M. le président. Par amendement n° 3, M. Jolibois, au nom de la commission des lois, propose, dans la première phrase du deuxième alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article 131-36-1 du code pénal, de remplacer le mot : « surveillance » par le mot : « contrôle ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 72, M. Gélard et les membres du groupe du Rassemblement pour la République proposent, après la première phrase du deuxième alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article 131-36-1 du code pénal, d'insérer la phrase suivante :
« Lorsqu'il est établi, après une expertise médicale ordonnée dans les conditions prévues par le code de procédure pénale, que la personne est susceptible de faire l'objet d'un traitement, le suivi socio-judiciaire comprend une injonction de soins. »
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard. En l'occurrence, il s'agit de combler une lacune. En effet, rien ne choque plus les parents de victimes de crimes sexuels que de voir une personne qui n'a été soumise à aucun soin médical récidiver cinq ans, six ans ou sept ans après.
Cet amendement que je propose, au nom de mon groupe, est certes délicat, mais il a le mérite de poser le problème de ces délinquants sexuels récidivistes ou multirécidivistes pour lesquels aucune tentative de soins n'a pu être engagée.
Le système présenté dans le projet de loi est intéressant mais compliqué, et laisse, en réalité, l'auteur de tels actes libre de choisir d'être soigné ou pas. Comment expliquer à l'opinion publique et aux parents d'une victime qu'un délinquant soignable a refusé tout soin, et que nous avons accepté cela ?
Tel est l'objet de l'amendement n° 72. Nous verrons par la suite quel sort nous lui réserverons, mais il faut absolument poser la question en l'état.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. Cet amendement pose l'un des principes les plus importants de ce projet de loi. En effet, l'élément nouveau consiste à assortir le suivi socio-judiciaire d'une injonction de soins.
A partir de là, on se heurte à une sorte d'opposition entre, d'une part, la médecine et sa déontologie et, d'autre part, l'idée de l'absolue nécessité de soigner une personne, d'abord, dans un souci de protection de la société et, ensuite, pour elle-même.
Ceux qui s'occupent de ce type de délinquants savent bien que les soins ne se justifient que s'ils sont acceptés par l'intéressé. En conséquence, il est difficile, voire impossible d'admettre, d'un point de vue médical, l'idée de soins obligatoires. En outre, cela fait disparaître dès l'origine le bienfait escompté de ces soins.
Le projet de loi actuel tend à changer quelque peu le système présenté dans le texte de M. Toubon dans la mesure où la personne qui fait l'objet d'une injonction de soins doit être prévenue qu'elle est susceptible d'être condamnée à une peine d'emprisonnement si elle refuse de se soigner. Par conséquent, le rétablissement des soins obligatoires aboutirait à modifier l'esprit du projet de loi. On ne peut pas soigner une personne qui s'y refuse. Au cours d'auditions menées tant par la commission, pendant toute une journée, que par votre rapporteur, les médecins et les spécialistes sont convenus que quelqu'un peut être soigné, qu'il peut s'améliorer mais qu'il n'existe pas de procédé miracle permettant d'assurer sa guérison. En tout cas, dès que le traitement pharmaceutique est arrêté, les mêmes pulsions renaissent automatiquement.
C'est la raison pour laquelle - je pense répondre ainsi un peu à votre inquiétude, monsieur Gélard - des vérifications permanentes seront effectuées.
La commission considère que l'adoption de cet amendement n'est pas souhaitable. Certes, elle en comprend la motivation : il peut paraître étonnant de demander à une personne qui a commis parfois des crimes abominables son consentement pour la soigner. Mais, c'est peut-être aussi l'honneur de nos sociétés actuelles que de vouloir maintenir quelqu'un sous l'ombrelle pénale, tout d'abord avec la sanction pénale, puis avec le suivi socio-judiciaire, et donc avec les bienfaits de la médecine et de sa déontologie.
Il me paraît donc souhaitable de maintenir ce qui a été prévu par le projet de loi dans ce domaine extrêmement important.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je partage entièrement l'opinion qui vient d'être donnée par M. le rapporteur, et j'aurais pu m'exprimer dans les mêmes termes que lui.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 72.
M. le président. Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 72, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 4, M. Jolibois, au nom de la commission des lois, propose de rédiger comme suit la seconde phrase du deuxième alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article 131-36-1 du code pénal :
« La durée du suivi socio-judiciaire ne peut excéder dix ans en cas de condamnation pour délit ou vingt ans en cas de condamnation pour crime.»
La parole est M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Cet amendement vise à modifier la durée du suivi socio-judiciaire.
Le projet de loi prévoit une durée n'excédant pas cinq ans en cas de délit et dix ans en cas de crime. Après examen, j'ai proposé à la commission, qui a bien voulu me suivre, une durée de dix ans en cas de condamnation pour délit et de vingt ans en cas de condamnation pour crime.
Evidemment, si une personne est condamnée à vingt ans de suivi socio-judiciaire pour un crime et que vous la condamnez par ailleurs à trente ans de réclusion, les deux peines additionnées aboutiront à un total de cinquante ans. Mais on peut penser que, avec cette nouvelle technique du suivi socio-judiciaire des magistrats pourraient estimer, dans certains cas, que le suivi socio-judiciaire doit être long et la peine de prison plus courte.
En effet, des magistrats peuvent être enclins, en l'absence de suivi socio-judiciaire, à infliger une longue peine de détention, et ce en vue de la protection de la société. Par conséquent, si l'amendement n° 4 était adopté, les magistrats pourraient moduler la durée de la peine de réclusion en étant assurés de la protection de la société grâce à un plus long suivi socio-judiciaire.
C'est la raison pour laquelle, compte tenu de la hiérarchie et du taux des peines telles qu'elles résultent du nouveau code pénal entré en vigueur en 1994, il nous a paru qu'un suivi socio-judiciaire de dix ans au maximum pour les délits et de vingt ans au maximum pour les crimes constituait une modulation raisonnable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Monsieur le rapporteur, je comprends tout à fait votre souhait d'augmenter la durée du suivi socio-judiciaire.
J'ai déjà eu l'occasion, hier, d'indiquer que je n'y suis pas opposée dans le principe. Il est en effet difficile de considérer que le couperet tombe à un moment donné et que, tout à coup, le traitement médical n'est plus nécessaire.
D'ailleurs, je sais que le comité d'éthique s'était inquiété de la cessation du suivi médical. Il est vrai que plus la cessation intervient tardivement, plus l'efficacité du traitement est susceptible de se prolonger.
J'ajoute que les durées indiquées dans le projet de loi sont des maxima et qu'il appartient à la juridiction de décider, en fonction du cas particulier, la durée effective du suivi socio-judiciaire.
Je ne suis donc pas opposée à l'augmentation de la durée du suivi socio-judiciaire, telle qu'elle est proposée par la commission des lois. Je m'en remets par conséquent, sur ce point, à la sagesse de l'assemblée.
M. le président. Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 4, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 5, M. Jolibois, au nom de la commission des lois, propose de rédiger comme suit la deuxième phrase du troisième alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article 131-36-1 du code pénal :
« Cet emprisonnement ne peut excéder cinq ans. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Cet amendement vise à prévoir une peine uniforme de cinq ans au plus, en matière de délit comme en matière de crime, en cas d'inobservation du suivi socio-judiciaire, et ce alors que le projet de loi n'inflige qu'une peine de deux ans maximum en cas de délit.
Je rappelle - il faut en effet avoir ce point présent à l'esprit pour comprendre les explications qui seront données dans la suite du débat - que, si ce projet de loi est adopté par le Parlement, le tribunal ou la cour qui prononcera une peine assumera en fait une triple responsabilité.
Premièrement, il lui reviendra d'infliger une peine qui sera la punition correspondant à la faute pénale commise.
Deuxièmement, il lui faudra prononcer une durée du suivi socio-judiciaire.
Troisièmement, il lui appartiendra de déterminer une peine - virtuelle, en pointillé, en quelque sorte - qui sera ordonnée par le juge de l'application des peines si le délinquant venait à commettre une infraction au suivi socio-judiciaire, s'agissant des soins ou d'autres dispositions.
Dans l'hypothèse de délits très graves emportant des conséquences lourdes et susceptibles d'entraîner un suivi socio-judiciaire pouvant aller jusqu'à dix ans, une durée d'emprisonnement de deux ans a paru insuffisante à la commission, qui préférerait la porter à cinq ans.
Vous ne pouvez manquer de vous rappeler, mes chers collègues, que cette peine a un caractère virtuel puisque le juge de l'application des peines ne l'appliquera qu'en cas de nécessité. Il pourra en outre la moduler.
Vous verrez tout à l'heure que la commission a déposé un amendement visant à préciser que le juge pourra même prévoir une petite durée en espérant que le délinquant reviendra à une bonne application de son suivi socio-judiciaire. Si on ne lui infligeait qu'une peine d'emprisonnement de un ou deux ans sur les cinq ans, et qu'une rechute intervienne s'agissant du suivi socio-judiciaire, il pourrait se voir à nouveau condamner à une peine d'emprisonnement.
C'est de cette manière que le délinquant sera, pendant une durée importante, sous ce que j'ai dénommé, en commission, « l'ombrelle pénale » du suivi socio-judiciaire.
Nous avons craint que, dans ces affaires de délinquance sexuelle, les délinquants, qui sont souvent, hélas ! - nous le savons - particulièrement habiles, ne puissent délibérément, au début de leur peine, choisir d'accepter le suivi socio-judiciaire, puis commettre une infraction en se disant qu'ils seront libérés au bout des deux ans de peine d'emprisonnement.
Par conséquent, la commission a considéré plus prudent de porter de manière uniforme à cinq ans la durée maximale de la peine d'emprisonnement encourue en cas de non-respect du suivi socio-judiciaire.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je m'en remets à la sagesse de la Haute Assemblée, monsieur le président.
M. le président. Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 5, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article 131-36-1 du code pénal.

(Ce texte est adopté.)

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