M. le président. La parole est à M. Charzat.
M. Michel Charzat. Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice. C'est une question vraiment d'actualité, puisque nous sommes au milieu de la semaine d'action contre le racisme.
Monsieur le ministre, depuis plusieurs mois, nous assistons à la multiplication, à Paris, d'activités antisémites ou négationnistes, c'est-à-dire niant la réalité de l'Holocauste.
Un tract anonyme, violemment antisémite, intitulé L'Empire invisible, a été distribué dans de nombreuses boîtes aux lettres dans plusieurs arrondissements de la capitale, notamment dans le XXe arrondissement.
Plus récemment, des tracts négationnistes ont été envoyés à un grand nombre de directeurs d'école de Paris. Pour ce faire, les propagandistes ont utilisé un fichier contenant des renseignements confidentiels sur les élèves de la capitale, notamment leur nom, leur adresse, leur nationalité. Il s'agit du fichier SAGESSE, système automatisé de gestion des effectifs scolaires des secteurs et des écoles, géré conjointement par la direction de l'académie de Paris et par la direction des affaires scolaires de la Ville de Paris.
M. Roland Courteau. C'est grave !
M. Michel Charzat. Mes chers collègues, faut-il s'étonner de l'augmentation des manifestations insidieuses de racisme, quand des responsables politiques tiennent publiquement des propos qui favorisent ces campagnes odieuses ? (Exclamations sur les travées du RPR.)
M. Raymond Courrière. C'est honteux !
M. Michel Charzat. Ainsi, MM. Le Pen et Mégret peuvent se réclamer de l'inégalité des races sans que les pouvoirs publics puissent ou veuillent agir.
M. Raymond Courrière. Ils ne veulent pas !
M. Michel Charzat. Jusqu'à quand, mes chers collègues, l'Etat va-t-il laisser faire ? Serait-il désarmé ? Jusqu'à quand, monsieur le garde des sceaux, pourrez-vous justifier cette période de flottement ? Nous attendions la loi Toubon, qui devait être destinée à renforcer la répression du racisme ; nous avons eu la loi Debré contre les étrangers !
M. Nicolas About. Mais vous ne savez donc parler que de Le Pen !
M. Michel Charzat. Votre projet de loi, monsieur le garde des sceaux, ne peut être discuté, faute, semble-t-il, de rapporteur à l'Assemblée nationale. Ma question est donc naturellement la suivante : pourquoi ne pas déposer ce projet de loi devant le Sénat ? Dans cette hypothèse, que je souhaite vivement voir se concrétiser, je tiens à vous rassurer, monsieur le garde des sceaux, je serai volontaire pour en être rapporteur.
Monsieur le garde des sceaux, mes collègues et moi-même attendons avec intérêt votre réponse. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, vous avez évoqué la diffusion auprès d'un certain nombre de chefs d'établissements scolaires parisiens de tracts et de documents révisionnistes.
A la suite de cette diffusion, deux enquêtes administratives ont été diligentées, l'une par l'académie, l'autre par l'inspection générale de la Ville de Paris. Deux plaintes ont été déposées auprès du procureur de la République, l'un par le directeur de l'académie, l'autre par le maire de Paris lui-même.
Le procureur de la République a ouvert, j'y ai veillé, une enquête préliminaire, s'agissant à la fois du détournement de fichier et de la diffusion de propos et d'idées révisionnistes, sur la base de la loi sur la presse de 1881. Le cas échéant, cette enquête préliminaire pourra donner lieu à l'ouverture de l'information judiciaire nécessaire ; j'y veillerai encore, monsieur Charzat, parce que, contrairement à ce que vous avez dit, s'il est un domaine dans lequel l'action du Gouvernement et de la majorité ne peut être suspectée de « flottement », c'est bien celui-là !
J'ai effectivement fait adopter en conseil des ministres un projet de loi au mois d'octobre. Ne vous réjouissez pas trop vite, monsieur Charzat, ce projet de loi viendra bien en discussion.
M. Michel Charzat. Quand ?
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Et vous verrez alors, monsieur Charzat, que ce projet de loi sera adopté parce que chacun mesure de plus en plus combien il est nécessaire.
M. Claude Estier. Mais c'est ce que nous souhaitons !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Ce soir, j'ouvrirai à la Sorbonne, au nom du Gouvernement, l'année européenne contre le racisme, qui a été décidée par l'Union européenne.
Mme Hélène Luc. Après le projet de loi Debré, ce n'est pas mal !
M. Alain Gournac. Cela n'a rien à voir !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Monsieur Charzat, dans ce genre d'affaire, essayez un instant d'abolir les clivages partisans, ceux qui peuvent séparer ce côté de l'hémicycle de celui auquel vous appartenez.
Essayez de partager notre volonté de lutter efficacement contre le racisme et la xénophobie. Croyez-moi, à Bruxelles, à Luxembourg, à Strasbourg, au Conseil de l'Europe, et ici, à Paris, dans le XIIIe arrondissement, dont je suis maire, je le fais tous les jours. Et je ne me pose aucune question, sûr de mes convictions et sûr aussi que c'est l'intérêt de la France. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

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