M. le président. « Art. 2. - Il est institué pour 1996, au profit du budget de l'Etat, un prélèvement exceptionnel sur les fonds déposés auprès de la Caisse des dépôts et consignations par l'Organisation autonome nationale de l'industrie et du commerce et constitués par le produit de la taxe visée au 2° de l'article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés.
« Le montant de ce prélèvement est fixé à 300 millions de francs. »
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 22 est présenté par MM. Masseret et Richard, Mme Bergé-Lavigne, MM. Charasse, Lise, Massion, Miquel, Moreigne, Régnault, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 28 est déposé par Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Tous deux tendent à supprimer cet article.
Par amendement n° 29, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de rédiger comme suit cet article 2 :
« Dans le I de l'article 1er de la loi de finances rectificative pour 1995 (n° 95-885 du 4 août 1995), le pourcentage : "10 %" est remplacé par le pourcentage : "20 %". »
La parole est à M. Charasse, pour défendre l'amendement n° 22.
M. Michel Charasse. Cet amendement tend à supprimer l'article 2, qui poursuit la politique de prélèvement sur des organismes publics. Il y a certainement des « trésoreries dormantes » qu'il faut toujours utiliser quand elles ne servent à rien, mais il faut y regarder à deux fois car les réserves constituées par certains organismes sont parfois utiles et nécessaires au financement de certaines actions. Bref, on ne peut pas prendre n'importe comment et n'importe quoi.
C'est le cas pour la taxe dite « sur les grandes surfaces », qui frappe les établissements dont la surface des locaux de ventes au détail dépasse 400 mètres carrés et dont le chiffre d'affaires annuel est au moins égal à 3 millions de francs ; elle alimente le financement de l'allocation de départ des commerçants et artisans âgés et le fonds d'intervention pour la sauvegarde, la transmission et la restructuration des activités commerciales et artisanales, le FISAC. Depuis cette année, elle peut également alimenter l'établissement public d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux, l'EPARECA, les régimes vieillesse de base des professions industrielles, commerciales et artisanales, et l'aide aux stations-service rurales.
Or, je ne suis pas certain que le FISAC dispose de tous les moyens nécessaires pour faire face à ses obligations, et j'ai la conviction, avec mon groupe, que les nouvelles missions ne bénéficieront pas des financements suffisants.
Il s'agit donc d'un amendement de prudence. Dès lors que cette expertise n'est pas vraiment faite, nous proposons la suppression de l'article 2.
M. le président. La parole est à M. Loridant, pour défendre l'amendement n° 28.
M. Paul Loridant. Pour la quatrième fois depuis 1990, la taxe sur les grandes surfaces et, par voie de conséquence, le fonds d'intervention pour la sauvegarde, la transmission et la restructuration des activités artisanales et commerciales sont mis à contribution pour venir au secours de la dérive des comptes publics, que toutes les mesures de rationalisation menées par ailleurs par le Gouvernement n'ont pu éviter.
Je rappelle qu'en 1991 les sommes prélevées ont été de 1 milliard de francs. En 1993, 200 millions de francs de plus ont été confisqués au FISAC. Enfin, en 1995 - nous en avions longuement débattu - ce sont 680 millions de francs qui ont été prélevés dans le cadre du collectif.
Le Gouvernement de M. Juppé céderait-il à la tentation d'entrer en compétition avec celui qui l'a précédé en la matière ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Il y a eu de plus fâcheux précédents par le passé !
M. Paul Loridant. Toujours est-il qu'il nous suffira d'un nouveau prélèvement exceptionnel, de caractère désormais habituel, pour que les sommes prélevées atteignent le montant voté en 1991 et en 1993.
La taxe sur les grandes surfaces doit son existence à la loi Royer de 1973, loi dont on sait qu'elle n'a pas permis de résoudre le problème de l'extension des grandes surfaces et des hypermarchés, et qu'elle n'a pratiquement de sens qu'en matière d'aide au départ en retraite des commerçants et des artisans âgés et à la reprise d'activités commerciales et artisanales. Elle a été faite pour cela.
Elle permet notamment d'accorder aux retraités du régime ORGANIC un complément indispensable de retraite au regard de la faiblesse de leurs cotisations et facilite, dans le cadre des interventions du FISAC, la pérennité des activités commerciales et artisanales.
Elle a, depuis la loi sur la ville et la loi de modernisation de l'agriculture, des objets nouveaux, comme, par exemple, le financement de l'action de l'établissement public d'aménagement de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux. Cette action est rendue indispensable pour préserver à tout prix les commerces de centres-villes, en particulier dans les villes de banlieue, mais également dans des zones rurales particulièrement déprimées ; de ce point de vue, les besoins sont de plus en plus importants.
Prélever aujourd'hui 300 millions de francs pour établir un équilibre instable des dépenses budgétaires n'est donc pas la meilleure solution. Ces 300 millions de francs vont manquer, demain, pour alléger les contraintes de rachat de fonds de commerce pesant sur les commerçants et artisans désireux de reprendre l'activité d'un retraité.
Ils vont manquer pour restructurer les centres commerciaux des zones d'habitat urbain de la politique de la ville, politique qui doit mobiliser de véritables moyens, notamment en matière d'acquisitions de fonds ou d'acquisitions foncières.
Ce prélèvement est donc contradictoire avec les objectifs affirmés il y a encore peu par le Gouvernement sur un certain nombre de ses orientations politiques, en particulier avec les initiatives prises par M. Raffarin pour les petites et moyennes entreprises et par M. Raoult pour la politique de la ville.
Pour aider le Gouvernement et sa majorité à rester cohérents, nous proposons donc la suppression du prélèvement sur le FISAC.
M. le président. La parole est à M. Fischer, pour défendre l'amendement n° 29.
M. Guy Fischer. Avec cet amendement de réécriture de l'article 2, nous poursuivons plusieurs objectifs que je souhaite souligner.
Cet amendement se substitue, tout d'abord, au texte de l'article 2, qui est fondé sur un prélèvement opéré sur les recettes de la taxe sur les grandes surfaces et qui pénalise, en dernière instance, les acteurs du commerce et de l'artisanat.
Il tend, ensuite, à rétablir un certain équilibre au sein des recettes fiscales en faisant contribuer les entreprises au redressement des comptes publics. En effet, la mesure que nous proposons revient à accroître, de manière relativement significative, le produit de l'impôt sur les sociétés de quelque 15 milliards de francs.
Il a pour objet en particulier de tirer les conclusions de la situation des entreprises de notre pays, marquée par un relèvement important de leur résultat fiscal, résultat qui illustre lui-même le maintien d'un haut niveau de résultat comptable, et par l'abondance de leur marge brute d'autofinancement. Il vise et encore à inciter, ce qui nous apparaît indispensable, à une utilisation plus concrète, en faveur de l'emploi et de l'investissement, de la valeur ajoutée créée par le travail des salariés.
Même si la somme concernée est élevée au regard de la situation des comptes publics, elle demeure relativement marginale au regard de la réalité des profits bruts d'exploitation des sociétés, dont le montant est tout simplement cent fois supérieur aux dispositions envisagées.
Au moment où l'on augmente de 1 % la contribution sociale généralisée des salariés pour, entre autres, solder les comptes sociaux, on peut accroître dans les mêmes proportions les obligations fiscales des entreprises.
La mesure que nous proposons a par ailleurs un objectif plus directement lié à la mutation de la situation des comptes publics telle qu'elle ressort de ce collectif.
Il s'agit, en particulier, de faire en sorte que les crédits annulés par les arrêtés du 26 septembre et du 13 novembre derniers puissent être effectivement mobilisés.
On ne peut en effet admettre que la baisse des dépenses publiques et les ajustements discutables opérés sur les crédits votés par la représentation nationale soient aujourd'hui acceptés à la sauvette, sans que l'on s'interroge sur les possibilités réelles de financement de ces dépenses.
Observons d'ailleurs que, lorsque l'on baisse de plus de 1,4 milliard de francs les crédits destinés au logement social, c'est-à-dire le quart de la dotation initiale, on crée pour de nombreuses entreprises des difficultés financières supplémentaires génératrices de nouveaux gâchis en termes d'emploi et de dépenses publiques.
Il s'agit donc pour nous de trouver, pour le budget de 1996, un nouvel équilibre au travers d'une mesure d'équité fiscale et d'efficacité économique.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 22, 28 et 29 ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Le caractère exceptionnel de ce prélèvement tend à s'amenuiser, à moins que ce ne soit un prélèvement exceptionnel continu !
Il s'agit effectivement du quatrième prélèvement opéré depuis 1990. Le dernier, qui a eu lieu en 1995, était de 680 millions de francs. Comme cela a été dit, il faut souligner que ce prélèvement est prévu avant même la fixation du montant de la dotation qui sera destinée au FISAC pour 1997. En outre, la multiplication de nouvelles affectations du produit de la taxe risque d'avoir une incidence sur la progression des crédits qui sont attribués à ce fonds.
Consciente des risques engendrés par ces différents prélèvements, la commission des finances a souhaité alerter le Gouvernement. Nonobstant ces observations, elle a néanmoins adopté l'article, ce qui me conduit à émettre un avis défavorable sur les amendements n°s 22 et 28.
Contrairement à ce que notre collègue vient de dire, l'amendement n° 29 ne tend pas à réécrire l'article. Il s'agit, en fait, d'un dispositif totalement différent. La commission y est donc encore plus défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les trois amendements ?
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. Nous n'avons, naturellement, porté le prélèvement opéré sur le FISAC à ce niveau qu'après nous être assurés qu'il n'était pas de nature à remettre en cause les importantes missions du FISAC, aussi bien en 1996 qu'en 1997. J'évoque notamment l'aide aux stations-service rurales.
Je me réjouis de l'expertise à laquelle a bien voulu procéder M. le rapporteur général, qui confirme cette hypothèse.
Dans ces conditions, le Gouvernement demande le rejet des amendements n°s 22 et 28.
L'amendement n° 29 a pour objet d'alourdir le poids de la fiscalité. Ce n'est évidemment pas le cap pris par le Gouvernement, qui souhaite au contraire alléger le poids des prélèvements obligatoires.
Quant au prélèvement de 10 % sur les contributions d'impôt sur les sociétés, il a un caractère temporaire. L'impatience est grande de pouvoir, enfin, y renoncer. Dans ces conditions, il est tout à fait exclu de porter ce taux de 10 % à 20 %.
Le Gouvernement demande donc le rejet de l'amendement n° 29.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 22 et 28, repoussés par la commission et par le Gouvernement.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 29, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2.

(L'article 2 est adopté.)

Article 3