M. le président. Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 135, M. Autain, Mme Dieulangard, M. Mazars et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, dans le premier alinéa du texte présenté par le paragraphe I de l'article 6 pour l'article L. 355-33 du code de la santé publique, de remplacer les mots : « une liste de spécialistes établie et mise à jour par arrêté du représentant de l'Etat dans le département, dans le territoire ou dans la collectivité, pris après avis du procureur de la République » par les mots : « une liste de psychiatres ou autres médecins ayant suivi une formation appropriée, réalisée en collaboration avec les associations de victimes d'agressions sexuelles reconnues d'utilité publique, établie par le procureur de la République ».
Par amendement n° 22, M. Jolibois, au nom de la commission des lois, propose, dans le premier alinéa du texte présenté par le paragraphe I de l'article 6 pour l'article L. 355-33 du code de la santé publique, de remplacer les mots : « une liste de spécialistes établie et mise à jour par arrêté du représentant de l'Etat dans le département, dans le territoire ou dans la collectivité, pris après avis du procureur de la République » par les mots : « une liste de médecins établie par le procureur de la République ».
Cet amendement est affecté d'un sous-amendement n° 67 rectifié, présenté par M. Bimbenet, au nom de la commission des afffaires sociales, et tendant, dans le dernier alinéa de l'amendement n° 22, à remplacer le mot : « médecins » par les mots : « psychiatres, ou de médecins ayant suivi une formation appropriée, ».
Enfin, par amendement n° 116 rectifié bis , M. Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, dans le premier alinéa du texte présenté par l'article 6 pour l'article L. 355-33 du code de la santé publique, de remplacer les mots : « liste de spécialistes établie et mise à jour par arrêté du représentant de l'Etat dans le département, dans le territoire ou dans la collectivité, pris après avis du procureur de la République » par les mots : « liste de spécialistes établie par le procureur de la République, ».
La parole est à M. Autain, pour défendre l'amendement n° 135.
M. François Autain. J'anticipe sans doute un peu la discussion en précisant que le sous-amendement n° 67 rectifié, présenté par M. Bimbenet, au nom de la commission des affaires sociales, prévoit que les médecins figurant sur la liste ont reçu une formation appropriée. Par notre amendement - et c'est ce qui fait son originalité - nous demandons que les associations reconnues d'utilité publique de victimes d'agressions sexuelles soient associées à la formation de ces médecins traitants, même si cette collaboration est marginale.
Madame le garde des sceaux, vous avez indiqué, hier, que la collaboration avec les représentants des associations de victimes avait été fructueuse lors de l'élaboration du projet de loi. Il serait dommage de se priver de leur concours. En effet, travaillant quotidiennement sur ce domaine très sensible des infractions sexuelles, elles ne pourraient, par leur réflexion et leur connaissance, qu'améliorer les programmes de formation dont bénéficient les médecins.
De plus, l'approche des violences sexuelles par ces associations étant, par nature, nécessairement différente de celle ces médecins, elles pourraient utilement compléter la formation de ces derniers.
Cet amendement n'est peut-être pas très orthodoxe sur un plan strictement juridique. Cependant, je souhaitais attirer l'attention du Gouvernement sur l'importance que les associations et moi-même attachons à la reconnaissance de leur expérience en ce domaine.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 22.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Cet amendement vise à confier au procureur de la République le soin de dresser la liste des médecins sur laquelle sera choisi le médecin coordonnateur.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis pour défendre le sous-amendement n° 67 rectifié.
M. Jacques Bimbenet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Ce sous-amendement porte sur les qualifications qui seront demandées aux médecins coordonnateurs.
La commission des affaires sociales a estimé que la tâche de médecin coordonnateur serait relativement difficile. De nombreux délinquants sexuels ont une personnalité complexe et sont dotés d'une grande capacité de dissimulation.
Le médecin coordonnateur devra certainement, au début de la procédure, jouer un rôle de conseil auprès du médecin traitant qui l'épaulera en tant que de besoin. Il est donc indispensable qu'il connaisse bien ce type de condamné et sa pathologie.
Il est souhaitable que cette tâche soit acquittée par des psychiatres. Cela étant, le nombre de psychiatres en exercice paraît insuffisant au regard du nombre potentiel de délinquants sexuels à suivre. C'est pourquoi le sous-amendement n° 67 rectifié vise à prévoir la possible nomination de médecins ayant suivi une formation appropriée. Le contenu de cette formation devra être précisé dans le décret d'application prévu par le projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour défendre l'amendement n° 116 rectifié bis .
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Tout le monde est d'accord pour que la liste soit arrêtée par le procureur de la République. Tel est l'objectif principal de l'amendement n° 116 rectifié bis .
Il ne me paraît pas inutile de rappeler que, en matière de tutelle, le législateur a décidé en 1967 que l'altération des facultés mentales ou corporelles du malade devait être constatée par un médecin spécialiste choisi sur une liste par le procureur de la République.
Ensuite, voilà quelques années, il a été décidé - c'est l'article L. 348-1 du code de la santé publique - qu'il ne pouvait « être mis fin aux hospitalisations d'office intervenues en application de l'article L. 348 que sur les décisions conformes de deux psychiatres n'appartenant pas à l'établissement et choisis par le préfet sur une liste établie par le procureur de la République ».
D'ailleurs, il était tout à fait judicieux qu'un magistrat soit associé, par la constitution d'une liste des médecins, à la sortie de l'établissement où l'intéressé était hospitalisé d'office après avoir commis un crime ou un délit et avoir été reconnu irresponsable.
Dans la même optique, puisque le procureur de la République a l'habitude d'arrêter des listes de spécialistes pour les tutelles, pour la fin des hospitalisations d'office, il est tout à fait normal qu'il exerce ce même contrôle - il s'agit surtout de contrôler et de ne pas retenir n'importe quel médecin - pour arrêter la liste des médecins coordonnateurs.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 135 et 116 rectifié bis , ainsi que sur le sous-amendement n° 67 rectifié ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. La commission est défavorable à l'amendement n° 135. En effet, elle ne voit pas pourquoi des associations de victimes participeraient à la formation des médecins coordonnateurs. Cela ne ferait que compliquer la mise en oeuvre d'un nouveau dispositif, qui est déjà très lourd de conséquences.
La commission émet un avis favorable sur le sous-amendement n° 67 rectifié de mon excellent collègue rapporteur pour avis de la commmission des affaires sociales ; M. Bimbenet le savait d'ailleurs déjà, puisqu'il nous a fait l'honneur d'assister à la commission.
L'amendement n° 116 rectifié bis n'est pas en contradiction avec le sous-amendement n° 67 rectifié, et j'invite donc M. Dreyfus-Schmidt à se rallier à ce dernier. De la sorte, chacun aura apporté sa pierre à un texte qui, finalement, aura l'heur de plaire à tout le monde.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 135, 22 et 116 rectifié bis, ainsi que sur le sous-amendement n° 67 rectifié ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Sur le fond, je ne suis pas en désaccord avec l'amendement n° 135. En effet, je trouve important que, dans leur formation, les médecins coordonnateurs puissent avoir le contact avec les associations qui, elles, reçoivent en permanence des victimes. Je suis d'autant plus favorable sur le fond à cet amendement que j'ai moi-même travaillé, pour l'élaboration de ce projet de loi, avec les associations qui reçoivent des victimes.
En revanche, sur la forme, il m'est difficile, d'un point de vue juridique, d'accepter cet amendement, car l'introduction de telles précisions ne ressortit pas au domaine de la loi. Elle relève du décret, voire de la circulaire.
En tout cas, je puis vous assurer que cette question sera examinée avec attention. Je m'engage en effet à ce que mon collègue secrétaire d'Etat à la santé et moi-même tenions compte de votre préoccupation lors de l'élaboration des décrets et des circulaires d'application.
Par ailleurs, le Gouvernement est favorable au sous-amendement n° 67 rectifié.
Enfin, il s'en remet à la sagesse du Sénat sur les amendements n°s 22 et 116 rectifié bis.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 135.
M. François Autain. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Autain.
M. François Autain. Compte tenu des explications de Mme le garde des sceaux, je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 135 est retiré.
Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 67 rectifié.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est une question de détail, mais je n'avais pas compris ainsi les travaux de la commission ! Alors que le projet de loi fait référence à une liste de spécialistes, la commission des lois propose une liste de médecins et la commission des affaires sociales une liste de psychiatres, ou de médecins ayant suivi une formation appropriée.
Je suis d'accord sur le fond. Toutefois, les psychiatres sont également des médecins ! Je trouverais donc préférable que la rédaction suivante soit retenue : « médecins psychiatres ou ayant suivi une formation appropriée ».
M. Charles Jolibois, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Je confirme que le sous-amendement n° 67 rectifié, qui a été examiné par la commission, a donné satisfaction à cette dernière.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 67 rectifié, accepté par la commission et par le Gouvernement.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 22, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 116 rectifié bis n'a plus d'objet.
Par amendement n° 117, M. Autain, Mme Dieulangard, M. Mazars et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, après les mots : « un médecin coordonnateur », de rédiger comme suit la fin du premier alinéa du texte présenté par le paragraphe I de l'article 6 pour l'article L. 355-33 du code de la santé publique :
« Ces médecins reçoivent une formation réalisée en collaboration avec les associations de victimes d'agressions sexuelles reconnues d'utilité publique. Ils ont en charge : »
Cet amendement n'a plus d'objet.
Par amendement n° 23, M. Jolibois, au nom de la commission des lois, propose de rédiger comme suit la seconde phrase du deuxième alinéa (1°) du texte présenté par le I de l'article 6 pour l'article L. 355-33 du code de la santé publique :
« En cas de désaccord persistant sur le choix effectué, le médecin est désigné par le juge de l'application des peines ; ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. La commission propose de supprimer le droit de veto du médecin coordonnateur en matière de choix du médecin traitant. Le conseil national de l'ordre des médecins et les organisations représentant les psychiatres se sont d'ailleurs inquiétés de ce droit d'opposition, que la Chancellerie a justifié par la nécessité de s'opposer au choix éventuel, par le patient, d'un médecin traitant dont la spécialité serait sans rapport aucun avec les soins qu'il doit recevoir.
Il faut néanmoins que l'on puisse parvenir au même résultat sans pour autant conférer un droit de veto au médecin coordonnateur, qui l'exercerait d'ailleurs en totale liberté, sans aucun critère de référence.
En pratique, il suffirait au médecin coordonnateur, après avoir averti le condamné pour que celui-ci choisisse, le cas échéant, un autre thérapeute, de faire part de ses réserves au juge de l'application des peines qui, s'il était convaincu, pourrait, après un débat contradictoire, et sous le contrôle de la cour d'appel, sanctionner le condamné pour la non-exécution du suivi socio-judiciaire.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Je comprends quel est l'objectif visé, mais il ne me paraît pas possible de prévoir que le juge de l'application des peines puisse désigner un médecin. J'estime que le principe de la liberté de choix de son médecin doit être respecté, et je ne crois pas qu'un juge puisse prendre ce genre de responsabilité.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 23.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Si l'ordre des médecins et la commission des affaires sociales n'y voient pas d'inconvénient, je veux bien ne pas être plus royaliste que le roi ! Mais il me paraît quand même assez extraordinaire qu'un médecin puisse imposer un médecin traitant ou mettre son veto au choix du patient. L'amendement n° 23 me paraissait donc tourner un peu cette difficulté. C'est pourquoi, en commission, nous l'avions voté. Nous continuerons dans cette voie.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 23, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article L. 355-33 du code de la santé publique.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE L. 355-34 DU CODE DE LA SANTÉ PUBLIQUE