CODE MINIER
DANS LES DÉPARTEMENTS D'OUTRE-MER

Adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 501, 1995-1996) portant extension partielle et adaptation du code minier aux départements d'outre-mer. [Rapport n° 216 (1996-1997).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Franck Borotra, ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, pour être efficace, une réforme se doit d'être simple, ce qui ne veut pas dire simpliste. Je vais donc m'efforcer de vous convaincre.
L'un de mes prédécesseurs, à cette même tribune, il y aura bientôt trois ans, vous présentait un projet de loi réformant le code minier. Cette loi, promulguée le 15 juillet 1994, vous la connaissez parfaitement, puisque vous avez bien voulu la voter, après lui avoir apporté d'utiles modifications. Je n'y reviendrai donc pas, sinon pour affirmer qu'elle a constitué, en quelque sorte, le premier volet de la réforme que j'ai l'honneur de vous soumettre aujourd'hui. Celle-ci a en effet pour objet de rendre applicable aux départements d'outre-mer le code minier de la métropole.
Dans ces départements, ou plutôt dans celui de la Guyane, qui seul dispose de réelles ressources minières, s'applique une réglementation quelque peu ancienne, remontant à l'année 1955, et ne respectant pas, malgré la loi de départementalisation, le principe constitutionnel selon lequel les lois de la métropole sont directement applicables dans les départements d'outre-mer.
Etendre la loi métropolitaine à ces départements ne correspond pas, vous le comprendrez donc, à un simple scrupule de juriste sourcilleux.
Cette réglementation autonome, fixée par le décret du 20 mai 1955, est restée à l'écart des réformes qui ont modifié le code minier : en effet, si l'on excepte le régime des carrières, aligné sur celui de la métropole en 1977, puis naturellement incorporé dans celui des installations classées avec la loi du 4 janvier 1993, les lois minières de 1970, 1977 et 1994 ont exclu les départements d'outre-mer de leur champ d'application par disposition spéciale.
De ce fait, le décret de 1955 n'a pas bénéficié des apports successifs de ces lois, notamment en ce qui concerne la prise en compte de l'environnement, la consultation du public, l'amélioration des procédures ou bien encore l'évolution des pratiques en matière pénale. De tous ces apports donc, la Guyane bénéficiera naturellement par l'extension du code minier métropolitain, plus exactement de son livre Ier, qui détermine le « régime général » applicable aux substances de mines. Tel est l'objet de l'article 1er du projet de loi.
Il a également paru nécessaire d'apporter quelques adaptations au code minier métropolitain. Celles-ci visent à prendre en compte les particularités de l'exploitation aurifère en Guyane et ne s'appliqueront donc qu'à ce département.
Tout d'abord, la réglementation actuelle est mal adaptée aux artisans. Leurs capacités techniques et financières sont insuffisantes pour leur accorder permis et concessions. L'orpaillage s'exerce donc sans véritable titre minier, l'administration tolérant que l'artisan ne possède qu'une autorisation personnelle minière.
Si cette situation précaire n'a pas posé trop de problèmes lorsque l'activité vivotait, il n'en est plus de même aujourd'hui.
Les artisans ont besoin d'un régime adapté à leurs activités et qui leur garantisse des droits sûrs et reconnus. C'est pourquoi - il s'agit là de la première des trois adaptations majeures prévues par le dispositif - le projet de loi qui vous est soumis prévoit la création d'un titre minier spécifique, prioritairement, mais non exclusivement, réservé aux artisans : l'autorisation d'exploitation.
J'évoquerai maintenant la deuxième innovation du projet de loi : le permis d'exploitation. Celui-ci a été supprimé du code minier métropolitain en 1994, mais il demeurait dans les départements d'outre-mer. Il paraît indispensable de le maintenir pour ceux-ci.
En effet, lors de nombreuses - et fructueuses - consultations qui se sont déroulées, notamment à Cayenne, au cours de l'élaboration de ce projet de loi, une revendication permanente a été présentée : la réduction des délais d'instruction.
Le rapporteur, M. Huchon, que je remercie beaucoup du travail qu'il a fait non seulement en Guyane, mais pour améliorer le projet, peut en témoigner. Or, comme vous le savez, instruire une demande de concession - seul titre d'exploitation en métropole actuellement - prend du temps.
Il faut étudier le dossier, le faire compléter, réaliser l'enquête publique minière, consulter le Conseil d'Etat puis, avant l'ouverture des travaux, procéder à une nouvelle instruction, qui comporte également une enquête publique, au titre de l'environnement.
Une telle procédure n'est pas adaptée aux petits gisements. Elle pénalise particulièrement les petites et moyennes entreprises qui ne sont pas adossées à de puissants groupes miniers.
Ces entreprises, une dizaine environ, sont parfois installées de longue date ; elles assurent actuellement, par leur activité, les trois quarts de la production aurifère de la Guyane. Le permis d'exploitation nouveau, d'une durée de cinq ans, qui peut être prolongée d'autant à deux reprises, leur est destiné. Afin de réduire les délais engendrés par la double procédure que je viens de rappeler à propos de la concession, une seule enquête sera réalisée, à la fois pour l'octroi du titre et pour l'ouverture des travaux. Ce dispositif devrait permettre de réduire les délais d'instruction de plusieurs mois par rapport à une concession.
Bien entendu, pour le bon fonctionnement de cette procédure, les entreprises devront présenter, avec la demande de permis, un dossier d'ouverture de travaux en bonne et due forme. Dans le cas contraire, à leur convenance, la double procédure sera conduite intégralement. Ce dispositif requiert un aménagement de l'actuel article 83 du code minier, auquel il sera procédé par décret en Conseil d'Etat.
Le régime de la concession, tel qu'il est prévu depuis la publication de la loi minière du 15 juillet 1994, sera étendu sans modification aux départements d'outre-mer.
Ce titre est bien adapté à l'exploitation des gisements d'or primaire, qui nécessite d'importants travaux de recherches, des méthodes modernes et donc des investissements considérables. Par ailleurs, les concessions de durée illimitée expirent, comme en métropole, en 2018, sous réserve de prolongation, de droit en cas d'exploitation. De fait, les concessions visées par cette disposition sont peu nombreuses en Guyane : vingt-huit très exactement. Certaines sont exploitées, les autres font l'objet de travaux de recherches.
A la suite des chocs pétroliers, le Gouvernement a relancé, dès 1975, la prospection minière par un inventaire minier du sous-sol de la métropole, de la Guyane et des territoires d'outre-mer. Les travaux de géologie et d'exploitation minière, qui ont été effectués par le bureau de recherches géologiques et minières en Guyane pendant vingt ans, ont considérablement fait progresser la connaissance du potentiel de ce département.
Les principaux résultats obtenus concernent l'or, avec, au total, une quinzaine de sites proposés à la profession. Il s'agit évidemment non pas de gisements d'or « clé en main », mais d'indices que les investisseurs miniers devront confirmer et développer, pour, éventuellement, les conduire jusqu'au stade de l'exploitation, moyennant un effort financier important.
J'ai successivement abordé tour à tour les artisans, les PME et les grands opérateurs miniers internationaux. A chacun d'eux correspond une catégorie de titre minier, sans exclusive toutefois : une grosse société pourra solliciter un permis d'exploitation, une petite entreprise une concession et l'artisan efficace passera au stade supérieur.
Afin de faciliter la coexistence d'une activité d'orpaillage avec le développement d'une exploitation industrielle, le projet de loi a prévu la possibilité d'accorder des autorisations d'exploitation à l'intérieur du périmètre d'un permis de recherches, voire d'un titre d'exploitation.
Compte tenu du caractère exclusif des droits conférés par les titres, qui est un principe fondamental de notre législation minière, il est nécessaire que cette opération, pour qu'elle se déroule dans de bonnes conditions, reçoive l'agrément du premier titulaire et qu'un transfert de responsabilités puisse être opéré à la charge du détenteur de l'autorisation d'exploitation. Il importe donc que des relations de confiance s'instaurent entre artisans et grands opérateurs pour permettre le bon fonctionnement de ce dispositif. Nous souhaitons choisir un dispositif qui facilite la discussion et qui ne s'inscrive pas dans un processus qui soit conflictuel.
Une autre innovation du projet de loi que j'ai l'honneur de vous soumettre concerne la cohabitation entre opérateurs miniers de catégories différentes, plus spécialement entre les artisans et les grands opérateurs.
D'autres relations, d'ordre contractuel, pourront voir le jour. L'administration veillera également à ne pas laisser geler des zones couvertes par un permis de recherches qui ne feraient pas l'objet de travaux miniers. A cet égard, un concessionnaire, compte tenu du temps nécessaire pour mettre en oeuvre un projet d'exploitation, pourra toujours laisser travailler sur sa zone des artisans dans le cadre d'un contrat de droit privé.
J'en viens maintenant, et ce sera le terme de mon intervention, à l'un des points essentiels du projet de loi : la commission des mines.
Les concertations locales - là aussi M. Huchon pourra en attester - ont fait apparaître deux fortes préoccupations de la part des élus locaux : d'une part, de plus fortes retombées économiques et fiscales pour la Guyane et, d'autre part, le souhait bien légitime d'être associés aux décisions minières.
Sur le premier point, hormis les conséquences en termes d'investissements, de développement de services et de création d'emplois que je viens d'évoquer, je dois dire, au risque de décevoir votre attente, que le projet de loi ne comporte aucune disposition fiscale. En effet, ce volet de la réforme a été confié à mes collègues en charge des finances et de l'outre-mer et sera discuté prochainement.
Sur le second point, il s'agit de créer une instance de concertation qui donnera à l'Etat un avis sur les demandes de titres miniers. La loi de 1993 a institué les commissions départementales des carrières dont le fonctionnement est satisfaisant. La future commission des mines, qui ne serait créée qu'en tant que de besoin, c'est-à-dire s'il y a une activité minière, s'inspire donc de la commission des carrières quant à sa composition et à son fonctionnement.
Elle réunira, autour du préfet, les représentants de la région, du département et des maires, des exploitants de mines et des associations de protection de l'environnement. Y siègeront également une personne qualifiée dans le domaine de l'exploitation minière et des représentants des services de l'Etat. Outre des avis motivés sur les dossiers individuels, cette instance sera invitée à se prononcer sur toute question intéressant l'activité minière.
Tels sont donc, mesdames, messieurs les sénateurs, rapidement évoqués, les grands axes du projet de loi qui vous est présenté aujourd'hui.
En conclusion, je voudrais mettre l'accent sur l'excellent climat dans lequel se sont déroulées, tant à Cayenne qu'à Paris, les très nombreuses concertations approfondies qui ont jalonné l'élaboration de ce texte.
A diverses reprises, notamment en juin 1995 lors de la présentation des résultats de l'inventaire, mes collaborateurs se sont rendus en Guyane pour procéder aux auditions de tous ceux qui participent à l'exploitation minière et au développement économique de la région.
Plusieurs membres du conseil général des mines ont fait de même ainsi que des représentants du ministre délégué à l'outre-mer, que je tiens à remercier ici de son aide efficace.
Tous ont été écoutés : artisans, petites et moyennes entreprises, grands opérateurs, fonctionnaires publics, élus locaux et représentants des organismes économiques ou sociaux. Une grande réunion, tenue à Paris le 22 novembre 1995 sous l'égide du ministre délégué à l'outre-mer, a permis de faire le point sur les avis des uns et des autres. Je puis vous affirmer qu'aucune opinion n'a été occultée ou évincée a priori et que la consultation a été dans ce domaine complète et exemplaire.
Mon objectif a été de rechercher une voie moyenne et équilibrée entre les divers intérêts en présence, qui permette de favoriser la relance de l'exploitation minière, au service de la Guyane et dans le respect de l'environnement. Je m'en remets, mesdames, messieurs les sénateurs, à votre jugement pour savoir si cet objectif d'équilibre a été atteint.
Je tiens, enfin, à renouveler tous mes remerciements et toutes mes félicitations à M. Jean Huchon pour l'excellent rapport qu'il a réalisé en concertation étroite evec les services de l'Etat, l'ensemble de la profession et les élus locaux qu'il a rencontrés sur place. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Huchon, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui a pour objet, d'une part, d'étendre le code minier métropolitain aux départements d'outre-mer et, d'autre part, de l'adapter à leurs spécificités.
Je vous rappelle que nous avions réformé le code minier par la loi du 15 juillet 1994, dont notre collègue Roger Husson, mon presque homonyme, avait été rapporteur.
Les principaux objectifs de cette réforme étaient les suivants. Elle tendait, d'abord, à simplifier et à accélérer la procédure d'octroi des permis de recherche minière.
Elle visait, ensuite, à moderniser et à renforcer la transparence des procédures d'attribution des titres miniers en fixant notamment des critères pour l'attribution et pour l'appréciation des capacités techniques et financières des demandeurs.
Elle avait également pour objet de simplifier le cadre juridique de l'exploitation. Elle a notamment supprimé le permis d'exploitation, la concession étant désormais le seul régime juridique d'exploitation des substances minières.
Elle tendait, par ailleurs, à moderniser et à renforcer la police des mines.
Elle visait, enfin, à moderniser le régime des carrières, ainsi que celui des sanctions pénales.
Cependant, cette réforme de notre droit minier n'est pas applicable aux départements d'outre-mer, par exception au principe de l'application automatique des lois de la République dans ces départements. En effet, le droit minier des départements d'outre-mer est autonome et résulte de deux décrets, celui du 20 mai 1955 et celui du 5 octobre 1956.
Si ces textes s'appliquent à tous les départements d'outre-mer, seule la Guyane est réellement concernée par l'exploitation des mines, dans la mesure où il n'existe pas de mine dans les autres départements. De plus, 99 % de l'activité minière en Guyane concerne une seule substance : l'or.
C'est pourquoi le présent projet de loi tend en réalité à modifier le cadre juridique de l'exploitation aurifère en Guyane. Comme vous l'avez indiqué, monsieur le ministre, et comme j'ai pu le constater, le Gouvernement a procédé à de larges consultations préalablement à la rédaction de ce texte. Toutefois, conscient de la divergence des intérêts en présence et nourri par l'expérience des précédents textes concernant l'outre-mer, j'ai souhaité me rendre brièvement en Guyane afin de m'assurer de la réalité du compromis fait par le présent projet de loi et de comprendre les enjeux d'un texte très technique, mais essentiel pour ce département.
En trois jours de travail très intensif, j'ai pu à la fois visiter des sites de recherche et d'exploitation aurifère, en pleine forêt tropicale, et rencontrer toutes les parties intéressées, qu'il s'agisse des élus ou des professionnels.
Comme vous l'avez indiqué, monsieur le ministre, il existe trois types d'opérateurs miniers en Guyane : les artisans, les petites et moyennes entreprises et les grandes sociétés internationales.
Les artisans, qu'on appelle orpailleurs, sont présents depuis les ruées vers l'or qu'a connues la Guyane à partir de 1855. Ils sont au nombre d'une centaine et produisent 20 % à 25 % de la production déclarée d'or. Je précise bien « déclarée », dans la mesure où une partie, sans doute importante mais difficile à évaluer, de l'or produit en Guyane échappe à toute déclaration et à tout contrôle.
La production totale déclarée d'or a été de 2,4 tonnes en 1995, ce qui met ce département à la cinquantième place pour la production d'or dans le monde, mais à la première pour la production d'or par habitant.
Ces artisans mineurs exploitent les gisements alluvionnaires, présents dans les lits des rivières, et qu'on appelle « or secondaire ».
Les petites et moyennes entreprises qui exploitent également les gisements alluvionnaires produisent 75% à 80% de l'or. Une petite dizaine d'entre elles emploie trente à cinquante personnes par site.
Enfin, au cours des cinq dernières années, à l'issue d'un inventaire établi par le BRGM qui a mis en évidence l'existence d'un certain nombre de sites aurifères en Guyane, des sociétés minières internationales ont manifesté un intérêt croissant pour la Guyane. Il s'agit de la COGEMA pour la France et, surtout, de sociétés américaines, canadiennes et australiennes. Elles participent dorénavant aux recherches et au développement de gisements profonds. Il s'agit de « l'or primaire », emprisonné dans une roche dure de l'ère primaire. Le stade de la production n'a pas encore été atteint, mais de grands espoirs sont permis.
Après avoir rapidement brossé ce tableau de l'exploitation aurifère en Guyane, j'en viens aux raisons ayant motivé le dépôt de ce projet de loi par le Gouvernement.
La première tient au caractère inadapté du droit minier applicable aux départements d'outre-mer. Datant de 1955 et de 1956, ce droit est inutilement complexe et difficilement applicable. Il comporte des spécificités qui ne correspondent plus aux besoins actuels.
Ainsi les orpailleurs se voient-ils accorder des autorisations personnelles minières, les APM, qui leur donnent des droits de prospection. Mais, par tolérance administrative, ils exploitent également l'or par le biais de ce titre. Toutefois, celui-ci n'est pas attribué pour une zone déterminée, ce qui rend le contrôle des exploitations extrêmement difficile, voire impossible.
Or, certaines exploitations ne respectent aucune norme en matière d'environnement, et l'usage courant et massif de mercure pose de graves problèmes de pollution pour les rivières guyanaises.
En outre, le décret de 1955 ne tenait pas compte des préoccupations actuelles en ce domaine. De plus, la Guyane se trouve confrontée à d'importants problèmes de travailleurs clandestins, guyanais et surtout brésiliens ou surinamiens, travaillant avec ou sans APM.
Cette réglementation paraît donc largement inadaptée aux structures de la profession et aux problèmes spécifiques de l'orpaillage. La réglementation minière doit permettre la coexistence des différentes catégories d'opérateurs miniers : les groupes internationaux doivent être incités à s'implanter en Guyane ; les petites et moyennes entreprises doivent pouvoir développer leur activité dans de meilleures conditions et les orpailleurs doivent pouvoir poursuivre la leur, tout en étant plus respectueux des règles de droit et de l'environnement.
En outre, le droit en vigueur ne satisfait pas les exigences actuelles concernant la consultation des élus locaux et des citoyens ainsi que celle des professionnels, qui estiment les procédures opaques et discrétionnaires.
Il était donc nécessaire de procéder à une réforme de la réglementation minière dans les départements d'outre-mer, ainsi que le prévoit le présent projet de loi, très attendu tant par les professionnels que par les élus. Ces derniers ont exprimé leur souhait de voir la Guyane pouvoir bénéficier à terme des retombées économiques et fiscales du développement de l'exploitation de l'or en Guyane. J'ai pu constater, hélas ! que la situation économique et sociale dans ce département n'était pas brillante et on peut espérer que ce développement attirera de nouveaux investissements et créera des emplois.
Par ailleurs, comme l'a évoqué tout à l'heure M. le ministre, une réflexion est menée sur la création d'une nouvelle taxe sur la production d'or, qui permettrait d'abonder les ressources des collectivités territoriales. Toutefois, elle va au-delà de l'objet du présent projet de loi.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, ce texte tend à rendre applicable le code minier métropolitain dans les départements d'outre-mer, sous réserve d'adaptations liées aux spécificités de l'exploitation aurifère en Guyane, ainsi que l'autorise l'article 73 de la Constitution.
Ces spécificités entraînent une première dérogation à une disposition du code minier métropolitain qui impose la mise en concurrence systématique des demandes de permis de recherche.
En Guyane, la diversité des opérateurs, donc de leurs capacités techniques et financières, justifie que cette mise en concurrence ne s'applique qu'au-delà d'une certaine superficie dont le seuil sera fixé par décret en Conseil d'Etat. Ainsi, seuls les projets d'envergure portant sur l'or primaire seront soumis à concurrence, en vertu de l'article 2 du projet de loi.
Ces adaptations justifient, en second lieu, la création de deux nouvelles catégories de titres : l'autorisation d'exploitation, l'AEX, et le permis d'exploitation, le PEX.
Ces adaptations concernent, d'abord, les orpailleurs. Il est ainsi proposé de remplacer l'autorisation personnelle minière, l'APM, par une autorisation d'exploitation, l'AEX, de courte durée puisqu'elle est de trois ans, accordée par arrêté préfectoral, sur avis d'une commission consultative. Ce titre, soumis à une procédure allégée, permettra d'exploiter de petits gisements, dont la surface maximale sera fixée par décret en Conseil d'Etat.
Ces adaptations concernent, ensuite, les permis d'exploitation. Alors que la loi du 15 juillet 1994 les avait supprimés, le projet de loi vise à les réactiver dans les départements d'outre-mer dans la mesure où ils paraissent, en effet, bien adaptés aux petites et moyennes entreprises pour exploiter les gisements alluvionnaires de moyenne importance. Leur durée serait de cinq ans et ils seraient accordés par arrêté ministériel après enquête publique.
Ces deux catégories de titres s'ajouteront donc au titre d'exploitation métropolitain qu'est la concession.
Enfin, les adaptations proposées concernent la cohabitation entre les artisans mineurs et les autres opérateurs miniers. L'article 5 permet au préfet d'accorder à un artisan une autorisation d'exploitation à l'intérieur du périmètre d'un autre titre minier, à condition que le titulaire de ce titre en soit d'accord.
Craignant que les sociétés internationales se refusent à tout accord, certains artisans et certaines petites et moyennes entreprises m'ont indiqué qu'ils souhaitaient que la décision de superposer ainsi deux titres soit plutôt confiée au préfet ou à la commission consultative départementale.
La solution retenue par le projet de loi me semble cependant meilleure. En effet, les craintes d'un refus systématique des sociétés internationales me semblent infondées, dans la mesure où ces dernières auront tout intérêt à entretenir de bonnes relations avec le milieu local et où le projet de loi prévoit l'exonération de leur responsabilité sur la « pastille » du périmètre de leur titre qui serait exploitée par un artisan.
Par ailleurs, la nécessité de discuter la modalité d'un accord incitera les différents opérateurs à cohabiter dans des conditions respectueuses de leurs modes d'exploitation respectifs et de l'environnement.
En outre, le projet de loi prévoit d'associer les élus locaux et les professionnels par le biais d'une commission départementale des mines, qui serait consultée pour avis sur les demandes relatives aux titres miniers.
Cette commission serait présidée par le préfet. Y participeraient, outre les élus - conseil régional, conseil général, association départementale des maires - l'Etat, les professionnels - artisans, petites et moyennes entreprises et sociétés internationales - et les associations de protection de l'environnement.
Cette réforme de la réglementation me paraît indispensable. Elle ne sera cependant pas suffisante car, pour être efficace, elle devra s'accompagner, d'une part, d'un effort d'organisation et de formation de la profession, surtout pour les orpailleurs, et, d'autre part, d'un renforcement des moyens de l'administration pour l'instruction des dossiers et le contrôle de l'activité.
J'ai pu constater à quel point ce contrôle était difficile et parfois illusoire, les seuls moyens d'accès aux sites étant la pirogue ou l'hélicoptère. La seule localisation des exploitations au coeur de la forêt tropicale n'est pas une mince affaire.
En conclusion, j'ai pu, au cours de ma brève mission, constater l'ampleur de la consultation effectuée par le Gouvernement sur ce texte. Réalisant un compromis satisfaisant entre des intérêts divergents, ce projet de loi me semble de nature à permettre le développement de l'activité aurifère en Guyane, dans des conditions satisfaisant à la fois les professionnels et les élus et répondant à l'intérêt général de la Guyane. Il me semble également indispensable, monsieur le ministre, que cette concertation se poursuivre pour la rédaction des décrets.
Mes chers collègues, je vous proposerai d'adopter douze amendements, deux d'entre eux portant sur le fond, les autres permettant de lever certaines ambiguïtés du texte, de rectifier des erreurs matérielles et de clarifier la rédaction.
En conclusion, je vous demande d'approuver ce projet de loi, qui est indispensable pour l'avenir de la Guyane. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Othily.
M. Georges Othily. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'accroissement de la production aurifère du département de la Guyane depuis quelques années, l'intérêt marqué récemment par les groupes miniers internationaux pour son potentiel aurifère, enfin, l'achèvement de l'inventaire minier conduit par le BRGM et financé par la collectivité régionale ont contribué à remettre au premier plan les problèmes de l'exploitation minière en Guyane, notamment celui que pose l'ancienneté de la réglementation applicable : un décret du 20 mai 1955 et son décret d'application du 5 octobre 1956.
Du fait de son ancienneté, cette réglementation ne satisfait plus aux exigences actuelles en ce qui concerne la consultation des élus locaux, des services administratifs et du public. Quant aux opérateurs, les procédures leur paraissent parfois opaques et discrétionnaires.
Enfin, la réglementation ne permet pas aux artisans mineurs d'exercer leur activité dans un cadre approprié.
L'ensemble des orpailleurs de Guyane craignait en effet d'avoir à déplorer l'absence de solution aux problèmes qui se posent à eux, et ce d'autant plus que, si l'activité minière métropolitaine est aujourd'hui déclinante, ce n'est pas le cas en Guyane, où ce secteur économique se révèle plus productif jour après jour.
Si l'obsolescence du code minier rend sa réactualisation nécessaire en métropole, elle impose a fortiori de dégager de nouvelles solutions législatives propres à la Guyane.
D'une façon plus générale, je suis satisfait, monsieur le ministre, de constater que le Gouvernement, à l'instar de notre rapporteur, a souhaité justifier l'adoption d'une législation propre aux département d'outre-mer en invoquant l'article 73 de la Constitution. Il me semble en effet que, dans bien d'autres domaines, il conviendrait de tenir compte des spécificités propres à la Guyane et de provoquer ainsi plus souvent l'adoption de règles législatives dérogatoires qui, peut-être, un jour plus ou moins proche, feront de ce vaste département un pays doté d'un régime particulier au sein de la République.
Sur le territoire français métropolitain, on distingue, depuis l'adoption de la loi de 1994 portant réforme du code minier, deux types de titres miniers ouvrant droit à l'exploitation d'un gisement : le permis exclusif de recherches, accordé par arrêté du ministre chargé des mines pour une durée inférieure ou égale à cinq ans et prorogeable deux fois cinq ans ou moins, et la concession, accordée par décret en Conseil d'Etat pour une durée de cinquante ans et prorogeable par périodes de vingt-cinq ans.
En Guyane, où la loi de 1994 n'est pas appliquée, le régime juridique distingue les différents titres miniers au regard de leur objet : les autorisations personnelles minières sont accordées en vue de permettre la prospection, c'est-à-dire des investigations superficielles ; les permis de recherches autorisent des travaux en vue d'établir l'existence même du gisement ; enfin, les permis d'exploitation ou concessions permettent l'exploitation à proprement parler.
S'il existe trois types de titres miniers en Guyane, il existe également trois types d'entreprises pratiquant l'exploitation aurifère, ainsi que trois types d'exploitation aurifère, un certain parallélisme pouvant être relevé entre ces deux dernières catégories.
Les orpailleurs, artisans-mineurs extrayant environ 20 % de la production aurifère globale, travaillent essentiellement l'or secondaire, c'est-à-dire celui qui provient des gisements éluvionnaires et alluvionnaires, plus facile à extraire et ne nécessitant pas la mise en place de gros chantiers.
Les petites et moyennes entreprises, qui représentent 75 % de la production aurifère globale, procèdent également à l'extraction de l'or secondaire, même si les moyens dont elles disposent sont supérieurs à ceux des orpailleurs.
Enfin, quelques grandes multinationales, nord-américaines pour la plupart, exploitent l'or primaire, très difficile à atteindre, nécessitant de lourds moyens d'investigation, dans la mesure où il s'agit de forer des roches dures afin d'atteindre des filons.
Les attentes formuées par chacun de ces groupes au regard de ce projet de loi sont extrêmement variées, ce qui rend la rédaction de ce texte délicate.
Je m'attacherai à traiter essentiellement des difficultés rencontrées par les artisans et par les petites et moyennes entreprises qui, bien que différentes, se rejoignent souvent.
Chez ces deux catégories d'exploitant, on relève de nombreuses revendications liées aux délais de délivrance des autorisations d'exploitation et à la complexité des procédures. Je sais que l'une des volontés du Gouvernement et de la commission est de mettre un terme à ces difficultés purement administratives. Les propositions effectuées vont dans le bon sens, même s'il semble que le chemin à parcourir soit encore long.
Concernant la situation des orpailleurs, le projet de loi propose de remplacer l'autorisation personnelle minière par une autorisation d'exploitation, accordée par arrêté préfectoral, après avis de la commission des mines, pour une courte durée, en vue de l'exploitation de petits gisements.
C'est un décret en Conseil d'Etat qui devra prévoir la surface maximale pouvant être concédée à un orpailleur en vertu d'une autorisation d'exploitation. L'article 68 du code minier précise en effet que « l'autorisation d'exploitation est délivrée sur une superficie dont le maximum est fixé par décret en Conseil d'Etat ».
Monsieur le ministre, vous nous indiquez que cette superficie pourrait être fixée à trente hectares. Si telle devait être la solution retenue, je dois avouer qu'elle ne serait guère satisfaisante dans la mesure où, à l'heure actuelle, les APM délivrées par la DRIRE concernent des superficies de 100 hectares, ce qui correspond effectivement à la surface qu'exploite un artisan à l'aide d'une pelle excavatrice. Prévoir une superficie inférieure dans le décret, ce serait reculer par rapport aux dispositions actuelles.
Pour justifier la surface de 30 hectares en voie d'être retenue, il a été indiqué que, si les orpailleurs évoluaient jusqu'alors sur des surfaces de 100 hectares, seul un tiers, soit 30 hectares, se révélait utile.
Monsieur le ministre, cette observation est juste et j'y souscris. Toutefois, vous semblez oublier que, si l'orpailleur n'exploite utilement que 30 hectares de terrain, c'est après avoir prospecté pendant deux ou trois ans sur les 100 hectares en vue de la découverte du filon.
Un orpailleur ne peut en effet savoir, avant d'effectuer les démarches de prospection nécessaires, où vont se situer les fameux trente hectares utiles. Dès lors, accorder des autorisations d'exploitation de cette taille me semble risqué. J'ai donc déposé un amendement pour m'assurer que le Conseil d'Etat prendra ces données en considération.
En ce qui concerne le nombre maximal d'autorisations d'exploitation qui pourront être accordées à un même orpailleur, je constate que le Gouvernement a entendu les artisans puisque le chiffre retenu - trois autorisations d'exploitations par orpailleur - correspond effectivement aux besoins de la profession, même si certains ont parfois manifesté le souhait de voir ce chiffre augmenté.
Dans un autre domaine, je crains que la disparition des permis portant sur des surfaces de 25 kilomètres carrés n'affecte la situation de certaines PME exploitant de l'or alluvionnaire.
En effet, la plupart des PME disposent de moyens leur permettant de dépasser le cadre de l'entreprise artisanale sans pour autant prétendre à une exploitation massive.
Pour ces dernières, les nouvelles autorisations d'exploitation s'avèrent insuffisantes. Par ailleurs, la procédure de délivrance des permis d'exploitation est trop lourde si la demande porte sur des surfaces de 25 kilomètres carrés environ.
C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité introduire deux dispositions, dont une de coordination, visant à prendre en compte cette situation en créant un permis intermédiaire adapté à ces petites entreprises.
La procédure de délivrance de ces permis serait allégée : le préfet, et non plus le ministre, y procéderait, sans recourir à la mise en concurrence.
Plus délicat encore est le problème de la superposition des titres miniers. En effet, il n'est pas rare que les multinationales travaillant l'or primaire soient amenées à cohabiter sur les mêmes terres que celles des artisans orpailleurs et des PME.
Rien ne s'oppose, en effet, à ce que, sur un même périmètres, une grosse entreprise s'attache à extraire l'or primaire par 400 mètres de fond tandis que l'orpailleur exploite les gisements alluvionnaires en surface.
La loi doit procéder à l'aménagement juridique de cette cohabitation. Dans le texte que vous nous proposez, monsieur le ministre, il est prévu qu'un orpailleur pourra venir travailler sur des terres concédées à une société internationale, avec l'accord de cette dernière.
La question que tout le monde se pose est donc la suivante : que se passera-t-il lorsque le titulaire d'un permis exclusif de recherches, d'un permis d'exploitation ou d'une concession refusera que des autorisations d'exploitation soient délivrées aux tiers ?
Lorsque j'ai abordé cette question au cours des différentes réunions qui se sont tenues sur ce sujet, il m'a été répondu que lesdites sociétés ne feraient pas obstacle à l'installation, sur leurs terres, d'artisans orpailleurs.
De surcroît, il m'a été précisé qu'il n'était pas dans l'intérêt de ces sociétés de refuser systématiquement les demandes de « cohabitation » qui pourraient leur être présentées dans la mesure où, témoignant ainsi d'une certaine mauvaise volonté, elles prendraient, en conséquence, le risque de se voir opposer, par la commission des mines, un avis défavorable lors d'une prochaine demande de titre minier.
Monsieur le ministre, si les choses doivent se dérouler de la sorte et qu'elles paraissent si claires et sans danger pour les orpailleurs, pourquoi ne pas inscrire ce principe dans la loi ? Pourquoi ne pas prévoir, en effet, que la commission des mines ou le préfet puisse, en cas de refus, jouer un rôle de médiation, voire remettre en cause le refus de cohabitation lorsqu'il s'avère abusif ?
C'est la raison pour laquelle j'ai déposé un amendement visant à ce que le tiers essuyant le refus d'une multinationale puisse le contester devant la commission des mines. Cette dernière pourrait alors indiquer au préfet si le refus exprimé est ou non abusif afin que, dans ce dernier cas, un arrêté préfectoral puisse pallier l'absence d'accord.
Une autre de mes inquiétudes concerne les procédures de contrôle applicables aux exploitants miniers.
Je sais que, en vertu de l'article 1er de ce projet de loi, l'ensemble des dispositions du code minier auront vocation à s'appliquer en Guyane, y compris celles qui sont relatives à la police des mines et au régime des sanctions pénales.
Toutefois, l'idée selon laquelle les mesures de contrôle et les sanctions prévues par le code minier recevraient une juste application sur le territoire guyanais me semble totalement illusoire.
Les caractéristiques géographiques du département de la Guyane - je pense notamment aux difficultés de circulation au sein de la forêt tropicale - rendent nécessaires l'adoption de mesures de contrôle propres à cette collectivité. Il convient également de veiller à ce que les autorités chargées d'effectuer ces contrôles disposent des moyens humains et matériels suffisants pour y parvenir.
J'attire également votre attention, mes chers collègues, sur le fait que les dispositions législatives en matière de protection de l'environnement, en particulier la loi sur l'eau du 2 janvier 1992, ne sont pas appliquées en Guyane. Alors qu'il est interdit d'exploiter le lit des rivières, il n'est pas rare de trouver des contrevenants à ce texte qui, de surcroît, procèdent à cette exploitation à l'aide de mercure.
Je sais que ces questions ne relèvent pas exclusivement de votre ministère, mais je souhaitais attirer votre attention sur l'intérêt qu'il convient d'y consacrer, faute de quoi la réforme qui nous est proposée serait d'ores et déjà inadaptée.
Enfin, à de nombreuses reprises, il est prévu que des décrets en Conseil d'Etat détermineront les mesures nécessaires pour parvenir à une juste application de la loi.
Monsieur le ministre, nous sommes habitués, outre-mer, à attendre éternellement la publication de décrets d'application. Je suis donc amené à douter très fortement de la publication en temps et en heure des décrets prévus par ce texte-ci. Les orpailleurs souhaitent que ces décrets interviennent très rapidement, et nous espérons qu'ils seront entendus. Au demeurant, il convient qu'ils ne soient publiés qu'après la consultation de la collectivité départementale prévue par le décret d'avril 1960.
Enfin, un rapport a été remis par l'ingénieur Boisson à M. le ministre de l'économie et des finances sur la situation fiscale de l'or guyanais. Il faut que ses conclusions soient prises en compte, afin que, dans la continuité du texte que nous examinons aujourd'hui, la Guyane soit dotée d'un statut fiscal adéquat quant à la production aurifère ; à défaut, ce projet de loi n'apportera rien de productif pour le développement de la Guyane.
En conclusion, monsieur le ministre, je souhaiterais vous faire partager les inquiétudes de l'homme de terrain et du défenseur des collectivités locales que je suis : il est indispensable de prendre en considération la situation des petits artisans et des PME, qui constituent les forces vives de notre département. Les uns et les autres attendent beaucoup des propositions que je formule à travers plusieurs amendements.
Lors du vote final, je me prononcerai en fonction des solutions que vous aurez bien voulu trouver pour prendre en compte mes préoccupations.
M. Franck Borotra, ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Franck Borotra, ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications. Monsieur le rapporteur, je tiens tout d'abord à vous remercier du travail que vous avez accompli sur ce texte.
Vous avez su parfaitement, dans votre intervention, décrire les objectifs qui sont ici visés et vous avez à juste titre insisté sur la concertation qui a accompagné l'élaboration de ce projet.
Permettez-moi de rappeler à votre suite les objectifs de ce projet de loi : soumettre les DOM au code minier qui a été voté en 1994 ; moderniser le code minier ; prendre en compte la spécificité guyanaise avec la création de l'AEX et du PEX ; organiser la cohabitation entre les différents opérateurs sur le terrain et mettre en place une instance de concertation.
Par ailleurs, c'est vrai, depuis 1995, la concertation a été exemplaire. A de nombreuses reprises, les communes, les conseils généraux, les conseils régionaux, l'Etat, la fédération des métaux non ferreux, le syndicat des orpailleurs ont pu se rencontrer et discuter. Je crois pouvoir dire qu'un consensus s'est ainsi dégagé : globalement ce texte est accepté par toutes les parties et toutes souhaitent le voir entrer en vigueur le plus rapidement possible.
A ce propos, et je réponds là en même temps à l'un des points de l'intervention de M. Othily, je veux souligner que, selon moi également, le vote de ce texte doit intervenir le plus tôt possible et que les décrets d'application devront être pris dans les délais les plus brefs.
Je veillerai personnellement à ce que la loi soit bien appliquée tant à Cayenne qu'à Paris, tout particulièrement pour ce qui concerne les délais d'instruction.
Je vous remercie également, monsieur le rapporteur, de la position que vous avez exprimée au sujet de la cohabitation entre les artisans mineurs et les autres opérateurs miniers. Deux attitudes sont effectivement possibles : soit celle de l'autoritarisme administratif, soit celle qui consiste à susciter la discussion, la négociation.
La voie autoritaire - je le répéterai tout à l'heure en vous répondant plus directement, monsieur Othily - n'est pas conforme au droit français, qui reconnaît un droit de propriété au concessionnaire. J'ajoute que, à mes yeux, elle n'est pas efficace. Par conséquent, la possibilité de jouir d'une AEX à l'intérieur du périmètre correspondant à un autre titre minier doit être effectivement reconnue, sous réserve, bien entendu, de l'accord du titulaire. Je me félicite de la convergence entre la position du Gouvernement et celle de la commission sur ce point.
Monsieur Othily, j'ai apprécié l'intérêt, au demeurant bien naturel, que vous portez à ce texte, et je tiens à vous remercier d'avoir exprimé votre satisfaction devant la volonté du Gouvernement de mettre en place une législation propre aux DOM.
S'agissant de la superficie affectée à l'AEX et de la prospection artisanale, vous avez honnêtement reconnu que, dans la quasi-totalité des cas, la surface utile était bien de 30 hectares. Vous avez cependant ajouté que, pour exploiter effectivement 30 hectares, il fallait prospecter sur 100 hectares et qu'il était donc nécessaire que la superficie affectée à l'AEX soit étendue à 100 hectares.
Je suis en désaccord avec votre analyse, et cela pour une raison simple : l'AEX est prévue non pour la prospection mais pour l'exploitation.
Je rappelle que les artisans ne font pas de recherches, ou qu'ils en font très peu, et qu'il n'a pas été prévu d'instituer un titre spécifique pour la recherche.
Au demeurant, l'artisan bénéficie, comme n'importe quel opérateur minier, de la possibilité conférée par l'article 7 du code minier de prospecter sans titre, sous réserve de l'accord du propriétaire et d'une déclaration au préfet.
Par conséquent, vouloir accroître la superficie couverte par l'AEX en fonction de l'exigence de la prospection, c'est confondre la prospection, qui est ouverte sans titre minier, et l'exploitation qui, elle, suppose une autorisation.
En ce qui concerne les PEX portant sur une petite surface, je rappellerai simplement que, en-dessous d'un certain seuil, qui sera fixé par décret en Conseil d'Etat, il y aura dispense de mise en concurrence. Bien entendu, le décret tiendra compte des problèmes des PME. C'est d'ailleurs à elles que le dispositif des PEX est essentiellemet destiné.
J'ajoute que ce dispositif est très souple : pas de maximum ni de minimum de surface, durée modulable dans la limite de cinq ans.
Il ne me semble donc pas nécessaire de prévoir une quatrième catégorie de titres. Cela ne ferait que compliquer un dispositif que l'on a voulu aussi resserré que possible, afin qu'il soit parfaitement lisible.
Pour ce qui est de la superposition des titres, je le répète, l'esprit du texte est de refuser que l'autorisation administrative puisse revenir sur la décision de concession du titre minier : on ne peut, par la force administrative, imposer à quelqu'un qui a reçu la concession d'un titre minier de faire quelque chose qu'il ne souhaite pas. Il faut choisir entre la procédure conflictuelle et la discussion. Le texte privilégie la négociation.
Cela dit, bien sûr, si les conditions que prévoit le projet de loi ne sont pas respectées, une procédure de déchéance pourra être déclenchée.
Il est donc de l'intérêt même de l'artisan d'obtenir l'accord avant le déclenchement d'une procédure. Par conséquent, la négociation préalable est indispensable. S'il y a refus réitéré, les services de la DRIRE et ceux de la préfecture auront naturellement vocation à organiser une négociation de telle manière que l'ensemble du système fonctionne bien.
Enfin, monsieur Othily, vous avez évoqué le problème de l'application de la loi sur l'eau.
En vérité, le souci de la protection de l'environnement, notamment au regard de la loi sur l'eau, est pris en compte dans ce projet puisque, en étendant aux départements d'outre-mer le code minier métropolitain, il étend par là même les dispositions du décret de mai 1995 relatif à l'ouverture et à la police des mines, qui ont intégré les prescriptions de la loi sur l'eau lors de la réforme du code minier de 1994.
Ce décret a notamment prévu que les autorisations délivrées au titre du code minier valent autorisation au titre de la loi sur l'eau. Il s'appliquera donc désormais en Guyane. Le présent projet apporte ainsi une réponse législative à votre préoccupation.
J'ajouterai en conclusion, monsieur Othily, que vous ne devez pas douter de notre volonté de voir ce texte s'appliquer effectivement et le plus rapidement possible.
Soyez assuré que je veillerai à ce que la publication des décrets respecte l'échéancier et qu'ils soient pris après concertation.
Je sais que la Guyane attend ce texte. Notre devoir est de faire en sorte qu'il soit une réponse adaptée aux souhaits des orpailleurs, des petites et moyennes industries et des grands opérateurs. C'est l'esprit du projet de loi et c'est la volonté du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.

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