telle sorte que les entreprises puissent maintenir un projet industriel, des emplois industriels, et, en même temps, être compétitives. En effet, si l'on maintient des emplois industriels sans garder la compétitivité, l'entreprise, là aussi, est condamnée.
Je répondrai d'un mot à M. Laffitte sur la réforme de l'ANVAR. Nous sommes d'accord sur le fond. Il s'agit, en effet, de redéployer les moyens humains sur le terrain, notamment au profit des régions, de donner une priorité aux entreprises à forte croissance, de concentrer une partie de l'intervention de l'ANVAR sur les technologies clés.
Nous avons pris la décision de regrouper le plus possible dans un même lieu l'ANVAR et l'ensemble des acteurs de l'innovation. Nous avons, de même, mis en place une procédure d'interlocuteur unique dans quatre régions. Cette expérience sera généralisée en 1997. Nous souhaitons, d'une part, que l'ANVAR participe davantage à l'instruction des dossiers pour permettre l'élargissement du capital-risque et, d'autre part, mettre plus en synergie ses crédits avec l'Europe et les régions.
Je suis d'accord avec vous, notre pays souffre d'une absence de culture scientifique, industrielle et entrepreneuriale. C'est une dimension qui nous manque beaucoup. En effet, les emplois naissent d'entreprises qu'on crée, et les entreprises qu'on crée naissent d'hommes et de femmes qui prennent le risque de créer une entreprise.
Je vous remercie de l'hommage que vous avez rendu en particulier aux écoles des mines. Comme mes prédécesseurs, j'ai moi-même essayé d'animer ces écoles, qui sont très ouvertes, en particulier en ce qui concerne l'aide qu'elles apportent à l'innovation pour les petites et moyennes industries et les contrats qu'elles développent avec les laboratoires, pour déboucher finalement sur des ingénieurs de terrain qui doivent représenter 40 % des ingénieurs de production et 20 % de la totalité des ingénieurs en France.
Sur les technologies clés, un effort considérable reste à faire. Jugez-en : sur cent cinq technologies clés importantes pour l'industrie à un horizon de cinq ou dix ans, la France en maîtrise soixante-six au plan scientifique et elle accuse des faiblesses pour vingt-quatre d'entre elles, mais, sur le plan de la maîtrise industrielle, elle n'en domine plus que vingt-quatre et elle enregistre des faiblesses pour quarante-neuf d'entre elles.
En ce qui concerne les technologies qui sont en voie d'émergence, la France n'en maîtrise que deux, alors qu'il faut reconnaître que son niveau scientifique est bon. Il convient donc de corriger cette exception, qui n'est pas seulement une exception française, mais qui est aussi une exception européenne.
Je souscris pour l'essentiel aux propos de M. Jacques Oudin. L'importance du socle industriel est indéniable. Tout le drame vient d'une vision économique qui ne tient compte que des agrégats. Sous prétexte que le secteur secondaire ne représente plus que 29 % de la production intérieure brute, l'industrie serait moins importante. Je voudrais simplement rappeler au Sénat que, si l'on ajoute aux revenus de l'industrie ceux des services rendus pour l'industrie, c'est plus de un franc sur deux de la richesse créée en France qui est directement ou indirectement lié à l'industrie. De même, la part de la recherche-développement et de l'exportation de l'industrie dans la croissance est très importante.
L'Etat est un mauvais industriel. Il faut abaisser les charges, comme il faut rétablir un ordre international, en particulier dans le domaine monétaire, notamment pour faire disparaître les barrières protectionnistes. Vous avez fait une proposition concernant la politique d'amortissement. Je vais la transmettre à mon collègue chargé du budget. Une réflexion est à mener dans ce domaine.
De la même manière, monsieur Oudin, des mesures doivent être prises pour aider à la création d'entreprises et, en particulier, pour éviter à l'avenir, comme vous l'avez demandé, que, dans leurs premières années de création, les jeunes entreprises n'accusent un taux de mortalité aussi élevé qu'à l'heure actuelle. On peut, pour ce faire, envisager de les aider sur le plan juridique ou comptable, notamment pour ce qui est de la présentation de leurs comptes, voire songer à des exonérations.
J'en aurai terminé, monsieur le président, après avoir répondu à Mme Bergé-Lavigne.
M. le président. C'est non pas avec moi que vous aurez des ennuis, monsieur le ministre, mais avec votre collègue de l'agriculture ! (Sourires.)
M. Franck Borotra, ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications. Madame Bergé-Lavigne, dans les nationalisations, tout n'est pas négatif, mais l'ensemble des entreprises du secteur concurrentiel ont besoin d'avoir une liberté de décision et d'appréciation pour s'engager. Le niveau des prélèvements obligatoires est insupportable, ce qui a pour conséquence que l'Etat, aujourd'hui comme hier, est incapable de doter en capital les entreprises qui en ont besoin.
Il faut simplement organiser notre action autour d'entreprises concurrentielles qui recherchent la compétitivité, la voie dogmatique de l'économie administrée ou dirigée n'étant plus ouverte à un pays comme la France, qui est à l'évidence aujourd'hui trop impliqué dans la concurrence mondiale et qui a accepté de jouer totalement le jeu de l'ouverture de ses frontières par rapport à ses partenaires européens. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C et concernant l'industrie, la poste et les télécommunications : I. - Industrie.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III, moins 76 807 520 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Le groupe socialiste vote contre.
M. Félix Leyzour. Le groupe communiste républicain et citoyen également.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre IV, moins 1 652 751 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
M. Félix Leyzour. Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Le groupe socialiste aussi.

(Ces crédits sont adoptés.)

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme, 55 500 000 francs ;
« Crédits de paiement, 18 600 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
M. Félix Leyzour. Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Le groupe socialiste également.

(Ces crédits sont adoptés.)