M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 177, MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de supprimer le texte présenté par l'article 2 pour l'article 231-51 du code de procédure pénale.
Par amendement n° 15, M. Jean-Marie Girault, au nom de la commission, propose de modifier comme suit le texte présenté par l'article 2 pour l'article 231-51 du code de procédure pénale :
I. - Dans le premier alinéa, supprimer les mots : « , et notamment celles de l'article 231-37, ».
II. - Au début du second alinéa, avant les mots : « Si cette personne », ajouter les mots : « Toutefois, par dérogation à l'article 231-37, ».
La parole est à M. Badinter, pour défendre l'amendement n° 177.
M. Robert Badinter. Il s'agit là de personnes qui sont renvoyées devant le tribunal d'assises non parce qu'elles sont réputées accusées ou complices d'un crime, mais parce qu'elles ont commis un délit connexe. Ce ne sont donc que des délinquants.
Toute personne qui doit comparaître devant une juridiction criminelle se constitue prisonnière la veille ; elle est « prise de corps », et doit rejoindre la maison d'arrêt la veille de sa comparution. Tel n'est jamais le cas pour les prévenus devant un tribunal correctionnel.
En l'occurrence, les prévenus pour délits connexes ou devant un tribunal correctionnel sont dans des situations pénalement identiques. Etre prévenu d'avoir commis un délit ou un crime, cela n'a rien à voir. On veut pourtant appliquer le régime qui, traditionnellement, n'a été réservé qu'à ceux qui sont accusés d'avoir commis un crime dans les deux cas.
Il n'y a aucune raison, alors qu'on est présumé délinquant, d'être traité comme si l'on était accusé d'être un criminel. C'est la raison pour laquelle il nous est apparu qu'il fallait supprimer cette disposition, qui n'existe pas actuellement, ce qui, à ma connaissance, n'a jamais suscité la moindre difficulté.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 177 et pour présenter l'amendement n° 15.
M. Jean-Marie Girault, rapporteur. J'ai constaté lors des délibérations en commission des lois que mon opposition personnelle à l'amendement n° 177 n'avait pas convaincu la majorité de mes collègues. La commission a donc émis un avis favorable.
Quant à l'amendement n° 15, il est d'ordre rédactionnel : le projet de loi apporte une précision certes utile, mais au mauvais alinéa.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 177 et 15 ?
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 15 de la commission.
En ce qui concerne l'amendement n° 177, je partage l'opinion exprimée à titre personnel par M. le rapporteur : j'y suis donc défavorable.
En effet, le texte proposé par le Gouvernement pour l'article 231-51 du code de procédure pénale prévoit de réglementer le jugement des délits connexes, afin d'éviter la désorganisation de l'audience de la juridiction criminelle. Il est indispensable de maintenir la possibilité d'exercer une contrainte à l'égard des auteurs de délits connexes, mais je souligne que celle-ci est facultative. Cela est bien précisé, et le président du tribunal ou de la cour d'assises peut dispenser de cette contrainte la personne renvoyée devant la juridiction pour délit connexe.
Nombre de praticiens du droit demandent depuis de longues années que puisse éventuellement être exercée cette contrainte. C'est pourquoi le Gouvernement a introduit cette possibilité dans son texte.
C'est la raison pour laquelle j'estime qu'il ne faut pas voter un amendement tendant à supprimer ce qui, encore une fois, est une faculté et non pas une obligation.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 177.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, nous en sommes bien d'accord, deux amendements sont en discussion commune, et l'amendement n° 15, évidemment, sera sans objet dès lors que l'amendement n° 177 aura été adopté !
Je ne comprends pas M. le garde des sceaux ! Il présente comme indispensable le fait que quelqu'un devant passer devant le tribunal d'assises pour un délit connexe à un crime - pour un délit, seulement un délit - soit mis en prison la veille de l'audience. Si cette mesure était indispensable, la loi l'aurait prévu depuis longtemps. Or, depuis que la loi est la loi, tel n'est pas le cas.
La preuve est apportée par deux siècles d'application : cette mesure n'est pas indispensable, c'est le moins que l'on puisse dire.
M. le garde des sceaux nous dit : « Ce n'est qu'une possibilité ». Une disposition aurait pu prévoir à la rigueur le contraire, c'est-à-dire que le président pourrait demander la détention la veille, la règle générale prévoyant l'absence de détention. Mais un principe veut que les personnes qui sont dans une même situation soient traitées de la même manière. Alors comment justifier le fait que celui qui comparaît devant un tribunal correctionnel pour un délit n'est jamais mis en prison la veille de sa comparution, alors que celui qui aurait la malchance d'être accusé d'avoir commis un délit connexe à un crime - mais qui n'a commis qu'un délit - et va comparaître devant une cour d'assises, lui, pourrait être mis en prison la veille de l'audience ?
Ce n'est pas justifiable, ce n'est pas non plus constitutionnel, ce n'est en tout cas sûrement pas indispensable puisque - je le répète - cela ne s'est jamais fait et que, à notre connaissance, il n'y a jamais eu le moindre incident.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 177, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 15, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article 231-51 du code de procédure pénale.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLES 231-52 ET 231-53
DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE