M. le président. La parole est à M. Garcia.
M. Aubert Garcia. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Très impressionné, voilà quinze jours, par la ferme détermination du « non » catégorique et répété, en réponse à la question posée par ma collègue Mme Bergé-Lavigne sur le retrait éventuel du projet de privatisation de Thomson, je souhaitais vous questionner aujourd'hui sur l'état d'avancement du processus. (Rires sur les travées socialistes.) Depuis hier, je sais où il en est : il est en panne !
Reconnaissez, monsieur le Premier ministre, que je manque de chance : chaque fois que je me dispose à poser une question sur un projet gouvernemental, il est retiré ou suspendu la veille ou l'avant-veille. (Rires sur les mêmes travées.)
C'était vrai voilà à peine quelques jours pour la SNCF ; c'est vrai aujourd'hui pour Thomson et je vais finir par passer pour l'homme des questions sur les projets avortés. (Nouveaux rires sur les mêmes travées.)
Certes, nous nous félicitons du résultat de cette reculade, profondément convaincus que nous sommes que Thomson constitue l'un des fleurons du patrimoine technologique de la France qui méritait autre chose qu'un démantèlement et un bradage pour le franc symbolique.
D'ailleurs, nous ne sommes pas les seuls à être ainsi, sinon satisfaits, tout au moins soulagés de ce retrait. En effet, outre les personnels de l'entreprise et leurs syndicats, nombre de députés de la majorité se sont empressés de déclarer que ce retrait était une bonne chose, sous-entendant ainsi qu'il leur paraissait urgent d'attendre.
Ma question est la suivante, monsieur le Premier ministre : puisque nous voici aujourd'hui revenus pratiquement à la case départ, ne pensez-vous pas qu'il serait plus sage et plus porteur pour l'avenir de la France et pour sa place en Europe et dans le monde d'en rester là, et de transformer cette suspension, que vous dites, hélas ! provisoire, en un retrait définitif ? (Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. Monsieur le sénateur, il semble qu'il y ait chez vous quelque nostalgie de l'Etat actionnaire !
M. Jacques Mahéas. Ça commence bien !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. Si le groupe Thomson est aujourd'hui confronté aux difficultés qu'il connaît, c'est parce que l'Etat n'a pas été en mesure d'assumer ses responsabilités !
M. Jean Chérioux. Exactement !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. Qui peut affirmer ici que les contribuables français auraient pour vocation de mettre ainsi régulièrement la main à la poche pour combler les déficits des entreprises publiques ? Cela ne peut pas durer ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Protestations sur les travées socialistes.)
M. René Rouquet. Ce n'est pas possible !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a décidé, au mois de février dernier, de lancer la privatisation du groupe Thomson.
Il l'a fait dans une parfaite transparence.
Pendant six mois, le président de Thomson a pris tous les contacts avec des groupes susceptibles de se porter candidats à la reprise du groupe. Au terme de ses investigations, il a fait connaître ses propositions au Gouvernement, et c'est sur cette base que, le 2 août, la procédure de privatisation a été lancée.
Le 16 septembre, deux candidats se sont fait connaître : Alcatel Alsthom, d'une part, le groupe Lagardère, Matra, d'autre part.
Pendant un mois, le ministre de la défense, le ministre de l'industrie et moi-même, auprès du Premier ministre, avons recherché la réponse la plus adaptée...
M. Jacques Mahéas. Vous avez pataugé !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. ... aux préoccupations de ce groupe et aux intérêts de la France, notamment en termes d'industrie et de défense. (Protestations sur les travées socialistes.)
Le Gouvernement a fait un choix préférentiel...
M. Jacques Mahéas. Hélas !
M. Gérard Delfau. Vous l'avez dit : un choix « préférentiel » !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. ... et il l'a rendu public parce que les trois sociétés concernées sont cotées en bourse.
M. René Rouquet. Elles sont au RPR !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. Il y avait donc un risque de délit d'initié.
Au surplus, nous devions consulter les autorités européennes, puisqu'il s'agissait, préalablement à la privatisation,...
M. Guy Fischer. Pour 1 franc symbolique !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. ... de procéder à une recapitalisation avec des fonds publics.
M. Bernard Piras. Il fallait le faire avant !
M. René Rouquet. Vous n'êtes soutenus par personne, même pas par la droite !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. C'est pour cette raison que le choix préférentiel du Gouvernement en faveur de Lagardère associé au groupe sud-coréen Daewoo Electronics a été rendu public.
M. René Rouquet. C'est laborieux !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. La commission de la privatisation vient de faire connaître son avis et, dans un souci de transparence,...
M. René Rouquet. Il ne manque pas d'air !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. ... celui-ci a été publié par le Gouvernement ce matin même au Journal officiel .
Monsieur le sénateur, vous constaterez que la procédure a été régulière. Vous constaterez que l'évaluation n'est pas remise en cause...
Mme Hélène Luc. Un franc symbolique, c'est bien ?
M. Claude Estier. Votre projet a tout de même été retoqué !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. ... et que le choix du Gouvernement, en termes de défense, n'est pas contesté.
C'est sur les modalités de l'accord entre Lagardère et Daewoo Electronics que la commission de la privatisation a cru devoir exprimer une réserve, et donc ne pas donner un avis conforme au choix préférentiel du Gouvernement.
M. Paul Raoult. C'est scandaleux !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. Nous en tirons les conséquences immédiatement.
M. Claude Estier. Bien mal !
M. René Rouquet. On va en reparler !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. Cette procédure de privatisation...
M. Paul Raoult. De bradage !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. ... est suspendue, mais, pour une fois, monsieur le sénateur, vous aurez posé une question par rapport à une privatisation qui s'engage. (Exclamations sur les travées socialistes.) En effet, le Gouvernement entend bien mener cette privatisation à son terme.
M. Paul Raoult. Vous bradez la France !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. Dans les jours à venir, nous ferons connaître les modalités. Il s'agit de l'avenir de ce groupe : des hommes, des femmes, des chercheurs, des salariés dans leur atelier sont aujourd'hui impatients de connaître les nouveaux actionnaires pour que soit définie une stratégie.
Mme Hélène Luc. Les personnels de Thomson sont sur la route pour demander à être reçus par le Premier ministre !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. Enfin, je voudrais dire que ceux qui se sont portés candidats n'ont en aucune façon démérité ; leurs qualités professionnelles ne sont pas en cause ; ce sont des modalités de transfert qui ont été critiquées par la commission de la privatisation.
M. Paul Raoult. Ce n'est pas avec de tels raisonnement que l'on peut résoudre les problèmes !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. Oui, monsieur le sénateur, le Gouvernement est déterminé à mettre en oeuvre la privatisation du groupe Thomson ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Protestations sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Paul Raoult. C'est du bradage !
M. René Rouquet. Tout le monde n'applaudit pas !

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