M. le président. « Art. 68. - I. - Le IV de l'article 1636 B septies du code général des impôts est ainsi rédigé :
« IV. - Le taux de la taxe professionnelle voté par une commune ne peut excéder 1,9 fois le taux moyen de cette taxe constaté en 1996 au niveau national pour l'ensemble des communes.
« Les communes dont le taux dépasse le plafond visé au premier alinéa ne peuvent plus augmenter ce taux. »
« II. - L'article 1636 B septies du code général des impôts est complété par un VI ainsi rédigé :
« VI. - Le taux de la taxe professionnelle voté par un département ou une région ne peut excéder 1,9 fois le taux moyen de cette taxe constaté en 1996 au niveau national de l'ensemble des collectivités de même nature. »
Je suis saisi de sept amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les trois premiers amendements sont identiques.
L'amendement n° II-85 est présenté par MM. Girault, Dufaut, Lombard, Souvet, Rausch et Quilliot.
L'amendement n° II-148 est déposé par Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° II-166 est présenté par M. Régnault et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Tous trois tendent à supprimer cet article.
Par amendement n° II-149, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de rédiger comme suit l'article 68 :
« I. - Dans le paragraphe I de l'article 1636 B septies du code général des impôts, les mots : "deux fois et demie" sont remplacés par les mots : "deux fois".
« II. - Dans le paragraphe IV du même article, les mots : "deux fois" sont remplacés par les mots : "deux fois et demie". »
Par amendement n° II-197, M. Lambert, au nom de la commission des finances, propose de rédiger comme suit l'article 68 :
« L'article 1636 B septies du code général des impôts est complété par un VI ainsi rédigé :
« VI. - Le taux de la taxe professionnelle voté par un département ou une région ne peut excéder deux fois le taux moyen de cette taxe constaté l'année précédente au niveau national pour l'ensemble des collectivités de même nature. »
Par amendement n° II-167, M. Régnault et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de supprimer le paragraphe I de l'article 68.
Par amendement n° II-168, M. Régnault et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, dans le texte présenté par le II de l'article 68 pour le VI de l'article 1636 B septies du code général des impôts, de remplacer les mots : "1,9 fois" par les mots : "deux fois". »
La parole est à M. Jean-Marie Girault, pour défendre l'amendement n° II-85.
M. Jean-Marie Girault. Les débats sur la taxe professionnelle sont toujours passionnants. J'y participe depuis de longues années ; mais il en va de la taxe professionnelle comme de certaines réformes : elles ne sont jamais au goût du jour !
Tout à l'heure, notre collègue M. Marini disait que, à l'occasion d'une réforme éventuelle, les plus favorisés resteraient discrets, tandis que les autres seraient bruyants ; c'est tout à fait sûr !
Et demain, lorsque j'aurai l'occasion de défendre le cas des collectivités locales à qui l'on a confisqué la taxe professionnelle de France Télécom en offrant comme compensation une augmentation du minimum de taxe professionnelle que nous évoquions tout à l'heure, nous pourrons encore relancer la discussion !
Quand on sait que, dans la région la plus importante de France, le taux de taxe professionnelle est en moyenne inférieur de 50 % à celui des autres régions, c'est qu'il y a un problème !
Or, de façon surprenante, dans des conditions que je ne comprends pas, l'Assemblée nationale a adopté le texte de l'article 68, qui contraint les collectivités territoriales les moins favorisées à limiter l'augmentation des taux de leurs impositions locales. Voilà qui est assez curieux par rapport aux principes constitutionnels de la libre administration des collectivités territoriales !
On nous dit aujourd'hui que les taux de 1996 resteront ce qu'ils sont, sans se soucier des communes qui, faute de base de taxe professionnelle suffisante, ne pourront pas assurer convenablement l'équilibre de leur budget. Cela n'est pas possible !
L'amendement n° II-85, qui vise à supprimer l'article 68, concerne 400 à 500 communes. J'en parle d'autant plus à mon aise que la ville que j'ai l'honneur d'administrer n'est pas concernée.
Il faut laisser aux communes le soin de fixer les taux en fonction de leurs moyens.
S'agissant de la taxe professionnelle, tout le monde sait qu'elle ne peut pas augmenter dans la mesure où, parallèlement, le taux de la taxe d'habitation n'est pas modifié. C'est d'ailleurs une situation que, personnellement, je n'accepte pas. Je considère que les collectivités territoriales devraient avoir la liberté totale de fixer les taux, et ce sans aucun rapport entre le foncier bâti, la taxe d'habitation, le foncier non bâti et la taxe professionnelle.
Cela dit, et pour en revenir à l'amendement n° II-85, le Sénat comprendra, j'en suis certain, qu'il n'est ni logique ni équitable de bloquer les ressources des collectivités territoriales, car cela se fera forcément au détriment de celles dont les bases sont les moins importantes ; on va en effet les condamner à des restrictions qui amèneront à augmenter la taxe d'habitation ou le foncier bâti. Ce n'est pas possible ! Ce n'est pas équitable, d'autant que, pour déterminer le plafond, il faudra ajouter au taux de la taxe prévu par une commune le taux de la taxe professionnelle perçue au profit d'une institution intercommunale, tel un district par exemple : s'il y a dix pour une commune et trois pour le district, il faudra compter treize.
Pour des raisons que vous comprenez bien, mes chers collègues, ce texte adopté par l'Assemblée nationale l'a été au détriment des communes les moins riches et les moins favorisées. Laissons donc aux responsables des collectivités territoriales le soin de prendre leurs responsabilités ; ce n'est pas aisé alors que, depuis des années, quels que soient les pactes de stabilité dont on nous rebat les oreilles, le désengagement de l'Etat dans bien des domaines est une constante.
M. le président. La parole est à M. Billard, pour défendre l'amendement n° II-148.
M. Claude Billard. L'article 68 du projet de loi de finances tend à bloquer le plafond de taxe professionnelle à 1,9 fois le taux moyen national, et ce pour toutes les collectivités territoriales concernées.
Cette mesure, si elle était adoptée, serait particulièrement discriminatoire pour les collectivités locales et ne permettrait plus aucune marge de manoeuvre.
Pourtant, chacun peut constater que la situation financière de ces collectivités est particulièrement dégradée.
Ce serait donc leur rendre un très mauvais service que d'abaisser ce plafond ! Il est d'ailleurs incohérent de refuser un élargissement de l'assiette par la prise en compte des actifs financiers, pour, ensuite, restreindre la liberté de fixation des taux. Le récent congrès des maires de France a montré avec force que cette question de la taxation de la richesse financière était désormais une exigence grandissante.
J'ajoute que, pour ce qui concerne les communes, ce sont celles qui bénéficient des mécanismes de solidarité qui vont être pénalisées. En clair, on prend à des communes pour verser à d'autres, par le biais de la dotation de solidarité urbaine ou du fonds de solidarité d'Ile-de-France, et, à ces dernières, on refuse le droit d'obtenir des ressources légitimes et nécessaires. De plus, un mécanisme, comme celui qui est proposé à l'article 68, provoque une tension à la hausse des autres taxes locales, particulièrement de la taxe d'habitation. J'ai sous les yeux une simulation d'une ville de mon département à faibles ressources de taxe professionnelle : la ville de Villejuif.
Cet article entraînerait, sur les cinq prochaines années, une perte de plus de 11 millions de francs ! Or, cela n'est pas négligeable pour des communes dont la population a d'énormes besoins sociaux et humains !
Enfin, comment ne pas souligner qu'il s'agit là d'un plafonnement qui n'est pas compensé ? Une décision de la sorte se traduit donc par une perte sèche.
C'est pourquoi nous sommes opposés à cet article, qui pénalise tant les collectivités locales que, par ricochet, les familles.
C'est pour toutes ces raisons que les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen vous invitent à supprimer l'article 68, mes chers collègues.
M. le président. La parole est à M. Régnault, pour défendre l'amendement n° II-166.
M. René Régnault. Je partage les observations qui ont déjà été formulées, et je tiens à faire part de ma totale incompréhension. En effet, cette mesure de plafonnement de la taxe professionnelle ne fait pas l'objet de compensation.
On empêche les communes de se donner certains moyens, et ce sans compensation. C'est d'ailleurs une escalade : si l'on a déjà vu l'Etat prendre un certain nombre de dispositions relatives aux impôts locaux et les compenser plus ou moins bien - plutôt de moins en moins bien, d'ailleurs - ici, on franchit allègrement le pas : avec le concours de la majorité de l'Assemblée nationale, voilà que l'on ampute les moyens des collectivités locales, et ce sans compensation aucune !
Je vois là une véritable atteinte à la décentralisation, ce qui me paraît quand même étonnant. On rappelait à l'instant l'article 72 de la Constitution. Rappelons aussi que la décentralisation date de quinze ans tout juste : en même temps que l'on a reconnu plus de responsabilités aux élus locaux, on a établi des règles de plus en plus contraignantes qui s'ajoutent les unes aux autres et qui vont, dans le cas qui nous occupe, introduire une véritable tutelle.
En effet, comment appeler autrement cette contrainte que la loi va opposer aux élus locaux lorsqu'il s'agira pour eux de se donner les moyens nécessaires au financement de leurs charges et de leurs actions ?
Les élus locaux sont de plus en plus pris entre l'enclume et le marteau ! On leur impose de nouvelles charges auxquelles ils ne peuvent pas s'opposer tandis que, parallèlement, ils voient les dotations de l'Etat diminuer. Et ils n'ont pas la possibilité de se donner, au travers de l'impôt local, les moyens nécessaires à l'équilibre de leur budget.
Monsieur le ministre, vous allez réellement mettre en difficulté 200 communes au minimum - 500, dit-on même - avec une disposition qui me paraît d'autant moins justifiée que, par ailleurs, bien d'autres blocages font obstacle à la libre administration communale.
Mes chers collègues, soyons raisonnables : nous sommes ici, au Sénat, les représentants des collectivités locales et de leurs élus. Que l'Assemblée nationale, dans un élan que je comprends mal, ait pu voter une telle dispositions, soit ! Mais que le Sénat la maintienne serait complètement incompréhensible, et nos collègues sur le terrain ne nous le pardonneraient pas. Je pense que vous en avez conscience !
C'est la raison pour laquelle j'espère fortement que le Sénat adoptera les amendements de suppression de l'article 68.
M. le président. Mes chers collègues, il est zéro heure trente et il ne me paraîtrait pas raisonnable ce soir d'achever l'examen de l'article 68. (M. le ministre et M. le rapporteur général acquiescent. - Protestations sur les travées du RPR.)
En conséquence, la suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

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