M. le président. « Art. 8. - En cas de rupture du contrat de travail, le titulaire d'un plan d'épargne retraite peut demander soit le transfert intégral sans pénalité des droits acquis en vertu de ce plan sur un autre plan d'épargne retraite dans les conditions prévues au sixième alinéa de l'article L. 132-23 du code des assurances et selon des modalités fixées par décret, soit le maintien des droits acquis en vertu de son plan d'épargne retraite dans des conditions normales de revalorisation et dans le respect de l'équité actuarielle. »
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 72 est présenté par MM. Massion, Autain, Mélenchon et Masseret, Mme Bergé-Lavigne, MM. Charasse, Lise, Miquel, Moreigne, Régnault, Richard, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 119 est déposé par M. Loridant, Mmes Beaudeau et Demessine, M. Fischer, Mme Fraysse-Cazalis et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Tous deux tendent à supprimer l'article 8.
Par amendement n° 10, M. Marini, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit l'article 8 :
« En cas de rupture du contrat de travail, l'adhérent peut demander soit le transfert intégral, sans pénalité, de la provision mathématique des droits acquis en vertu de ce plan sur un autre plan d'épargne retraite, soit le maintien des droits acquis dans le cadre de son plan.
« En l'absence de rupture du contrat de travail, l'adhérent peut demander, tous les cinq ans, le transfert intégral, sans pénalité, de la provision mathématique des droits acquis en vertu de ce plan sur un autre plan d'épargne retraite.
« Un décret fixe les conditions d'application du présent article. »
Cet amendement est assorti de trois sous-amendements.
Le sous-amendement n° 74, présenté par MM. Massion, Autain, Mélenchon et Masseret, Mme Bergé-Lavigne, MM. Charasse, Lise, Miquel, Moreigne, Régnault, Richard, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés, tend à remplacer le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 10 par six alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque l'affilié à un plan d'épargne retraite change d'employeur, et à la condition qu'il puisse bénéficier d'un autre plan en vigueur chez le nouvel employeur, toutes les provisions correspondant aux engagements pris au titre du précédent plan peuvent être transférées au fonds d'épargne retraite chargé de la mise en oeuvre du plan en vigueur chez le nouvel employeur. Dans tous les cas, les actifs transférés sont, au moins, égaux à la valeur de réalisation des placements correspondants aux engagements.
« L'affilié doit notifier par lettre recommandée au fonds d'épargne retraite qu'il quitte son intention d'user de la faculté de transfert prévue au I dans un délai de deux mois à compter de la rupture de son contrat de travail.
« L'affilié qui n'use pas de la faculté de transfert prévue au I du présent article ou qui laisse expirer le délai prévu au II conserve le bénéfice intégral des droits constitués en son nom auprès du fonds d'épargne retraite. Il conserve les mêmes règles de participation aux bénéfices ou aux excédents que celles qui sont applicables aux autres affiliés du plan qu'il a quitté.
« Les statuts du fonds d'épargne retraite fixent le délai maximum du transfert sans que celui-ci puisse excéder quatre mois à compter de l'envoi de la lettre recommandée mentionnée au II ainsi que les modalités dudit transfert.
« Lors de la rupture du contrat de travail, l'employeur remet à l'affilié une note explicative élaborée par le fonds d'épargne retraite qui présente de manière claire et précise les modalités et conditions du maintien prévu au III et du transfert prévu au I ; le défaut de remise de cette note entraîne de plein droit la prorogation du délai prévu au II jusqu'au soixantième jour suivant la date de remise effective de cette note.
Le salarié qui, dans un délai de deux ans au plus après avoir quitté l'entreprise, n'a pas eu la possibilité de s'affilier à un autre plan d'épargne retraite peut faire usage de la faculté de transfert, dans les conditions et délais prévus aux II et IV, vers la caisse des dépôts et consignations. La note mentionnée au V comporte obligatoirement une mention relative à l'exercice de cette faculté. »
Le sous-amendement n° 120 rectifié, présenté par M. Loridant, Mmes Beaudeau et Demessine, M. Fischer, Mme Fraysse-Cazalis et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, vise à compléter in fine le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 10 par les mots : « soit le versement du capital correspondant aux droits acquis ».
Le sous-amendement n° 160, présenté par le Gouvernement, a pour objet de supprimer le deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 10.
La parole est à M. Massion, pour présenter l'amendement n° 72.
M. Marc Massion Nous souhaitons la suppression de l'article 8, qui, comme l'article précédent, est trop sommaire et risque d'être difficilement applicable.
Par ailleurs, il est fait référence aux conditions prévues à l'article L. 132-23 du code des assurances, mais celles-ci ne nous semblent pas correspondre à l'objet traité.
M. le président. La parole est à M. Loridant, pour présenter l'amendement n° 119.
M. Paul Loridant. L'article 8 prévoit les dispositions à appliquer en cas de rupture du contrat de travail. C'est donc un article important : il s'agit de savoir ce qu'il va advenir du plan d'épargne retraite pour le salarié victime de la rupture du contrat de travail.
Notre amendement de supression se fonde sur le fait que le choix n'est pas laissé au salarié victime d'une rupture du contrat de travail - notamment d'un licenciement - de récupérer la totalité des fonds placés dans le plan d'épargne de l'entreprise qui vient de le licencier.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 10.
M. Philippe Marini, rapporteur. Cet amendement ouvre à un adhérent la possibilité de demander tous les cinq ans le transfert de ses droits sur un autre plan.
La commission a estimé que cette disposition serait de nature à inciter les dirigeants des fonds d'épargne retraite et les gérants d'actifs à transmettre une bonne information. Si l'adhérent est à l'écart, s'il ne se sent pas suffisamment impliqué dans la gestion du fonds, il pourra, en quelque sorte, « voter avec ses pieds » et transférer son épargne dans un autre fonds.
M. le président. La parole est à M. Massion, pour défendre le sous-amendement n° 74.
M. Marc Massion. La transférabilité des droits d'un affilié constitue une opération complexe, qui mérite d'être soigneusement décrite dans la loi : l'affilié doit être informé des possibilités qui lui sont offertes et il faut que ses droits soient effectivement protégés. Notre système est d'ailleurs calqué sur ce qui existe dans les autres pays européens.
M. le président. La parole est à M. Loridant, pour défendre le sous-amendement n° 120 rectifié.
M. Paul Loridant. Notre sous-amendement prévoit que, en cas de rupture du contrat de travail, le salarié peut bénéficier de la totalité du capital correspondant aux droits acquis dans le fonds d'épargne retraite.
Il s'agit non pas tant de revenir sur le débat sortie en rente ou sortie en capital que de réparer une incohérence du texte, qui ne prévoit rien dans le cas, par exemple, d'un départ anticipé à la retraite, et de revenir sur la question de l'âge de liquidation des droits.
Ce sous-amendement complète une de nos propositions à l'article 2, qui prévoyait que la sortie en rente pouvait être faite en cas de départ anticipé à la retraite. Nous proposons que la sortie puisse ici se faire en capital, comme nous le proposons pour la liquidation au moment du départ à la retraite.
Néanmoins, notre sous-amendement élargit la possibilité de versement d'un capital aux travailleurs victimes d'un licenciement. Il s'agit, pour nous, d'une mesure de bon sens et d'équité. Il serait tout de même paradoxal qu'un salarié licencié voie les fonds qu'il a épargnés dans un plan d'épargne retraite continuer à servir à cette même entreprise alors qu'elle vient de le licencier !
Une telle disposition devrait faire l'unanimité au sein de la Haute Assemblée.
M. Jean Chérioux. C'est faux ! C'est même aberrant de présenter les choses ainsi !
M. le président. La parole est à M. le ministre, pour défendre le sous-amendement n° 160.
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Le premier alinéa de l'amendement n° 10 prévoit précisément quelles sont les règles applicables en matière de droit au transfert entre deux plans d'épargne retraite lorsqu'un salarié change de contrat de travail.
Le deuxième alinéa, quant à lui, assure la possibilité d'un transfert individuel, indépendamment de toute modification du contrat de travail.
La commission propose d'ouvrir à chaque salarié la possibilité, tous les cinq ans, de changer de plan d'épargne retraite ou d'y mettre fin.
Le Gouvernement n'est pas favorable à cette disposition, car, dans son esprit, le plan d'épargne retraite doit donner lieu à des placements à long terme, notamment à des placements en actions. Or, si l'on fragilise ainsi les plans, on court le risque de voir une part trop importante de ces placements investie à court terme ou dans des obligations assimilables du Trésor, qui sont certes très utiles pour le financement du Trésor, mais dont le développement n'est pas l'objet principal de la réforme.
En résumé, le Gouvernement est favorable au premier alinéa de l'amendement n° 10, mais il demande à M. le rapporteur de bien vouloir reconsidérer le deuxième alinéa.
Tel est le sens du sous-amendement n° 160.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 72 et 119 ainsi que sur les sous-amendements n°s 74, 120 rectifié et 160 ?
M. Philippe Marini, rapporteur. La commission est défavorable aux amendements n°s 72 et 119.
Le sous-amendement n° 74 paraît extrêmement complexe et il me semble qu'une bonne partie de ses dispositions sont d'ordre réglementaire. L'avis de la commission est donc plutôt défavorable.
Les dispositions du sous-amendement n° 120 rectifié inciteraient excessivement à la sortie en capital et tendraient à transformer le plan d'épargne retraite en simple instrument d'épargne ; on s'éloignerait ainsi de la logique de rente liée à la retraite. La commission y est défavorable.
S'agissant du sous-amendement n° 160, je suis sensible aux arguments qu'a avancés M. le ministre. Il y a effectivement des exigences un peu contradictoires à prendre en compte, d'un côté, l'exigence de bonne information de l'adhérent afin qu'il dispose d'éléments d'appréciation suffisants et qu'il soit globalement satisfait des performances que l'on affiche et, d'un autre côté, l'exigence de voir les placements se diriger vers l'investissement en fonds propres, l'orientation vers les actions à donner à la gestion des actifs étant aussi une forte priorité.
Pour aller dans le sens souhaité par le Gouvernement, je suis prêt à rectifier l'amendement n° 10 en substituant les mots : « tous les dix ans » aux mots : « tous les cinq ans », ce qui m'apparaît comme un compromis acceptable.
M. François Lesein. Sinon, il vaut mieux être chômeur !
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 10 rectifié, présenté par M. Marini, au nom de la commission, et tendant à rédiger comme suit l'article 8 :
« En cas de rupture du contrat de travail, l'adhérent peut demander soit le transfert intégral, sans pénalité, de la provision mathématique des droits acquis en vertu de ce plan sur un autre plan d'épargne retraite, soit le maintien des droits acquis dans le cadre de son plan.
« En l'absence de rupture du contrat de travail, l'adhérent peut demander, tous les dix ans, le transfert intégral, sans pénalité, de la provision mathématique des droits acquis en vertu de ce plan sur un autre plan d'épargne retraite.
« Un décret fixe les conditions d'application du présent article. »
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 72, 119 et 10 rectifié, ainsi que sur les sous-amendements n°s 74 et 120 rectifié ?
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. J'indique d'emblée que j'accepte le compromis proposé par M. le rapporteur et que je retire le sous-amendement n° 160.
M. le président. Le sous-amendement n° 160 est retiré.
Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable aux amendements n°s 72 et 119, ainsi qu'aux sous-amendements n°s 74 et 120 rectifié.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 72 et 119, repoussés par la commission et par le Gouvernement.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 74, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 120 rectifié.
M. Jean Chérioux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Je me fais un devoir d'intervenir tant j'ai été atterré par les arguments qu'a avancés M. Loridant : ils ne sont pas dignes de cette assemblée, ce sont des arguments de tréteaux !
A écouter M. Loridant, l'argent investi par le salarié dans les fonds de pension serait en quelque sorte placé gratuitement, ne lui rapporterait rien, et seules les entreprises y trouveraient leur compte.
Il est tout de même très triste d'entendre cela dans la bouche d'un sénateur qui, à ce qu'il semble, devrait au moins être averti des questions financières !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 120 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 10 rectifié, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 8 est ainsi rédigé.

Article additionnel après l'article 8