Je vais mettre aux voix l'article unique du projet de loi.
Mme Odette Terrade. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Terrade, dont je salue la première intervention devant la Haute Assemblée.
Mme Odette Terrade. Je vous remercie, monsieur le président.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, seul membre du groupe communiste républicain et citoyen à intervenir cet après-midi, je souhaite d'abord, en son nom, présenter à M. le ministre nos voeux de réussite.
L'examen de ce projet de loi autorisant la ratification par notre pays du protocole sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi des mines nous conduit à faire plusieurs observations fondamentales.
De par son rôle dans le concert des nations, la France se doit, de prendre une part active à toutes les initiatives susceptibles de permettre que se réduisent et finissent par disparaître les facteurs de tension internationale.
Nous nous devons, notamment, de donner un relief particulier à l'ensemble des mesures et négociations permettant de faire reculer la menace nucléaire sur la planète, mais aussi de réduire les foyers de tension locaux qui génèrent pour les peuples concernés d'importants traumatismes.
Nous nous félicitons que la France ait ainsi décidé de proscrire l'usage des mines antipersonnel tout en regrettant, d'une part, que cette évolution soit plus lente au niveau international et que, d'autre part, l'usage de nouveaux types d'explosifs assimilés ne soit pas ouvertement interdit.
Il est à craindre qu'il ne faille attendre encore quelques années pour que cette situation évolue dans un sens plus favorable à la paix.
Dans l'immédiat, notre pays doit jouer un rôle particulier, de par l'action qu'il a pu mener, dans l'histoire, dans le processus de suppression des risques liés à la présence de mines antipersonnel.
Je pense aux pays de la péninsule indochinoise, où le nombre d'explosifs divers employés pendant près de cinquante années de conflits nécessite que les compétences que nous avons acquises soient mises à profit afin que cessent les trop nombreux traumatismes dont souffrent les populations.
De la même façon, nous devons jouer un rôle dans la suppression des mines et pièges recensés dans l'ensemble des pays - du Proche-Orient, d'Europe ou d'Afrique - qui ont pu connaître ou connaissent encore des conflits où ces armes ont été utilisées.
Dans un autre ordre d'idées, aux côtés des organisations internationales et des organisations non gouvernementales, la France se doit de participer à l'action en direction des trop nombreuses victimes de ces armes de terreur, victimes essentiellement civiles, et particulièrement les enfants.
Ce débat nous donne l'occasion de reposer la question des engagements de notre pays en matière d'aide au développement et de coopération avec les pays les moins développés.
Il est patent, - c'est presque un lieu commun de le dire - que le facteur principal de tension en de nombreuses régions de la planète demeure l'insuffisance du développement économique et social.
La guerre, intérieure ou extérieure, résulte le plus souvent du fait qu'il n'y a pas assez de richesses à partager ; cette situation conduit à créer un rapport de forces susceptible de modifier cet état de choses.
Cela a ainsi pu motiver l'incroyable guerre menée dans la région des Grands Lacs, comme l'ensemble des tensions qui ont résulté de la dissolution de la fédération yougoslave.
Il faut donc s'interroger, pour aujourd'hui comme pour l'avenir, sur les conditions d'une coopération plus concrète avec les pays du Sud.
Le déséquilibre persistant des termes de l'échange, la permanence de régimes politiques dans certains cas plus ou moins corrompus, les contraintes nées de la détérioration de la parité des monnaies, sont, parmi d'autres facteurs, des éléments de tension internationale en ce qu'ils concourent à enfermer les pays du Sud dans une situation économique et sociale difficile.
Il est grand temps de pratiquer une autre politique de relations commerciales et économiques avec ces pays comme de réfléchir aux contraintes qu'ils subissent du fait de la course effrénée à la spéculation monétaire qui prévaut sur les marchés financiers.
Des capacités importantes de financement sont ainsi gaspillées quotidiennement dans des opérations de pure spéculation monétaire au détriment du bien-être des peuples.
Notre pays doit prendre des initiatives fortes en ce domaine, qui constituent, sur le fond, la plus sûre prévention des conflits armés comme, dans les faits, la plus sûre prévention contre l'usage des armes dont ce projet de loi fait état.
Bien entendu, monsieur le président, nous voterons ce projet de loi.
M. Ivan Renar. Très bien !
M. Pierre Moscovici, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici, ministre délégué. Le Gouvernement partage, bien sûr, les préoccupations qui viennent d'être exposées à la fois par Mme le rapporteur et par Mme Terrade, au nom du groupe communiste républicain et citoyen, que je remercie de ses voeux.
Nous connaissons tous la lenteur du processus de désarmement ; nous en connaissons aussi les insuffisances, s'agissant, en particulier, des mines antipersonnel. C'est pourquoi j'ai indiqué, tout à l'heure, que le projet de loi que je présentais comportait des lacunes, je le reconnais bien volontiers.
Je tiens à le redire : il nous faudra, au-delà de cette première étape insuffisante, développer notre action en matière de déminage et d'aide aux victimes. Je songe, notamment, au cas des enfants, que vous avez cité toutes deux, et qui est particulièrement dramatique.
Nous pourrons nous appuyer sur l'action commune décidée par l'Union européenne dans le cadre de sa politique étrangère et de sécurité commune.
Enfin, nous devrons renforcer notre action au plan international en vue d'un désarmement global - c'est le sens des initiatives que je mentionnais, prises au sein de la conférence d'Ottawa comme au sein de la conférence sur le désarmement - et, bien sûr, notre aide au développement, car il est clair - vous avez raison - que tous ces problèmes sont largement liés aux difficultés du développement économique et social.
L'attitude que s'apprête à prendre le Sénat, qui est conscient de toutes ces insuffisances, est néanmoins celle de la sagesse : ratifier ce protocole en tant qu'il est une étape, rien qu'une étape, mais une étape significative prise sur l'initiative de la France et qui marque un progrès trop limité, certes, mais un progrès certain. (Applaudissements.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

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