M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant le budget annexe des prestations sociales agricoles.
Mes chers collègues, j'en appelle à votre collaboration pour le respect des temps de parole.
Nous assistons malheureusement à certains dérapages ; je vous engage à la discipline, ce qui n'est pas nécessairement compatible avec le droit à l'expression du Parlement.
La parole est à M. Bourdin, rapporteur spécial.
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, présenté en hausse de 0,1 %, le projet de budget annexe des prestations sociales agricoles pour 1997 ne présente pas de caractéristiques particulières appelant de longs développements. La commission des finances a toutefois souhaité attirer l'attention de la Haute Assemblée sur un certain nombre d'éléments relatifs à l'environnement juridique et financier de ce budget annexe. Conformément aux orientations qui ont présidé à la rénovation de notre procédure budgétaire, les aspects spécifiques de la protection sociale en agriculture seront traités par notre éminent collègue M. Bernard Seillier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.
La commission des finances tient, en premier lieu, à féliciter le Gouvernement d'avoir mené à son terme, cette année, l'ambitieuse réforme de l'assiette des cotisations sociales et d'avoir mis fin - c'est du moins le voeu que j'émets - aux incessantes discussions d'experts sur le niveau de la parité de l'effort contributif des exploitants.
Depuis 1993, le Gouvernement a accompli d'importantes avancées sociales, qu'il s'agisse de la prise en compte des décifits dans la moyenne triennale, de la prise en compte de la rente du sol ou de l'option selon les cas pour l'année n ou l'année n - 1.
De surcroît, grâce à la majoration des cotisations vieillesse, les exonérations pour les jeunes agriculteurs et pour les années déficitaires ne donnent plus lieu à des majorations de cotisations variables chaque année.
Sous réserve de quelques aménagements à la marge, le financement de la protection sociale agricole est dorénavant assuré de manière rationnelle.
La commission des finances a souhaité, en second lieu, réaffirmer son attachement à la procédure du budget annexe, qui a été mise en cause par la Cour des comptes. Elle estime qu'il est nécessaire de maintenir la double singularité de ce régime de protection sociale : un financement entièrement budgétisé et un équilibre garanti par la solidarité nationale.
Parallèlement, elle ne souhaite pas que l'organisation des caisses de la mutualité sociale agricole soit calquée sur celle du régime général. Bien entendu, des améliorations sont toujours envisageables sur tel ou tel point et la commission des finances vous demande, monsieur le ministre, les mesures que vous entendez éventuellement prendre pour donner suite aux propositions émises par la Cour des comptes à propos du fonctionnement des caisses de la mutualité sociale agricole.
Trois points méritent probablement une analyse : la gestion de la trésorerie, la croissance des frais de gestion et la rentabilité des activités de diversification.
Par ailleurs, l'analyse concomitante du BAPSA et du projet de loi de financement de la sécurité sociale par le Parlement soulève inévitablement des problèmes d'articulation assez complexes à résoudre : quelles seront, par exemple, les conséquences sur le BAPSA du basculement d'une partie des cotisations maladie sur la CSG et de l'affectation supplémentaire de droits sur les alcools ? Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous puissiez nous élcairer sur ces deux points.
Il n'en demeure pas moins que ces deux procédures doivent pouvoir rester compatibles dans l'avenir, ne serait-ce qu'en raison de la subvention d'équilibre du BAPSA inscrite dans le budget de l'agriculture. Comme vous l'avez fort bien dit, monsieur le ministre, et je me permets de vous citer : « Il serait évidemment pour le moins paradoxal de demander au Parlement de voter cette subvention qui constitue un solde entre les dépenses et les recettes sans qu'il se prononce sur ces dépenses et ces recettes. Cette spécificité justifie que le Parlement examine les dépenses de prestations sociales agricoles et leur financement d'une manière plus approfondie qu'il le fera pour les opérations des autres régimes dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale. »
La commission des finances a souhaité également présenter quelques observations sur la revalorisation des retraites agricoles. Le niveau de ces retraites continue de représenter un enjeu majeur de solidarité, même si ce n'est que depuis 1933 que des mesures significatives ont été prises en faveur de ces retraites avec la revalorisation des retraites des anciens aides familiaux, le cumul entre les droits propres à pension de retraite et la pension de réversion dont peut bénéficier le conjoint survivant de l'exploitant agricole et le passage de 50 % à 54 % du maximum de ce cumul.
La désignation récente d'un député en mission, M. Daniel Garrigue, sur ce dossier des pensions de retraite est de nature à permettre un débat de fond, qui pourrait avoir lieu lors de l'examen du projet de loi d'orientation agricole.
Sans attendre cette échéance, le projet de loi de finances se propose de revaloriser les retraites agricoles de faible montant. L'article 84 de ce projet de loi permettra de garantir un minimum de pension aux chefs d'exploitation qui prendront leur retraite à compter du 1er janvier 1997 et qui justifieront d'une carrière complète. Pour une carrière complète de chef d'exploitation, le montant minimum de pension ainsi garanti sera d'un peu plus de 37 000 francs, soit une augmentation de 8 175 francs, et sera proche du minimum contributif du régime général.
Cet article 84 permettra également de revaloriser les pensions servies aux chefs d'exploitation actuellement retraités ayant accompli une carrière complète en agriculture et ayant été, pendant la majeure partie de celle-ci, chefs d'exploitation à titre exclusif ou principal. Pour une carrière complète, le nombre total de points de retraite proportionnelle sera porté au minimum de 750 et la retraite annuelle totale de l'intéressé sera ainsi de 32 000 francs, représentant un surplus de 2 991 francs. Cette mesure heureuse bénéficiera à environ 220 000 salariés.
Le coût de ces mesures sera de 214 millions de francs en 1997 et de 518 millions de francs en l'an 2000. Il s'agit donc d'une avancée appréciable, surtout au regard des contraintes auxquelles sont soumises nos finances publiques.
Mes chers collègues, la protection sociale ne constitue qu'un des aspects de la politique agricole conduite par le Gouvernement. Il conviendrait, en effet, de s'interroger sur la participation du BAPSA à l'effort général en faveur de la filière bovine, sur l'actualisation des bases de la taxe sur le foncier non bâti, qui conditionne l'efficacité de la prise en compte de la rente du sol, ou sur l'incitation fiscale à choisir un régime réel d'imposition. Ces points seront traités aujourd'hui lors de la discussion sur le budget de l'agriculture.
Monsieur le ministre, à cet égard, je me pose une question quant à l'estimation des conséquences de l'adoption des articles 72 et 73 sur les rentrées de cotisations sociales à partir de 1998, et je vous demande de m'apporter des éclaircissements sur ce point.
Mes chers collègues, la commission des finances vous propose d'adopter en l'état le projet de BAPSA pour 1997, qui témoigne à la fois des progrès enregistrés dans le domaine de la protection sociale agricole et de la participation des exploitants à l'effort de maîtrise de la dépense sociale. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Seillier, rapporteur pour avis.
M. Bernard Seillier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur l'évolution des crédits pour 1997, excellement exposée par notre collègue Joël Bourdin, rapporteur de la commission des finances.
Mon intervention se limitera à l'examen des conséquences sur le BAPSA de l'introduction des lois de financement de la sécurité sociale.
Je souhaite préciser d'emblée que la réflexion de la commission des affaires sociales a porté sur le cadre comptable et sur la procédure de présentation au Parlement des dépenses et des recettes du régime social agricole, et non pas sur l'existence de ce régime, auquel elle reste très attachée.
Ce régime est, en effet, adapté aux caractéristiques spécifiques des activités agricoles.
Il dispose surtout d'une organisation spécifique, la mutualité sociale agricole, aux structures fortement décentralisées, bien implantée dans le monde rural et qui a su diversifier les services proposés à ses ressortissants. C'est d'ailleurs le régime général qui devrait s'inspirer du fonctionnement actuel du régime agricole, et non l'inverse.
Incidemment, pourriez-vous, monsieur le ministre, nous préciser à cet égard les suites que vous pensez pouvoir donner à l'arrêt récent du Conseil d'Etat, conforme à l'avis de la Cour de justice des Communautés européennes, qui a annulé l'essentiel du décret relatif au régime de retraite complémentaire par capitalisation, dit COREVA, géré par la mutualité sociale agricole, et ce afin de répondre aux inquiétudes des quelque 110 000 souscripteurs et 15 000 retraités concernés ?
Pour en revenir au BAPSA, outre son caractère juridiquement contestable, encore souligné récemment par la Cour des comptes, il est devenu une « curiosité institutionnelle » au regard des modalités prévues par la loi de financement de la sécurité sociale.
Cette dernière offre, d'abord, l'opportunité de replacer chacun des régimes de sécurité sociale dans des perspectives d'ensemble et d'évolution plus cohérentes, notamment au regard des arbitrages portant sur le financement par la solidarité nationale.
Par ailleurs, la loi de financement permet d'avoir une vue plus exhaustive du régime des exploitants agricoles. En effet, le BAPSA ne retrace ni les frais de gestion, ni les dépenses d'action sanitaire et sociale des caisses, ni le coût des bonifications des pensions accordées aux retraités. On se souvient des péripéties qui ont, finalement, amené à faire prendre en charge ces bonifications par le fonds de solidarité vieillesse en les sortant de façon fort opportune du BAPSA.
Or ses insuffisances ne manqueront pas de s'accentuer au cours des prochaines années ; je pense notamment aux crédits de l'allocation spécifique dépendance, qui ne figureront pas dans le BAPSA puisqu'ils relèvent de l'action sociale.
Enfin, la disjonction de l'examen des dépenses et des recettes de ce régime spécial par rapport à la loi de financement entraîne des incohérences. Le projet de BAPSA ne tient pas compte, par exemple, du basculement d'une partie des cotisations maladie vers la contribution sociale généralisée. Le reversement d'une partie des droits sur les alcools n'est pas davantage mentionné. Pourtant, le débat sur la parité pourrait être utilement éclairé par une appréciation plus équitable de l'effort contributif réel des agriculteurs, au niveau tant des cotisations complémentaires que de la CSG.
En conclusion, la commission des affaires sociales n'ignore pas que la loi de financement doit elle-même passer une inévitable période de rodage.
Mais elle considère que l'Etat, les responsables de la MSA et les professionnels doivent ouvrir le débat en cherchant à obtenir les garanties réciproques que chacun est en droit d'attendre. A cet égard, l'Etat a une responsabilité particulière. Il lui appartient d'affirmer sans ambiguïté que l'intégration du BAPSA dans la loi de financement de la sécurité sociale ne constituerait pas une étape dans le démantèlement du régime applicable, mais bien qu'elle serait une mesure de cohérence méthodologique sur le plan comptable.
J'ajoute que celle-ci ne signifierait pas pour autant la disparition du régime agricole de la loi de finances. Le montant des subventions reçues devra, quoi qu'il en soit, figurer dans un chapitre des dépenses du budget de l'Etat, comme c'est le cas aujourd'hui, par exemple, pour le régime des mines.
Telles sont les observations que la commission des affaires sociales voulait vous présenter à propos de ces crédits sur lesquels elle a émis un avis favorable. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe socialiste, 7 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 9 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 5 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
La parole est à M. Mercier.
M. Louis Mercier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après les excellentes interventions de nos deux rapporteurs, mon propos sera bref et je le limiterai seulement à quelques points précis.
Je souhaite, en premier lieu, demander au Gouvernement les suites qu'il entend réserver au rapport de la Cour des comptes, qui met en cause les caisses de Mutualité sociale agricole.
Beaucoup de ces caisses sont gérées avec rigueur, et je puis en témoigner personnellement pour avoir présidé celle de la Loire pendant de nombreuses années.
Il est regrettable que soit entretenue une certaine suspicion à l'égard de cet organisme mutualiste spécifique à la profession agricole et au sein duquel se dévouent de nombreux administrateurs.
M. Henri de Raincourt. Très bien !
M. Louis Mercier. Je tiens à rappeler fermement à cette tribune les services rendus par ces caisses, qui sont les seules à offrir à leurs assurés, en un lieu unique, l'ensemble des renseignements et prestations dont ils peuvent avoir besoin.
De plus, ces caisses sont parfaitement intégrées dans le milieu rural et participent activement à son animation et à son développement économique.
A l'heure où l'on nous annonce un projet de loi sur le développement des zones rurales, il y aurait assurément un paradoxe à banaliser les caisses de MSA et à les conduire à se regrouper dans les grandes villes, loin des assurés.
Je constate, par ailleurs, que les frais de gestion des caisses mis en cause par la Cour des comptes ont tendance à baisser, de 2,37 % en 1995, et qu'ils sont tout à fait comparables, si ce n'est inférieurs, aux frais de gestion des autres caisses, dès lors que l'on prend en compte le coût de traitement de chaque dossier.
Certes, ces caisses sont tout à fait disposées à suivre certaines des recommandations de la Cour des comptes, plus particulièrement en ce qui concerne la gestion de trésorerie.
Je souhaite maintenant obtenir des réponses, monsieur le ministre, à deux questions ponctuelles.
Pour la deuxième fois en deux ans, le taux de la contribution au fonds commun des accidents du travail agricole est augmenté. En deux ans, il sera passé de 3,5 % à 10 % des contrats d'assurance obligatoire contre les accidents du travail.
Devant une telle progression, il n'est plus possible de procéder ainsi et une remise à plat s'impose. Quand aura-t-elle lieu, monsieur le ministre ? C'est ma première question.
Envisagez-vous, monsieur le ministre, de réunir régulièrement la commission nationale des calamités agricoles pour qu'elle puisse donner chaque année son avis sur le financement professionnel du fonds ? C'est ma seconde question.
Il me semble en effet peu normal que le projet de loi de finances envisage la prorogation sur quatre ans de la taxe sur les véhicules à moteur alors qu'une révision annuelle serait souhaitable.
Je terminerai mon bref propos, monsieur le ministre, en vous félicitant pour votre action en général et, plus spécifiquement, pour les mesures prises en faveur de la revalorisation des petites retraites agricoles.
Bien qu'un effort non négligeable ait été fait en ce domaine depuis 1993, il reste encore beaucoup à faire.
Je me réjouis en tout cas qu'un parlementaire en mission ait été désigné par le Premier ministre pour établir un rapport sur l'avenir des retraites agricoles. Il y va de la dignité des exploitants retraités et de la solidarité dont nous devons savoir faire preuve à leur égard.
En conclusion, monsieur le ministre, le budget que vous nous présentez me semble être, dans le difficile contexte actuel, un bon budget, et le groupe de l'Union centriste, au nom duquel je m'exprime, le votera. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Moreigne.
M. Michel Moreigne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de BAPSA pour 1997 s'élève à 87,2 milliards de francs, progressant ainsi de 0,11 % par rapport au BAPSA de 1996. On peut donc parler d'un reconduction à l'identique.
Ce budget se trouve, comme chaque année, tiraillé entre les attentes légitimes des agriculteurs, des préretraités et des retraités, d'une part, et les contraintes budgétaires, d'autre part.
On ne peut l'analyser sans tenir compte de la révision constitutionnelle qui permet désormais au Parlement de se prononcer sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
La logique pour les ressortissants du régime agricole est la même que pour les ressortissants du régime général, c'est-à-dire qu'ils subissent une hausse des cotisations.
Notons cependant que le démantèlement des taxes spécifiques sur les céréales, les oléagineux et les betteraves est achevé et que la cotisation additionnelle à l'impôt foncier non bâti est devenue marginale. La participation au financement du BAPSA des agriculteurs est donc essentiellement assise sur leurs revenus professionnels depuis 1996.
Les prévisions de recettes sont en légère progression, évolution liée à l'augmentation inégale, mais réelle, du revenu agricole. Mais il faut rester prudent compte tenu de la crise due à l'encéphalopathie spongiforme bovine, l'ESB, et aux reports de cotisations qu'elle engendre, et qu'elle engendrera sur plusieurs années, afin de venir en aide aux éleveurs qu'elle touche de plein fouet et qui sont incapables de faire face à des échéances de cotisations. C'est une situation gravissime, notamment pour les éleveurs du Massif central, qui élèvent des races à viande.
La subvention d'équilibre augmente, certes, de 12,9 %, mais il faut noter un relèvement des cotisations de 10,2 %. Les cotisations techniques atteignent ainsi 15,6 milliards de francs.
On constate un ralentissement apparent de la dégradation de la situation démographique du régime agricole, la poursuite de la baisse du nombre de cotisants s'accompagnant désormais d'une baisse du nombre d'ayants droit, même pour la branche vieillesse. Dans l'autre sens, il faut bien dire que la situation de l'emploi se dégrade même dans le secteur agricole.
Les ressources en provenance de l'Etat sont constituées par le remboursement des allocations aux adultes handicapés versées dans le régime agricole, les versements du fonds spécial d'invalidité et la subvention d'équilibre, qui atteint 7 279 milliards de francs démontrant encore une fois la solidarité nationale.
Cependant, les dépenses du BAPSA inscrites pour 1997 progressent seulement de 0,11 % par rapport à celles qui étaient inscrites dans la loi de finances initiale pour 1996, mais de 1,3 % environ par rapport aux prévisions révisées d'exécution pour 1996, compte tenu de la surestimation initiale de la participation du budget annexe au budget global hospitalier.
Cette progression des dépenses résulte naturellement de la combinaison de plusieurs facteurs : les mesures de maîtrise de la consommation médicale et le déclin des effectifs d'ayants droit ralentissent la dépense, tandis que les revalorisations habituelles des prestations en espèces et les mesures spécifiques pour les retraités agricoles la poussent à la hausse.
Enfin, une mesure d'économie paraît très contestable, à savoir la réduction apparente de 170 millions à 110 millions de francs de l'enveloppe finançant l'aménagement des charges sociales des exploitants en difficulté, dont j'ai évoqué tout à l'heure un cas particulier. Est-ce du fait du traitement à part, hors BAPSA, des reports de cotisations sociales des éleveurs de bovins ? Prise en charge et étalements diminuent de 60 millions de francs.
Mais, parmi les secteurs en difficulté, s'ajoutent les producteurs de fruits et légumes et les arboriculteurs. Dans ces conditions, est-il bien prudent de réduire ainsi l'enveloppe assurant le financement des charges sociales des exploitants en difficulté ?
Certains points de ce projet de budget ne sont pas négatifs. Je pense, par exemple, à l'amorce d'une réelle revalorisation des plus faibles retraites. Toutefois, on ne peut accepter qu'elle soit supportée par la profession agricole, alors que, vu l'état de la profession agricole, elle devrait aussi relever de la solidarité nationale.
Le débat sur la parité, dit-on, a été réglé de façon satisfaisante, mais tout le monde ne partage pas cette opinion. Nous tenons au principe selon lequel à cotisations égales, les agriculteurs devraient percevoir des prestations égales à celles des autres assurés sociaux.
Aucune réponse n'a été apportée à la demande formulée par les ressortissants du régime agricole tendant à faire bénéficier les agriculteurs de prestations d'action sanitaire et sociale identiques à celles qui sont accordées aux salariés dépendant du régime général. Le problème reste donc posé.
J'en viens aux questions touchant à la CSG.
Le projet de BAPSA n'intègre pas la réforme du financement de la sécurité sociale et, notamment, le basculement d'une partie des cotisations maladie sur la CSG, ainsi d'ailleurs que d'une partie des droits sur l'alcool.
En premier lieu, il me paraît nécessaire de vérifier que ce basculement est neutre du point de vue individuel comme du point de vue global.
L'assiette de la CSG, on le sait, est constituée de la moyenne triennale des revenus et des cotisations des années n -4 à n -2. De plus, cette assiette n'a pas intégré jusqu'à présent les modifications intervenues depuis 1990 pour la détermination de l'assiette sociale, à savoir la prise en compte des déficits, les options, etc.
La seule indication fournie est le rendement de CSG sur les revenus professionnels prévu pour 1996, soit 1,410 milliards de francs.
Par ailleurs, quelle réponse peut-on donner à l'inégalité de traitement entre les salariés et les indépendants à propos du basculement de 1,3 point de taux de cotisation maladie en contrepartie d'un point de CSG ? Les premiers vont voir augmenter leur pouvoir d'achat, alors que l'opération sera neutre pour les seconds, à cause des différences d'assiette.
Concernant les prélèvements, monsieur le ministre, confirmez-vous votre intention de diminuer d'un point le taux de cotisation maladie en contrepartie du point de CSG lors de l'élaboration du décret de financement pour 1997 ?
En deuxième lieu se pose le problème de l'inscription des recettes en provenance de la CSG, dont l'augmentation ne doit pas se traduire par une diminution apparente du financement professionnel. La part CSG « maladie » devrait figurer en recettes dans le BAPSA, mais le projet de loi de financement de la sécurité sociale ne précise pas s'il s'agit du montant versé par les cotisations du régime ou des montants reçus pour neutraliser l'effet du basculement maladie-CSG.
M. le président. Veuillez conclure, je vous prie, monsieur Moreigne.
M. Michel Moreigne. En troisième lieu, le remplacement de 1,3 point de cotisation maladie par un point de CSG ne doit pas entraîner une baisse des rendements destinés au financement de la gestion de la MSA. Le maintien du niveau des recettes complémentaires concernées est-il assuré ? Les caisses de MSA seront-elles rémunérées pour le recouvrement de la CSG ?
Telles sont les observations que je tenais à formuler, monsieur le ministre.
Le groupe socialiste ne pourra vous apporter ses suffrages sur ce projet de BAPSA. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Je tiens à vous indiquer, monsieur Moreigne, que vous avez dépassé le temps de parole qui vous était imparti d'une minute et demie et que cela sera décompté du temps réservé à vos collègues du groupe socialiste lorsque nous examinerons le projet de budget de l'agriculture.
La parole est à M. Minetti.
M. Louis Minetti. Monsieur le ministre, vous dites avoir consenti, pour nos retraités de l'agriculture, un effort. Je crois, pour ma part, qu'on ne peut appeler cela un effort : c'est une goutte d'eau dans la mer ! Quand une épouse d'agriculteur touche 1 350 francs par mois et un chef d'exploitation retraité 2 200 francs ils peuvent, à juste titre, se considérer comme des laissés-pour-compte.
Bien sûr, avec des retraites aussi ridicules, la moindre augmentation est toujours la bienvenue, mais quand on la met en regard des 4 800 francs par mois qui découleraient de la mise en application des promesses des partis de votre majorité, on se dit que c'est se moquer du monde !
La retraite minimale des anciens exploitants déjà retraités à temps complet mettra trois ans pour atteindre 2 668 francs par mois. Celle des conjoints d'exploitants ayant exercé moins de 37 années et demie sera augmentée au maximum de 125 francs par mois.
Enfin, cette mesure n'apportera aucune amélioration à la très grande majorité des bénéficiaires du fonds national de solidarité puisque la somme rajoutée à la retraite de base sera retranchée du fonds.
Tous les gouvernements successifs de ces dernières années et deux Présidents de la République avaient fait des promesses aux retraités. Vous-même, monsieur le ministre, aviez indiqué dans La lettre de la Nation du 1er mars 1996 : « Le rattrapage des retraites agricoles se fera entre 1996 et 1998. » Peut-être me direz-vous que l'on n'est pas encore en 1998. Mais je prends date !
De plus, pendant la campagne électorale de 1993, une centaine de députés du RPR avaient même déposé un amendement dans ce sens. Alors, il faut tenir les promesses !
Aucune retraite agricole inférieure à 75 % du SMIC, voilà ce que, légitimement, les retraités réclament. Pour des paysans qui ont fait l'agriculture d'aujourd'hui - et beaucoup d'entre eux ont travaillé dès l'âge de treize ans, sans jamais prendre de vacances -, j'estime que ces 75 %, ils ne les ont pas volés !
Allez-vous enfin écouter ces 2 500 000 retraités agricoles qui ne peuvent plus vivre ? Ils doivent pouvoir vivre selon le mode de vie qui sied en cette fin de XXe siècle. Le séjour en maison de retraite coûte en moyenne 8 000 francs par mois à qui peut y prétendre. Faites la comparaison avec ce que touche un retraité !
Surtout ne m'objectez pas qu'il n'y a pas d'argent ! Je peux vous indiquer où en trouver : 45 milliards de francs de profits ont été dégagés dans la filière agro-alimentaire en 1994 ; 400 milliards de francs de profits ont été, au total, réalisés par les géants de la distribution, les grosses entreprises d'engrais et de tracteurs.
Voilà, où vous pouvez trouver l'argent !
Je suggère à la mission - encore une ! - que vous avez désignée pour étudier ce problème des retraites de s'intéresser à cette source de financement.
L'an dernier, j'avais déposé un amendement visant à fixer un minimum de 75 % du SMIC brut. On m'a répondu par des arguties. Je le déposerai à nouveau lorsque nous examinerons le projet de budget de l'agriculture, car l'urgence d'une telle mesure se fait sentir encore plus aujourd'hui. Notre pays s'honorerait d'appliquer la solidarité nationale à nos personnes âgées.
Monsieur le ministre, je me suis tenu à cette seule question des retraites parce qu'elle résume, à elle seule, tout ce qui ne va pas dans le BAPSA et la protection sociale agricole. Tout cela explique pourquoi nous ne pouvons pas voter ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. Monsieur le ministre, dans un contexte de maîtrise des dépenses publiques, vous avez été appelé à opérer des choix difficiles. Ce budget devait concilier la satisfaction des attentes légitimes des agriculteurs et le respect des contraintes.
Vous avez su préserver l'essentiel, et j'approuve les orientations qui ont été retenues dans ce projet de budget pour 1997 : installation des jeunes, enseignement et formation, politique sociale.
Permettez-moi néanmoins d'insister sur quelques points.
L'augmentation de 2,3 % des crédits de l'enseignement agricole et de la formation professionnelle traduit incontestablement la priorité accordée au secteur éducatif, et je m'en réjouis. Mais permettra-t-elle de faire face à la progression importante des effectifs d'élèves, qui est en moyenne de 5 % par an depuis cinq ans, avec 169 000 inscrits dans l'enseignement technique en 1996 ?
Les établissements du centre national de l'enseignement privé sont contraints de refuser des élèves et ne peuvent, en conséquence, satisfaire la demande sociale des familles, notamment dans le secteur « production ».
Une autre inquiétude concerne l'application du protocole signé en 1995 entre le Gouvernement et la fédération d'établissements privés. Le projet d'étalement est-il synonyme de repli ?
En définitive, l'évolution contrastée des crédits de formation initiale et des crédits de formation continue - ces derniers étant en baisse, à l'exception de ceux qui concernent les actions de préparation à l'installation - ne peut manquer de nous laisser perplexes. Aujourd'hui, moins d'un quart des élèves de l'enseignement agricole sont issus du monde rural et 20 % seulement des jeunes ainsi formés se dirigent vers la production agricole.
Est-il de la vocation du ministère de l'agriculture de consacrer une part croissante de son budget à un enseignement de moins en moins agricole ? Il y a là un enjeu budgétaire majeur puisque près de 20 % de ses crédits et 50 % de son personnel sont consacrés à l'enseignement.
L'enseignement agricole ne peut prendre en charge l'ensemble des besoins de scolarisation du milieu rural sans risquer de remettre en cause sa qualité, ses spécificités et son caractère professionnel.
La recherche des moyens d'une croissance raisonnée des effectifs est donc un impératif et la place de l'enseignement agricole vis-à-vis de l'agriculture et de l'enseignement en général devra faire l'objet d'un débat de fond dans le processus d'élaboration de la loi d'orientation à venir.
S'agissant de la politique sociale. Ce projet de budget traduit la volonté de solidarité exprimée lors de la dernière conférence annuelle agricole. Les veuves connaîtront une revalorisation des pensions de réversion. Les retraités les plus modestes verront un relèvement de leur pension. Enfin, les éleveurs bovins auront la possibilité d'un report sur 1999 de la moitié de leurs cotisations dues pour 1996.
Je salue cet effort réel, mais n'est-il pas encore modeste au regard de nos devoirs envers des Français qui ont fait de notre pays la deuxième puissance exportatrice mondiale sur le plan agricole et agro-alimentaire ?
M. Fernand Tardy. Très bien !
M. Bernard Joly. La retraite, dans le monde agricole, c'est le repos après des années de sacrifices, mais c'est aussi la pauvreté : 1 300 francs mensuels pour les épouses et 2 200 francs pour les chefs d'exploitation.
En outre, le système crée des distorsions importantes entre nouveaux et anciens retraités. Le niveau des pensions de ces derniers demeure bien faible, pour ne pas dire indécent. Ces hommes et ces femmes ont travaillé durement tout au long de leur vie, tout en supportant la charge des anciens et en élevant des enfants qui cotisent ailleurs. C'est un problème de solidarité nationale et d'équité.
La mutualité sociale agricole s'interroge sur les conséquences d'un récent décret qui la prive de la gestion des COREVA. La question est simple, monsieur le ministre : les agriculteurs qui ont souscrit un contrat COREVA verront-ils leurs droits garantis et bénéficieront-ils à nouveau d'un système de retraite complémentaire, au même titre que toutes les autres catégories professionnelles ?
Je mesure les difficultés des finances publiques et le poids des retards accumulés. A l'évidence, on ne pourra résoudre ce problème en un seul exercice budgétaire. Mais, à trop tarder, nous désespérons ces hommes et ces femmes.
A l'inverse, certains secteurs ont subi la rigueur. Le « tour de vis » opéré sur les crédits des offices agricoles, conséquence de l'étalement des contrats de plan Etat-région, ne risque-t-il pas de remettre en cause leur capacité d'agir en vue de la nécessaire adaptation des filières agricoles et agro-alimentaires au contexte international de plus en plus ouvert et concurrentiel ?
Ainsi, en Franche-Comté, avait été programmée une montée en puissance des mesures d'amélioration des conditions d'hygiène sur les exploitations laitières pour répondre aux enjeux de la maîtrise sanitaire des productions, en application d'une directive européenne. Que va-t-il advenir de ces actions et des personnels techniques de terrain ?
De même, je m'étonne de l'abandon des aides à la modernisation des exploitations. A l'heure de l'ouverture des marchés mondiaux, ne doit-on pas, justement, favoriser la modernisation et le travail en commun, afin de placer les exploitations agricoles dans des conditions de compétitivité ?
Je m'associe également aux remarques que formulera mon excellent collègue Raymond Soucaret sur les mesures agri-environnementales et le programme de mise aux normes de bâtiment d'élevage, notamment.
Je conclurai en rappelant que le débat budgétaire nous conduit à nous poser la question aiguë de la place et de l'avenir de l'agriculture française.
Les enjeux que constituent l'élargissement européen, la négociation commerciale internationale, les crises sectorielles, les exigences nouvelles du consommateur, la préservation de l'environnement doivent appeler l'audace d'un vrai projet qui définisse nos choix et nos stratégies pour cette « agriculture citoyenne, innovante et durable » que souhaitent nos agriculteurs.
Ce sera là, je l'espère, l'ambition de cette loi d'orientation dont nous aurons à débattre au printemps. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d'abord à remercier M. Bourdin, rapporteur spécial, et M. Seillier, rapporteur pour avis, pour la qualité des rapports qu'ils vous ont présentés. Exhaustifs mais brefs, ces rapports forcent l'admiration. La précision des renseignements qui vous ont été fournis par ailleurs me conduit à essayer de répondre aux importantes questions que vous venez de soulever plutôt qu'à vous exposer dans le détail ce projet de BAPSA pour 1997, qu'à l'évidence vous avez fort bien étudié.
Vous avez tout d'abord évoqué le contexte général de la réforme de la sécurité sociale.
Il est vrai que des réformes majeures de notre sécurité sociale ont été engagées depuis un an. Elles ont pour véritable objectif de préserver notre système de protection sociale.
A cet effet, de nouveaux outils sont mis en place pour maîtriser l'évolution des dépenses d'assurance maladie et, surtout, « dépenser mieux ».
Des modifications sont apportées au financement des régimes sociaux, afin de répartir plus équitablement les charges entre les différentes catégories de revenus. Ces évolutions s'inscrivent dans la perspective du futur régime universel d'assurance maladie.
Avec l'institution des lois de financement de la sécurité sociale, le Parlement se prononce désormais sur ces sujets essentiels pour notre société. Je m'efforcerai, à cet égard, de répondre à vos interrogations sur les conséquences de ces lois de financement sur l'existence même du BAPSA et, plus généralement, sur les incidences de ces grandes réformes sur l'avenir de la protection sociale agricole.
Tel est donc le contexte dans lequel nous devons replacer ce projet de BAPSA pour 1997.
Je souhaite vous rappeler, en premier lieu, les avancées qui ont été réalisées dans certains domaines où elles étaient particulièrement nécessaires.
Vous avez, les uns et les autres, souligné la nécessité de poursuivre l'effort de solidarité nationale à l'égard des anciennes agricultrices et des anciens agriculteurs.
Ce projet de BAPSA prend cette nécessité en compte, puisque nous appliquons la troisième et dernière étape des dispositions prévues par la loi de modernisation de l'agriculture pour améliorer la situation des veuves. L'achèvement de cette réforme - il faut le rappeler, car ce n'est pas dit suffisamment - représente, pour 1997, un coût supplémentaire net de 630 millions de francs.
Dorénavant, le cumul d'une retraite personnelle et d'une pension de réversion sera possible dans le régime agricole comme dans le régime général.
Les 350 000 conjoints survivants qui étaient titulaires d'une pension de réversion lors de l'entrée en vigueur de la loi de modernisation de l'agriculture bénéficieront, en 1997, d'une nouvelle majoration de 2 000 francs ; leur pension annuelle aura ainsi augmenté de 6 000 francs depuis la fin de 1994.
Par ailleurs, le BAPSA intègre pour 1997 les nouvelles améliorations des petites retraites prévues lors de la conférence annuelle agricole de février dernier. Avec l'article 84 du projet de loi de finances et sa traduction financière dans le projet de BAPSA, le Gouvernement vous propose de nouvelles mesures pour améliorer les retraites. Celles-ci bénéficieront à ceux qui perçoivent les plus petites pensions, c'est-à-dire à un retraité sur quatre.
Dorénavant, les chefs d'exploitation qui partiront à la retraite seront assurés de bénéficier, après une carrière complète, d'un montant minimal de pension qui sera, en 1999, de l'ordre de 37 000 francs par an, contre 29 000 francs aujourd'hui, sur la base des valeurs actuelles des composantes des retraites, soit un montant comparable au « minimum contributif » des salariés retraités.
Les anciens chefs d'exploitation qui sont déjà à la retraite verront le montant minimal de leur pension relevé progressivement et porté, pour une pleine carrière, d'ici à trois ans, à 32 000 francs, toujours sur la base des valeurs actuelles des éléments des retraites. Ce relèvement des pensions, de l'ordre de 10 %, concernera, dès 1997, 220 000 anciens chefs d'exploitation.
Enfin, les autres retraités agricoles - les conjoints ayant participé aux travaux de l'exploitation, les aides familiaux... - s'ils ont accompli une carrière complète ou quasi complète en agriculture, bénéficieront d'une majoration de leur retraite forfaitaire de 1 000 francs en 1997 et de 500 francs en 1998 pour une carrière pleine. Cette mesure intéressera plus de 300 000 retraités.
Dans le contexte budgétaire que vous connaissez, la revalorisation des retraites ne peut être que progressive et doit concerner en priorité les titulaires des pensions les plus modestes.
Certes, beaucoup reste à faire, mais sachons aussi mesurer l'ampleur de l'effort qui a été accompli en peu de temps sur ce sujet combien important et difficile.
Indépendamment des revalorisations annuelles applicables à l'ensemble des retraites, les mesures spécifiques prises depuis 1994 pour les retraités agricoles - la prise en compte des périodes d'aide familial, la réforme des règles de réversion, les nouvelles améliorations prévues dans ce projet de loi de finances - représentent, dans le projet de BAPSA pour 1997, des dépenses supplémentaires de 3,1 milliards de francs. Si l'on déduit les moindres dépenses sur le fonds de solidarité vieillesse - comme on doit le faire si l'on veut être tout à fait honnête - cela représente un coût supplémentaire de 2,2 milliards de francs. Ce n'est pas rien !
Il faut avoir la juste mesure des sommes. J'entends des y a qu'à..., des faut qu'on... Or, dans ce projet de BAPSA, avec l'application des mesures prises depuis trois ans et les nouvelles mesures arrêtées, les retraités bénéficient de 2,2 milliards de francs supplémentaires de pouvoir d'achat ! J'y insiste, parce que j'ai l'impression, à ma grande surprise, que cela n'est pas connu de tout le monde.
Et ces dispositions n'ont entraîné aucune augmentation de la charge globale des cotisations acquittées par les exploitants agricoles. Si nous leur avions fait supporter cet effort supplémentaire, qui est entièrement pris en charge par la solidarité nationale, cela se serait traduit pour eux par cinq points supplémentaires de cotisation vieillesse.
Il faut quand même reconnaître l'effort qui a été consenti !
Pour autant, j'en conviens, de nouveaux progrès devront être accomplis. Tel est le sens de la mission que le Premier ministre vient de confier à un parlementaire de la Dordogne, M. Daniel Garrigue : il lui demande de dresser le bilan des mesures récentes et d'examiner celles qui pourraient être envisagées pour l'avenir. La question des retraites sera abordée à cette occasion. Il conviendra d'intégrer les conclusions du rapport de cette mission dans le projet de loi d'orientation agricole qui est en préparation et qui sera soumis à votre examen au printemps prochain.
Dans le domaine des retraites, M. Seillier, rapporteur pour avis, et M. Joly m'ont interrogé sur les conséquences de l'arrêt que le Conseil d'Etat vient de rendre au sujet du régime complémentaire de retraite facultatif géré par la mutualité sociale agricole, les contrats COREVA.
Cet arrêt annule, pour une large part de ses dispositions, le décret instituant le monopole de la MSA pour la commercialisation des contrats COREVA - il s'agit de la couverture complémentaire d'assurance vieillesse agricole - qui est jugé contraire aux dispositions du traité de Rome.
Cet arrêt crée une situation complexe que nous devrons clarifier sans tarder. A cet effet, des dispositions législatives vous seront proposées dès que possible pour nous mettre en conformité avec la décision du Conseil d'Etat.
Deux principes devront nous guider, me semble-t-il : d'abord, ouvrir le dispositif à une pluralité d'assureurs pour la gestion de la retraite complémentaire des agriculteurs ; c'est la conséquence logique de l'arrêt rendu ; ensuite, préserver les caractéristiques fiscales et sociales du dispositif prévu par la loi du 30 décembre 1988.
Mais nous devons aussi lever les incertitudes résultant de l'arrêt du Conseil d'Etat sur les contrats souscrits précédemment.
Les droits qui ont été acquis par les 110 000 agriculteurs qui ont souscrit des contrats COREVA doivent être intégralement honorés. Aussi, les dispositions qui vous seront proposées, mesdames, messieurs les sénateurs, devront permettre de préserver ces droits et, naturellement, de continuer à servir les prestations à ceux d'entre eux qui sont déjà titulaires d'une retraite.
En ce qui concerne la situation des retraités, anciens salariés ou exploitants, plusieurs intervenants ont souligné l'importance des services de l'action sociale, notamment celui des aides ménagères.
S'agissant de la dépendance des personnes âgées, la proposition de loi que le Sénat a élaborée et adoptée, et que l'Assemblée nationale vient à son tour de voter, permettra de réaliser, dès le début de 1997, une avancée concrète sur ce sujet très complexe.
Pour autant, cela ne doit pas conduire les régimes sociaux, et notamment la Mutualité sociale agricole, à relâcher leur effort en matière d'action sociale. Ces besoins, vous l'avez dit, sont, en la matière, très importants et très divers.
A cet égard, le fonds additionnel d'action sociale qui intervient pour abonder les moyens des caisses de mutualité sociale agricole, et qui s'élevait à environ 40 millions de francs il y a cinq ans, a pu être porté de 121 millions de francs en 1994 à 156 millions de francs en 1995 et à 220 millions de francs en 1996, bénéficiant ainsi d'une multiplication par cinq en cinq ans.
Cette progression est, vous m'en donnerez acte, très significative. Pour l'avenir, cette question des moyens devra être traitée dans la future convention d'objectifs et de gestion que nous conclurons dans les prochaines semaines avec la Mutualité sociale agricole.
Faute de temps, je ne reviendrai ni sur les dépenses d'assurance maladie ni sur la question des crédits inscrits dans ce projet de BAPSA pour les étalements et les prises en charge partielles de cotisations pour les agricultures en difficulté, sujet qui a été évoqué notamment par M. Moreigne : ces crédits s'élèvent à 110 millions de francs en 1997, au lieu de 170 millions de francs cette année.
Certains intervenants se sont inquiétés de cette diminution compte tenu du contexte actuel de l'agriculture. Je leur apporterai une double réponse.
Tout d'abord, ces crédits étaient initialement prévus pour accompagner la réforme des cotisations sociales en atténuant les transferts de charges pendant la période de transition, qui est maintenant terminée.
Ensuite, les difficultés sectorielles majeures, comme la crise de l'élevage ou celle des fruits et légumes, nécessitent des mesures de compensation spécifique d'une tout autre ampleur, que je m'attache à obtenir à l'échelon national comme à l'échelon communautaire à chaque fois que cela est nécessaire.
En réponse à la question posée par M. Minetti sur les difficultés du secteur des fruits et légumes, je soulignerai qu'il a été tenu compte de ces difficultés notamment dans la répartition des crédits inscrits au BAPSA pour les prises en charge et les échéanciers de cotisations sociales.
Ainsi, il a déjà été attribué au département des Bouches-du-Rhône, que vous connaissez bien, monsieur Minetti, une enveloppe de 500 000 francs au titre des échelonnements et de 3,5 millions de francs au titre des prises en charges partielles de cotisations sociales par l'Etat.
En outre, dans le cadre des mesures complémentaires prises en faveur de certaines productions fruitières et légumières, des enveloppes supplémentaires sont en cours de délégation aux départements où ces productions sont concentrées. Par exemple, le département des Bouches-du-Rhône recevra une enveloppe supplémentaire de 2 millions de francs. Il aura donc, au total, bénéficié non pas de 4 millions de francs, mais de 6 millions de francs.
J'en viens maintenant au financement de ce projet de BAPSA et, tout d'abord, aux contributions des agriculteurs.
Les cotisations sociales des exploitants sont, depuis cette année, intégralement calculées sur les revenus professionnels.
Ces cotisations devraient progresser d'un peu plus de 4 % par rapport à celles qui sont attendues en 1996 en raison de l'évolution du revenu agricole au cours des deux dernières années.
Toutefois, comme l'a relevé M. Moreigne, les taxes BAPSA qui étaient perçues sur certaines productions agricoles et qui s'élevaient à 1,5 milliard de francs au début de la réforme sont complètement supprimées.
M. Bourdin, rapporteur spécial, m'a demandé quelles seraient les incidences sur les recettes de cotisations de 1998 des articles du projet de loi de finances concernant la fiscalité agricole, notamment de l'article 72, qui modifie la déduction pour investissement.
Les conséquences de cette mesure dépendront, bien évidemment, du niveau des revenus agricoles de 1997. Cela étant, la majoration de la DPI jouera à plein, en 1998, pour les exploitants ayant choisi l'option pour l'année n et elle jouera, au contraire, d'une manière progressive sur trois ans pour les exploitants qui auront préféré la moyenne triennale. Je ne peux donc que vous donner une première approximation. On peut considérer que l'effet sur les cotisations pourrait être, en 1998, du même ordre de grandeur que celui sur l'impôt, qui a été estimé, dans le projet de loi de finances, à 130 millions de francs environ pour l'année 1998. Cela donne la mesure de l'effort qui a été fait et de l'intérêt de cette réforme.
MM. les rapporteurs et d'autres orateurs ont évoqué les observations formulées dans le récent rapport de la Cour des comptes sur l'effort contributif des agriculteurs au financement de leur protection sociale et sur l'écart qu'il présente par rapport à celui des salariés.
Cette situation tient principalement, comme la Cour des comptes le signale, aux insuffisances dans l'évaluation des forfaits agricoles. Ce point a d'ailleurs été relevé à plusieurs reprises ici même.
A cet égard, je remarque que l'imposition « au réel » concerne une part croissante du revenu agricole. Dans le même temps, les aides publiques, communautaires ou nationales, sont progressivement prises en compte d'une manière plus équitable pour déterminer les forfaits.
En outre, conformément aux décisions de la dernière conférence annuelle agricole, l'article 74 du projet de loi de finances pour 1997 permettra d'éviter que, à l'avenir, le seuil de 500 000 francs pour le passage au réel puisse être tourné par des montages artificiels sur lesquels vous comprendrez que je ne m'étende pas ici.
Vous avez par ailleurs remarqué qu'en ne prenant pas en compte la CSG le BAPSA fait apparaître d'une manière incomplète - et qui le sera de plus en plus à l'avenir - les contributions des agriculteurs au financement de la protection sociale. Je tiens à vous indiquer que cela n'affecte pas les comparaisons concernant l'effort contributif des différentes catégories sociales. Néanmoins, il existe un problème de présentation, auquel nous devrons être plus attentifs pour l'avenir. Je rechercherai, en liaison avec mes collègues concernés, une présentation qui mette en évidence l'ensemble des contributions des agriculteurs à leur protection sociale.
Par ailleurs, en réponse à M. Bourdin, je vous précise que les droits supplémentaires sur les alcools prévus par la loi de financement de la sécurité sociale n'auront pas d'incidence directe sur les recettes du BAPSA de 1997, dans la mesure où l'équilibre de celui-ci est assuré par la subvention budgétaire de l'Etat.
J'en viens, pour conclure, aux financements provenant de la solidarité interprofessionnelle et de la solidarité nationale.
Ils représenteront au total plus de 82 % des recettes du BAPSA. Je ne reprendrai pas les chiffres dans le détail, mais je répondrai, autant qu'il m'est possible de le faire aujourd'hui, aux importantes questions que vous avez soulevées concernant, d'une part, les incidences des lois de financement de la sécurité sociale sur le BAPSA et, d'autre part, l'avenir du régime agricole en relation avec le projet d'assurance maladie universelle.
Le projet de BAPSA doit évidemment être établi en cohérence avec les objectifs et les hypothèses retenus dans la loi de financement de la sécurité sociale.
Cependant, il me semble important aussi que le Parlement puisse continuer d'examiner d'une manière approfondie les dépenses de prestations sociales agricoles et leur financement, en raison de l'importance des concours publics dans ce financement et de l'existence d'une subvention d'équilibre versée par le budget de l'Etat.
Il me paraît en tout cas quelque peu prématuré d'envisager dès aujourd'hui la remise en cause du BAPSA.
Il faut donc examiner précisément cette question qui est indépendante de celle du régime social agricole ou encore de l'organisation des caisses de MSA. Il faut prendre le temps de bien procéder à cet examen en considérant l'intérêt de l'ensemble de la population agricole, active et retraitée.
S'agissant des recommandations que la Cour des comptes formule par ailleurs sur la gestion de la trésorerie, les frais de gestion et les activités de diversification des caisses de Mutualité sociale agricole, je précise, en réponse à la question de M. Bourdin, qu'il en sera tenu compte dans la préparation de la convention d'objectifs et de gestion que j'ai évoquée tout à l'heure.
Cela étant, je tiens à dire à M. Louis Mercier que je partage son sentiment sur les caisses de Mutualité sociale agricole et sur la qualité du service qu'elles rendent notamment en faisant bénéficier leurs ressortissants d'un guichet unique pour les diverses catégories de prestations, les cotisations et l'action sociale.
En ce qui concerne la création de la future assurance maladie universelle, des travaux préparatoires sont actuellement menés sous l'égide de deux hautes personnalités du Conseil d'Etat et de la Cour des comptes.
Ces travaux serviront de base à la concertation qui aura lieu avec les partenaires sociaux et les responsables des différents régimes sociaux.
Lorsque le Parlement aura, au début de l'année prochaine, à examiner le projet de loi relatif à l'assurance maladie universelle, vous disposerez donc non seulement d'un dossier technique approfondi, mais aussi des points de vue de l'ensemble des partenaires concernés par cette grande réforme.
Nous pourrons alors apprécier les conséquences prévisibles de la mise en place du régime universel d'assurance maladie sur l'ensemble des régimes existants, et notamment sur le régime agricole.
Si, compte tenu du temps qui m'était imparti et que j'ai dépassé, je n'ai pas répondu à toutes les questions, je le ferai par écrit, en priant les sénateurs concernés de me pardonner de procéder ainsi.
Cependant, je voudrais répondre à M. Louis Mercier sur le fonds commun des accidents du travail en agriculture, le FCATA.
Je partage tout à fait le sentiment de M. Mercier quant à la nécessité de remettre à plat ce dispositif. Il faut évidemment continuer à servir les revalorisations de rente dues aux bénéficiaires actuels, mais il convient, pour l'avenir, de réexaminer le mécanisme du fonds. Cela paraît d'autant plus justifié que les mutuelles et autres organismes d'assurance proposent de plus en plus aux exploitants d'autres contrats complémentaires pour couvrir le risque accident.
Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les éléments de réponse que je souhaitais vous apporter. Je vous demande, bien sûr, d'adopter le projet de BAPSA pour 1997. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
(M. Michel Dreyfus-Schmidt remplace M. Jean Faure au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE
DE M. MICHEL DREYFUS-SCHMIDT
vice-président

M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le budget annexe des prestations sociales agricoles et figurant aux articles 40 et 41 du projet de loi.

Services votés

M. le président. « Crédits : 91 608 452 587 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits inscrits à l'article 40, au titre des services votés.

(Ces crédits sont adoptés.)

Mesures nouvelles

M. le président. « II. - Crédits : moins 232 452 587 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits inscrits au paragraphe II de l'article 41, au titre des mesures nouvelles.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant le budget annexe des prestations sociales agricoles.

Agriculture, pêche et alimentation