EMPLOI DANS LA FONCTION PUBLIQUE

Adoption des conclusions
d'une commission mixte paritaire

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 127, 1996-1997) de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l'emploi dans la fonction publique et à diverses mesures d'ordre statutaire.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. François Blaizot, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'Assemblée nationale a examiné, les 3 et 4 décembre 1996, le projet de loi relatif à l'emploi dans la fonction publique, et la commission mixte paritaire constituée à cet effet en a délibéré le 10 décembre, c'est-à-dire hier.
Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale sur le texte que le Sénat avait voté consistent principalement en précisions, qui ne modifient pas le fond mais en explicitent la signification et qui, parfois, assurent une meilleure coordination interne.
Dans certains cas, notamment aux articles 13, 29, 40, 49 ter et 52 ter les dates butoirs qui étaient prévues dans le texte initial ont dû être reportées car il apparaissait clairement que le Gouvernement ne disposerait pas des délais suffisants pour les respecter.
La modification la plus importante apportée par l'Assemblée nationale résulte du dépôt, par le Gouvernement, d'un amendement important sur la représentativité des syndicats dans la fonction publique et visant à insérer un article 70 nouveau.
Bien sûr, le Sénat aurait préféré que cette initiative gouvernementale se soit manifestée plus tôt - je me permets de vous le dire, monsieur le ministre - afin de lui permettre de l'étudier avec le recul nécesssaire, tant au sein de la commission des lois qu'en séance publique. En effet, quelles que soient les nécessités auxquelles nous devont nous plier, il est certain que trop souvent nous sommes obligés de délibérer sur des textes dont nous sommes saisis depuis très peu de temps, si bien que nous n'avons pas la possibilité de faire un travail sérieux, ce qui est, je crois, nuisible pour tout le monde, y compris pour la bonne réputation de la loi. En l'occurrence, il convenait de ne pas oublier de le signaler.
M. Robert Pagès. Tout à fait exact, monsieur le rapporteur !
M. Daniel Hoeffel. Très bien !
M. François Blaizot, rapporteur. Toutefois, nous ne méconnaissons pas les contraintes gouvernementales. Hier, la commission mixte paritaire a reconnu, à une large majorité, l'opportunité de prévoir des règles précises pour la consultation des organisations syndicales. En effet, le Gouvernement recourt de plus en plus fréquemment, et toujours avec succès, à la consultation des organisations syndicales, lors de l'étude d'améliorations statutaires, à l'occasion desquelles il importe d'apprécier le poids relatif de chacune de ces organisations.
Par conséquent, sur le plan de l'opportunité, l'initiative du Gouvernement a été très bien reçue par la commission mixte paritaire, même si elle a paru très tardive.
Le choix des différents critères permettant de mesurer la représentativité relative de chaque organisation n'est évidemment pas aisé, non plus que la valeur des échelles chiffrées qui en marquent les limites. Pour formuler ses propositions, le Gouvernement s'est référé à l'expérience que lui avait assuré un exercice analogue effectué depuis longtemps à l'égard des organisations syndicales dans le secteur privé, dans le cadre du code du travail qui prévoit une réglementation tout à fait précise à ce sujet. La commission mixte paritaire s'est rangée, dans sa majorité, aux résultats de ces travaux.
Par conséquent, j'ai l'honneur, en ma qualité de rapporteur, de vous proposer, mes chers collègues, d'adopter les conclusions de la commission mixte paritaire, dont le texte a été distribué. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi tel que l'a approuvé la commission mixte paritaire qui s'est réunie hier est un texte généreux dans ses intentions et équilibré dans son dispositif.
Il consacre, en ce qui me concerne, une année de concertation et d'initiatives, car il est, dans ses deux premiers titres, le reflet d'accords conclus avec les organisations syndicales représentatives. Il va donner au Gouvernement les moyens, d'une part, de s'attaquer aux problèmes de l'emploi précaire et, d'autre part, dans un contexte budgétaire de stabilité nécessaire au rétablissement des grands équilibres, de maintenir une offre de recrutement importante pour les jeunes dans la fonction publique.
Outre ces dispositions, le texte qui vous est proposé comporte des modifications du statut général permettant de parfaire l'ouverture de la fonction publique française aux fonctionnaires ressortissants des Etats de la Communauté européenne.
Il est complété par des dispositions de nature sociale relatives à l'extension du droit à congé de longue durée aux fonctionnaires atteints d'affections liées au sida, ou à la protection juridique des fonctionnaires en cas de poursuites pénales.
C'est donc un texte riche et complet, puisqu'il concerne l'ensemble des fonctions publiques.
Au cours des débats, ici même comme à l'Assemblée nationale, j'ai eu la satisfaction de constater à quel point les élus que vous êtes et les employeurs que vous êtes souvent avez tenu à améliorer encore le dispositif pour le rendre plus efficace au regard des résultats attendus.
Je vous en remercie. Je vous sais gré aussi de la qualité des débats, de la pertinence de vos observations et de l'appui très large apporté à ce texte.
Cela est dû en grande partie à l'excellent travail effectué par le rapporteur, M. Blaizot, par ses collaborateurs et par la commission des lois, travail auquel je tiens à rendre hommage.
Ce travail nous oblige à une action rapide pour mettre en oeuvre les dispositifs prévus dans le présent projet de loi qui, je n'en doute pas, recueillera encore une fois votre approbation.
J'ai donc le plaisir de vous informer que les textes d'application sont en cours d'examen par les instances consultatives et qu'ils seront prêts lorsque votre habilitation leur sera acquise pour une application dès le 1er janvier prochain.
Avant de conclure, puisque le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire n'appelle aucun amendement nouveau de la part du Gouvernement, je voudrais évoquer les modifications relatives à la représentativité syndicale.
Malgré ou à cause de toutes les approximations dont il était l'objet, ce texte suscitait quelques craintes. Je souhaiterais les lever en disant d'abord qu'il n'obère en rien la liberté de vote et la liberté syndicale, tout comme il n'est dirigé contre personne.
Il tend seulement à éviter un émiettement excessif de la représentation des personnels afin, dans la fonction publique, de pouvoir mener une concertation fiable et de qualité permettant de parvenir à des accords comparables à ceux qui ont servi de fondement à l'élaboration du présent texte.
J'ajoute que les discussions qui ont précédé sa mise au point ont abouti trop tard, monsieur le rapporteur, pour vous être présentées lors de l'examen du présent projet de loi, à la fin du mois d'octobre. La charge de travail du Parlement était telle, qu'il était impossible de trouver un autre support législatif convenable dans des délais compatibles avec la nécessité et l'utilité qui s'attachaient à la mise en oeuvre ce dispositif. C'est pourquoi le Gouvernement s'est résolu à l'introduire par voie d'amendement devant l'Assemblée nationale.
Je tenais à vous le préciser pour lever toute ambiguïté et à dire de nouveau, nonobstant cette procédure inhabituelle, toute l'importance que le Gouvernement attache aux avis et au rôle de la Haute Assemblée.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, rapidement exposées, les principales dispositions du texte qui vous est présenté. Je souhaite que vous lui apportiez le soutien le plus large, et je vous en remercie car il est attendu. (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, étant donné que le Sénat a été privé du débat concernant l'amendement du Gouvernement sur la représentativité des syndicats dans la fonction publique, je commencerai mon intervention sur ce thème, bien que nous aurions dû discuter de la résorption de la précarité et du congé de fin d'activité, sujets initiaux et ô combien importants du débat.
Plusieurs remarques s'imposent s'agissant de la méthode qui a été employée par le Gouvernement.
Il est fort regrettable, pour les sénateurs et pour les députés, d'apprendre par voie de presse le dépôt probable d'un amendement visant à modifier les règles de la représentativité des syndicats dans la fonction publique.
Quelle image du Parlement donne-t-on, dans ces conditions, à l'opinion publique ?
Ce n'est pas sérieux !
Alors que nous allons bientôt commencer la deuxième session unique - je rappelle que l'instauration de la session unique devait permettre de donner plus de pouvoirs aux parlementaires - ces derniers se voient, à l'Assemblée nationale, imposer un amendement pour le moins cavalier émanant du pouvoir exécutif et, au Sénat, retirer leur droit d'intervention, l'urgence ayant été déclarée sur le texte.
Où est la démocratie lorsque le Parlement, les organisations syndicales, les salariés et le CSFP, le Conseil supérieur de la fonction publique, sont écartés du débat qui pourtant s'imposait ?
Vous ne me ferez pas croire que le Gouvernement, inquiet de l'émiettement du syndicalisme dans la fonction publique, a décidé d'y remédier de façon positive.
Ne s'agit-il pas, au contraire, d'un procédé visant à empêcher, un an après le mouvement social de décembre 1995, l'émergence d'un courant syndical d'un genre nouveau dans la fonction publique ?
La proposition du Gouvernement vise en effet à instaurer un scrutin à deux tours, avec un monopole de présentation des candidats au second tour pour les syndicats représentatifs au premier tour.
Le second tour ne serait organisé qu'en cas de carence syndicale au premier tour ou si le nombre des votants au premier tour est inférieur à la moitié des électeurs inscrits.
Dans la pratique, le second tour aurait rarement lieu.
Cela ne favoriserait-il pas la constitution d'un monopole au bénéfice de quelques organisations, notamment confédérées, dont certaines obtiennent actuellement trop peu de voix pour siéger au sein des commissions paritaires ?
Une telle mesure entraînerait, à coup sûr, outre l'attribution d'une prime au sortant, la disparition de certains syndicats.
J'ajoute que, si ces règles existent déjà en dehors de la fonction publique, il n'en demeure pas moins que le fait d'empêcher une organisation de se présenter librement à une élection nous semble non seulement liberticide et antidémocratique, mais surtout contraire à l'esprit de la Constitution de notre pays, qui précise que tout homme peut adhérer au syndicat de son choix.
Il s'agit donc d'une limitation législative à des principes de valeur constitutionnelle que nous ne pouvons accepter.
En effet, quel salarié accepterait de s'affilier et de payer une cotisation à un organisme qui n'aurait pas le droit de se présenter à une élection professionnelle ?
Vous pouvez toujours tenter de modifier la réalité sociale et syndicale par de tels artifices : plus la représentativité accordée sera différente de la représentativité réelle, moins les salariés se sentiront concernés par le choix de ceux qui sont censés les représenter, ce qui ne manquera pas d'entraîner une institutionnalisation du syndicalisme, comme dans certaines entreprises privées, et même publiques ! Mais n'est-ce pas là le but visé ?
Imposer ainsi des exigences aux syndicats reviendra à figer le paysage syndical.
Dans le système actuel, il suffit d'avoir déposé régulièrement des statuts syndicaux pour pouvoir participer à l'élection, la représentativité étant alors fondée essentiellement sur le vote des personnels.
Ce système est démocratique et plus proche de la réalité que ce que vous nous proposez, à savoir une représentativité d'emprunt issue d'une affiliation à une organisation censée être a priori représentative.
Ces quelques observations doivent nous faire réfléchir, mes chers collègues, sur la façon dont s'effectue le travail parlementaire. Personne ne m'ôtera l'idée que le thème abordé de manière si cavalière aurait mérité, à lui seul, de faire l'objet d'un texte à part, sur lequel des concertations auraient pu avoir lieu et sur lequel nous aurions pu travailler plus sérieusement.
Il est dommage que cet amendement gouvernemental ait placé le contenu du projet de loi initial, à savoir la résorption de la précarité et le congé de fin d'activité, au second plan, alors que nous aurions dû y porter une attention toute particulière. Mais n'était-ce pas, là aussi, le but visé ?
Le Gouvernement se vantait que le projet de loi était le résultat de deux protocoles d'accord. Le moins que l'on puisse dire, en l'occurrence, c'est qu'il aurait dû y avoir débat avec recherche d'un compromis, afin de garantir le respect de la liberté syndicale.
J'en reviens au contenu même du texte.
La première partie est censée résorber la précarité dans les trois fonctions publiques. On prévoit ainsi de « faciliter l'accès des non-titulaires aux corps de fonctionnaires en leur réservant l'accès à des concours spécifiques ».
En réalité, le texte améliorera la situation de très peu de non-titulaires. D'une part, les conditions à remplir pour se présenter aux épreuves sont beaucoup trop restrictives et les moyens budgétaires, notamment pour ce qui concerne les maîtres auxiliaires, ne sont pas prévus. D'autre part, les CES, nombreux dans la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière, sont d'emblée écartés du champ d'application du projet de loi, et plus encore d'une réflexion importante sur leur propre précarité.
Le second volet du projet de loi concerne le congé de fin d'activité, dont les conditions d'application ne nous sont pas apparues totalement satisfaisantes. Je n'y reviens pas ; nous avons abordé ce sujet lors de l'examen du projet de loi en première lecture.
Enfin, le troisième volet du texte traite de dispositions diverses, parmi lesquelles l'article relatif aux astreintes de la fonction publique hospitalière, dont votre groupe avait demandé la suppression.
Pour toutes ces raisons, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen maintiennent leur abstention critique sur l'ensemble du texte. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Monsieur le ministre, comme M. le rapporteur, comme l'orateur qui vient de s'exprimer, je suis très étonné de la procédure suivie par le Gouvernement.
Cela étant dit, je souhaite simplement poser une question sur la notion de représentativité syndicale au regard des grands corps de l'Etat.
La plupart de ces grands corps - le corps des Mines, le corps des Ponts, le corps des Télécom, le corps du Génie rural et bien d'autres - ont en effet, en application de la loi, créé des syndicats qui ne sont pas affiliés à des centrales syndicales, elles-mêmes souvent liées à des tendances politiques. Il est bon que la haute fonction publique ne soit pas politisée.
Ces syndicats, qui regroupent parfois plus de 90 % des personnels concernés, seront-ils considérés comme représentatifs lors des débats qui les concernent ?
C'est une question de fond, que l'on ne peut pas esquiver. Monsieur le ministre, je serais heureux, pour définir mon vote et celui de mon groupe, de connaître la réponse que vous allez apporter, notamment au travers des décrets d'application, à cette question.
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Je vous remercie de votre question, monsieur Laffitte. En effet, au travers de la réponse que je vais essayer de vous apporter, je vais pouvoir donner des éclaircissements sur l'amendement concernant la représentativité, car bien des choses ont été dites sur sa portée qui sont inexactes.
Pour être candidat au premier tour des élections, il faut être considéré comme représentatif. Qu'est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire : soit - je dis bien « soit » - être membre des conseils supérieurs des trois fonctions publiques ; soit - c'est, en fait, un sous-élément - avoir obtenu 2 % lors des élections dans une des fonctions publiques ou 10 % sur l'ensemble des fonctions publiques ; soit - c'est le véritable deuxième élément, et il répond entièrement à votre souci - être considéré comme représentatif pour une élection donnée, c'est-à-dire dans un corps, dans une administration, dans une commission administrative paritaire, dans un comité technique paritaire.
Or, comment est-on représentatif pour une élection donnée ? C'est fonction de la jurisprudence, qui est celle du secteur privé, comme l'a rappelé tout à l'heure M. le rapporteur. Il faut exister. L'existence - il existe une énorme jurisprudence dans ce domaine, qui permet de bien clarifier les choses - peut être constatée soit par le fait que l'on a obtenu des résultats à des élections précédentes - le cas que vous évoquez, monsieur Laffitte, est parfaitement réglé - soit même, si l'on n'a pas été candidat aux élections précédentes et si donc, par définition, on n'a pas obtenu de résultat, au vu de l'activité syndicale, laquelle se manifeste par l'existence de cotisations, d'activités, par la diffusion de documents, de tracts, de journaux, etc.
Cette présentation de l'amendement démontre - je l'ai dit à l'Assemblée nationale - le caractère en vérité assez modeste du changement. Ne sera empêchée, si je puis m'exprimer ainsi, que la candidature improvisée au dernier moment d'organismes dont le caractère syndical est d'ailleurs assez douteux, comme nous en avons connu voilà quelques semaines ou quelques mois dans un certain nombre d'administrations. Je n'en dirai pas davantage, chacun me comprend.
Autrement dit, toutes les organisations existantes pourront continuer à présenter des candidats, et même celles qui n'en ont pas présenté à des élections précédentes pourront le faire dès lors qu'elles auront été capables de prévoir et d'organiser à l'avance.
Il n'y a aucun risque, aucune menace, notamment pour ce que vous avez évoqué, monsieur Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Je vous remercie, monsieur le ministre.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, en application de l'article 42, alinéa 12, du règlement : d'une part, aucun amendement n'est recevable, sauf accord du Gouvernement ; d'autrepart, étant appelé à se prononcer avant l'Assemblée nationale, le Sénat statue sur les amendements puis, par un seul vote, sur l'ensemble du texte.
Je donne lecture du texte de la commission mixte paritaire :