DIVERSES DISPOSITIONS RELATIVES À L'IMMIGRATION

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi portant diverses dispositions relatives à l'immigration.
Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble des amendements portant sur l'articles 1er, à l'exception de ceux qu'elle a déposés ?
M. Paul Masson, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. A cet instant du débat, monsieur le président, je demande l'examen en priorité de l'amendement n° 9 et, par voie de conséquence, de l'amendement n° 10, qui reflètent l'opinion de la majorité de la commission des lois, laquelle représente la majorité de cette assemblée. Je tiens ces propos sous le contrôle de M. Jacques Larché, président de la commission des lois.
Cette procédure, si l'amendement n° 9 devait être adopté, aurait l'avantage de clarifier le débat et organiser la discussion des amendements complémentaires ou divergents autour d'un texte voté par la majorité du Sénat.
En effet, leurs auteurs pourront soit poursuivre la défense de leurs amendements en recueillant un avis défavorable de la part de la commission forte de l'adoption de son amendement, soit retirer leurs amendements pour prendre acte de l'expression de la majorité du Sénat.
Je rappelle qu'en tout état de cause une seconde lecture aura lieu puisque nous ne votons pas conforme le texte de l'Assemblée nationale et que, fatalement, un nouveau débat s'instaurera sur cet article 1er.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur la demande de priorité formulée par la commission ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Favorable.
M. le président. La priorité est ordonnée.
L'amendement n° 9, pour lequel la priorité est ordonnée est affecté d'un sous-amendement n° 51 rectifié.
Quel est donc l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 51 rectifié ?
M. Paul Masson, rapporteur. Je serais favorable à ce sous-amendement dans la mesure où son libellé serait plus clair.
En l'état actuel des choses, si l'on supprimait les mots « et hébergé », l'hébergeant serait censé déclarer à la mairie le départ de quelqu'un qui n'est pas arrivé. Cela me paraît quelque peu difficile !
Par conséquent, je suggère que le texte visé par l'amendement n° 9 soit revu à l'occasion de la deuxième lecture.
Je comprends très bien le souci du Gouvernement et je l'approuve : il ne veut pas qu'à cause d'une imprécision on ne puisse pas savoir que quelqu'un qui a bénéficié d'un certificat d'hébergement n'est pas venu. Mais il ne faut pas, me semble t-il, le formuler ainsi.
Je suggère donc au Gouvernement de bien vouloir retirer son sous-amendement et de le présenter de nouveau au cours de la navette dans une rédaction plus claire.
M. le président. Monsieur le ministre, le sous-amendement est-il maintenu ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. Le sous-amendement n° 51, rectifié est retiré.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 9.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, je souhaiterais formuler une observation préalable.
Nous sommes dans le cadre d'une discussion commune portant sur de nombreux amendements. Tous les amendements ont été exposés, à la suite de quoi M. le rapporteur vient de demander la priorité pour son propre amendement n° 9. Auparavant, il s'est dispensé de donner l'avis de la commission sur l'ensemble des amendements, et nous n'avons pas entendu non plus l'avis du Gouvernement.
Conformément au règlement, n'est-ce pas seulement après qu'on nous eût donné ces avis qu'il eût été temps de savoir s'il devait y avoir ou non priorité ? Pour éclairer l'ensemble de la discussion, il me paraît nécessaire qu'avant de nous prononcer sur l'amendement concerné par la demande de priorité nous ayons connaissance de l'avis de la commission et du Gouvernement sur l'ensemble des amendements en discussion commune.
M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, il est conforme au règlement de procéder comme je le fais, soit, après avoir demandé l'avis du Gouvernement sur l'amendement concerné par la priorité, de mettre aux voix cet amendement.
Après quoi, bien sûr, nous reprendrons chacun des autres amendements et la commission se prononcera.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Certes, monsieur le président, mais, encore une fois, il eût été bon, pour éclairer la discussion sur l'amendement n° 9 lui-même, de demander la position de la commission et du Gouvernement sur tous les amendements qui font l'objet de la discussion commune. Vous ne l'avez pas fait et je le déplore.
J'en viens à l'amendement n° 9.
Cet amendement retient le principe contenu dans le texte gouvernemental en précisant qu'il faut notifier à la mairie le départ de l'étranger « de son domicile ». Voilà une précision utile ! L'hébergeant ne peut évidemment pas dire si son hébergé a quitté la France. Il n'en sait rien ! Il peut seulement dire qu'il a quitté son domicile. Ainsi, au bout de huit jours - on nous proposait trois jours - il doit se rendre à la mairie pour déclarer : « La personne qui était chez moi est partie. » A quoi cela sert-il ?
M. Michel Caldaguès. On vous l'a dit !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. M. le rapporteur nous a répondu : « Cette mesure permettra de démanteler les réseaux. » Si cela est vrai, il est déplorable que vous n'ayez pas pensé à la mettre en oeuvre en 1986, ou au moins depuis 1993, et qu'il ait fallu l'affaire de l'église Saint-Bernard pour que vous nous la proposiez.
Il ne suffit pas d'affirmer qu'il s'agit de démanteler les réseaux : dites-nous aussi en quoi cela permet de les démanteler.
M. Michel Caldaguès. On vous l'a dit !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous confondez la police et les agents de l'office des migrations internationales, qui pourront effectuer des contrôles de manière inopinée. Je ne sais pas si ce sera au milieu de la nuit et sans ordonnance. En tout cas, leur rôle est de constater les conditions de logement, c'est-à-dire les conditions matérielles. Pour le reste, si un certificat d'hébergement est envoyé dans un consulat, la police peut le savoir et, si elle découvre quelque chose de suspect, elle peut faire une enquête, le procureur peut ordonner toutes les enquêtes qu'il veut c'est tout à fait différent.
Mais lorsque l'hébergeant sera venu dire : la personne qui était chez moi est partie il y a six jours, à quoi cela servira-t-il ?
M. Michel Caldaguès. En quoi cela vous gêne ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cela va gêner tout le monde. Cela va vous gêner, vous, lorsque vous recevrez l'ami argentin de votre fils.
M. Michel Caldaguès. N'ayez pas de souci là-dessus !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et si vous oubliez de le faire, vous ne pourrez plus le recevoir pendant deux ans. Cela gênera tous les braves gens. Franchement, quelle en sera l'utilité ?
M. Michel Caldaguès. Je l'ai expliqué, monsieur Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Non, vous avez expliqué, monsieur Caldaguès, en rendant un hommage, rare de votre part, auquel nous avons été sensible, à la gauche (sourires) ...
M. Michel Caldaguès. Ah !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... que le fait d'avoir instauré en 1982 un certificat d'hébergement vous avait permis de constater que quelqu'un avait demandé cinquante fois un certificat d'hébergement.
M. Michel Caldaguès. Cela m'a permis de constater à retardement, hélas ! que votre texte n'était pas suffisamment précis.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Si les hébergeants avaient eu l'obligation de venir vous déclarer que les intéressés étaient partis de chez eux, cela n'aurait strictement rien changé.
M. Michel Caldaguès. Si, je vous l'ai expliqué ; je recommencerai.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Franchement, monsieur le rapporteur, c'est un peu court de nous dire, comme vous l'avez fait, que c'est pour démanteler les réseaux !
Tout le monde est d'accord pour qu'ils soient démantelés !
M. Jean-Pierre Schosteck. On ne le dirait pas !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais leurs organisateurs vont-ils innocemment venir demander des certificats d'hébergement ? Vont-ils venir déclarer à M. le maire que les étrangers sont partis ? Evidemment non.
M. Claude Estier. C'est ridicule, c'est absurde !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Tous seront embêtés, sauf ceux que vous prétendez vouloir rechercher.
M. Jean-Luc Mélenchon. Exactement !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Telles sont les raisons pour lesquelles nous sommes contre l'amendement n° 9, qui n'est absolument pas « neuf » par rapport au texte et qui, je crois l'avoir démontré, n'est absolument pas raisonnable non plus. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Michel Caldaguès. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès. Je répondrai à la suggestion de M. le rapporteur en indiquant que les amendements n°s 38, 39, 40 et 41, que mes amis et moi-même avons déposés, n'ont pas valeur fondamentale, qu'ils étaient tout simplement destinés, soit à rétablir le texte initial du Gouvernement, soit à faciliter sa tâche.
Par conséquent, si cela concourt à la bonne organisation des débats, je suis tout à fait prêt à les retirer.
Je voudrais également répondre aussi rapidement que possible, à M. Dreyfus-Schmidt, à qui je ne savais pas qu'il fallait expliquer les choses deux fois. C'est une découverte ; jusqu'ici nous faisions plutôt confiance à la rapidité de son esprit. Eh bien, sacrifions à cette petite formalité !
Monsieur Dreyfus-Schmidt, la déclaration du départ a pour utilité de déjouer le procédé qui consiste, sous le couvert de déclarations d'hébergement successives, à permettre à quelqu'un de résider en permanence en France puisque, n'ayant pas fait connaître son départ, il peut évidemment raconter n'importe quoi.
Vous parlez de réseaux ; je vais vous expliquer ce qu'est un réseau.
Un réseau, c'est un ou plusieurs individus qui font commerce de certificats d'hébergement en accumulant les certificats d'hébergement libellés à leur domicile contre espèces sonnantes et trébuchantes.
M. Claude Estier. Vous croyez qu'ils vont aller déclarer les départs à la mairie ? Enfin !
M. le président. Les amendements n°s 38, 39, 40 et 41 sont retirés.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. A ce point du débat, nous ne sommes pas vraiment éclairés sur plusieurs questions qui restent pendantes, notamment sur la question des fichiers. Elle n'est pas réglée par cet amendement, qui prétend pourtant faire la lumière.
En effet, si nous avons bien compris - et nous avons forcément bien compris - le maire est chargé de vérifier que chacune des déclarations d'hébergement n'a pas donné lieu à un détournement de procédure ; il doit le vérifier au moment d'accorder une nouvelle autorisation.
Donc, il est obligé de garder la mémoire des différentes déclarations, et son appréciation de ce que l'on peut entendre par « détournement de procédure » est absolument libre ; c'est une appréciation totalement subjective ; au demeurant, elle n'est pas précisée.
En quoi consiste le détournement ? Est-ce simplement le fait d'avoir oublié de mentionner un départ ? Je reviendrai sur ce point dans un instant. Est-ce parce que, à l'occasion de la visite en cause, il s'est passé quelque chose que le maire n'avait pas prévu ? Ou est-ce que, à cette occasion, s'est ouverte une nouvelle procédure ? Allez savoir ! Quelqu'un est venu, est tombé amoureux, a engagé une démarche, ce qui a entraîné quelques demandes supplémentaires qui n'étaient pas prévues au début.
On sera donc obligé de tenir un fichier.
Quid de ce fichier ? A toutes nos discussions, qui ont naturellement leur grandeur et leur importance, je veux opposer le réel.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, ce matin, je ne plaisantais pas en demandant comment devrait se nommer l'obligation de créer des fichiers dans les communes où il y a un maire à propos duquel le Premier ministre lui-même a dit qu'il participait d'une idéologie raciste, xénophobe et antisémite ? Où allons-nous si nous donnons à de tels individus, caractérisés politiquement de cette façon par le Premier ministre lui-même, je le répète, la possibilité de tenir des fichiers d'hébergeants !
Ce risque, qui est extrême, et dont, j'en suis certain, vous sentez comme moi la gravité, ne fait que porter à son paroxysme un doute qui pèse sur l'ensemble du processus. Comment peut-on légiférer en ne tenant aucun compte de ce type de réalité ?
Enfin, j'ai entendu tout à l'heure l'argumentation de notre collègue concernant les réseaux et les certificats d'hébergement de complaisance. Je pense que personne au groupe socialiste ne niera le fait qu'il y a des certificats de complaisance. Bien sûr que non ! C'est la vie elle-même qui est ainsi !
Mais tout certificat n'entend pas forcément la constitution d'un réseau.
Au demeurant, mon cher collègue, avez-vous vous-même mesuré le glissement dans lequel vous êtes entré ? Vous avez dénoncé le fait à la police. C'est votre conscience qui vous y a porté, mais pourquoi au cinquantième certificat d'hébergement ?
M. Michel Caldaguès. C'est très clair !
M. Jean-Luc Mélenchon. Vous avez dit que c'était parce que les personnes concernées venaient d'un pays qui, lui-même, était suspect d'être le pays d'origine de terroristes.
M. Michel Caldaguès. Parce qu'il n'y avait pas de fichier, tout simplement !
M. Jean-Luc Mélenchon. Ecoutez-moi, mon cher collègue, je ne vous fais pas de procès d'intention, j'essaie de réfléchir concrètement à ce que seront les conditions de mise en oeuvre des dispositions dont nous débattons.
Vous avez donc invoqué un pays suspect d'être à l'origine d'opérations de terrorisme... Alors, dorénavant, il y aura des directions dont il ne fera pas bon venir quels que soient son opinion personnelle ou son propre exercice de la citoyenneté.
Faudra-t-il qu'un jour on assimile tous les Algériens au FIS ou au FLN maintenu ?
Mon cher collègue, il faut mesurer le gravité de ce que nous disons.
Et puis, si la suspicion porte sur l'origine, pourquoi attendre le cinquantième pour dénoncer ? Il faut dénoncer dès le premier, par précaution !
M. Dominique Braye. Oui, absolument !
M. Jean-Luc Mélenchon. C'est tout cet ensemble qui appelle des éclaircissements ; je me permets de vous le dire, monsieur le rapporteur, parce que vous êtes toujours précis dans vos explications.
Or vous ne pouvez nier que, dans le contexte politique que nous connaissons, il y a là la source d'immenses risques.
Alors, monsieur le rapporteur, faites mieux que nous dire qu'on va démanteler les réseaux !
M. Michel Caldaguès. D'après vous, il ne faut rien faire ?
M. Jean-Luc Mélenchon. Je ne voudrais pas, en procédant à ma démonstration, faire l'apologie de pratiques que je condamne, bien entendu. Mais, franchement, comment peut-on croire que les réseaux auraient la naïveté de passer par ces filières ?
En réalité, chaque fois que vous ajoutez une difficulté de cette nature, vous ne faites qu'empoisonner la vie des honnêtes gens, des gens tranquilles.
Et vous le savez bien, monsieur le rapporteur, puisque, dans un premier mouvement, vous avez commencé par dire : « Est-ce qu'on peut priver la personne hébergeante de la possibilité d'aller déclarer ?... » Mais non, il ne s'agit pas de la priver d'une possibilité : il s'agit de l'obliger à déclarer. Vous sentez bien qu'il y a là une contrainte et je suis sûr que cela vous met vous-même mal à l'aise.
M. Dominique Braye. Pas du tout !
M. Jean-Luc Mélenchon. Face à cela, je vous le dis, les réseaux n'auront qu'une réaction : la tricherie et la fraude. Et cela coûtera encore plus cher aux malheureux qui seront obligés de passer par eux !
M. Guy Allouche. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Essayons, si possible, d'être concrets.
Je demeure à Lille. J'ai envie de recevoir un ami que j'ai connu dans mon Algérie natale. Mais peut-être suis-je déjà suspect...
M. Jean-Luc Mélenchon. Ça commence mal pour toi ! (Sourires sur les travées socialistes.)
M. Guy Allouche. Je demande un certificat d'hébergement à la mairie et je reçois, de façon régulière ou inopinée, la visite d'un représentant de l'ONI, qui constate que je peux accueillir M. X. Je lui envoie son certificat et il obtient son visa. Il passe quelques jours chez moi, puis il décide de s'en retourner. Il quitte donc mon domicile, je lui fais l'accolade fraternelle et je lui souhaite bon retour.
Bien entendu, je ne vais pas vérifier quel chemin il prend. Avant même d'attendre vingt-quatre heures, je me rends à la mairie et je fais savoir à l'employé de la commune que M. X a quitté mon domicile. Mais je n'ai aucun moyen de savoir si la personne que j'ai accueillie veut retourner en Algérie ou souhaite rester en France. Si cette personne demeure en France en situation irrégulière, que puis-je faire ? Rien. En quoi suis-je répréhensible aux termes de ce qui nous est proposé ? En rien.
Quoi qu'il en soit, comme j'ai déclaré son départ, on ne va pas m'interdire de recevoir un autre ami qui, lui, vient de Casablanca.
M. Michel Caldaguès. C'est s'il s'agit du même que le problème se pose !
M. Guy Allouche. Le premier invité est reparti de mon domicile, j'ai fait ce que j'avais à faire, je suis en règle avec la loi.
M. Dominique Braye. Mais pas avec votre conscience ! (Protestations sur les travées socialistes.)
Mme Joëlle Dusseau. N'importe quoi !
M. Michel Caldaguès. Cela, c'est le cas idéal !
M. Guy Allouche. On ne va pas m'interdire de recevoir autant d'amis que je le veux, puisque j'ai un logement qui me le permet.
M. Henri de Raincourt. Vous êtes riche ! (Sourires.)
M. Guy Allouche. Ces personnes viennent me voir autant de fois que je suis autorisé à les recevoir. Quand elles quittent mon domicile, je ne sais pas si elles retournent chez elles.
Vous voulez démanteler les réseaux, mais les réseaux ne se constituent pas de cette façon : ce n'est pas une personne qui va, de manière frauduleuse, demander des visas pour quatorze ou quinze personnes ! Un réseau, c'est une addition de personnes qui vont affirmer, chacune à son tour, qu'elles sont habilitées à recevoir des étrangers, pour lesquels elles établissent un certificat d'hébergement.
J'estime que l'idée selon laquelle cela permet de contrôler l'immigration irrégulière et d'y mettre un terme ne tient pas. Votre raisonnement est non seulement fallacieux mais spécieux. C'est un prétexte pour, en fait, interdire à des personnes de recevoir des étrangers et à des étrangers de venir chez nous.
M. Hilaire Flandre. Vous êtes encore plus bête que je ne le pensais !
Mme Monique ben Guiga. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme ben Guiga.
Mme Monique ben Guiga. Vous me permettrez d'employer les mots « hôtes » et « invités » plutôt que les termes « hébergeants » et « hébergés », qui ont une connotation administrative désagréable.
M. Paul Masson, rapporteur. Ce sont ceux qui sont utilisés depuis 1990 !
Mme Monique ben Guiga. D'autres pays que la France ont déjà voulu contrôler, par des procédés de ce type, les étrangers qui viennent sur leur sol, répondant à des invitations amicales ou familiales. J'ai moi-même dû, à l'étranger, déclarer au commissariat de police local l'arrivée, puis le départ de parents. Je peux tout de suite vous dire que cela n'a jamais rien de très agréable ! Mais là n'est pas le plus grave.
Vous voulez responsabiliser - c'est le mot qui revient toujours - ceux que vous appelez les « hébergeants » et que j'appelle les hôtes. Mais en quoi cette disposition les responsabilise-t-elle ?
Vous invitez un étranger muni d'un visa de séjour de quinze jours, par exemple, à passer trois jours chez vous. Vous devez déclarer son départ à la mairie. Si, quatre jours plus tard, il revient passer de nouveau trois jours chez vous, vous devrez aller déclarer une nouvelle fois qu'il est parti. Sinon, vous ne serez pas en règle. En quoi cela vous rendra-t-il responsable du maintien ou non de l'étranger sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ?
La prolongation du séjour sur le territoire français au-delà de la durée de validité du visa est déjà sanctionnée : il n'est pas possible d'obtenir un nouveau visa pour l'étranger qui a commis l'imprudence de rester en France deux jours de plus que ne l'y autorise son visa. C'est un crime capital d'être resté deux jours de plus en France que ne l'autorisait le visa ! Les consuls reçoivent des consignes très strictes sur ce point, et ils sont impitoyables !
Si vous voulez vraiment contrôler que les étrangers rentrés en France avec un visa de quinze jours ou de trois semaines sont bien partis au bout de quinze jours ou de trois semaines, il faut mettre en oeuvre des procédures du type bracelet électronique ! Je ne vois pas d'autre moyen !
En tout cas, le moyen que vous préconisez a été employé par d'autres pays et il y est tombé en désuétude. Il tombera aussi en désuétude en France parce qu'il est inapplicable et qu'il n'a aucune efficacité. Il ne fera que culpabiliser les gens qui reçoivent des étrangers mais il ne les responsabilisera pas. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
Monsieur le président, je demande que le Sénat se prononce par scrutin public sur cet amendement.
Mme Joëlle Dusseau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Contrairement à M. Mélenchon, je suis sensible à l'exemple cité par M. Caldaguès. Celui-ci nous a expliqué qu'il nourrissait des soupçons sur une personne qui présentait de nombreuses demandes d'hébergement et que, s'estimant éventuellement en présence d'une filière d'immigration clandestine, il a prévenu la police.
Cela prouve que le dispositif légal existant permettait tout à fait ce genre de réaction.
M. Michel Caldaguès. A retardement !
Mme Joëlle Dusseau. Bien sûr, mais il n'empêche !
En revanche, mon cher collègue, votre argumentation relative à l'obligation, pour la personne qui reçoit, de déclarer le départ est infiniment plus faible.
Vous dites que cela viserait le cas où la personne resterait en France. Mais tel n'est pas du tout l'objet d'un certificat d'hébergement !
Un certificat d'hébergement est envoyé au consulat où doit être délivré le visa permettant à une personne d'entrer en France. Cela n'a rien à voir avec le fait de cacher la présence de quelqu'un en France.
Ni M. le ministre, ni M. le rapporteur, ni aucun des orateurs n'ont pu expliquer en quoi l'obligation pour la personne qui reçoit de déclarer le départ de celle qui était reçue aurait une quelconque efficacité à l'encontre des filières maffieuses d'entrées illégales en France. En fait, un tel dispositif ne servira qu'à gêner les honnêtes gens. (Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.) L'exemple qu'a pris Mme ben Guiga le montre parfaitement, car il arrive très souvent que des gens viennent passer trois jours chez vous, partent faire un tour en France, puis reviennent. Cela m'est arrivé : dans quelle situation aurais-je été si j'avais dû dire, après trois jours, que mes amis étaient partis et, quelques jours plus tard, qu'ils étaient revenus ?
A quoi voulez-vous ainsi contraindre les personnes qui accueillent des amis ou des parents étrangers ? Cela ne peut que gêner considérablement les honnêtes gens. Cela ne gênera en rien les maffieux ou les passeurs professionnels.
Voilà pourquoi je voterai contre cet amendement. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Bernard Plasait. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Plaisait.
M. Bernard Plasait. Je souhaite tout simplement dire que M. le président Jacques Larché étant particulièrement convaincant, ...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il n'a pas ouvert la bouche !
M. Bernard Plasait. ... j'ai compris les arguments qui ont été développés. Par conséquent, je voterai l'amendement n° 9 et je retire mes amendements.
M. le président. Les amendements n°s 82, 83, 84, 86, 87, 88, 89, 85, 90 et 91 sont retirés.
M. Michel Rufin. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Rufin.
M. Michel Rufin. L'amendement qu'a présenté notre rapporteur - j'en reviens à l'objet de ce débat - est pour moi empreint de sagesse et il n'est guidé, à ma connaissance, que par un seul souci : protéger et sécuriser tous les citoyens, y compris les étrangers qui vivent dans notre communauté.
Nous sommes tous, et vous le savez bien, à la merci d'un attentat où un grand nombre de nos compatriotes risquent leur vie.
M. Jean-Luc Mélenchon. Ce n'est pas possible !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Où va-t-on ?
M. Robert Pagès. Et voilà l'amalgame ! Tous suspects !
M. Michel Rufin. C'est arrivé il y a quelques jours ! Ils risquent d'être victimes de terroristes, d'individus dangereux, généralement occupants sans titres, qui n'ont aucun papier justifiant leur présence dans notre pays, et vous le savez parfaitement !
Mme Joëlle Dusseau. Les terroristes, eux, ils ont des papiers !
M. Michel Rufin. Si j'ai bien compris, pour quelques petites formalités à accomplir à la mairie - et Dieu sait si chaque Français doit en accomplir chaque jour, quelle que soit son activité ! - vous ne voulez pas gêner les hébergeants. Je ne vous comprends pas !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. A quoi ça sert ?
Mme Joëlle Dusseau. N'importe quoi !
M. Michel Rufin. Au contraire, si l'on doit autoriser une personne à accueillir des étrangers, il est naturel qu'on lui demande de remplir une petite formalité, de manière à connaître les personnes qui se rendent dans nos communes. C'est élémentaire, et je ne comprends pas du tout votre attitude.
Mme Joëlle Dusseau. Mais on les connaît ! Ils ont des visas, ils ont des papiers, ils ne sont pas illégaux !
M. Michel Rufin. Si vous lisez les journaux, les vôtres comme les nôtres, vous vous apercevrez que, tous les jours, des crimes sont commis par des gens qui, malheureusement, n'ont pas de papiers. (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Robert-Paul Vigouroux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vigouroux.
M. Robert-Paul Vigouroux. Je n'avais pas l'intention de prendre part au débat, mais je me sens finalement concerné parce que, je me dois de le confesser, durant toute ma vie, j'ai créé des réseaux : réseaux de recherche, réseaux de médecine, réseaux de neurologie, réseaux de neurochirurgie. J'en reste très fier parce que, de ce fait, dans le monde entier, il y a des chercheurs, des médecins, des neurochirurgiens qui conservent de leur formation française un certain état d'esprit. Ils restent des amis, même si, pendant quelque temps, ils se sont peut-être éloignés de nous.
Ce réseau d'amis continue d'être actif, puisque je reçois encore des lettres de ces scientifiques et qu'ils peuvent, demain, me demander de les aider à revenir en France, parce qu'ils souhaiteront approfondir les connaissances acquises chez nous. C'est un réseau culturel, scientifique et aussi francophone.
Je ne crois pas avoir hébergé ou fait héberger dans ces circonstances beaucoup de terroristes, car un terroriste, me semble-t-il, n'entre pas en France en imprimant ses empreintes digitales sur un papier, n'indique pas chez qui il résidera et ne demande pas à son hôte de signaler son départ à la mairie ! Il s'agit quand même de gens mieux organisés que cela, ou alors, comment parviendraient-ils à commettre leurs méfaits ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Bien sûr !
M. Robert-Paul Vigouroux. Veut-on fermer la France à ceux qui y viennent pour apprendre et qui transmettront ensuite ce que, depuis des siècles, nous avons pu apporter aux autres, sous prétexte d'empêcher l'intrusion de quelques malfrats et poseurs de bombes ?
Comment refuser à ces personnes l'accès de notre pays, alors que nous savons que, dans ce cas, elles iront travailler ailleurs, au détriment du maintien de ces réseaux planétaires, tellement importants pour nous, qui, certes, ne nous rapportent pas grand-chose sur le plan économique, bien que l'on puisse quand même diffuser par leur biais des matériels français, mais dont l'intérêt moral est évident.
Ne confondons pas, par conséquent, ceux qui viennent chez nous pour apprendre et qui s'en retournent après avoir acquis des connaissances avec quelques terroristes.
J'estime en outre qu'il incombe non pas aux mairies, mais à d'autres services de faire le tri. J'ai été maire de Marseille pendant des années, et je me demande comment mon successeur pourrait contrôler à la fois les entrées et les sorties de tous ceux qui passent par cette ville. Comment cela serait-il possible ? (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. Dominique Braye. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Braye.
M. Dominique Braye. J'avoue, aprés avoir écouté les propos de mes collègues du groupe communiste républicain et citoyen du groupe socialiste, que j'ai vraiment l'impression de ne pas vivre dans le même pays qu'eux. (Ah ! sur les travées socialistes.)
Je ne peux comprendre en effet que des membres de notre assemblée puissent méconnaître à ce point la réalité des problèmes engendrés par l'immigration clandestine dans notre pays et leurs répercussions sur la vie quotidienne de nos concitoyens, ...
M. Christian Bonnet. Très bien !
M. Dominique Braye. ... surtout s'ils sont d'origine étrangère et souhaitent s'intégrer.
Ces jours-ci, dans mon district de Mantes-la-Jolie, un grand nombre d'entre eux m'ont demandé de faire tout ce qui était en mon pouvoir pour que ce texte ne soit pas affadi et pour stopper cette immigration irrégulière, qui continue de sévir dans notre pays et dont nous constatons régulièrement les effets dans l'agglomération que j'ai mentionnée.
En effet, comme notre collègue Jack Ralite, j'habite une région pauvre, et mes administrés demandent chaque jour que nous nous occupions de leur misère avant de prétendre accueillir toute la misère du monde, ...
M. Henri de Raincourt. Très bien !
M. Dominique Braye. ... comme ce fut le cas au cours des quinze dernières années, ce qui n'a fait qu'accroître les difficultés de nos concitoyens. (Exclamations sur les travées socialistes.)
Vous faites, mesdames, messieurs les sénateurs de l'opposition, le lit des extrémistes et de l'extrême-droite,... (Vives protestations sur les travées socialistes.)
M. Bernard Piras. C'est lamentable !
M. Claude Billard. C'est vous !
M. Dominique Braye. ... comme vous l'avez d'ailleurs fait en d'autres temps et d'une autre façon. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
M. Bernard Piras. C'est lamentable !
M. Dominique Braye. Je vous en laisse la responsabilité ! En tout cas, je ne participerai pas à cette mauvaise action ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste. - Vives protestations sur les travées socialistes.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Les bracelets électroniques !
M. Guy Cabanel. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Cabanel.
M. Guy Cabanel. Après ce long débat, je me trouve plongé dans une profonde perplexité.
Tout d'abord, si le terrorisme est certes une réalité, j'estime qu'il ne faut pas que cela devienne une obsession et que toute notre législation soit imprégnée d'une situation d'exception qui, je l'espère, ne sera pas durable, bien que j'aie quelque difficulté à faire un pronostic sur ce point...
Par ailleurs, je ne suis pas sûr que ce texte rendra tout à fait lumineuse la gestion des flux d'immigrés en France.
En revanche, il donne la possibilité à un citoyen français, quelle que soit son origine, qui a établi de bonne foi un certificat d'hébergement et qui souhaite se mettre à l'abri de conséquences plus ou moins aventureuses si son invité n'était pas sérieux, de signaler au maire de sa commune la fin de la période d'hébergement. Cela peut, en quelque sorte, éviter à un citoyen honnête et loyal des difficultés policières.
Pour ma part, je trouve qu'il s'agit non pas d'une mesure vexatoire ou policière, mais simplement de la possibilité donnée à celui qui a délivré de bonne foi un certificat d'hébergement de déclarer le départ de cet étranger.
Ainsi, il n'encourra aucune responsabilité quant aux conséquences des actes ultérieurs de l'étranger qu'il aura hébergé.
Par conséquent, malgré la diversité des opinions au sein de mon groupe, je voterai l'amendement n° 9 tel qu'il est rédigé. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. Jean-Luc Mélenchon. Comme d'habitude !
M. Jean-Patrick Courtois. Voilà une attitude responsable !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. A quoi ça sert !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il va nous dire à quoi ça sert !
Mme Joëlle Dusseau. Oui, parce qu'on ne le sait pas.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je voudrais, au terme de cette discussion, m'exprimer à nouveau sur l'amendement n° 9.
Il ne s'agit naturellement pas, comme je l'ai entendu affirmer, d'interdire la venue en France de chercheurs, d'étudiants ou de touristes. Nous accueillons 35 000 étudiants étrangers dans notre pays, et nous souhaitons qu'ils soient de plus en plus nombreux. Leur effectif augmente d'ailleurs de 1 % chaque année.
La disposition proposée se borne en fait à prévoir une simple formalité déclarative, comme il en existe déjà des centaines dans notre droit, pour des motifs légitimes.
Que demande-t-on ? Relisez le texte ! Nous demandons simplement que soit déclaré le départ définitif de l'étranger du domicile de son hôte...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Non, le mot « définitif » n'apparaît pas !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Eh bien, je le précise. (Exclamations sur les travées socialistes.) J'ai déjà expliqué ma position à l'Assemblée nationale, mais cela me semblait aller de soi.
Nous demandons simplement à l'hébergeant de notifier le départ définitif de l'étranger, la fin du séjour de celui-ci à son domicile, et rien d'autre.
Mme Joëlle Dusseau et M. Jean Peyrafitte. A quoi cela sert-il ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. On ne demande pas à l'hébergeant d'indiquer la destination de la personne, ni si elle a ou non quitté la France. Cela n'a rien à voir !
Nous voulons simplement démasquer les professionnels de l'hébergement fictif. Un certain nombre de maires, présents sur ces travées, sont venus me voir pour me dire que l'on ne peut plus continuer à laisser agir des professionnels de l'hébergement. (Marques d'approbation sur les travées du RPR.)
Cela, je ne peux l'accepter. Ces professionnels de l'hébergement prétendent recevoir des étrangers, alors qu'en fait ils ne veulent que faciliter la venue en France de personnes qui n'ont pas le droit d'y séjourner.
Voilà ce que je veux dénoncer, car ces certificats de complaisance cachent une fraude et je ne peux le tolérer.
Par conséquent, je suis favorable, je le répète, à l'amendement de la commission. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Avec le mot « définitif » ou pas ?
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 9, accepté par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 101:

Nombre de votants 317
Nombre de suffrages exprimés 316
Majorité absolue des suffrages 159
Pour l'adoption 220
Contre 96

M. Philippe de Bourgoing. Très bien !
M. Jean-Patrick Courtois. On va gagner du temps !
M. le président. En conséquence, les amendements n°s 60, 100 et 194, ainsi que les amendements n°s 101 et 162, n'ont plus d'objet.
Je rappelle, en outre, que M. Plasait a retiré les amendements n°s 82, 83, 84, 86, 87, 88, 89, 85, 90 et 91, et que M. Caldaguès a retiré les amendements n°s 38, 39, 40 et 41.
Enfin, la commission m'a fait savoir qu'elle renonçait à sa demande de priorité pour l'amendement n° 10.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 163 ?
M. Paul Masson, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 163, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 103 ?
M. Paul Masson, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 103.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je ne sais pas si quelqu'un se souvient du contenu de l'amendement n° 103 (Oui ! sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Henri de Raincourt. On l'a sous les yeux !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. En effet, voilà tout de même deux bonnes heures que nous l'avons examiné.
Encore une fois, je croyais que le Sénat avait le droit de connaître les avis et de la commission et du Gouvernement sur chacun des amendements.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Défavorable !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ils étaient en discussion commune. Que l'on nous donne les avis ou tous ensemble ou séparément ! Tout à l'heure, nous avons failli nous prononcer sur l'amendement n° 9 sans même avoir entendu l'avis du Gouvernement.
Il faut tout de même rappeler que l'amendement n° 103 tend à supprimer le cinquième alinéa du texte présenté par le paragraphe II de l'article 1er, c'est-à-dire les mots « le signataire du certificat d'hébergement n'a pas notifié à la mairie le départ de l'étranger hébergé dans les deux années précédant la demande de visa ».
Excusez-moi, mais cet amendement est tombé puisqu'il s'agit d'un amendement de coordination. Or, personne ne s'en était rendu compte. Vous étiez prêts à voter contre, chers collègues de la majorité sénatoriale.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Nous voulions voir jusqu'où allait votre mauvaise foi !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il est tout de même bon que sur chaque amendement on veuille bien demander l'avis et de la commission et du Gouvernement pour que le Sénat n'en oublie pas la teneur ! (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, je vous remercie de votre éclairage. Puisque vous me poussez dans mes retranchements, en laissant entendre que l'on fait un peu n'importe quoi, je dirai que tout à l'heure le groupe socialiste a voté l'amendement n° 157, présenté par les membres du groupe communiste républicain et citoyen, et tendant à supprimer une disposition qui avait été instaurée en 1992 par le ministre alors en fonction.
M. Jean-Luc Mélenchon. Nous avons changé d'avis !
M. le président. Je ne crois pas que nous fassions n'importe quoi. Nous avons la liberté de faire examiner le texte comme nous l'entendons, dans le respect du règlement. C'est ce que je fais. J'ai appelé l'amendement n° 103 ; vous vous êtes exprimé. Y a-t-il d'autres explications de vote ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cet amendement tombe.
M. le président. L'amendement n° 103 n'a plus d'objet.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 104.
M. Paul Masson, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 104.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Franchement, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, c'est tout de même un peu court ! En l'occurrence, nous sommes dans le domaine de la technique pure. Aux termes de la disposition que vous nous proposez, le maire refuse de viser le certificat d'hébergement lorsque le signataire du certificat d'hébergement n'a pas notifié à la mairie le départ - définitif, je pense - d'un étranger hébergé, dans les deux années précédant la demande de visa. Nous vous faisons simplement remarquer qu'une telle disposition n'est applicable que deux ans après l'entrée en vigueur de la présente loi. Cela paraît logique. Voilà deux heures, nous avons défendu cette position. On demande enfin l'avis de la commission et du Gouvernement. Nous imaginions que M. le rapporteur allait dire : « vous avez raison, j'émets un avis favorable » ou, pour telle ou telle raison « je m'oppose à cet amendement ». Il en est de même pour M. le ministre. Or l'un et l'autre se lèvent et disent : « défavorable ! ». Franchement, si tel est votre respect des droits du Parlement...
Il s'agit, je le répète, d'un amendement purement technique, qui tire les conséquences du vote que vous avez émis tout à l'heure. Nous étions alors en désaccord profond. Nous ne voulions pas, nous continuons et nous continuerons à ne pas le vouloir, d'une disposition qui impose d'aller faire à la mairie une déclaration qui ne sert à rien et dont on ignore les conditions dans lesquelles elle doit être faite. Il s'agit, nous a-t-on dit, du départ définitif, mais que faut-il faire si l'hébergé revient pour quelques jours, chez l'hébergeant ?
Cela étant dit, nous vous demandons de voter cet amendement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 104, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. De toute manière, une telle disposition n'aura pas d'effet avant deux ans !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 10 ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je m'en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 10, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 105 ?
M. Paul Masson, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 105.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous attendions avec impatience les avis de la commission et du Gouvernement. En effet, cet amendement est important et il était nécessaire de savoir si le Gouvernement y était favorable ou non et surtout pourquoi, dans ce dernier cas.
Cet amendement - je le rappelle pour le cas où certains d'entre vous, mes chers collègues, l'auraient oublié - propose la disposition suivante : « Le maire doit motiver son refus de viser le certificat d'hébergement, à défaut de quoi le visa est réputé accordé. »
Certains maires - nous l'avons dit et répété - refusent systématiquement de viser le certificat d'hébergement. Or, la motivation des décisions administratives est la règle générale en droit public. Il est nécessaire de le rappeler. Je vous ai lu tout à l'heure le texte qui fait, hélas ! exception à ce principe, en matière de visa d'entrée en France. Mais, pour le reste, le principe de droit doit être respecté et donc le refus de viser le certificat motivé.
Il faut de plus tirer les conséquences du cas où le refus ne serait pas motivé. Je sais bien que M. le rapporteur avec l'expérience de préfet qui est la sienne - il me permettra de le rappeler - soutient que le préfet peut toujours se substituer à un maire.
M. Michel Rufin. Bien entendu !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Si le maire de Toulon ne veut pas, par exemple, motiver son refus de viser un certificat d'hébergement, il est toujours possible de demander au préfet Marchiani de se substituer à lui !
M. Michel Rufin. C'est normal !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est qu'un exemple.
Toutefois, on n'a jamais vu, dans la pratique, un préfet se substituer à un maire. Vous me rétorquerez qu'il est possible de saisir le tribunal administratif. Mais lorsque vous attendez quelqu'un pour la communion du petit dernier, même en vous y prenant deux mois à l'avance, le procès que vous engagerez durera six mois. Ce n'est évidemment pas une solution.
Il faut donc faire en sorte que, si le refus du maire n'est pas motivé, l'autorisation de visa soit réputée accordée.
Nous ferons la même proposition tout à l'heure dans le cas d'une absence de réponse.
Je regrette, je le répète, que, sur notre amendement qui ne fait que tirer les conséquences de la loi, vous vous contentiez de dire « défavorable », sans autre... motivation !
Je souhaiterais que, là aussi, votre défaut de motivation autorise chaque sénateur à présumer le bien-fondé de notre proposition et vote cet amendement. (Applaudissements sur les travées socialistes et sourires sur les travées du RPR.)
M. Paul Masson, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Masson, rapporteur. Je ne voudrais pas décevoir M. Dreyfus-Schmidt, qui semble sevré d'explications du rapporteur. Je suis d'ailleurs sensible à cette marque de considération.
Cependant, le maire, je le lui ai déjà expliqué, se situe dans le droit-fil d'une procédure gracieuse ou contentieuse qui permet à tout intéressé n'étant pas satisfait par une absence de justification du maire de s'adresser au préfet pour lui signifier que le maire ne l'a pas informé. Que fait alors le préfet ? Il apprécie la bonne foi de l'intéressé, il téléphone ou fait téléphoner au maire en demandant des explications. En outre, si l'intéressé n'est pas satisfait, le recours contentieux peut s'exercer.
Nous sommes dans une procédure parfaitement déterminée. Pourquoi voulez-vous compliquer la situation par des dispositions qui, en tout état de cause, sont d'ordre réglementaire ? Vous voulez surcharger la loi. Vous faites une « usine à gaz », et après vous le déplorez.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Au contraire, on simplifie !
Mme Joëlle Dusseau. Ce n'est pas le problème !
M. Jean-Luc Mélenchon. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. La responsabilité de la création de cette « usine à gaz » ne peut pas être recherchée sur les travées socialistes. C'est tout de même vous, chers collègues de la majorité sénatoriale, qui avez inventé ces déclarations, ces certificats d'hébergement, d'arrivée, de départ (Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)...
M. Hilaire Flandre. Non, c'est vous !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. C'est M. Badinter !
M. Jean-Luc Mélenchon. De départ, ai-je dit. Vous savez bien que c'est de cela que l'on parle. N'allez pas me chercher des poux dans la tête pour les certificats d'hébergement. Je vous parle du départ, et d'ailleurs, sur ce sujet, je vous trouve assez incroyables. Déclarer qu'une personne s'en va de chez soi, qu'y a-t-il de plus normal ? Cela vous paraît normal à vous !
M. Patrice Gélard. Ce n'est pas l'objet de l'amendement !
M. Jean-Luc Mélenchon. Vous m'avez interrompu, je vous réponds.
Vous êtes dans une logique où vous finissez, au motif de démanteler des réseaux, par trouver normales des choses que, nous, nous trouvons tout à fait extravagantes dans la vie quotidienne des individus.
Vous savez qu'il existe aussi des réseaux de pillards sur le téléphone. Peut-être faudrait-il que l'on signale tous en mairie quand on termine une conversation téléphonique. Cela pourrait peut-être aider à contrôler les réseaux de délinquants !
Pour conclure - il le faut bien - je reviens à l'argument évoqué à cet instant.
Pour ma part, je souhaiterais que le Sénat adopte cet amendement socialiste, qui est un amendement de repli puisque, en définitive, il s'inscrit dans la logique de l'acceptation de ces certificats.
En effet, cet amendement répond précisément à la préoccupation que nous avons exprimée en ce qui concerne certaines communes dans notre pays. Je crois qu'il apporterait une garantie. En effet, dans ces communes, nous aurions pu suivre la situation et, je le dis, pas simplement à titre individuel - et j'assume mon propos - mais collectivement. Les associations, les responsables politiques auraient pu regarder d'un peu plus près ce qui se passe dans ces communes et comment sont accordés ces certificats d'hébergement.
Comment fera-t-on - peut-être n'ai-je pas, moi non plus, bien compris - pour vérifier, puisque c'est ce qui doit nous rassurer, comme l'a dit tout à l'heure M. le rapporteur, le caractère homogène des critères appliquées et des décisions prises - puisque c'est l'argument de M. le rapporteur - s'il n'y a pas des motivations expresses du refus ? Peut-être pourra-t-on me répondre ? Ne pas adopter cet amendement, c'est véritablement accepter l'arbitraire ! (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 105, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 106 ?
M. Paul Masson, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 106.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il s'agit du même problème, cette fois aggravé, puisque, normalement, le refus doit être motivé. Espérons qu'il le sera ! Néanmoins, en l'absence de réponse, que se passera-t-il ? N'importe lequel d'entre nous ira à la préfecture, car, à l'évidence, c'est à la portée de tout le monde ! Tous les habitants de ce pays savent que, en cas d'absence de réponse du maire à l'une de leurs demandes, ils peuvent téléphoner au préfet pour le tenir au courant de la situation !
Dans peut-être un cas sur dix, un avocat sera consulté, un recours sera formé, et, après des années, le Conseil d'Etat finira par déclarer que le maire avait tort. Mais, dans la plupart des cas, il n'y aura simplement pas de certificat d'hébergement.
Pour notre part, nous pensions que, au lieu de charger la barque, l'application du principe de la réponse tacite, que Guy Allouche rappelait tout à l'heure, simplifierait les choses : en l'absence de réponse, cette dernière est réputée positive.
M. Guy Allouche. C'est ce qui figure dans le projet Perben !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est le projet de M. Perben, et donc, vraisemblablement, le vôtre, monsieur le ministre.
M. Claude Estier. La modernisation de la fonction publique !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous allez nous demander d'attendre son examen. Non ! Si nous attirons votre attention sur ce texte à venir, c'est pour montrer que cette idée nous est commune et qu'elle présente l'avantage de simplifier les choses. Il s'agit ici non pas de revenir sur la discussion de tout à l'heure, mais de bien d'autre chose : nous demandons que, lorsque, au bout d'un mois - c'est quand même long, un mois ! - le maire n'a pas répondu à la demande de certificat d'hébergement, ce dernier soit réputé accordé. Cela ne mérite-t-il pas d'être pris en considération ?
M. Jacques Mahéas. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas. L'un de nos collègues nous expliquait, hier soir, qu'un ravin séparait la droite et la gauche, ravin au fond duquel était tombé le Front national.
Je pense vraiment qu'un certain nombre de personnes siégeant sur les travées de la majorité de cette assemblée sont tombées dans le ravin !
A l'occasion de l'examen de cet amendement, que n'avons-nous entendu sur ces travées ! Des collègues ont affirmé que le fait de recevoir une fois par an un étranger était déjà quelque chose d'extraordinaire !
M. Philippe de Bourgoing. Personne ne dit cela !
M. Jacques Mahéas. Cette personne n'a-t-elle pas quelque part à l'étranger un fils, une fille, des parents, qu'elle va voir au moins une fois par an ?
Ce même sénateur a également dit qu'il fallait faire passer de 100 francs à 200 francs le prix de ces certificats d'hébergement ! Il a donc osé dire, en fait, que les pauvres n'ont pas le droit de visite et que l'on ne peut se recevoir qu'entre gens aisés !
M. Jean-Luc Mélenchon. Oui, il l'a dit !
M. Jean-Luc Mélenchon. D'ailleurs il est parti ! Il a honte !
M. Michel Caldaguès. C'est un mensonge !
M. Guy Fischer. C'est vrai, il l'a dit !
M. Jacques Mahéas. C'est exactement ce qui a été dit !
Pis encore, l'un d'entre vous, sénateur de Seine-Saint-Denis, décrit dans un journal la façon dont il procède : « je me renseigne, je rencontre les gens qui doivent recevoir l'étranger, je demande quelle est la date du retour, s'il y a un billet d'avion, s'il s'agit d'un membre de la famille... » Peut-être y a-t-il même une fouille au corps ! (Protestations sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
Nous en arrivons là à des procédés humiliants ! Et vous savez bien, les uns et les autres, que des gens plus modérés ne sont pas de cet avis.
A cet égard, je donnerai un exemple vécu au Liban, lors d'un voyage que j'ai effectué avec M. Jacques Larché, président de la commission : à cette occasion, nous avons rencontré un professeur d'université francophone et francophile qui, alors qu'il se rendait jusqu'à présent tous les ans en France,...
M. Dominique Braye. Il continuera à venir !
M. Jacques Mahéas. ... n'avait pu, cette fois, obtenir du consulat cette possibilité. Certes, M. Larché, comme moi-même, est vraisemblablement intervenu, et cette situation a pu être réglée.
Toutefois, ce cas spécifique - M. Larché et moi-même étions tous les deux sur le terrain, et vous ne pouvez donc pas dire qu'il s'agit d'un cas d'école ! - tend, comme l'a très bien indiqué tout à l'heure notre collègue Robert-Paul Vigouroux, à se généraliser : les consulats évoluent vers une fermeture totale de nos frontières.
Vous ne vous honorez pas ! Très franchement, du point de vue humain, ce que vous dites est souvent humiliant. (Protestations sur les travées du RPR.)
M. Hilaire Flandre. Allons, ne soyez pas ridicule !
M. Jacques Mahéas. Je ne suis pas un élu laxiste ! Je ne souhaite pas, en effet, que nos frontières s'ouvrent. Il faut tenir compte des droits des peuples, bien entendu, mais également des droits de l'homme.
Or, très franchement, il est bien évident que l'action de certains maires s'apparente au fait du prince. Il faut donc que la décision de refus soit motivée. Vous avez sans doute pu constater les uns et les autres que ce certificat d'hébergement ne comporte pas de motifs et ne précise même pas quelles sont les voies de recours ! Peut-être aurons-nous l'occasion d'en reparler dans quelque temps avec M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, lorsque viendra en discussion le projet de loi sur la modernisation de la fonction publique.
Par conséquent, mes chers collègues, je vous demande de voter tous l'amendement n° 106 afin que nous donnions, dans nos communes, une autre image de la France que le seul fait du prince : en effet, lorsque les pitbulls, dont je me méfie, deviennent xénophobes, la situation devient alors tout à fait humiliante et intolérable ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Guy Allouche. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Cet amendement vise à une mesure de bon sens.
Monsieur le rapporteur, si M. Dreyfus-Schmidt a sollicité tout à l'heure de votre part une explication motivant votre avis défavorable sur cet amendement, c'est parce que vos réflexions, même si nous ne les partageons pas, sont utiles et que nous avons toujours plaisir à les entendre.
Nous souhaitons aussi que M. le ministre réponde. (M. le ministre sourit.) ...
Vous souriez, monsieur le ministre, et j'en suis ravi !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je souris chaque fois que vous parlez, monsieur Allouche !
M. Guy Allouche. Je vous remercie, monsieur le ministre !
Nous souhaitons donc, disais-je, que M. le ministre réponde aussi, car les uns et les autres doivent, à notre avis, alimenter les travaux préparatoires : le Journal officiel est lu par beaucoup de monde, et il est toujours utile de connaître les raisons du refus ou de l'acceptation d'une disposition proposée. C'est la raison pour laquelle, à mon tour, je vous demande de motiver vos avis, monsieur le ministre.
Il y a 36 500 communes en France. Nous savons tous que le comportement des maires de France n'est pas identique. Ces derniers, dans leur grande majorité, répondent très rapidement aux demandes formulées par leurs administrés. Mais nous savons aussi, hélas ! que certains maires n'agissent pas ainsi !
Dans ce dernier cas, si le demandeur d'un certificat d'hébergement est très au fait des arcanes juridiques, il saura effectivement, ainsi que l'a indiqué M. le rapporteur, qu'il peut s'adresser à la préfecture. Mais s'il s'agit de petites gens - je prends cette expression dans son acception noble - n'ayant pas ces connaissances, elles attendront que le maire daigne répondre.
En imposant un délai de quatre semaines, nous demandons en quelque sorte au maire d'accélérer la réponse et, si possible, de motiver cette dernière. En effet, dans la plus grande majorité des cas, ils auront affaire à des gens qui ne naviguent pas aisément dans les dédales administratifs. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Paul Masson, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Masson, rapporteur. Monsieur le président, je voudrais faire plaisir aux sénateurs de l'opposition. Je ne veux pas parler simplement pour le Journal officiel , mais je ne veux pas non plus répéter constamment la même chose, car cela finirait par être fastidieux, sauf à nous engager dans une procédure d'obstruction que vous ne souhaitez pas et que vous ne pratiquez pas ! (Sourires.)
Je répète ici qu'il s'agit d'une procédure administrative. Il appartient donc au Gouvernement, dans le cadre de ses prérogatives, de donner des instructions aux préfets pour leur indiquer la démarche à suivre en cas d'obstruction des maires.
Il n'appartient tout de même pas au pouvoir législatif de s'ingérer dans le pouvoir réglementaire, sinon, nous entrerions dans une procédure d'escalade. Je répète ici ce que j'ai toujours dit à cet égard, à savoir qu'il revient au Gouvernement de définir une position claire sur l'ensemble du territoire concernant les certificats d'hébergement, et de donner des instructions aux préfets ; ces derniers doivent les suivre, c'est-à-dire vérifier que les maires appliquent de façon homogène et orthodoxe la réglementation qui a été voulue par le Parlement, qui a été définie dans ses détails administratifs par le Gouvernement et qui est appliquée par ce dernier. C'est tout !
N'allons pas considérer que nous devons nous substi-tuer au Gouvernement, et songeons également que les procédures suivront leur cours en fonction de l'humeur des uns et des autres à saisir pour excès de pouvoir les tribunaux administratifs des décisions des maires.
M. Emmanuel Hamel. C'est lumineux !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il n'y a pas besoin de loi !
M. Alain Richard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Richard.
M. Alain Richard. Voilà un débat utile, qui prouve bien que l'intervention de M. le rapporteur était nécessaire pour éclairer les travaux préparatoires.
Je ne parviens pas à bien suivre M. Masson. L'amendement n° 106 vise à instaurer une autorisation tacite lorsque la demande n'a pas reçu de réponse dans un délai de quatre semaines.
Monsieur le rapporteur, si je me réfère à mes souvenirs de droit public, cela n'est pas du domaine réglementaire ! Le fait d'ériger une procédure d'autorisation tacite est du domaine législatif. La preuve en est que le passage du régime général actuel du droit français, selon lequel l'absence de réponse à l'expiration d'un délai de quatre mois équivaut à une décision négative, à un nouveau système relève de la loi.
L'argumentation que vient d'opposer M. le rapporteur à l'amendement n° 106 et qui s'appuie sur le fait que ce point relève du domaine réglementaire me paraît insuffisante.
Au moins, l'échange sur ce point aura-t-il permis de démontrer que les travaux préparatoires illustraient peut-être une certaine fragilité du projet de loi sur ce point.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien ! N'est-ce pas lumineux, monsieur Hamel ? (Sourires.)
M. Emmanuel Hamel. On procédera par une loi, s'il le faut, la prochaine fois !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 106, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 164 ?
M. Paul Masson, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 164.
M. Robert Pagès. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous nous étions opposés hier à la mise en place des certificats d'hébergement ; nous y restons, bien entendu, opposés aujourd'hui. Mais il semble que la majorité de notre assemblée, elle, veuille à tout prix non seulement maintenir ces certificats, mais encore en aggraver les conditions d'attribution.
L'amendement n° 164, je le rappelle parce que cela fait déjà un bon moment que nous l'avons défendu, est un amendement de repli.
Vous avez affirmé, chers collègues de la majorité, que vos textes ne portaient en aucune façon atteinte à la liberté ou aux bonnes relations avec les étrangers qui désirent se rendre dans notre pays. Eh bien, notre amendement permet de vous donner partiellement, même si c'est de manière insuffisante, raison. En effet, si l'on n'encadre pas la réponse du maire à la demande de l'hébergeant dans un délai, on pourra attendre cette réponse des mois - nos collègues socialistes l'on excellemment montré - et les plus modestes de nos concitoyens, ceux qui maîtrisent le moins facilement les arcanes de l'administration, resteront désarmés.
C'est pourquoi l'institution d'un délai d'un mois nous semble constituer une mesure correcte. Certes, elle ne modifie pas l'ensemble du texte, mais du moins donne-t-elle quelques garanties au demandeur !
Par ailleurs, nous souhaitons que s'ajoute à ces délais une motivation écrite, car on doit à chaque hébergeant, à chaque citoyen, une explication normale. On doit absolument lutter contre l'arbitraire, contre le fait du prince. Motiver la réponse est un moyen bien insuffisant, bien partiel, mais c'est un moyen tout de même de gommer quelque peu l'intransigeance des textes que vous proposez.
Tel est le sens de cet amendement de repli.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 164, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements identiques n°s 107 et 165 ?
M. Paul Masson, rapporteur. J'observe que les visites inopinées ne sont pas interdites dans le texte actuel...
M. Jacques Mahéas. Qu'est-ce qu'une visite inopinée ?
M. Paul Masson, rapporteur. C'est une visite qui n'est pas annoncée !
M. Guy Allouche. Le texte actuel ne le prévoit pas !
M. Paul Masson, rappporteur. Elles ne sont pas interdites ! En tout état de cause, visite inopinée ou pas, il faut le consentement de l'intéressé pour ouvrir la porte.
Mme Joëlle Dusseau. Il faut prévenir de la visite, dans l'état actuel du texte.
M. Paul Masson, rapporteur. C'est la raison pour laquelle ces amendements n'ont pas reçu l'avis favorable de la commission des lois.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 107 et 165.
M. Robert Badinter. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. S'agissant des visites inopinées, je souhaiterais attirer l'attention du Sénat sur ce que cette notion implique.
Le texte actuel prévoit des visites de l'OMI. Or je rappelle - ai-je besoin de le faire ? - qu'il s'agit ici de légiférer à propos de visites privées, dans un domicile privé, concernant des personnes privées, qui ont le droit de recevoir qui bon leur semble.
Un sénateur du RPR. Des terroristes ?
M. Robert Badinter. Je rappelle aussi que, si l'on peut suspecter une infraction, le code de procédure pénale offre les moyens juridiques nécessaires pour agir.
S'agissant uniquement de visites privées dans un domicile privé, vous savez combien le Conseil d'Etat, ainsi que, dois-je le rappeler, le Conseil constitutionnel, se montrent à juste titre exigeants, la jurisprudence le montre : la protection du domicile privé est un principe fondamental dans toute démocratie.
Le législateur, en adoptant les textes qui sont aujourd'hui en vigueur, a évidemment prévu que l'OMI devait obtenir, avant de visiter les lieux, le consentement écrit de l'intéressé. C'est compréhensible parce que, je le répète, il ne s'agit ni d'une perquisition ni d'une descente de police : ce serait inconcevable s'agissant d'une personne privée recevant un ami.
Que recouvrent les termes : « visite inopinée » ? M. le rapporteur a raison lorsqu'il dit que de telles visites ne sont pas interdites. Mais, jusqu'à présent, une telle mention ne figurait pas dans le texte. Par conséquent, il faut bien mesurer ce que peut impliquer la visite inopinée, qui peut intervenir à n'importe quel moment, sans qu'elle soit annoncée.
Il ne s'agira certainement pas de s'assurer de la présence de la personne hébergée, ce serait impensable. S'agit-il de vérifier l'état des lieux ? La composition de l'appartement ? Il n'est point besoin, à cette fin, de procéder à des visites inopinées !
Permettez-moi simplement de rappeler les propos très intéressants tenus par le président de l'OMI, M. Robert-Noël Castellani, lors de son audition par la commission des lois. Ils figurent d'ailleurs dans le rapport de M. Masson : « S'agissant des visites inopinées que pourrait réaliser l'OMI en application du texte adopté par l'Assemblée nationale » - je rappelle qu'une telle disposition ne figurait pas dans le projet de loi initial et que, par conséquent, le Conseil d'Etat n'a pas eu à en connaître - « la procédure actuellement utilisée dans les grandes villes, notamment à Paris, consistait à prendre des rendez-vous dans le souci d'une bonne organisation des tournées des enquêteurs, puisqu'il s'agit simplement de savoir si le local correspond aux besoins normaux d'un hébergement normal. » M. Castellani a considéré - j'attire l'attention du Sénat sur ce point - que des visites inopinées pourraient « être source de complexité et avoir un effet psychologique négatif sur les familles concernées ».
J'ajoute que le recueil du consentement par écrit lorsque la venue n'est pas annoncée peut se réaliser avec de bonnes chances de succès aux heures ouvrables !
J'attire donc l'attention du Sénat sur ce qu'implique, au regard de la vie privée, cette disposition. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je voudrais simplement dire que les visites, même inopinées, supposent l'accord de l'hébergeant, ainsi que l'a prévu le Conseil constitutionnel dans sa décision du 13 août 1993. C'est pourquoi chaque demande de certificat d'hébergement comporte une mention préimprimée, que l'hébergeant doit signer après y avoir apposé les termes « Lu et approuvé » : « Je suis informé de ce que, sur la demande éventuelle du maire, un agent de l'Office des migrations internationales peut venir procéder à mon domicile à une vérification de la réalité des conditions d'hébergement et je déclare mon consentement à cette visite. »
Par conséquent, ce texte est clair. Nous voulons le confirmer et faire en sorte que les agents de l'OMI, n'informent pas à l'avance l'hébergeant de leur venue.
M. Jacques Mahéas. Pourquoi ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Parce qu'un certain nombre de précautions pourraient alors être prises par l'intéressé !
M. Robert Pagès. Oui : déplacer la maison !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il faut se mettre à la place de l'OMI.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Ne vous mettez pas à la place de tout le monde !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Si les agents de l'OMI se présentent et qu'il n'y a personne...
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Eh bien, ils repartiront !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... il leur faudra repartir, puis se représenter à nouveau. Combien de fois ? Jusqu'à ce qu'il y ait quelqu'un dans le logement ! On comprend très bien, dans ces conditions, que le président de l'OMI ait expliqué que ces démarches allaient compliquer le fonctionnement de son service !
De quoi s'agit-il, encore une fois ? Rappelons qu'il s'agit seulement de vérifier que l'appartement de l'hébergeant lui permet de recevoir les étrangers décemment ou non. C'est tout !
Les visites inopinées sont possibles, mais elles relèvent de la police - c'est alors tout autre chose - qui peut être alertée par toute personne, y compris le consulat qui est informé des demandes de certificat d'hébergement, lorsque ces dernières sont répétées de manière suspecte.
Le dispositif proposé ne sert donc strictement à rien. C'est tellement vrai qu'il ne figurait pas dans votre texte initial, monsieur le ministre, et que M. le rapporteur nous dit qu'il n'était pas interdit avant ! Dans ce cas, il est tout à fait inutile.
M. Pierre Fauchon. Mais quels en sont les inconvénients ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous vous l'expliquons depuis une heure, et je continue à le faire !
Cela signifie-t-il, par ailleurs, que l'on institue une exception au caractère protégé du domicile ? Est-ce que les agents de l'OMI pourront, sans l'autorisation du président du tribunal, venir la nuit s'ils le veulent ? Est-ce que « de manière inopinée » signifie à toute heure du jour et de la nuit ? Il faut tout de même qu'on le sache ! (Protestations sur les travées du RPR. - Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Guy Allouche. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Sans doute cela vous a-t-il échappé, monsieur le ministre, mais vous venez de nous dire, peut-être de manière inconsciente, que l'agent de l'OMI procédait à une perquisition puisqu'il venait sans crier gare au domicile de l'intéressé pour vérifier sa situation.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je n'ai pas dit cela !
M. Guy Allouche. Au-delà de cette question, combien de fois faudra-t-il que l'agent de l'OMI se déplace pour s'assurer de la présence d'une personne qui travaille ? Celle-ci ayant, en général, les mêmes horaires de travail que les agents de l'OMI, il y aura donc nécessité de prendre rendez-vous !
Fait-on des difficultés à un Français qui veut recevoir M. X ou M. Y dans un appartement malheureusement trop petit, mais qu'il ne peut quitter parce qu'on ne lui en a pas attribué un autre ? Nous connaissons tous, notamment dans la région parisienne, de nombreux cas d'étrangers en situation régulière qui se voient refuser des appartements un peu plus spacieux alors que leur famille s'est agrandie ! Et vous savez que certains événéments ont même défrayé la chronique. Pourquoi irait-on contester à un étranger en situation régulière ce que l'on ne conteste pas à un Français ?
Enfin, mes chers collègues, dans la mesure où l'agent de l'OMI ne fait que contrôler l'état des lieux, en quoi faut-il vraiment surprendre le futur hébergeant pour constater un éventuel détournement de procédure ?
M. Hilaire Flandre. Mais, encore une fois, en quoi cela vous gêne-t-il ?
M. Michel Rocard. Cela empoisonne les gens !
M. Guy Allouche. Cela nous gêne parce qu'on porte atteinte à la vie privée des personnes ! Or la protection de cette vie privée a été consacrée de tous temps par le Conseil constitutionnel et par la jurisprudence.
Si les agents de l'OMI veulent faire correctement leur travail, ils peuvent prendre rendez-vous, comme le font aujourd'hui les agents de l'EDF ou de Gaz de France, par exemple. Pourquoi le demande-t-on à un agent de l'EDF alors qu'on le refuserait à un agent de l'OMI, qui ne demande qu'à travailler dans de bonnes conditions et à ne pas être dans l'obligation de revenir de nombreuses fois avant de trouver quelqu'un ?
Que se passera-t-il, mes chers collègues, si l'agent de l'OMI, se présentant de façon inopinée, est accueilli par un enfant ? Est-ce l'enfant qui signera ? A l'évidence, l'agent de l'OMI sera obligé de revenir.
Pour éviter toutes ces difficultés, il nous paraît indispensable de prévoir une prise de rendez-vous et donc de supprimer ces visites inopinées.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Inopinées et inopportunes !
M. Robert Pagès. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès. J'aimerais que nous n'ayons pas, ici, un dialogue de sourds, mais c'est bien difficile !
Notre excellent collègue M. Dreyfus-Schmidt a posé la question : à quoi sert la visite inopinée ? Réponse : à rien ! (Exclamations sur les travées du RPR.)
En effet, il s'agit non pas de rencontrer des gens, mais, même si c'est contestable, d'examiner la qualité d'un logement. Que diable ! on ne change pas les cloisons et on ne pousse pas les murs aussi facilement !
Vous nous répondez, de manière assez spécieuse : en quoi cela vous dérange-t-il ? Moi, en tant que simple citoyen, cela me dérange beaucoup, car la visite inopinée a une connotation policière indiscutable. (Approbation sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
Tout de même ! mes chers collègues, accepteriez-vous, vous, pour quelque raison que ce soit, des visites inopinées ? (Oui ! sur les travées du RPR.)
M. Dominique Braye. Cela ne me gênerait pas !
M. le président. Mes chers collègues, du calme, je vous en prie.
M. Robert Pagès. Ce texte ne fait qu'aggraver le climat de suspicion et le caractère policier des enquêtes.
Je vous en prie, mes chers collègues, ne jouez pas les bulldozers ! Acceptez plutôt de revenir sur le caractère policier de ce texte. Le fond n'en sera pas changé, hélas ! mais au moins en aurez-vous quelque peu modifié la forme. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)

(M. Jean Delaneau remplace M. Jean Faure au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU