LUTTE CONTRE LES TERMITES

Adoption des conclusions modifiées
du rapport d'une commission

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 184, 1996-1997) de M. Gérard César, fait au nom des la commission des affaires économiques et du Plan, sur :
- la proposition de loi (n° 23, 1996-1997) de MM. Jean-Marc Pastor, Fernand Tardy, Marcel Vidal, André Vezinhet, Georges Mazars, Jean-Louis Carrère, Philippe Labeyrie, Germain Authié, Bernard Dussaut et les membres du groupe socialiste et apparentés tendant à organiser la lutte contre les termites ;
- et la proposition de loi (n° 142, 1996-1997) de MM. Jean-Pierre Camoin, Gérard César, Michel Alloncle, Louis Althapé, Honoré Bailet, Mme Paulette Brisepierre, MM. Auguste Cazalet, Jacques Chaumont, Jean Chérioux, Jacques Delong, Charles Descours, Michel Doublet, Alain Dufaut, Charles Ginésy, Hubert Haenel, Jean-Paul Hugot, Lucien Lanier, René-Georges Laurin, Guy Lemaire, Philippe Marini, Lucien Neuwirth, Joseph Ostermann, Jean-Jacques Robert, Josselin de Rohan, Jean-Pierre Schosteck, Maurice Schumann, Louis Souvet, Martial Taugourdeau, René Trégouët, AlainVasselle et Serge Vinçon tendant à organiser la lutte contre les termites.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Gérard César, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi présentée par M. Jean-Pierre Camoin et ses collègues membres du groupe du RPR, ainsi que celle de M. Jean-Marc Pastor et des membres du groupe socialiste et apparentés, soumises à l'examen de votre commission, tendent à organiser la lutte contre les termites.
L'étude d'un tel sujet pourrait présenter des aspects pittoresques ; cependant, l'omniprésence sur l'ensemble du territoire national, à l'exception de quelques zones à particularisme élevé dû à l'altitude ou à l'isolement, et les effets dramatiques de ces insectes xylophages dans certaines régions nécessitent de prévenir et de traiter avec le plus grand sérieux un tel fléau.
Le termite est présent en France depuis le XVIIIe siècle dans l'Ouest, mais l'insecte existait déjà de façon endémique sur le pourtour méditerranéen. Les premiers foyers ont été trouvés à La Rochelle et à Bordeaux. Les scientifiques supposent que cette « invasion » est due à l'importation de bois exotiques non traités. L'insecte s'est par la suite accoutumé aux conditions climatiques et a proliféré rapidement, à la faveur des activités humaines : échanges commerciaux, transport de bois, amélioration de l'habitat.
Les dégâts provoqués par le termite se sont amplifiés avec l'urbanisation, notamment la généralisation du chauffage central dans les années quarante-cinq et cinquante. L'aliment de base des termites étant la cellulose, la plupart des bois sont attaqués : l'insecte mine les boiseries sans attenter à la paroi extérieure. Les pièces porteuses d'une maison peuvent donc s'effondrer soudainement.
Le nombre des départements infestés est passé de seize en 1953 à cinquante en 1989, et continue de progresser. Le danger provient du fait que l'on ne voit rien et que l'on n'entend rien. Vous trouverez d'ailleurs dans le rapport de plus amples renseignements sur la biologie de ces insectes, leur mode de propagation et les problèmes qu'ils posent.
Face à ce fléau, une « Association des villes pour la lutte contre les insectes xylophages et les termites en particulier » a été créée sur l'initiative de la commune d'Arles en mai 1990.
En outre, et ce depuis deux ans, une coordination antitermites effectue une journée d'information annuelle à laquelle participe un grand nombre d'instances très impliquées dans la lutte antitermites sous le patronage du ministère du logement ; le comité technique du bois et de l'ameublement en assure le secrétariat.
Cependant, si la lutte contre les termites a fait d'importants progrès en matière technique ces dernières années, les textes législatifs et réglementaires au niveau national, spécifiques à la lutte contre les termites, sont quasiment inexistants.
C'est dans ce cadre que s'inscrivent les propositions de loi n°s 23 et 142 tendant à organiser la lutte contre les termites.
Les auteurs des deux propositions de loi, en élaborant un dispositif juridique propre, avaient pour ambition d'identifier les zones concernées sur la base d'une régime déclaratif obligatoire - articles 2 et 3 - de responsabiliser les élus locaux en donnant aux maires des pouvoirs d'intervention spécifiques - articles 4 et 5 - assortis d'un régime de sanctions approprié - articles 11 et 12 - d'assurer la publicité juridique des zones contaminées - article 6 - et la transparence des transactions immobilières par la délivrance d'une attestation de parasitologie - article 7 - d'améliorer la qualification professionnelle des entreprises, intervenant tant pour établir un diagnostic que pour effectuer des traitements à titre préventif ou curatif en les soumettant à agrément et en imposant la souscription d'une assurance couvrant leur responsabilité civile professionnelle - article 8 - et, enfin, de définir un ensemble d'aides aux propriétaires d'immeubles situés dans les zones infestées par un mécanisme de déductions fiscales, par la faculté reconnue à l'Etat et aux collectivités locales d'accorder des subventions et, enfin, par l'assimilation des dégâts causés par les termites aux effets des catastrophes naturelles - article 10.
Les dispositions des articles 13 et 14 des deux propositions de loi et de l'article 15 de la proposition de loi de M. Pastor sont d'application ou de conséquence.
Le canevas général des propositions de loi convient parfaitement à la commission des affaires économiques. Néanmoins, tout en défendant le principe d'une législation-cadre sur le sujet, elle vous proposera d'y intégrer, chaque fois que ce sera possible, des dispositions législatives existantes mais éparses dont il doit être fait application dans le cadre de la lutte contre les termites.
En effet, il ressort tant des auditions auxquelles j'ai procédé que des échanges de correspondance que j'ai pu avoir sur le sujet qu'il n'est pas opportun, dans un souci de simplification administrative, de créer une législation spécifique.
Je tiens d'ailleurs à souligner que le texte proposé a été soumis pour information et concertation à l'ensemble des partenaires concernés par le problème : les ministères du logement, des finances, de l'intérieur, de la justice et de l'environnement, sans oublier les organismes professionnels, le Conseil supérieur du notariat et les centres techniques.
En conséquence, j'entends vous soumettre le dispositif suivant, qui reste fidèle aux objectifs des propositions de loi et en aménage les modalités d'exécution.
Il prescrit un régime déclaratif obligatoire des lieux de contamination afin d'élaborer, sous la responsabilité du préfet, une cartographie des zones contaminées, assortie des mesures à prendre.
Il est fait obligation à l'autorité administrative d'assurer la publication de ces arrêtés dans les formes prévues en matière de publicité foncière.
A l'intérieur de ces zones, il sera fait expressément référence au pouvoir de police des maires et à leurs compétences spécifiques en matière de bâtiment menaçant ruine, qui devront s'appliquer au cas des immeubles atteints par les termites.
S'agissant des constructions à venir, il est prévu qu'un décret en Conseil d'Etat fixe des prescriptions spécifiques en matière de luttre contre les termites applicables aux techniques et matériaux de construction.
Par voie de conséquence, les règles de contrôle et le régime de sanctions prévu par les différentes réglementations concernées, dans les textes correspondants s'appliqueront de plein droit ; il s'agit des articles L. 511-2, L. 511-3, L. 511-4 et des articles L. 151-1 à L. 151-10 du code de la construction et de l'habitation.
Dans le cas d'une transaction immobilière, pour protéger l'acquéreur, il est fait obligation au propriétaire du bien de fournir un état parasitaire qui sera joint à l'acte.
En ce qui concerne la qualification professionnelle des entreprises intervenant dans la lutte contre les termites, je vous proposerai de retenir le principe d'une stricte séparation entre, d'une part, les organismes ou experts qui font le diagnostic d'une infestation ou d'un risque d'infestation par les termites et, d'autre part, les entreprises qui font les traitements préventifs ou curatifs. Ce principe s'inspire des règles adoptées en matière de contrôle technique automobile.
Par ailleurs, il est prévu qu'un décret précisera les règles applicables à la certification des entreprises de traitement.
S'agissant des mesures d'aide aux propriétaires d'immeubles situés dans les zones contaminées par les termites, il vous est proposé de retenir le dispositif fiscal prévu par l'article 199 sexies D résultant de l'article 85 de la loi de finances pour 1997. En revanche, il n'a pas été jugé possible de faire application du dispositif de la loi du 13 juillet 1982 sur les catastrophes naturelles car l'indemnisation qui en découle est conditionnée par l'inefficacité des mesures de prévention. Or, on sait qu'un traitement préventif adapté met fin aux atteintes des termites.
Outre les sanctions prévues par les législations existantes, dont il doit être fait application dans le cadre spécifique de la lutte contre les termites, il est proposé, par analogie avec les dispositions relatives à l'amiante, de sanctionner le défaut de déclaration en mairie par l'amende prévue pour les contraventions de cinquième classe, soit 10 000 francs.
Mes chers collègues, je vous propose donc d'adopter cette proposition de loi dans la nouvelle rédaction élaborée par la commission. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Pierre-André Périssol, ministre délégué au logement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je ne reviendrai pas sur les raisons qui font que les termites sont un fléau de notre civilisation urbaine. Le rapporteur, M. Gérard César, les a en effet excellemment présentées.
Il a aussi tenu à rappeler que la lutte contre les termites relève en premier lieu de chaque propriétaire qui a le souci de préserver la valeur de son bien. Mais cela ne suffit pas.
En effet, les études du centre technique du bois et de l'ameublement et celles de l'association des villes pour la lutte contre les insectes xylophages démontrent que l'invasion du territoire par les termites est aujourd'hui un phénomène de grande ampleur. Il est constaté dans plus de la moitié des départements, et sa progression est favorisée par le développement de l'urbanisation et des transports de matériaux.
Le constat de ce qui s'est passé au cours des dix dernières années est clair. Les progrès techniques en matière de traitement, les interventions individuelles de chaque propriétaire ne suffisent pas à endiguer le phénomène.
Il faut donc une action collective et coordonnée.
Ce besoin s'exprime dans le titre même de la proposition de loi : il s'agit d'organiser la lutte contre les termites.
Le Gouvernement est donc sensible au souci des auteurs des propositions de loi déposées, pour la première dès 1993, par M. Camoin, redéposée en 1996 et, pour la seconde par M. Pastor.
Je voudrais adresser mes félicitations et mes remerciements à votre rapporteur, M. César, ainsi qu'à la commission des affaires économiques. En effet, le texte que celle-ci a établi est simple et va à l'essentiel.
Il s'agit, en substance, de développer la prévention et d'encourager les traitements curatifs par l'information de chacun : par l'information des pouvoirs publics pour qu'ils suivent l'évolution de la contamination ; par l'information des habitants pour qu'ils sachent qu'ils sont dans une zone contaminée ou susceptible de l'être ; enfin, par l'information des acquéreurs.
Je ne vous cacherai pas, toutefois, que le Gouvernement s'interroge sur certaines des dispositions techniques de la proposition de loi.
Il est certes nécessaire d'accentuer l'effort de lutte contre les termites, mais faut-il pour cela modifier les pouvoirs de police générale du maire ? Faut-il créer un nouveau cas de nullité des actes de vente ? Faut-il étendre une déduction fiscale aux résidences secondaires ? Le Gouvernement ne le pense pas.
C'est pourquoi, s'il n'a pas d'objections à formuler à l'encontre des grandes lignes du dispositif tel qu'il ressort des travaux de la commission des affaires économiques, le Gouvernement proposera au Sénat quelques amendements. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Camoin.
M. Jean-Pierre Camoin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'avoue que l'aboutissement du processus qui conduit à la discussion de cette proposition de loi me fait chaud au coeur.
Toutefois je voudrais, en prélude à mon propos, vous faire part des réactions qu'elle a pu susciter quelquefois.
Aujourd'hui, par exemple, après le déjeuner, ce n'est pas sans ironie que mes collègues m'ont quitté à quatorze heures en me disant : « Bon courage pour les termites ! ». Dans le couloir, tout à l'heure, quelqu'un m'a interpellé par les mots : « Sauvez-nous des termites ! ». Le Figaro, quant à lui, a jugé utile de dire : « Le problème est suffisamment grave pour que l'on s'en occupe... », comme si le fait de traiter de ces petites bestioles était pour le moins incongru !
Outre cette réaction de dérision, il faut relever la réaction de honte manifestée par ceux dont les biens sont atteints. C'est comme s'ils avaient des cafards ou des rats chez eux. Evidemment, ils ont également une réaction de peur pour leur patrimoine. Il n'est jamais intéressant de dire que l'on a une maison termitée dans laquelle il va falloir entreprendre des travaux ou les renouveler d'une manière récurrente !
Pour moi, qui suis vénérologue de formation, cette réaction de honte s'apparente à celle qu'éprouvent ceux qui sont atteints d'une maladie souvent tournée en dérision et dont on ne se vante pas quand on l'a contractée : la blennorragie. Face aux termites et à cette maladie, pour le moins cuisante, l'attitude des personnes concernées est pour ainsi dire la même. Il est certain que les deux phénomènes ont un point commun : celui d'être extrêmement contagieux.
Les pouvoirs publics se doivent, non seulement de traiter la maladie, mais également de mettre en oeuvre une prophylaxie pour enrayer la contagion.
En fait, l'objet de la proposition de loi est de protéger de cette contagion d'abord les individus mais aussi la société, surtout la société urbaine.
Pour illustrer le problème, je voudrais maintenant vous faire part de mon expérience personnelle.
La première fois que j'ai été confronté à un cas de termites, ce fut dans le cadre du conseil régional de Provence - Alpes-Côte d'Azur. Le maire de Cassis avait alors présenté à l'assemblée une demi-poutre fort légère parce que entièrement détruite en disant : « Il y a des termites dans ma mairie ; cela me coûte les yeux de la tête ! » Il réclamait au conseil régional une subvention de 3 millions de francs pour réparer les dégâts. L'assemblée a naturellement eu une réaction amusée mais elle a dû verser la somme en question à la municipalité de Cassis pour que soit restauré le bâtiment atteint, classé monument historique.
Ce premier contact pourrait donc être qualifié « d'aigre-doux ».
Mon deuxième contact avec les termites a été plus dur. En effet, pratiquement deux ans plus tard, en tant que maire d'Arles, j'ai reçu une dizaine de personnes absolument désespérées, toutes issues d'un quartier modeste de la ville. Je me suis rendu sur place pour prendre conscience de ce qui motivait leur angoisse. Là, j'ai compris ce qu'étaient les termites ; j'ai vu des maisons entièrement dévastées - il n'y pas d'autre mot. Leurs propriétaires étaient soit de jeunes couples qui avaient fait de gros efforts financiers pour acquérir leur maison et n'avaient pas les moyens d'entreprendre un traitement, soit de petits retraités qui, eux aussi, faute de moyens, se trouvaient dans l'obligation d'abandonner leur logement et de louer ailleurs alors qu'ils étaient propriétaires.
Quand nous avons voulu aider ces personnes, nous nous sommes heurtés à des difficultés administratives et législatives. Nous avons été obligés non pas de contourner la loi mais de déclarer les logements insalubres, ce qui n'était pas satisfaisant.
Nous avons appris par la suite que de nombreuses villes étaient touchées depuis bien des années, notamment Paris dans les Ve et VIe arrondissements - pour ne citer que ceux-là -, et nous avons connu un peu mieux la vie du termite. Je ne reviendrai pas sur ce point puisque notre collègue M. Gérard César a, de façon excellente, décrit l'insecte.
Nous avons rencontré des scientifiques, en particulier le professeur Vieau de Nantes, mais également des biologistes tels que les professeurs Clément de Marseille et Bordereau de Dijon, et des juristes tels que le professeur Tanguy de Rennes. Ce sont eux qui, nous « aiguillonnant » en quelque sorte, sont à l'origine de la création de l'association des villes termitées de France.
L'union fait la force et, en 1990, cette association s'est dotée d'un conseil scientifique et technique, comprenant des représentants du CNRS, des hydrogéologues, des chimistes, des pédologues, c'est-à-dire des spécialistes de l'étude des sols, ainsi que des responsables du Centre technique du bois et de l'ameublement, des syndicats des applicateurs et du comité antiparasitaire de France. Il va de soi que l'interdisciplinarité a présidé aux travaux de ce conseil.
Une journée nationale de sensibilisation et d'information a été organisée ici même, au palais du Luxembourg, le 21 octobre 1992, qui s'est accompagnée de l'édition d'une plaquette de sensibilisation et de la diffusion, dans les collèges et les lycées, en collaboration avec l'éducation nationale, d'une cassette vidéo.
Tout cela a finalement abouti à l'élaboration d'une proposition de loi, qui a été déposée voilà quelques années pour la première fois, mais qui n'a jamais été inscrite à l'ordre du jour.
Fort heureusement, la récente réforme de la Constitution nous a permis de la déposer à nouveau, et nous la voyons, enfin, inscrite à l'ordre du jour du Sénat, en même temps que celle qu'a déposée notre collègue Jean-Marc Pastor sur le même sujet.
En quelques semaines, notre collègue Gérard César et la commission des affaires économiques ont acccompli un travail tout à fait considérable, auquel je tiens à rendre hommage ; si le texte de la proposition ressort sensiblement modifié des travaux de la commission, celle-ci a parfaitement respecté l'esprit du texte initial, auquel elle a apporté d'heureuses précisions.
Je viens de découvrir les amendements qui ont été déposés par le Gouvernement. Celui qui tend à modifier l'intitulé de la proposition de loi me paraît particulièrement bien venu. En effet, il s'agit non de lutter globalement contre les termites, qui ne sont pas à proprement parler des nuisibles, en ce qu'ils participent à l'équilibre de la vie et au cycle de la nature, mais bien de lutter contre les termites dans les bâtiments.
Bien sûr, nous regrettons que ne figure plus la référence aux assurances, mais j'ai bien conscience des problèmes financiers que cela soulevait. Pour le reste, la plupart des amendements me paraissent acceptables, à l'exception d'un seul ; nous y reviendrons tout à l'heure.
Monsieur le ministre, j'espère que cette proposition de loi va être votée par le Sénat et que, très rapidement, l'Assemblée nationale en sera saisie. En effet, compte tenu de la large publicité qui sera donnée à nos travaux et eu égard aux conséquences de ce débat sur les transactions immobilières dans les zones touchées, il faut éviter qu'un délai trop long ne s'écoule entre le présent débat et l'entrée en application du texte. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Pastor.
M. Jean-Marc Pastor. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce n'est pas sans une certaine satisfaction que je me trouve amené à évoquer la question des termites du haut de cette tribune.
Je pourrais reprendre presque mot pour mot ce qu'a dit notre collègue Jean-Pierre Camoin sur les sourires que cette question suscite chez certains. Mais chacun comprendra que, dans les zones qui sont directement touchées, le sourire n'est pas vraiment de mise.
Je veux d'emblée remercier tous ceux qui, depuis plusieurs années, après avoir amorcé la réflexion, se mobilisent autour de ce problème, notamment au sein de l'association à laquelle M. Camoin a déjà rendu hommage.
Le département dont je suis l'élu, le Tarn, est malheureusement victime d'une invasion importante de ce parasite. Ainsi la ville d'Albi, par exemple, est aujourd'hui infectée à près de 60 %, ce qui donne lieu à de très fortes inquiétudes.
Au cours de l'année 1996, ce sont vingt-deux familles du Tarn qui ont dû être relogées. Je vous laisse imaginer les drames qui se dissimulent derrière ces mots.
Au sein de l'association départementale qui s'est saisie de cette question, nous avons constitué de petits groupes de réflexion, qui ont travaillé en relation étroite avec l'association précédemment citée.
Lorsque le problème a été soulevé au sein de la commission des affaires économiques, j'ai souhaité que notre collègue M. César, qui avait déjà, voilà quelques années, assumé la tâche de rapporteur sur un texte similaire, soit de nouveau, en quelque sorte, notre porte-parole sur ce dossier. En effet, lorsqu'un problème à la fois technique et profond se pose dans notre pays, il est de notre devoir, me semble-t-il, de faire preuve de la plus grande cohésion entre nous et de montrer que nous pouvons, tous ensemble, aboutir à un texte de loi.
Bien sûr, au fil des débats qui ont été menés en commission, ce texte a évolué. Mais on retrouve l'essentiel des préoccupations qui ont été exprimées tant au sein de l'association des villes termitées que dans les groupes de travail constitués dans mon département.
Il faut savoir que, jusqu'à présent, le traitement contre les termites a surtout consisté à chasser ces animaux des habitations où ils s'étaient nichés, mais non à les détruire. Autrement dit, dans la plupart des cas, on les repousse chez le voisin, enclenchant un processus infernal, dont un certain nombre d'entreprises prétendument spécialisées profitent puisque cela leur assure un perpétuel renouvellement du marché.
Il fallait incontestablement qu'un texte législatif mette un terme à cette pratique et que soient réunies les conditions d'une lutte cohérente contre les termites.
En outre, je l'ai dit, c'est à un véritable drame que sont confrontées les familles victimes de ces parasites, d'autant qu'on ne peut leur proposer aucune aide, aucun financement spécifique.
Certes, monsieur le ministre, il appartient à chaque propriétaire de se préoccuper du problème. Il reste que le traitement au cas par cas, sans que les habitations voisines soient également traitées, ne mène à rien : quelques années plus tard, il faut tout recommencer et engager de nouveau une dépense qui n'est pas négligeable.
Des arrêtés municipaux ont, non pas réglementé la lutte contre les termites, mais rendu obligatoire, à chaque transaction immobilière, la présentation d'un certificat de parasitologie. Mais ces arrêtés municipaux sont illégaux puisque le maire intervient dans un domaine qui n'est pas de sa compétence. Il y a là une ambiguïté dont nous nous accommodons depuis quinze ans.
Pour avoir rencontré plusieurs familles touchées par ce fléau, j'en suis venu à considérer qu'il fallait assimiler leur situation à celle des victimes d'une catastrophe naturelle.
Lorsque se produisent des catastrophes naturelles que j'appellerai « classiques », inondations, tornades, etc., dans l'heure qui suit, la solidarité s'organise autour des familles sinistrées ; les médias sont là, on en parle partout et, immédiatement, les victimes sont réconfortées et prises en charge.
Mais lorsqu'une famille doit quitter sa maison - parce qu'elle est envahie par les termites -, il n'y a pas de caméras, pas de journalistes pour en parler et il ne se trouve personne, pour aider financièrement et psychologiquement la famille en question. On en parle d'autant moins que, à la limite, celle-ci a presque honte.
Nous nous trouvons là devant un vrai problème de société qui doit absolument être pris en compte, et tous les élus locaux qui ont pu constater de telles situations en ont la conviction.
La proposition de loi initiale comprenait deux parties.
La première partie tendait à répondre à la question de savoir quelle est l'autorité qui, dans une commune ou dans un département, doit coordonner la lutte, délimiter la zone concernée.
Dans la seconde partie, était reconnu le caractère de catastrophe naturelle de l'invasion par les termites, ce qui permettait de déclencher le processus d'indemnisation des intéressés.
Au cours des trois ou quatre dernières années, malheureusement, les différentes propositions de loi se sont heurtées, du fait de cette seconde partie, à un mur, l'article L. 125-1 du code des assurances, qui a empêché toute proposition d'aboutir.
A la suite du débat qui s'est engagé au sein de la commission des affaires économiques, celle-ci a estimé qu'il était préférable de contourner ce mur plutôt que de ne pas légiférer du tout.
Je rends hommage à l'ensemble des membres de la commission qui ont accepté cette évolution.
Ainsi, à défaut de pouvoir appliquer en la matière la notion de catastrophe naturelle - et nous avons pu mesurer la pression des lobbies du secteur des assurances sur ce point - nous avons cherché à faire en sorte que, à partir du moment où la situation est constatée par une autorité où des dispositions sont prises pour y faire face, l'Etat puisse apporter son concours financier, ne serait-ce qu'à titre incitatif, ouvrant la voie à une éventuelle participation des collectivités.
C'est sur ces bases que, me semble-t-il, un consensus a été trouvé au sein de la commission.
Dans le texte que nous examinons, nous retrouvons les deux parties que j'ai mentionnées.
Sur le premier point, l'autorité compétente serait le préfet ; nous n'y sommes pas opposés, l'essentiel étant que, dans un département donné, dans une commune donnée, le responsable soit clairement désigné.
Sur la question plus sensible - n'est-ce pas, monsieur le ministre ? - de l'intervention financière, nous constatons un certain nombre de mutations. Pour éviter que ne se dresse encore une fois le mur que j'ai évoqué, l'incitation financière passera par un dégrèvement fiscal dont bénéficieront ceux qui acquittent l'impôt fiscal sur le revenu. Malheureusement, les termites, eux, ne choisissent pas spécialement de s'attaquer aux habitations des ménages imposables ! (Sourires.)
Nous souhaitons donc, monsieur le ministre, que vous nous apportiez des éclaircissements sur ce qui se passera pour les ménages qui sont victimes des termites mais qui n'ont pas à payer l'impôt sur le revenu.
En commission, a été évoquée la possibilité, pour ces personnes, d'utiliser les diverses aides à l'amélioration de l'habitat. De telles aides pourraient leur être accordées d'une manière prioritaire, sous l'autorité du préfet, car, après tout, si le problème les touche directement, il concerne aussi l'ensemble de la collectivité.
Je déplore en outre, après avoir examiné les amendements qui ont été déposés par le Gouvernement sur ce texte, que soient écartées du dispositif les résidences secondaires, parce que les termites, là encore, ne choisissent pas leurs victimes. Il est en effet regrettable que nous n'incitions pas les possesseurs de résidence secondaire à traiter leur propriété contre les termites, car cela signifie que nous laisserons peut-être subsister, ici ou là, des foyers d'infection qui risquent de s'étendre.
D'une façon générale, monsieur le ministre, je crois important que cette proposition vous soit faite par la commission unanime, avant que nous examinions plus en détail l'ensemble de vos amendements. Je souligne que le travail effectué par l'Association nationale des villes termitées, que M. Camoin a présenté tout à l'heure, et par un certain nombre de partenaires locaux dans mon département procède du même esprit ; nous nous rejoignons sur l'essentiel, car nous avons le souci de présenter aujourd'hui un texte cohérent qui recueille, me semble-t-il, l'adhésion de l'ensemble des partenaires.
Monsieur le ministre, cette adhésion n'aura de sens que dans la mesure où vous nous rassurerez sur le dernier point que j'ai évoqué. Je comprends et partage les inquiétudes qui peuvent être les vôtres en matière financière, mais les crédits dévolus à l'amélioration de l'habitat doivent pouvoir être affectés prioritairement, dans chaque département, à l'incitation à la lutte coordonnée contre les termites. (Applaudissements.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
M. Jean François-Poncet, président de la commission des affaires économiques et du Plan. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean François-Poncet, président de la commission. Monsieur le président, je demande une suspension de séance pour que la commission puisse examiner les amendements du Gouvernement.
M. le président. Le Sénat va, bien sûr, accéder à cette demande.
La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinq.)