M. le président. Par amendement n° 211 rectifié, MM. Badinter et Dreyfus-Schmidt, les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de compléter in fine le texte présenté par l'article 2 pour l'article 231-114 du code de procédure pénale par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le cas où le sourd-muet sait écrire, le président peut demander au greffier d'écrire les questions ou observations qui lui sont faites ; dans ce cas, elles sont remises à l'accusé, au témoin ou à la partie civile qui donnent par écrit leurs réponses ou déclarations. Il est fait lecture du tout par le greffier. »
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous en arrivons à l'article 231-114 - je ne me ferai jamais à cette invraisemblable numérotation ! - qui traite du cas de l'accusé sourd-muet, de la partie civile sourde et muette ou du témoin sourd-muet.
Dans le texte de l'actuel article 345, la partie civile avait, semble-t-il, été oubliée. Peut-être avait-on pensé que la partie civile avait un avocat et que, pour elle, un tel handicap ne présentait pas, en l'espèce, le même inconvénient. Bien sûr, l'accusé, lui aussi, a un avocat, mais il est obligé de s'exprimer, ce qui n'est pas nécessairement le cas de la partie civile.
Cependant, dans le nouveau texte est abandonnée la disposition visant le cas où le sourd-muet sait écrire. Effectivement, il peut ne pas y avoir d'interprète, ou le sourd-muet peut ne pas savoir s'exprimer dans le langage des sourds-muets : beaucoup le connaissent, mais pas tous.
Prenant en compte cette éventualité, l'ancien texte prévoyait donc :
« Dans le cas où le sourd-muet sait écrire, le greffier écrit les questions ou observations qui lui sont faites ; elles sont remises à l'accusé ou au témoin... » - il faut évidemment ajouter la partie civile et c'est que nous faisons - « ... qui donne par écrit sa réponse aux déclarations. Il est fait lecture du tout par le greffier. »
Nous ne reprenons pas exactement, vous le remarquerez, le texte qui faisait obligation au greffier d'écrire les questions et à l'intéressé de répondre, mais nous donnons - et vous devriez en être d'accord, monsieur le garde des sceaux - au président la possibilité de demander, dans ce cas-là, au greffier d'écrire, l'intéressé répondant par écrit.
Telle est la philosophie de notre amendement n° 211 rectifié. Vous le voyez, décidément, dans le foyer des ancêtres, nous ne reprenons que les braises, et non pas les cendres.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Marie Girault, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur cet amendement, dans la mesure où il est bien assuré que le recours à l'écrit est facultatif.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais bien sûr !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Je suis défavorable à l'amendement n° 211, parce qu'il oblige à faire s'exprimer par écrit.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il n'y a plus d'amendement n° 211 !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. L'amendement n° 211 rectifié prévoit qu'il s'agit d'une faculté ouverte au président. Je m'en remets à la sagesse du Sénat, dans la mesure où cela signifie bien que, de manière générale et le plus souvent, on utilisera un interprète.
Un des présidents de cour d'assises avec lequel nous avons travaillé sur ce projet nous a notamment cité l'exemple d'une affaire qu'il a eue à présider et où l'accusé, les victimes et les témoins étaient tous sourds-muets...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Comme les experts !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. ... puisque l'affaire s'était déroulée à l'intérieur d'une institution pour sourds-muets. L'utilisation de l'écrit avait prolongé les débats et avait abouti, à force d'échanges de papiers, à une certaine incompréhension, ce qui n'était pas convenable. Donc, le plus souvent, et compte tenu de l'expérience extraordinaire qui a été atteinte dans ce domaine, on recourra au langage des signes et à des interprètes.
Toutefois, l'amendement n° 211 rectifié prévoit que, dans le cas où l'accusé sait écrire, le président peut recourir à une déposition écrite, et non au langage des signes ni à des interprètes.
Je le répète, il s'agit d'une simple faculté mise à la disposition du président, et est en cohérence avec ce que j'ai dit sur d'autres amendements qui visaient à laisser la liberté au président de la cour d'assises de prendre les dispositions nécessaires à la bonne tenue de l'audience et à la garantie des droits de chacun. Je m'en remets donc à la sagesse du Sénat.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 211 rectifié, accepté par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article 231-114 du code de procédure pénale.
(Ce texte est adopté.)

ARTICLE 231-115 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE