M. le président. Par amendement n° 26, M. Cabanel propose, à la fin de l'intitulé du projet de loi, de remplacer les mots : « le public » par les mots : « leurs usagers ».
La parole est à M. Cabanel.
M. Guy Cabanel. Comme je l'ai indiqué dans la discussion générale, l'intitulé qui nous est proposé souffre, selon moi, d'une certaine faiblesse et ne donne peut-être pas tout l'élan qu'elle mérite à cette réforme de l'administration.
Je vois à cela des arguments de forme, avec la symbolique du mot « public », et des arguments de fond, avec l'évolution de la société. Enfin, je m'interroge sur le risque juridique éventuel de l'utilisation du terme « usager ».
Avec l'intitulé du projet tel qu'il nous est proposé, nous sommes dans une symbolique quelque peu passéiste : après les sujets et les assujettis, le public connut son heure de gloire dans les années 1900 : les administrations étaient « ouvertes au public », « fermées au public », « interdites au public ». Aujourd'hui, la société est très différente : les citoyens sont conscients, organisés, ils veulent bénéficier de tous les avantages que l'Etat peut leur offrir et effectuer leurs démarches dans les meilleures conditions possible.
J'avais imaginé introduire dans cet intitulé le terme « citoyens », mais les administrations n'ont pas en face d'elles que des citoyens. J'ai donc préféré viser les usagers, qui, pour moi, jouent un grand rôle dans ce que devrait être la transformation de l'administration et des services publics à la française. Les administrations vivent en effet un peu leur vie propre, et le service public à la française, si nous n'y prenions garde, risquerait de préserver son efficacité alors même qu'il n'aurait pas à s'occuper des usagers. Si nos services publics sont moins fréquentés, c'est souvent parce qu'ils n'ont pas su s'organiser autour de leurs usagers, dialoguer avec eux.
C'est la raison pour laquelle l'expression « usagers » me semble préférable à l'expression passive de « public ».
Reste la grande question : existe-t-il un risque juridique à l'utilisation de ce terme ? Je vous interroge, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, et j'aviserai sur la conduite à tenir - maintien ou retrait de cet amendement - en fonction de votre réponse.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jacques Mahéas. Voyons si nous allons être bon public ! (Sourires.)
M. Jean-Paul Amoudry, rapporteur. La commission estime que le terme « public » paraît plus large et mieux adapté que le terme « usagers ».
Par ailleurs, je rappelle que le terme « public » figurait et dans l'intitulé de la loi du 17 juillet 1978 concernant - déjà ! - les relations entre l'administration et le public et dans celui de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs.
Toutefois, le décret du 28 novembre 1983, auquel nous avons beaucoup fait référence aujourd'hui, retient le terme d'« usagers ».
Dans ces conditions, la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Monsieur Cabanel, le terme « usager » ne couvre pas l'ensemble du problème. En effet, certaines personnes peuvent être concernées par des décisions de l'administration sans pour autant être des usagers. Les tiers intéressés ne sont pas nécessairement des usagers de ces services !
C'est la première raison pour laquelle je ne suis franchement pas favorable à ce changement d'intitulé, tout en comprenant très bien votre volonté, monsieur Cabanel, de trouver un mot qui symbolise davantage la relation positive qui doit exister entre l'administration et les administrés.
Par ailleurs - et cela me gêne davantage - les deux lois fondamentales en matière de relations entre l'administration et les administrés, la loi du 17 juillet 1978 et celle du 11 juillet 1979, visent bien - et c'est la raison pour laquelle nous avons repris cet intitulé - l'amélioration des relations entre l'administration et le public.
Telles sont les deux raisons qui me conduisent à donner un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 26.
M. Emmanuel Hamel. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel. Je partage l'avis de M. le ministre. Je trouve que le terme « public » sonne mieux : ce mot a une résonnance qui nous ressource dans un passé qu'il ne nous faut pas oublier.
Avec le mot « usager » la suggestion qui nous est faite est intéressante - comme le sont toutes celles de M. Cabanel - mais, personnellement et viscéralement, je reste attaché au mot « public », comme à celui de « République ». (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 26, repoussé par le Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement n'est pas adopté.)

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