M. le président. Je suis saisi d'une motion n° 1, présenté par MM. Allouche, Autain, Authié, Badinter, Mme ben Guiga, MM. Biarnès, Charzat, Delanoë, Dreyfus-Schmidt, Estier, Mme Durrieu, MM. Mahéas, Mélenchon, Mmes Pourtaud, Printz, M. Rocard et les membres du groupe socialiste et apparentés, et tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, portant diverses dispositions relatives à l'immigration (n° 236, 1996-1997). »
Je rappelle qu'en application du dernier alinéa de l'article 44 du règlement du Sénat ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, auteur de la motion.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, soutenir devant le Sénat, comme j'ai l'honneur de le faire au nom du groupe socialiste, une motion d'irrecevabilité consiste à exhorter les membres de la Haute Assemblée à ne pas désobéir à la loi suprême et à respecter la Constitution, ses dispositions diverses, les textes auxquels elle se réfère, c'est-à-dire la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, les préambules des constitutions de 1946 et de 1958 ainsi que les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République.
En matière d'immigration comme en tant d'autres, il est à l'évidence contraire à la Constitution d'abandonner l'exécution de mesures de police à l'exécutif, à ses préfets, ses policiers et ses procureurs en éliminant leur contrôle par l'autorité judiciaire, laquelle, aux termes de l'article 66 de la Constitution, est en France la seule gardienne des libertés.
C'est donc à elle, et à elle seule, qu'il appartient de rechercher et de dire si un émigré est ou non, aux termes de la loi, régulier ou régularisable, expulsable ou non.
Certes, le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 11 août 1993, a reconnu que l'autorité judiciaire « comprend à la fois les magistrats du siège et ceux du parquet », mais il n'en a pas moins souligné que, pour certains actes, « l'intervention d'un magistrat du siège peut être requise ».
Cela doit être d'autant plus vrai à une époque où le Président de la République, lui-même chargé par la Constitution de veiller à son respect, même s'il déplore que « les procureurs n'obéissent pas », reconnaît qu'il existe entre le Gouvernement et les magistrats du parquet un « cordon ombilical ».
Ce qui est d'autant plus indéniable que l'actuel exécutif, pour nommer les magistrats du parquet, passe fréquemment outre, comme il en a, hélas ! le droit, aux avis du Conseil supérieur de la magistrature, qui vient de le souligner avec éclat.
Ces principes généraux rappelés, et à leur lumière, il est clair que, dans le projet de loi dont l'examen nous réunit, est anticonstitutionnel, aux articles 2 et 10, le fait de s'en remettre précisément au procureur de la République et non à un magistrat du siège, contrairement à ce que prévoit déjà l'article L. 611-13 du code du travail, du soin d'autoriser les policiers « à entrer dans les lieux à usage professionnel, ainsi que dans les annexes et dépendances, sauf s'ils constituent un domicile », sans d'ailleurs qu'il soit précisé si cette restriction s'applique à l'ensemble des lieux ou seulement aux « annexes et dépendances » et sans que soit limité dans le temps l'accès à ces « locaux » - c'est la décision du Conseil constitutionnel du 27 décembre 1990 - la limitation de la validité des réquisitions du procureur de la République à un mois ne pouvant se confondre avec la limitation nécessaire de la visite elle-même.
Sont de même anticonstitutionnels, parce qu'ils visent à supprimer un dernier contrôle de l'autorité judiciaire, les articles 5 et 8 ter nouveaux du projet de loi, qui « tordent le cou » à la commission des étrangers.
Est également anticonstitutionnel l'article 8, qui double le délai au terme duquel, en matière de rétention administrative, un magistrat du siège est saisi, alors que le Conseil constitutionnel a relevé, en matière de zone de transit, dans sa décision du 25 février 1992, que cette saisine « doit intervenir dans les meilleurs délais », et ce d'autant plus que le même article permet de retenir administrativement une personne sans limitation de durée « tous les sept jours » au titre d'une même « décision de maintien », ce que la Cour de cassation a condamné, dans son arrêt Rasmi contre Préfet du Haut-Rhin du 1er mai 1996, parce que contournant la durée maximale de rétention jugée tolérable par le Conseil constitu-tionnel.
Le même article 8 est également anticonstitutionnel parce qu'il rompt la nécessaire égalité des armes des parties à un procès en accordant au seul procureur de la République la possibilité de demander que son appel soit suspensif, l'intéressé étant, en outre, retenu dans les locaux du tribunal sans limitation de durée, c'est-à-dire tant que le premier président de la cour d'appel n'a pas statué alors que - c'est la décision du Conseil constitutionnel du 3 septembre 1986 - « une telle mesure de rétention, même placée sous le contrôle du juge, ne saurait être prolongée, sauf urgence absolue et menace de particulière gravité pour l'ordre public, sans porter atteinte à la liberté individuelle garantie par la Constitution ».
Faut-il rappeler qu'en matière pénale et, plus précisément, en matière de détention provisoire la personne mise en examen comme le procureur de la République peuvent demander que l'appel soit suspensif, étant entendu qu'en tout état de cause, et si le juge d'instruction a refusé le placement en détention provisoire, vous le savez bien, monsieur le ministre, l'intéressé est immédiatement mis en liberté ?
Or ce qui est vrai de la rétention judiciaire est encore plus vrai de la rétention administrative. Et le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 13 août 1993, a considéré à juste titre « que la rétention judiciaire n'est pas une peine ; que, s'agissant d'une mesure aboutissant à priver totalement une personne de sa liberté pendant une période déterminée dans le cours d'un procès pénal, elle ne saurait être assortie de garanties moindres que celles assurées aux personnes placées en détention provisoire ; que, dès lors, la disposition contestée ne satisfait pas aux garanties légales de la liberté individuelle ».
Pour d'autres motifs, pratiquement tous les autres articles du projet de loi sont contraires à la Constitution.
Il en est ainsi du texte proposé pour l'article 8-1 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 par l'article 3 du projet de loi, qui autorise la rétention du passeport alors que, et je cite toujours la décision du 13 août 1993 « la liberté d'aller et venir [...] n'est pas limitée au territoire national, mais comporte également le droit de le quitter ».
Or, pour que l'intéressé puisse exercer librement son droit de quitter le territoire national, ce que souhaitent par hypothèse les autorités administratives, il faut qu'il ait le choix du lieu de destination parmi ceux qui lui sont accessibles et, partant, le choix du lieu de départ, c'est-à-dire le lieu de franchissement de la frontière à partir duquel il peut atteindre cette destination. Il est donc contraire à la Constitution que les autorités aient le droit de déterminer discrétionnairement les modalités de restitution du passeport sans même prévoir le droit de l'intéressé à en choisir au moins le lieu.
Est anticonstitutionnel de prévoir à l'article 8-2 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 proposé par l'article 3 du projet de loi, d'immobiliser quatre heures un véhicule qui ne soit pas une voiture particulière pour une visite sommaire, aucune limite n'étant prévue par le texte s'il n'y a pas lieu d'attendre d'instructions du procureur de la République !
Est anticonstitutionnelle, au même article 8-2, l'assimilation entre la Guyane et l'espace Schengen où le principe d'une libre circulation entre divers Etats justifie seul pour le Conseil constitutionnel des mesures compensatrices nécessaires à la sécurité ! C'est la décision du 5 août 1993, que vous avez citée devant l'Assemblée nationale, monsieur le ministre.
En ce qui concerne le texte proposé pour un article 8-3 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, outre qu'il n'existe pas un seul pays civilisé pour relever les empreintes digitales de ceux qui demandent à y séjourner, c'est, dans le dernier état du texte, le Gouvernement lui-même qui déterminerait les fonctionnaires habilités à en consulter les fichiers, rappel étant fait que c'est M. Michel Poniatowski, et non la gauche, qui a supprimé, en France les fiches d'hôtel au motif qu'elles étaient inexploitables !
Ne sont pas moins anticonstitutionnels les articles 3 bis et 3 ter , qui permettent à l'administration de retirer, sans aucune limitation dans le temps, la carte de séjour temporaire ou la carte de résident de l'employeur étranger ayant occupé un travailleur étranger en situation irrégulière sans attendre que la justice ait constaté la réalité de l'infraction prétendue.
Or, en la matière, le tribunal a la faculté de prononcer l'interdiction du territoire français « pour une durée de cinq ans au plus », et ce en vertu de l'article L. 364-9 du code du travail.
Dès lors, pour les mêmes faits, sur le même fondement, et en vertu des articles 3 bis et 3 ter du projet de loi, l'administration pourrait prononcer une sanction plus grave que celle que le juge pénal aurait estimé appropriée.
Or il est contraire à l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de laisser l'administration prononcer une peine que le juge pénal a choisi d'écarter alors qu'il pouvait l'appliquer et qui n'était donc pas « strictement et évidemment nécessaire ».
Il est, en outre, contraire à l'article 16 de la même déclaration des droits de l'homme et du citoyen, et donc à la séparation des pouvoirs, de donner à l'administration le droit de mettre en cause la chose jugée par la juridiction pénale dans l'application d'une disposition répressive.
Enfin, il serait contraire à l'article 66 de la Constitution que l'administration, dans un domaine qui intéresse au plus haut point la liberté, puisse substituer son appréciation, sans présenter les mêmes garanties, à celle de l'autorité judiciaire gardienne de la liberté individuelle.
De nombreuses dispositions de l'article 4 sont anticonstitutionnelles.
Il est sans doute déjà anticonstitutionnel comme contraire au droit au travail que de laisser sans papiers, et donc sans possibilité de travailler, des étrangers inexpulsables aux termes de l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945.
Si, je m'empresse de le dire, nous sommes parfaitement d'accord pour sanctionner les polygames, ce n'en est pas moins anticonstitutionnel, car ce n'est pas la même chose de s'en prendre à l'étranger, homme ou femme, « vivant en état de polygamie ». L'expression est, en effet, malheureuse, car vivent en état de polygamie, qu'ils soient ou non sous le même toit, non seulement ceux ou celles qui ont consciemment contracté plusieurs unions, mais également ceux ou celles qui, sans savoir que les premiers étaient déjà mariés, les ont épousés. S'ils ne vivent pas sous le même toit, ils peuvent même continuer à ignorer leur infortune !
Quoi qu'il en soit, il ne serait pas acceptable qu'à cette infortune soit ajouté le malheur d'une reconduite à la frontière pouvant intervenir après des années de présence en France et sans qu'il y ait eu de la part de l'intéressé - homme ou femme - la moindre manoeuvre ni la moindre mauvaise foi...
Quant aux dispositions du 5° de l'article 4 du projet de loi, elles distinguent le père ou la mère d'un enfant français de moins de seize ans résidant en France du père ou de la mère d'un enfant français de plus de seize ans résidant en France. Il y a là une absurde, inadmissible et anticonstitutionnelle rupture d'égalité entre parents étrangers d'enfants mineurs français.
Il est encore contraire à la Constitution d'exiger d'un parent d'enfant français qu'il subvienne à ses besoins alors qu'il peut n'en avoir pas les moyens, mais n'en être pas moins un excellent parent, s'occupant de son enfant, exerçant régulièrement le droit de visite, s'occupant de ses études, bref « exerçant, même partiellement, l'autorité parentale », ce pourquoi les articles 15 et 25 de l'ordonnance mettent à juste titre sur le même plan le second cas et le premier, ce que ne fait plus le texte qui nous revient de l'Assemblée nationale et que la commission des lois propose d'accepter.
Il serait contraire cette fois à la liberté d'aller et venir d'exiger de l'étranger - comme le fait l'article 4 bis dans la dernière rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale et que la commission des lois du Sénat propose d'accepter - d'exiger donc de l'étranger, pour renouveler de plein droit une carte de résident, qu'il « ait conservé sa résidence habituelle en France au moment de la demande », ce qui semble vouloir dire qu'il devra être en France à ce moment, alors qu'en vertu de l'article 18 il peut quitter le territoire français pour une période allant jusqu'à trois ans, voire plus s'il y est autorisé.
L'article 7, lui-aussi, est anticonstitutionnel : il refuse le droit d'asile à celui qui présente des demandes d'admission sous des identités différentes, même s'il a des « raisons valables » et si, au fond, la demande est en soit fondée, ce qu'a, à juste titre, estimé le Conseil d'Etat, au terme d'une jurisprudence constante, que cet article 7 a injustement pour objet de tourner.
M. Philippe François. Prenez le temps d'une gorgée d'eau, cher collègue !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Est anticonstitutionnel enfin, à l'évidence, l'article 8 bis du projet de loi, qui abroge l'article 38 de l'ordonnance au motif absolument faux que ce dernier ne serait plus nécessaire du fait du 2° de l'article 4 du projet de loi.
Or, ce 2° de l'article 4 reconnaît le droit à la carte de séjour temporaire aux mineurs justifiant résider habituellement en France depuis qu'ils ont atteint l'âge de dix ans, alors que l'article 38 reconnaissait le droit à la carte de résident pour les étrangers, mineurs ou non, justifiant avoir leur résidence habituelle en France depuis qu'ils ont atteint au plus l'âge de dix ans, à la condition qu'ils y soient entrés avant la date d'entrée en vigueur de la loi du 24 août 1993.
L'administration se trouverait ainsi en droit de supprimer à ces derniers leur carte de résident, c'est-à-dire de revenir sur les droits légalement acquis et de fabriquer ainsi de nouveaux sans-papiers, pour peu que les intéressés ne soient pas mineurs !
J'ai fait ces observations aussi bien en commission qu'en séance, en première lecture ; je n'ai eu droit à aucune explication, ni de la part du rapporteur, ni de la part du ministre !
Il me reste à évoquer l'article 1er.
Dans son rapport écrit, M. Masson prétend que la majorité du Sénat aurait été sensible à la position de l'Association des maires de France, l'AMF, qui refusait pour eux un rôle qui n'est pas le leur, alors que nos collègues de la majorité n'ont cessé, en première lecture, de distinguer entre le bureau de l'association et l'association elle-même, alors que le Conseil d'Etat et la Commission consultative des droits de l'homme avaient, eux-aussi et comme nous, condamné l'article 1er première manière, dont la majorité présidentielle, à l'Assemblée nationale comme au Sénat, avait en première lecture accepté le principe, alors enfin qu'un puissant mouvement populaire, alerté pour beaucoup par les interventions des sénateurs socialistes, s'est fait entendre à ce sujet !
Le Conseil constitutionnel aura à dire si cet article est conforme à la Constitution, sans qu'on sache à quoi cela servira et alors que les étrangers qui descendent à l'hôtel n'ont nul besoin d'un certificat d'hébergement, de prétendre obliger les autres à remettre leur certificat d'hébergement « aux services de police » lors de leur « sortie du territoire » quand, du fait des accords de Schengen, il n'y a plus de services de police à de nombreux points de sortie du territoire.
M. le président. Mon cher collègue, je vous demande de conclure.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je vais conclure, monsieur le président.
A l'Assemblée nationale, le temps de parole pour défendre les motions n'est pas limité. Au Sénat, il est limité à quinze minutes, sauf si le président de séance estime que l'intervention est suffisamment intéressante pour permettre à l'orateur de le dépasser ! (Sourires.)
M. le président. Mon cher collègue, ce genre d'appréciation n'est pas de mon fait.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je conclus donc, monsieur le président.
On le voit, les dispositions du projet de loi, tel qu'il se présente en l'état, sont ou inutiles, tatillonnes et inefficaces ou, pour leur quasi-totalité, contraires à la Constitution.
C'est pourquoi, au nom du groupe socialiste, je vous invite, mes chers collègues, à voter par scrutin public, à sa demande, la motion d'irrecevabilité que je viens d'avoir l'honneur de défendre en son nom.
Si vous ne deviez pas voter cette motion d'irrecevabilité, nous avons été suffisamment loyaux pour vous indiquer nos moyens : il suffirait donc de voter nos amendements pour éviter une censure du Conseil constitutionnel.
M. Emmanuel Hamel. Il n'y aura pas de censure par le Conseil des sages !
M. le président. Y a-t-il un orateur contre la motion ?...
Quel est l'avis de la commission ?
M. Paul Masson, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Cette motion n° 1 est très exactement la motion qui avait été rédigée en première lecture à deux exceptions près.
La première, c'est que le numéro du projet de loi a changé, puisque celui-ci porte maintenant le numéro 236 à la place du n° 165.
La deuxième différence, c'est que M. Mélenchon l'avait alors défendue, et que M. Dreyfus-Schmidt l'a soutenue aujourd'hui. M. Mélenchon avait été lyrique ; M. Dreyfus-Schmidt a été plus technique.
Cela ne change rien quant au fond du débat : nous avions rejeté cette motion en première lecture parce que nous n'estimions pas que le projet était inconstitutionnel, nous vous demandons donc de la rejeter en deuxième lecture.
M. Claude Estier. Entre-temps, vous avez tout de même changé le projet de loi !
M. René Régnault. Vous auriez pu changer d'avis !
M. le président. Mes chers collègues, un peu de discipline !
Quel est l'avis du Gouvernement ?...
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. La discussion sur la constitutionnalité du texte a eu lieu en première lecture et chacun s'est déjà exprimé.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est plus le même texte !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je vous en prie, monsieur Dreyfus-Schmidt, moi, je ne vous ai pas interrompu !
M. René Régnault. Il est l'auteur de la motion !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. La discussion se poursuivra naturellement devant le Conseil constitutionnel, et je me suis déjà exprimé.
Toutefois, monsieur Dreyfus-Schmidt, ma surprise est grande de vous voir contester la constitutionnalité de l'article 4, qui étend le droit au séjour des étrangers. C'est un paradoxe dont l'opposition devra assurer la responsabilité !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'ai dit : « Quelques dispositions de l'article 4 » !
M. le président. Vous n'avez pas la parole, monsieur Dreyfus-Schmidt. Je vous la donnerai lorsque vous me la demanderez, et dans la mesure où le règlement me permettra de le faire.
Je vais mettre aux voix la motion n° 1.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je vous remercie, monsieur le président, de me donner l'occasion de répondre à M. le ministre.
S'il m'avait écouté soigneusement - mais j'ai dû parler très vite - il aurait remarqué que nous n'avons pas prétendu qu'était anticonstitutionnel l'ensemble de l'article 4. J'ai seulement dit que certaines de ses dispositions l'étaient.
Un sénateur du RPR. Comme par hasard !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. S'il avait bien voulu m'écouter, il aurait pu répondre sur les moyens.
Il en va de même pour M. le rapporteur. Répondre seulement sur la base du texte de la motion, c'est un peu court.
M. Jean Chérioux. Eternel donneur de leçons !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je sais bien que je ne disposais pas de beaucoup de temps pour défendre cette motion d'irrecevabilité. Mais, en un quart d'heure, on présente plus d'arguments que dans une motion d'irrecevabilité de trois lignes !
Vous avez certes fait l'effort de lire ces trois lignes, monsieur le rapporteur. Vous auriez pu faire l'effort de m'écouter pendant un quart d'heure et de nous répondre.
Vous n'avez voulu faire ni l'un ni l'autre, libre à vous !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je me suis expliqué, monsieur Dreyfus-Schmidt, mais moi qui suis un juriste je suis tenu par les textes et je constate que la motion que vous avez déposée balaie tout le texte, y compris l'ensemble de l'article 4.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous ne nous avez pas entendus !
Mme Joëlle Dusseau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Je m'exprime au nom d'une partie du groupe du RDSE, monsieur le président.
Un sénateur du RPR. Une petite partie !
M. le président. Il n'y a qu'un orateur par groupe, madame !
Mme Joëlle Dusseau. Je serai cet orateur.
Je n'ai pas la compétence juridique pour apprécier la constitutionnalité du texte, mais je ne peux qu'être frappée par l'emploi systématique des procédures administratives et non pas judiciaires !
M. Henri de Raincourt. Heureusement !
Mme Joëlle Dusseau. Je ne vais pas revenir sur chacun des articles, ce n'est pas le moment, mais, je le répète, la décision de retirer le passeport est le fait de l'administration et non de la justice...
M. Henri de Raincourt. C'est très bien !
Mme Joëlle Dusseau. ... la décision du non-renouvellement de la carte de dix ans, en cas d'une menace à l'ordre public, qui est une notion tout aussi vague qu'indéfinie, relève de l'administration et non de la justice, de même que la décision de retirer la carte de séjour, quel que soit le cas de figure, à toute personne qui emploierait un étranger en situation irrégulière.
M. Jean Chérioux. Il y a des recours !
Mme Joëlle Dusseau. Mes chers collègues, les pouvoirs sont donnés systématiquement à l'administration et à la police et non pas au judiciaire, ce qui exclut toute procédure permettant de contester la décision et, éventuellement, de se défendre. Voilà qui me paraît relever effectivement, sur le plan de la philosophie, d'un Etat administratif et policier et non, au fond, d'un Etat de droit.
M. Jean Chérioux. C'est un peu excessif ! Les Etats policiers sont situés plus vers l'Est !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 1, repoussée par la commission et par le Gouvernement.
Je rappelle que son adoption entraînerait le rejet du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 112:

Nombre de votants 317
Nombre de suffrages exprimés 317
Majorité absolue des suffrages 159
Pour l'adoption 96
Contre 221

Question préalable