M. le président. « Art. 31 quater . - Il est inséré, après le sixième alinéa c de l'article 35 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, un alinéa ainsi rédigé :
« Les trois derniers alinéas a, b et c qui précèdent ne s'appliquent pas lorsque les faits sont prévus et réprimés par les articles 222-23 à 222-32 et 227-22 à 227-27 du code pénal et ont été commis contre un mineur. »
Par amendement n° 133, M. Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de rédiger comme suit le début du texte présenté par cet article pour compléter l'article 35 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse :
« Les deux alinéas a et b qui précèdent... »
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cet article 31 quater, dont j'ai déjà parlé lors de la discussion générale, m'a fait frémir !
Tout le monde le sait, dans la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, il est prévu que, dans tous les cas, la vérité des faits diffamatoires est réservée à celui dont on prétend qu'il a diffamé, sauf dans trois cas :
« a) Lorsque l'imputation concerne la vie privée de la personne ;
« b) Lorsque l'imputation se réfère à des faits qui remontent à plus de dix années ;
« c) Lorsque l'imputation se réfère à un fait constituant une infraction amnistiée ou prescrite, ou qui a donné lieu à une condamnation effacée par la réhabilitation ou la révision. »
Or, l'Assemblée nationale a inséré le texte suivant :
« Les trois derniers alinéas a, b et c qui précèdent ne s'appliquent pas lorsque les faits sont prévus et réprimés par les articles 222-23 à 222-32 et 227-22 à 227-27 du code pénal » - c'est-à-dire lorsqu'il s'agit d'une infraction sexuelle - « et ont été commis contre un mineur. »
Cela signifie, par exemple, que si quelqu'un prétend avoir été violé par M. Untel et que ce dernier attaque en diffamation, la victime pourrait prouver la vérité des faits même si l'infraction est amnistiée - ce qui serait d'ailleurs étonnant, ou alors l'amnistie est intervenue vraiment très longtemps après les faits - même si l'infraction est prescrite - donc n'existe plus, et l'on sait que les délais de prescription ont été très largement étendus précédemment et le sont encore par ce projet de loi - même si la condamnation est effacée par la réhabilitation et même s'il y a eu - tenez-vous bien ! - révision, donc lorsqu'il a été reconnu que M. Untel n'était pas l'auteur de l'infraction !
Le moins que l'on puisse dire, c'est que dans les quatre hypothèses de l'alinéa c - amnistie, prescription, réhabilitation ou plus encore révision - le diffamé a tout de même le droit de demander à ne pas l'être !
C'est pourquoi nous demandons au Sénat d'accepter l'alinéa a : on doit pouvoir faire la preuve de l'imputation, car cela dépasse le strict cadre de la vie privée.
Nous demandons également au Sénat d'accepter l'alinéa b, car le fait que l'imputation se réfère à des faits remontant à plus de dix ans n'est pas non plus une raison suffisante pour empêcher d'en rapporter la preuve.
En revanche, l'alinéa c doit être supprimé, et c'est ce que nous demandons au Sénat de faire par cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. La commission est favorable à cet amendement dans la mesure où les alinéas a et b sont conservés.
En outre, il est vrai que l'alinéa c mérite de disparaître.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je n'ai pas le même avis que vous.
Il ne faut pas confondre prescription pénale et prescription civile.
La prescription civile intervient vingt ans après les faits. La victime peut donc intenter un procès civil, et il ne faut pas qu'elle soit alors condamnée pour diffamation. C'est la raison pour laquelle il convient de bien viser l'alinéa c de l'article 35 de la loi du 29 juillet 1881.
Par conséquent, je suis défavorable à la suppression de l'alinéa c, et donc à l'amendement n° 133.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 133.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Excusez-moi, madame le garde des sceaux, mais j'ai l'impression qu'il y a une erreur quelque part !
Lorsqu'on parle d'une infraction amnistiée, il s'agit bien évidemment d'amnistie pénale. Il n'est donc pas question ici de prescription civile !
Vous ne m'avez répondu ni sur l'amnistie ni sur la réhabilitation ou la révision.
M. le président. Personne ne demande plus parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 133, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 31 quater, ainsi modifié.

(L'article 31 quater est adopté.)

Articles 31 quinquies , 31 sexies et 32