M. le président. Je suis tout d'abord saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 66, MM. Allouche, Autain, Authié, Badinter, Mme ben Guiga, MM. Biarnès, Charzat, Delanoë, Dreyfus-Schmidt, Estier, Mme Durrieu, MM. Mahéas, Mélenchon, Mmes Pourtaud, Printz, M. Rocard et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 5-3 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art... . - Le certificat d'hébergement n'est pas exigible si l'urgence d'un événement familial le commande. »
Par amendement n° 89 rectifié, Mme Dusseau, MM. Baylet et Collin proposent d'insérer, après l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« Si l'urgence d'un événement familial le commande, le certificat d'hébergement n'est pas exigible. »
La parole est à M. Allouche, pour défendre l'amendement n° 66.
M. Guy Allouche. Monsieur le ministre, avec cet amendement, je m'adresse tout particulièrement à vous.
Nous avions déposé un amendement tendant aux mêmes fins en première lecture, et vous ne l'avez pas accepté. Nous revenons cependant sur cette question, parce qu'elle nous paraît importante. Il s'agit, en effet, de prévoir que « le certificat d'hébergement n'est pas exigible si l'urgence d'un événement familial le commande ».
Monsieur le ministre, je fais appel à votre sens de l'humanité et à votre générosité. Il n'est pas question, pour nous, de participer ou d'inciter à je ne sais quelle fraude ; il s'agit simplement de reconnaître qu'il est des circonstances dans la vie où c'est l'urgence qui commande.
Lorsqu'une famille étrangère vit régulièrement en France et qu'elle est victime d'un drame familial, il est normal que les parents qui résident à l'étranger puissent venir partager sa peine. Or, pour un enterrement, l'urgence est telle que les formalités pour obtenir un certificat d'hébergement ne sont pas de mise.
En conséquence, nous vous demandons tout simplement d'insérer dans la loi la disposition selon laquelle l'étranger venant en France pour une circonstance familiale précise, document authentifiant le drame familial à l'appui, n'est pas soumis à cette règle de l'obtention du certificat d'hébergement, le temps nécessaire pour obtenir ce document étant trop long eu égard à l'urgence de la situation.
Voilà pourquoi je fais appel à votre sens de l'humain, monsieur le ministre, et - je le dis en toute sincérité - je veux croire qu'il est encore grand.
Je me permets, au nom de mes amis, d'insister pour que vous preniez cette demande en considération. Il y va de l'honneur de la France.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Dusseau, pour présenter l'amendement n° 89 rectifié.
Mme Joëlle Dusseau. Cet amendement a le même objet que le précédent.
Je ferai référence à deux cas : tout d'abord, je pense au décès d'une personne résidant en France et dont le conjoint non Français se trouvait à l'étranger, la femme devenue veuve n'a pu assister à l'enterrement de son mari. De même, il est arrivé qu'une mère n'ait pu venir en France pour l'opération de son petit garçon. Dans les deux cas, l'événement se déroulait dans une ville où la personne résidant à l'étranger ne connaissait personne, et celle-ci n'a donc pu obtenir à temps un certificat d'hébergement.
Le dispositif que je propose permettrait, dans des circonstances extrêmement difficiles, de rendre la vie un tout petit peu plus facile aux personnes dans le malheur, notamment en ne les empêchant pas de se déplacer.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Bien sûr !
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 66 et 89 rectifié ?
M. Paul Masson, rapporteur. La Haute Assemblée a longuement débattu de ce problème lors de la première lecture...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Moins que de l'article 1er !
M. Paul Masson, rapporteur. ... ce que les deux orateurs ont rappelé.
A l'époque, les uns et les autres, nous avions pris en grande considération le problème posé, comme en témoigne le Journal officiel, puisqu'une page entière est consacrée à ce sujet.
M. le ministre avait d'ailleurs déclaré très précisément : « Pour prendre en compte ce que vous avez dit..., je vais très prochainement demander à M. le ministre des affaires étrangères qu'il sensibilise l'ensemble des consulats aux situations particulières qui peuvent se présenter pour que tout soit fait pour les régler au mieux. »
Pour ma part, je m'étais permis d'ajouter, en remerciant M. le ministre : « Il s'agit d'un sujet éminemment sensible et je ne voudrais pas qu'il soit le prétexte à un procès d'intention envers quiconque. Mais faut-il codifier dans une loi et soumettre au regard de tous ceux qui pourront le travestir ou mal l'interpréter un dispositif que nous devons pratiquer quotidiennement par souci d'humanité ? »
Le problème se pose toujours dans les mêmes termes aujourd'hui. Nous en avons parlé en commission des lois et, à la majorité, celle-ci a décidé de maintenir la position qu'elle avait adoptée en première lecture. Elle a en effet estimé que l'administration française n'était pas étroite d'esprit au point de considérer que, dans son pouvoir interprétatif quotidien, elle ne pourrait pas faire droit à des cas d'urgence ou à des cas d'humanité et qu'elle ne pourrait pas délivrer des visas le plus vite possible dans certains cas particuliers où il est possible de juger de la bonne foi et de l'urgence.
Faut-il pour autant inscrire dans le texte un tel dispositif ? Je pense, comme en première lecture, que nous devons nous abstenir de codifier une pratique que l'administration française - et c'est tout à son honneur - exerce quotidiennement.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission est défavorable à ces deux amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 66 et 89 rectifié ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Comme vient de le dire M. le rapporteur, je me suis très longuement expliqué sur cette question en première lecture.
Je répète donc que, lorsqu'un événement grave ou dramatique du type de ceux qui ont été signalés se produit, le visa est toujours accordé et qu'il n'y a pas de raison qu'il n'en soit pas ainsi.
Comme je l'avais dit en première lecture, j'ai sensibilisé le ministre des affaires étrangères à ce problème. Je lui ai d'ores et déjà écrit pour qu'il veuille bien rappeler à tous les postes consulaires les instructions dans ce domaine.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Faire confiance à Charette !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Enfin, en vertu d'une jurisprudence constante depuis pratiquement les débuts de la République, les décisions concernant les visas ressortissent non pas au domaine de la loi mais au domaine de l'administration, et comme cela a très bien fonctionné jusqu'à présent, je ne vois pas pourquoi on reviendrait sur cette tradition républicaine.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 66.
M. Charles Descours. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Descours.
M. Charles Descours. J'ai bien compris les préoccupations exprimées par les auteurs des amendements n°s 66 et 89 rectifié ; elles sont partagées par tous.
Cependant, en tant que conseillers généraux, nous siégeons tous dans les commissions d'aide sociale. Lorsque nous sommes étonnés du coût des prises en charge de personnes se faisant opérer dans nos hôpitaux, nous interrogeons les établissements, lesquels nous répondent qu'il s'agissait d'une urgence. En réalité, chacun sait qu'il y a détournement de procédure et que des étrangers viennent se faire opérer dans nos hôpitaux parce qu'ils sont généralement meilleurs que ceux de leur pays.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il ne s'agit pas de cela !
M. Charles Descours. Il a été fait allusion à la grave maladie.
Tous ceux qui siègent dans les commissions d'aide sociale, de quelque tendance politique qu'ils soient, savent qu'il existe des détournements de la notion d'urgence pour pratiquer des interventions à froid dans nos hôpitaux au bénéfice d'étrangers. Aucun conseiller général ne dira le contraire !
Monsieur Allouche, malgré votre appel au sens de l'humain, auquel j'ai été très sensible, vous n'êtes pas assez naïf pour croire qu'il n'en ira pas ainsi dans le cas présent.
La notion d'urgence ne relève pas du domaine de la loi. Il faut donc faire confiance à l'administration et à M. le ministre lorsqu'il nous dit être intervenu auprès de son collègue ministre des affaires étrangères pour que les étrangers aient la possibilité de venir se faire soigner en France dans les cas graves où l'urgence est avérée. Mais que l'on n'essaye pas, par ce biais-là, de contourner le dispositif que nous sommes en train de mettre en place ! (Applaudissements sur certaines travées du RPR et de l'Union centriste.)
Mme Joëlle Dusseau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Dans les cas qui ont été cités, monsieur Descours, il n'était pas question de situations de ce type. En fait, il s'agissait de personnes de nationalité française décédées ou opérées en France, mais qui vivaient normalement à l'étranger et dont le conjoint ou les parents étaient de nationalité étrangère. C'est totalement différent !
Moi aussi, je me suis occupée des affaires sociales dans mon département et je connais donc bien ce sujet.
M. le rapporteur nous dit qu'une telle disposition ne relève pas du domaine de la loi, que la notion d'urgence est une sorte de règle humanitaire. Effectivement, tel devrait être le cas, mais les situations que nous rencontrons nous démontrent le contraire.
Chacun sait que l'administration a ses lourdeurs, ses lenteurs er que, souvent, elle se réfère précisément à la loi, ou au règlement, d'où l'importance de prévoir cette mesure dans les textes.
Je suis sensible à la volonté de M. le ministre de demander à M. de Charette d'attirer l'attention des consulats sur ce point. C'est une bonne chose. Ce serait encore mieux s'il était indiqué expressément dans la loi que, dans certaines circonstances, le certificat d'hébergement est inutile. Nous avons bien perçu tout à l'heure à quel point il était peu nécessaire dans la lutte contre l'immigration clandestine.
M. Dominique Braye. C'est de l'angélisme !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. M. Descours m'excusera d'avoir réagi tout à l'heure à ses propos. C'est la preuve que je l'écoutais avec attention.
Le cas qu'il a évoqué n'est pas du tout celui auquel nous faisons allusion, et ce pour une raison simple : il s'agit non pas d'une dispense de visa, mais d'une dispense de certificat d'hébergement. De toute façon, un contrôle sera effectué par le consulat qui doit délivrer le visa.
Par ailleurs, nous savons tous que les hôpitaux demandent de plus en plus souvent une caution avant de pratiquer des interventions sur des étrangers. Sur ce point, vous avez donc satisfaction. Mais nous parlons ici de tous les cas d'urgence, quels qu'ils soient.
En première lecture, nous avions déposé un amendement identique disposant que « le certificat d'hébergement n'est pas exigible si l'urgence d'un événement familial le commande ».
Nos collègues, Mme Dusseau, MM. Baylet et Collin en ont déposé un autre en deuxième lecture qui en inverse les termes : « Si l'urgence d'un événement familial le commande, le certificat d'hébergement n'est pas exigible. »
Je précise d'emblée que, si le Sénat préférait la rédaction de nos collègues du groupe du RDSE, nous n'y verrions pas d'inconvénient.
M. Charles Descours. C'est bonnet blanc et blanc bonnet !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. En tout état de cause, je ne comprends ni la réponse de M. le rapporteur ni celle de M. le ministre. M. le ministre tente de nous rassurer en disant que la loi sera violée. La loi interdit, en effet, que l'on puisse délivrer un visa à une personne qui n'a pas de certificat d'hébergement. Nous demandons donc de préciser dans la loi que, si l'urgence d'un événement familial le commande, le certificat d'hébergement n'est pas exigible. Le ministre répond qu'une telle précision est inutile, car tel sera le cas ou, plus exactement, qu'il est déjà intervenu auprès du ministre des affaires étrangères à cet effet. Franchement, n'est-il pas plus simple de l'inscrire dans la loi ?
M. Dominique Braye. Non !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cette mesure ne ferait aucun tort à notre pays au regard du monde entier, bien au contraire. Puisque nous sommes d'accord sur le fond, pourquoi en refusez la forme ? Cela améliorerait tellement son image !
Sur ce point précis, nous demandons que le Sénat se prononce par un scrutin public car, véritablement, aucune raison ne s'oppose à l'adoption de cet amendement !
M. Guy Allouche. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Je souhaite compléter ce qu'a dit mon ami Michel Dreyfus-Schmidt suite à l'intervention de M. Descours.
Cher collègue, qui peut penser un seul instant dans cet hémicycle que nous puissions aider les fraudes et autres dans ce domaine ? Personne ! Par conséquent, pas de faux procès d'intention entre nous !
M. Charles Descours. Ce n'était pas un procès d'intention ; c'était une constatation !
M. Guy Allouche. Nous sommes tous convaincus qu'il faut effectivement lutter contre les abus.
M. Hilaire Flandre. Il faut s'en donner les moyens !
Mme Nicole Borvo. Ce ne sont pas les bons !
M. Guy Allouche. Par ailleurs, ce qui me gêne, monsieur Descours, c'est que, dans le cas de la grave maladie que vous avez évoqué - pour ma part, je n'y ai pas fait allusion - la France accueille sans aucunes formalités les dignitaires étrangers dans les meilleurs hôpitaux, alors qu'elle fait des difficultés pour recevoir tel ou tel étranger.
Peut-être la question des moyens se pose-t-elle. Au risque de vous heurter, monsieur Descours, je vous dirai que, lorsque certains dignitaires étrangers viennent recevoir des soins dans les hôpitaux français, très souvent, ils les paient avec l'argent que la France leur a donné.
M. Charles Descours. Ça, on le sait !
M. Guy Allouche. C'est la raison pour laquelle cette discrimination me paraît inacceptable.
Pour ma part, je vise surtout le décès et non le mariage, la naissance ou autre, même si ce sont des événements importants.
Le week-end dernier, il s'est passé un événement grave dans un pays ami, la Belgique - j'habite à la frontière - et nous avons tous remarqué que, pour les obsèques de la petite Loubna, morte dans des conditions affreuses et scandaleuses, la famille marocaine est venue rapidement apporter son affection à la famille. Aucune formalité n'a été exigée. Je ne voudrais pas que, demain, un employé d'un consulat français refuse, dans un cas comme celui-là, l'entrée du territoire pour trois ou quatre jours à un membre d'une famille qui est atteinte dans sa chair et dans ses sentiments.
C'est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement.
Je ne mets pas en doute ce que vous avez dit et répété sur cette question, monsieur le ministre. Cependant, il existe une différence fondamentale entre la loi et les consignes : la loi revêt un caractère permanent et s'impose en toutes circonstances, quelle que soit la personne qui la lira,...
M. Dominique Braye. Absolument !
M. Guy Allouche. ... ce qui n'est pas le cas des consignes. En outre, compte tenu de la mobilité des personnels dans les ambassades et consulats, je crains que certaines consignes ne soient oubliées et que l'on ne commette, ici ou là, quelques bavures.
M. Michel Rocard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Rocard.
M. Michel Rocard. Je souhaite m'adresser de nouveau à M. le ministre.
Je ne suis pas de ceux qui vivent avec plaisir les situations dans lesquelles deux blocs de personnes humaines hostiles se combattent avec intransigeance et prennent plaisir à se retrouver bien affrontées. Il ne me paraît pas toujours que l'intelligence y trouve sa voie.
Les traditions de nos parlements nous y poussent souvent. On n'y peut rien ! Après tout, je suis un parlementaire discipliné.
Nous vivons néanmoins sous un régime que l'on appelle la « démocratie ». Les fondateurs - cela remonte à 1789, même si des constituants sont intervenus plus récemment, notamment en 1958 - sont tout de même partis de l'idée que, au fond, une équipe momentanément au pouvoir ne pouvait pas avoir le monopole absolument exclusif de l'intelligence, de la clarté et de l'esprit de responsabilité, et une équipe dans l'opposition, au même moment, le monopole absolu de l'imbécilité, de l'irresponsabilité et de l'angélisme.
M. Charles Descours. Ou du coeur !
M. Michel Rocard. Que, de temps en temps, dans un débat, on admette qu'il y a un peu d'intelligence en face, c'est moins faire une concession que reconnaître que nous sommes en démocratie. Cela pourrait même nous honorer.
Nous sommes d'accord sur le fond, vous l'avez dit vous-même. Tout à l'heure, Michel Dreyfus-Schmidt, probablement un peu vite, a indiqué que le ministre tentait de nous rassurer en disant que la loi serait violée. Je m'attendais à ce qu'il fasse une exégèse plus approfondie. Je reviens donc sur cette idée.
Nous ne faisons pas figurer dans la loi le fait que le certificat d'hébergement n'est pas exigible en cas d'urgence, avez-vous dit, monsieur le ministre, mais cela sera appliqué. Il est exact qu'en vous engageant dans ce sens la loi sera violée.
Il vous a été dit à plusieurs reprises que, si nous étions en désaccord profond avec vos propos et vos actions, nous vous prêtions de la bonne foi. Mais vous n'êtes pas seul ! Des cours auront à se prononcer ; des plaideurs engageront des contentieux dans un esprit conflictuel et, parfois, des juges rendront des jugements répressifs.
Ce n'est pas impunément que l'on viole la loi ! Vous avez des responsabilités exécutives. Moi-même, j'en ai eues. On hésite toujours, vous le savez, à violer la loi, même lorsqu'on est sûr d'avoir raison sur le plan de l'éthique. C'est une responsabilité très lourde !
Monsieur le ministre, pourquoi ne pas reconnaître, aujourd'hui, sur l'autel de la dignité de la démocratie française, la noblesse de la préoccupation qui nous anime sur de nombreuses travées ; disant cela je ne fais pas allusion uniquement à l'opposition : il est, dans votre majorité, des gens qui savent que nous parlons de choses graves et que la dignité de notre pays est en cause.
Au fond, vous invoquez l'argument de la sécurité juridique pour les services qui appliqueront la loi. Peut-être aussi, n'avez-vous pas le goût de revenir sur votre position après avoir tant combattu.
Monsieur le ministre, politiquement, vous êtes vainqueur dans ce débat. Sur le plan intellectuel et éthique, c'est une autre affaire ! Bref, politiquement nous nous savons battus. Pourquoi ne pas reconnaître que l'éthique peut avoir sa place ? Pour faire le bien auquel la République française est vouée par le préambule de sa Constitution, pourquoi ne pas inscrire cette mesure dans la loi ? Quel est le véritable prix du sacrifice politique que vous feriez là ? Je ne suis pas certain qu'il soit très grand et je suis sûr que ce serait une occasion de vous honorer aux yeux de ceux qui ne l'attendent plus de vous. (Applaudissements sur les travées socialistes. - Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Jean Delaneau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Delaneau.
M. Jean Delaneau. Je m'étonne que, depuis la discussion en première lecture, vous n'ayez pas revu le texte de votre amendement.
Tout à l'heure, M. Allouche a dit que la loi était la loi et qu'elle s'appliquait dans toute son ampleur. M. Rocard a évoqué les risques de contentieux et les positions adoptées par les juges, qui pourraient être plus ou moins rigoureux.
Qui va apprécier l'urgence ? Votre amendement ne le précise pas !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le consul !
M. Jean Delaneau. Qui pourra revendiquer une proximité de parenté ? Quel sera le degré de parenté admis ? Cela ira-t-il jusqu'au neveu ?
Toutes ces interrogations montrent que votre amendement sera une source infinie de contentieux. De toute façon, pour reprendre ce que vient de dire M. Dreyfus-Schmidt, il y aura toujours le pouvoir régalien d'un consul, d'un ambassadeur ou de toute personne qui pourra décider, et la loi n'apportera rien de plus.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Si, la loi permettra au consul d'accepter la demande.
M. Jean Delaneau. Ce pouvoir régalien s'appliquera comme vient de l'indiquer M. le ministre et, que votre amendement soit adopté ou non, cela ne changera rien. C'est pourquoi je ne le voterai pas.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 66, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 115:

Nombre de votants 317
Nombre de suffrages exprimés 316
Majorité absolue des suffrages 159
Pour l'adoption 96
Contre 220

M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 89 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 88 rectifié, Mme Dusseau, MM. Baylet et Collin proposent d'insérer, après l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« Aucun fichier informatisé ne peut être constitué à partir des certificats d'hébergement. »
Je pense que le débat a déjà eu lieu sur ce point, madame Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Non, monsieur le président. Il a été question des hébergeants, mais rien n'a été dit sur les hébergés. Or, les fichiers peuvent concerner les deux. Je souhaiterais surtout, car je ne me fais pas d'illusion sur le sort qui sera réservé à cet amendement, aussi excellent soit-il, demander des précisions à M. le ministre !
M. le ministre s'est déjà engagé officiellement, ici même, en ce qui concerne les fichiers d'hébergeants. En effet, il a affirmé qu'il n'y aurait pas de fichier national de ce type, qu'il n'y aurait que des fichiers départementaux, auxquels seraient retournés les fameux volets donnés par les hébergés. Il s'est engagé en outre à ce que les données nominatives soient détruites au bout d'un certain temps, conformément à ce qu'avait demandé la CNIL. Celle-ci précisait que cette destruction devait intervenir au bout d'un mois. Ce délai est-il bien celui qui sera retenu ?
Mais la question très précise que j'avais posée sur les fichiers d'hébergés n'a pas reçu de réponse jusqu'à maintenant. Pour ma part, je souhaiterais que ne soient pas constitués de fichiers informatisés de ce type, et je demande à M. le ministre quelles dispositions il compte prendre à cet égard. S'il y en a, seront-ils départementaux ou nationaux ? Les recommandations de la CNIL s'appliquent-elles également dans ce cas, notamment en ce qui concerne la destruction au bout d'un mois des données nominatives ?
Je vous remercie de bien vouloir me répondre, monsieur le ministre.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Paul Masson, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 88 rectifié.
Mme Joëlle Dusseau. Je demande la parole pour explication de vote. (Protestations sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Je veux de nouveau poser ma question à M. le ministre puisque je n'ai pas obtenu de réponse.
Monsieur le ministre, puisqu'il est question d'un fichier d'hébergés, ce fichier sera-t-il départemental ou national ? Les dispositions de la CNIL s'appliqueront-elles également à lui ? Les données nominatives seront-elles détruites au bout d'un mois ?
M. Josselin de Rohan. Vous répétez toujours la même chose.
Mme Joëlle Dusseau. Je vous prie de m'excuser, mais, quand je pose une question et que je n'ai pas de réponse, je me permets de la formuler de nouveau.
M. Dominique Braye. M. le ministre a déjà répondu !
Mme Joëlle Dusseau. Non, mon cher collègue, il ne m'a pas répondu sur les hébergés. C'est pourquoi je me permets de poser une nouvelle fois la question, et je souhaite que M. le ministre me réponde.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 88 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 3