M. le président. La séance est reprise.
Je rappelle que nous en étions parvenus, au sein de l'article 1er AB, à l'examen de l'amendement n° 32 rectifié, qui a été exposé par M. le rapporteur.
Quel est l'avis du Gouvernement sur cet amendement ?
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Après ces quelques minutes de suspension, qui m'ont permis de prendre connaissance de l'amendement n° 32 rectifié, me voici en mesure de donner au Sénat un avis éclairé.
Je tiens tout de suite à dire que j'aurais souhaité seconder l'effort de la commission des lois qui, après avoir refusé ce matin le principe de légiférer dans ce domaine, a adopté ce soir un texte s'inspirant du principal amendement du groupe socialiste ; malheureusement, je ne peux me rallier à cet amendement de la commission des lois, d'abord pour une raison qui me paraît très forte et que les promoteurs initiaux de cet amendement, c'est-à-dire les membres du groupe socialiste, devraient aussi considérer comme telle.
M. Dreyfus-Schmidt a fondé une bonne partie de son argumentation sur la nécessité, à travers la communication des pièces du dossier, de mieux assurer les droits de la défense. Il a, en particulier, critiqué le texte adopté par l'Assemblée nationale, au motif que celui-ci donne une latitude au juge de s'immiscer en quelque sorte dans le système de défense de l'avocat.
La principale critique que je fais à l'amendement n° 32 rectifié, présenté par la commission des lois, est la suivante : au lieu de permettre à l'avocat, comme le prévoit le texte de l'Assemblée nationale, de décider, en fournissant une liste, les pièces qu'il veut voir communiquer, le juge ensuite se prononçant pour ou contre, le système est inverse, puisque c'est le juge qui décide lui-même quelles pièces l'avocat pourra communiquer. Le motif de refus du juge n'est d'ailleurs pas précisé par le texte.
Il y a donc là, à mon avis, si l'on adopte ce point de vue, un renversement qui est plus préjudiciable aux droits de la défense que le texte voté par l'Assemblée nationale.
Par ailleurs, aucune des modalités pratiques permettant au juge de s'opposer à la communication des pièces par l'avocat à son client n'est prévue par le texte présenté par la commission. Ainsi, par exemple, vous avez supprimé la disposition qui consiste à aviser le juge de l'intention de communiquer les pièces. Quand le juge peut-il savoir que l'avocat a cette intention ? Dans quel délai peut-il accepter la communication des pièces ou s'y opposer ? Il y a donc là une difficulté pratique tout à fait considérable.
J'en viens à la sanction encourue pour le cas où les pièces communiquées seraient publiées ; ces faits tombent déjà, comme vous le savez, sous le coup de l'article 38 de la loi sur la presse. L'intérêt du texte de l'Assemblée nationale est d'ajouter une sanction spécifique pour la partie qui remet les pièces à un tiers,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Qui les diffuse !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. ... même si elles ne sont pas publiées. C'est à mon avis un bon type de sanction dans la mesure où cette dernière est adaptée.
Enfin, le fait que le recours contre le refus du juge soit porté devant la chambre d'accusation elle-même et non pas devant son président introduit indiscutablement une lourdeur qui me paraît inopportune dans cette procédure.
Telles sont les raisons pour lesquelles je ne crois pas pouvoir me rallier à l'amendement n° 32 rectifié et souhaite que soit adopté le texte voté par l'Assemblée nationale. En effet, ce dernier, quelque compliqué qu'il soit, comme l'a très justement dit M. le président de la commission des lois avant la suspension du dîner, n'en est pas moins nécessaire : n'oublions pas qu'il s'agit d'organiser la communication des pièces par l'avocat à son client sans que ceux qui n'ont pas à en connaître en prennent connaissance et sans que cette communication puisse créer quelque dommage sur des personnes qui sont ou non parties à la procédure et qui pourraient, par exemple, se trouver menacées à la suite de cette communication.
Certes, le problème n'est pas facile à résoudre et en conséquence - je le reconnais volontiers - le texte est compliqué. Mais le texte adopté par l'Assemblée nationale comporte à la fois des principes et des mécanismes qui me paraissent plus efficaces et plus protecteurs du droit de l'avocat et de son client que l'amendement n° 32 rectifié. Voilà pourquoi, monsieur le président, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ce dernier.
M. Jacques Larché, président de la commission. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché, président de la commission. Je souhaite simplement redire quel a été le cheminement de la réflexion de la commission.
Nous avons été confrontés à un texte dont nous avons la faiblesse de penser qu'il est inapplicable compte tenu de sa complexité. Certes, il existait la solution consistant à s'en tenir au système actuel, qui est simple, étant entendu qu'il aurait été possible de voir, par la suite, ce qu'il y avait lieu de faire. Telle était la position qu'avait exprimée en plusieurs occasions le Gouvernement et que nous avions soutenue.
Mais à partir du moment où le Gouvernement prend la responsabilité de faire sauter, en quelque sorte, le verrou de l'article 114 du code de procédure pénale, il faut inventer un système qui soit efficace et simple.
Je signale au passage que l'amendement n° 32 rectifié est l'amendement non pas de M. Dreyfus-Schmidt, mais de la commission. En effet, à partir du moment où cette dernière a constaté que le principe même du maintien de l'article 114 du code de procédure pénale en sa rédaction actuelle n'était pas retenu, sa réflexion, compte tenu du caractère inapplicable et de la lourdeur extrême, selon elle, du dispositif adopté par l'Assemblée nationale, s'est orientée vers la recherche d'un système simple. Celui qu'elle présente dans l'amendement n° 32 rectifié donne, à son avis, toutes les garanties souhaitables : le juge a connaissance des pièces que l'avocat veut communiquer ; on lui reconnaît, pour des motifs qui lui appartiennent, le droit de s'y opposer ; il s'y oppose sous le contrôle de la chambre d'accusation, qui doit intervenir dans un délai de quinze jours.
Je regrette, pour ma part, que le principe actuel de l'article 114 du code de procédure pénale n'ait pas été maintenu. Une décision a été prise, sans doute en toute connaissance de cause, par nos collègues qui avaient suivi avec toute l'attention nécessaire ce texte.
Mais une fois que l'on a décidé de modifier cet article 114, il faut inventer un système simple. Le dispositif présenté par la commission a justement le mérite de la simplicité. Et je conclurai par une réflexion, certes un peu rapide, mais tout à fait justifiée dans le cas présent : pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 32 rectifié.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous nous trouvons en face d'un amendement émanant de la commission et non du groupe socialiste ; en effet, nous n'y retrouvons pas beaucoup de dispositions qui figuraient dans notre proposition.
Je sais que M. le garde des sceaux n'a pas eu beaucoup de temps pour examiner ce texte, mais je voudrais répondre aux observations qu'il vient de présenter.
Actuellement, l'avocat, après la première comparution ou la première audition, peut se faire délivrer, à ses frais, copie de tout ou partie des pièces et actes du dossier pour son usage exclusif et sans pouvoir en établir de reproduction ; tel est le texte actuel.
Je constate qu'aucun délai n'est prévu ! L'argument de M. le garde des sceaux consistant à dire que l'amendement n° 32 rectifié ne prévoit pas de délai pour que le juge d'instruction autorise la communication des pièces par l'avocat à son client ou s'y oppose ne tient donc pas, puisque, jusqu'à présent, il n'y avait déjà pas de délai. Les choses doivent se passer normalement entre gens de bonne compagnie ; dès lors que le juge est saisi d'une demande de copie de pièces, il a le droit de dire qu'il s'oppose à la communication de telle pièce au client.
M. le garde des sceaux nous dit que les droits de la défense sont moins bien respectés que dans le système adopté par l'Assemblée nationale. C'est inexact. En effet, dans ledit système, l'avocat est obligé de dire au juge quelle pièce il a l'intention de communiquer à son client. Or, cela, à l'évidence, ne regarde pas le juge d'instruction. D'ailleurs, les relations entre le client et son avocat ne regardent personne !
Dans l'amendement dont nous discutons, c'est au moment où l'avocat demande communication des pièces ou du dossier ou de telle ou telle pièce que le juge a le droit de s'y opposer pour telle ou telle raison. On nous fait valoir, alors, qu'il ne dit pas pour quel motif. Mais l'ordonnance doit être motivée. Le juge aura donc toute liberté d'expliquer pourquoi il ne veut pas que l'avocat communique cette pièce à son client.
Appel devant la chambre d'accusation ! La chambre d'accusation est faite pour que ce soit une collégialité qui ait à statuer sur les décisions prises par un juge unique, le juge d'instruction.
En conclusion, cet amendement, même s'il ne nous donne pas la satisfaction que nous donnait notre propre texte, tend à mettre en place un système simple, et c'est pourquoi nous le voterons.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 32 rectifié, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais donc mettre aux voix successivement les amendements n°s 7 à 14, qui ont été exposés par leur auteur et qui, je le rappelle, ont fait l'objet d'un avis défavorable de la commission et du Gouvernement.
Sur l'amendement n° 7, j'ai été saisi, par M. Dreyfus-Schmidt, d'une demande de vote par division.
Je vais donc d'abord mettre aux voix les paragraphes I à VI, à l'exception du dernier alinéa du paragraphe I.
C'est bien cela, monsieur Dreyfus-Schmidt ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, certains de nos collègues ici présents n'ont pas assisté à nos débats avant la suspension de séance.
M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, vous n'allez pas recommencer la présentation des amendements !
Je vous donne la parole pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, ceux de nos collègues qui n'étaient pas là doivent tout de même savoir sur quoi nous votons !
Voilà donc le texte que nous avions proposé et qui est encore plus simple puisque les avocats peuvent transmettre à leur client la copie obtenue.
Pour le reste, nous proposons le système allemand : le client atteste par écrit avoir pris connaissance des dispositions des deux alinéas suivants, qui sont reproduits par cachet sur chaque copie, à savoir, premièrement : « Cette copie ne peut être communiquée à des tiers que pour les besoins de la défense. », et, deuxièmement : « Le fait de la publier... est puni de 25 000 francs d'amende. »
Je demande donc un vote uniquement sur ce principe, qui est extrêmement simple, qui tient compte du fait que nous sommes au siècle de la machine à photocopier et qu'il faut vouloir ce qu'on ne peut pas empêcher.
Sera ensuite mis aux voix - c'est l'objet du vote par division - l'alinéa qui énonce que : « A titre exceptionnel, le juge peut s'opposer, après avis du bâtonnier,... » puisque l'un de nos collègues, membre de la majorité, a estimé que c'était bien lourd et qu'il valait mieux que le juge ne puisse pas s'opposer.
M. le président. C'est bien, me semble-t-il, ce que j'avais dit, et je pense que, d'une façon générale, l'ensemble de nos collègues ici présents savent lire un amendement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. S'ils en ont le temps !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 7, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, les amendements ayant été exposés, j'ai demandé si, sur l'ensemble, il y avait des explications de vote.
Cela étant dit, je vous donne la parole pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je vous en remercie, monsieur le président, car c'est sur chaque amendement que je tiens à m'exprimer au moins brièvement.
En effet, s'ils ont été exposés à dix-neuf heures, il est évident qu'à vingt-trois heures plus personne ne se rappelle à quoi ils tendent. Or, il faut savoir sur quoi l'on vote.
Dans le texte de l'Assemblée nationale, il est dit que l'on peut communiquer les rapports d'expertise. Cela ne suffit pas. En effet, pour qu'un homme de l'art puisse comprendre un rapport d'expertise, l'évaluer et donner en somme un contre-rapport à la personne mise en examen ou à son avocat, il faut qu'il ait connaissance de toutes les pièces qui, dans le dossier, éclairent ce rapport d'expertise.
C'est pourquoi notre amendement, qui est très important, qui ne choque personne ni aucun principe, prévoit, lui, que l'on peut communiquer les copies de pièces à tout expert - mais seulement à tout expert - celui-ci étant alors soumis aux textes régissant le secret professionnel et le secret de l'instruction.
Tout avocat, quelles que soient les travées sur lesquelles il siège, sait en effet que, dans les matières techniques, il est nécessaire que le client puisse lui expliquer de quoi il s'agit et que lui-même puisse avoir recours à tel ou tel homme de l'art pour pouvoir combattre éventuellement les conclusions de l'expert commis par le juge d'instruction.
Tel est le sens de l'amendement n° 8.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 8, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Avant de mettre aux voix l'amendement n° 9, je donne la parole à M. Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le texte qui nous vient de l'Assemblée nationale énonce que : « Seules les copies des rapports d'expertise peuvent être communiquées par les parties ou leurs avocats à des tiers pour les besoins de la défense. »
Comme je viens de l'expliquer, les rapports d'expertise ne suffisent pas. Voilà pourquoi notre amendement prévoit que : « Les copies peuvent être communiquées par les parties ou leurs avocats à des tiers pour les besoins de la défense. »
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 9, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Avant de mettre aux voix l'amendement n° 10, je donne la parole à M. Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le texte qui nous vient de l'Assemblée nationale est ainsi conçu : « L'avocat doit donner connaissance au juge d'instruction, par déclaration à son greffier ou par lettre ayant ce seul objet et adressée en recommandé avec accusé de réception, de la liste des pièces ou actes dont il souhaite remettre une reproduction à son client. »
C'est d'une lourdeur extraordinaire ! Nous sommes au siècle du fax ! Pourquoi obliger l'avocat soit à se déplacer jusqu'au cabinet du juge d'instruction, soit à adresser une lettre recommandée avec accusé de réception - voilà des frais en plus ! sans compter la lenteur - plutôt que de se passer de formes obligatoires, comme c'est le cas actuellement ?
A l'heure actuelle, il est dit qu'il a le droit d'avoir la copie du dossier. Il n'est nullement précisé qu'il le fait par lettre recommandée ou par déclaration au greffe. Il commande le dossier. Point !
Nous proposons donc de supprimer cette disposition, pour permettre à l'avocat de commander le dossier purement et simplement, sans l'obliger, en outre, à dire au juge quelles pièces il entend communiquer.
S'il veut demander la copie complète du dossier, le juge dira : d'accord, sauf telle ou telle pièce que je ne veux pas que vous communiquiez à votre client. Pourquoi demander à l'avocat de le faire soit par déclaration au greffe, soit par lettre recommandée, en le priant de donner toute la liste ?
Et si le dossier est énorme - ils sont de plus en plus volumineux - l'avocat devra-t-il citer toutes les pièces ? Retenir ce système, c'est supprimer le droit que l'on prétend reconnaître. Voilà pourquoi nous proposons la suppression de cet alinéa.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 10, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Avant de mettre aux voix l'amendement n° 11, je donne la parole à M. Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est pratiquement un amendement de forme.
Il est dit que : « Le juge d'instruction dispose de cinq jours ouvrables à compter de la réception de la demande pour s'opposer à la remise de tout ou partie de ces reproductions par une ordonnance spécialement motivée... ».
Nous demandons simplement qu'il soit précisé - tout à l'heure, M. le garde des sceaux s'y est opposé ; je ne vois vraiment pas pourquoi ! - que c'est la remise de tout ou partie de ces reproductions « par l'avocat à son client », de manière qu'il ne subsiste pas de confusion sur la remise des pièces puisque celles-ci peuvent également être remises par le juge à l'avocat et que c'est seulement à la remise par l'avocat à son client que le juge peut s'opposer.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 11, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Avant de mettre aux voix l'amendement n° 12, je donne la parole à M. Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je rappelle en quelques mots de quoi il s'agit.
Actuellement, dans le texte qui nous vient de l'Assemblée nationale, sous-amendé par le Gouvernement, il est dit que, si le juge s'oppose de manière motivée, on peut référer sa décision devant le président de la chambre d'accusation - et non plus devant la chambre d'accusation elle-même, comme nous le demandions tout à l'heure - et que le président de la chambre peut s'y opposer par une décision écrite, motivée - nous sommes d'accord - et non susceptible de recours.
Nous aimerions qu'en la matière il puisse y avoir une jurisprudence identique pour l'ensemble de la France. Nous ne voyons donc pas pourquoi la Cour de cassation ne pourrait pas être saisie d'un recours qui, évidemment, n'aurait plus d'effet pratique immédiat - le procès sera terminé quand la Cour de cassation sera éventuellement amenée à statuer - mais qui permettrait qu'au moins la jurisprudence soit la même dans toute la France. On saurait ainsi quelles sont les pièces pour lesquelles il est normal que le juge s'oppose à ce qu'elles soient communiquées par l'avocat à son client, et quelles sont celles pour lesquelles, au contraire, ce n'est pas normal.
Voilà pourquoi nous demandons de supprimer les mots : « non susceptible de recours ».
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 12, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Avant de mettre aux voix l'amendement n° 13, je donne la parole à M. Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. De quoi s'agit-il ? D'un droit qui est reconnu aux avocats et à leurs clients mis en cause. Les avocats ont le droit de remettre les pièces à leur client dès lors que le juge ne s'y est pas opposé.
Bien souvent, en matière d'instruction, les clients de l'avocat sont en prison. Donc, celles des pièces pour lesquelles le juge ne se sera pas opposé à ce qu'elles soient remises par l'avocat à son client - par exemple, dans une affaire d'accident du travail, comme cela se voit par les temps qui courent, le PDG veut savoir ce qu'on lui reproche - ces pièces, dis-je, seront remises à l'intéressé en prison. C'est ce qui se fait tous les jours dans toutes les affaires d'assises. Lorsqu'une instruction est terminée, la loi dispose que la copie complète du dossier est remise à l'intéressé qui va passer devant la Cour d'assises. Et cela ne pose aucun problème !
La Cour de cassation, comme nous l'avons rappelé tout à l'heure, a décidé par deux arrêts du 12 juin 1996 que, dès que l'affaire est terminée, quelle que soit la matière - plus seulement criminelle, mais également correctionnelle - les personnes, y compris les détenus, ont le droit de voir la copie de leur dossier. Cela signifie qu'aujourd'hui, dans toutes les prisons de France et de Navarre, les avocats ont le droit de remettre à leur client, quand l'instruction est terminée, la copie du dossier.
Et il faudrait un décret en Conseil d'Etat pour déterminer les modalités selon lesquelles les documents peuvent être remis par l'avocat à une personne détenue ! Pourtant, la loi explique déjà parfaitement que la communication de l'avocat et de son client est libre, dès lors qu'elle est compatible avec les exigences de la discipline et de la sécurité de la prison.
Quand un avocat va voir un client, il dit au gardien : « J'ai ces quelques pièces à remettre à mon client ». Et le gardien lui répond soit : « Oui maître », soit : « Donnez-les, on les transmettra au greffe, puis on les remettra à votre client ». Cela ne pose aucun problème !
En revanche, prévoir un décret en Conseil d'Etat, c'est prendre le risque que ce décret ne paraisse pas. M. le garde des sceaux nous a dit : je m'engage à ce que celui-ci soit pris « le plus rapidement possible ». Mais nous savons bien, tous autant que nous sommes, sur quelque travée que nous siégions, d'une part, que les ministres s'engagent tout le temps à prendre « le plus rapidement possible » les décrets prévus par les lois et, d'autre part, parce qu'il est de notre mission de contrôler l'application des lois après leur promulgation, que, souvent, des règlements ne sont jamais édictés, ou le sont très tard.
Mes chers collègues, si vous votez une loi qui ne permet qu'avec beaucoup de réticence et de nombreux contrôles la communication des pièces d'un dossier par l'avocat à son client, au moins admettez que cette disposition entre en application dès que la loi sera promulguée et renoncez à autoriser le Gouvernement à prendre un décret d'application en Conseil d'Etat.
Par conséquent, je vous demande de voter notre amendement visant à supprimer ce décret en Conseil d'Etat, qui n'a aucune utilité.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 13, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Avant de mettre aux voix l'amendement n° 14, je donne la parole à M. Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le paragraphe I de cet amendement est purement formel et peut-être sera-t-il accepté, puisque M. le garde des sceaux a parlé tout à l'heure de l'interdiction de « remettre ».
Le texte proposé par le paragraphe IV de l'article 1er AB pour l'article 141-1 du code de procédure pénale dispose : « ... le fait, pour une partie à qui une reproduction des pièces ou actes d'une procédure d'instruction a été remise en application de cet article, de la diffuser auprès d'un tiers est puni de 25 000 francs d'amende. »
Je reconnais que c'est purement de forme, mais on ne « diffuse pas une pièce auprès d'un tiers », on la « remet à un tiers ». En effet, si l'on regarde dans un dictionnaire, « diffuser », cela veut dire très exactement « répandre dans différentes directions ». Or on ne peut pas répandre dans diverses directions auprès d'un seul tiers.
Nous proposons donc simplement - en effet, quand on élabore la loi, il vaut mieux la rédiger correctement - d'écrire : « remettre à » plutôt que : « diffuser auprès de ». Sur ce point-là, M. le garde des sceaux ne nous a d'ailleurs pas donné son avis tout à l'heure.
Quant au paragraphe II de cet amendement, il vise à compléter le texte proposé pour l'article 141-1 du code de procédure pénale en précisant que l'on a le droit de remettre des pièces ou actes de procédure à un tiers dès lors qu'il s'agit de dénoncer la longueur déraisonnable de l'instruction. - « Déraisonnable », voilà un mot qui devrait plaire à M. le garde des sceaux, qui a demandé que l'on fasse figurer dans la loi le mot « raisonnable ».
Cela veut dire que, si une affaire risque d'être étouffée, on a le droit de dénoncer la lenteur de l'instruction.
Par ailleurs, un mis en examen doit avoir aussi le droit de répliquer à une information publique relative à une instruction. J'ai ainsi déjà expliqué que si le parquet, par exemple, organise une conférence de presse pour dire ce qu'il y a dans un dossier, il est normal que celui qui est ainsi jeté aux chiens ait le droit de communiquer les pièces pour démontrer qu'il n'est pas coupable, pour protester de son innocence, pour rétablir sa présomption d'innocence.
Il s'agit, en effet, maintenant non plus du viol de la présomption d'innocence, mais de son respect.
M. le garde des sceaux nous a dit que la personne en question avait bien le droit de dire ce qui y figurait, mais pas celui de remettre à un tiers les pièces. Or, il peut arriver que ce soit les pièces elles-mêmes qui démontrent la véracité de leur contenu. Cette personne ne sera pas forcément crue si elle se contente de protester de son innocence, elle peut devoir fournir une pièce, sans que cela nuise à quiconque. C'est pourquoi nous demandons de prévoir que, dans ce cas-là, il n'y a plus de délit.
En d'autres termes, et je le répète, en cas d'abus du secret de l'instruction, il est tout à fait normal que, pour respecter le droit de la défense - c'est le cas de le dire - une personne puisse faire état de pièces du dossier. Dans un tel cas, il n'y a plus de secret de l'instruction puisque, par définition, soit il a été violé, soit il est maintenu si longtemps que l'affaire risque d'être étouffée.
Il arrive que des affaires soient étouffées. Vous en avez vu comme moi, monsieur le garde des sceaux ! Je ne parle d'ailleurs ni d'aujourd'hui ni d'hier, mais de toujours.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. J'interviens, monsieur le président, pour manifester d'abord que je suis les explications de M. Dreyfus-Schmidt, bien que ce soit la troisième fois que je les entende.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. La troisième, vous croyez ?
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. De plus, non seulement je les entends, mais je les écoute !
Je voudrais dire que je suis tout à fait d'accord pour remplacer le mot : « diffuser », par le mot : « remettre à ». Il faudrait donc procéder au fameux vote par division dont M. Dreyfus-Schmidt est un adepte.
En revanche, le second point, bien entendu, il n'est pas question que le Gouvernement l'accepte, puisque je m'oppose à la diffusion d'un certain nombre de pièces.
Je ne reviens donc pas sur ce que j'ai dit tout à l'heure, mais je suis tout à fait d'accord pour la première rectification.
M. le président. Nous allons donc procéder à un vote par division sur l'amendement n° 14.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le paragraphe I de l'amendement n° 14, repoussé par la commission et accepté par le Gouvernement.

(Ce texte est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le paragraphe II de l'amendement n° 14, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(Ce texte n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'article 1er AB.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Contrairement à ce que l'on croit, nous allons trop vite !
En effet, parce que nous sommes pressés par le temps, la commission, après avoir été battue sur sa position qui consistait à refuser toute communication, après avoir été battue sur l'amendement qu'elle avait adopté tout à l'heure, n'a sans doute pas osé demander une nouvelle suspension de séance pour examiner les autres amendements, ceux sur lesquels nous venons de voter, et sur lesquels, monsieur le président, sauf erreur de ma part, je ne vous ai pas entendu, demander l'avis de la commission qui, avant la reprise, n'en n'avait pas.
M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, j'ai clairement entendu la commission dire qu'elle était défavorable à tous les amendements que vous aviez déposés. (M. le rapporteur fait un signe d'approbation.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je vous prie de m'en excuser, mais je ne l'ai pas entendu !
M. le président. Je suis là pour entendre !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'adresse donc un reproche à M. le rapporteur puisque ces amendements n'ont pas été examinés en tant que tels depuis que son propre amendement a été rejeté...
M. Georges Othily, rapporteur. Mais si !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er AB, modifié.

(L'article 1er AB est adopté.)

Article 1er A