M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je voudrais dire et redire que nous sommes unanimes en ce qui concerne la condamnation sans réserve d'un terrorisme barbare comme celui qui a frappé la semaine dernière, comme il avait déjà frappé l'an dernier, en particulier, à Paris.
Cela dit, si cet amendement n° 5 s'imposait, je ne comprends pas pourquoi on ne nous l'a pas soumis plus tôt et pourquoi il ne fait pas l'objet d'une exception pour s'appliquer dès la promulgation de la loi... Mais si, il fait l'objet d'une exception !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Mais oui ! les dispositions de l'article 8 nonies et de l'article additionnel après l'article 8 nonies s'appliqueront tout de suite.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est ce qu'on vous avait proposé, en effet, et je ne vous adresse plus ce reproche-ci...
M. Emmanuel Hamel. Un de moins !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Par ailleurs, le groupe socialiste, me dit-on, a été mentionné comme votant contre l'amendement n° 5.
Je ne comprends pas, monsieur le président, car vous m'avez interrompu avant que j'ai pu dire comment nous allions voter. Nous voulions nous abstenir.
M. Robert Badinter. Nous nous sommes abstenus !
M. le président. Pardon, mais vous aviez demandé à parler contre l'amendement.
J'ai donné la parole à M. Pagès parce qu'il s'était manifesté le premier !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cela ne suffit pas à préjuger le vote. On peut changer d'avis entre-temps. C'est simplement le moyen de disposer de cinq minutes supplémentaires !
M. Emmanuel Hamel. Quelle maîtrise de la procédure !
M. le président. Ce n'est pas un moyen très honnête !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est le président Dailly qui nous l'a appris !
Quand nous ne levons pas la main, n'en déduisez pas que nous votons contre. C'est une interprétation regrettable.
M. le président. Ce n'est pas la première fois que cette interprétation est faite !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je ne dis pas que c'est malhonnête, je dis que c'est regrettable !
Quoi qu'il en soit, la discussion sur ce texte n'a pas été très glorieuse et il s'agit d'un petit texte.
Ce petit texte est venu en discussion devant le Sénat en première lecture au mois de mai, puis le Gouvernement a demandé l'urgence.
Mais, au lieu de l'inscrire immédiatement à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, il a laissé passer les mois. Et c'est seulement au mois d'octobre que le Gouvernement s'y est résolu.
Par ailleurs, lorsque le président du Sénat lui-même, mandaté par la conférence des présidents, a demandé que ce texte ne soit plus déclaré d'urgence, ou, plus exactement, que ne soit pas demandée la nomination d'une commission mixte paritaire, le Gouvernement, plus précisément M. le garde des sceaux, ce qui revient au même, s'y est refusé.
Une commission mixte paritaire a donc été constituée et, lors de sa réunion, les représentants du Sénat unanimes ont indiqué qu'il n'y avait pas lieu de continuer à discuter. La commission mixte paritaire a échoué.
Il y a donc eu une nouvelle lecture devant l'Assemblée nationale, d'où le texte sortait. Telle est la règle.
Nous venons d'en rediscuter aujourd'hui, nous aussi en nouvelle lecture, dans des conditions un peu particulières tout de même, puisque, si beaucoup de nos collègues ont suivi avec attention le débat - et je les en remercie - je dois à la vérité de dire que nous n'avons cependant pas été extrêmement nombreux, et cette remarque s'applique aussi aux membres de la commission des lois.
Le résultat, c'est qu'en matière de communication de pièces le texte retenu par l'Assemblée nationale, et voulu par le Gouvernement, soutenu fidèlement par sa majorité ici présente, est « absolument inapplicable », pour reprendre l'expression employée par le président de la commission des lois du Sénat.
Il prévoit en effet que ne peuvent être communiquées à des tiers que les seules copies des rapports d'expertises, et que l'avocat doit dresser la liste des pièces qu'il souhaite remettre à son client et l'adresser au juge d'instruction par lettre recommandée avec accusé de réception.
Bref, ce n'est pas véritablement l'avancée qui aurait été possible.
En matière de référé-liberté, le Sénat a moins reculé que le Gouvernement ne le lui demandait. Il a fait un petit effort, puisque c'est la proposition de M. le président de la commission des lois, amendée par nous, notamment en permettant immédiatement un débat devant le président du tribunal de grande instance, qui l'a emporté. Il y avait pourtant beaucoup mieux à faire : retenir la collégialité.
Sur la réparation, M. le garde des sceaux s'en est tenu à ce qu'il avait demandé.
Sur les fenêtres que nous avons sollicitées, curieusement, l'une a été fermée, l'autre a été ouverte. C'est déjà une avancée ; elle est petite, mais elle existe, et nous nous en félicitons.
Enfin, il y a ce problème pour lequel j'ai suggéré à M. le garde des sceaux de demander une seconde délibération : c'est le fait que maintenant le procureur de la République, dans le débat préalable à l'incarcération devant le juge d'instruction, doit soutenir oralement ses réquisitions écrites.
Il s'agit là d'une nouveauté, d'une nouveauté extrêmement grave et extrêmement regrettable.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce serait même une raison suffisante pour que nous votions contre l'ensemble du projet de loi.
Effectivement donc, c'est bien contre l'ensemble du texte que nous voterons.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. M. Dreyfus-Schmidt a toutes les raisons de voter contre le projet de loi. Il lui faut cependant en retirer une : l'article 33 du code de procédure pénale, qui dispose que la plume est serve et la parole libre, prévaut sur le texte qui vient d'être adopté.
Le parquet pourra toujours prononcer à l'audience les réquisitions qu'il voudra, je le confirme, parce que le principe de l'article 33 l'emporte sur les autres textes.
M. Michel Dreyfus-Schmidt a des raisons de voter contre le projet de loi, mais celle-ci, au moins il ne peut pas la retenir.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
M. Robert Pagès. Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.
MM. Robert Badinter et Michel Dreyfus-Schmidt. Le groupe socialiste également.

(Le projet de loi est adopté.)

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